Balalaïka a écrit : ↑lun. 10 août 2020 19:26
Avez-vous déjà eu le sentiment d'avoir lu un livre dans une autre langue que celle dans laquelle il a été écrit ? Je viens de finir "Âme brisée" de Akira Mizubayashi. J'ai particulièrement aimé ce livre qui m'a profondément touchée...L'histoire est dramatiquement simple. Le style et le rythme m'ont ramenée vers le monde du cinéaste Ozu...Quand j'ai refermé le livre, je me suis dit très clairement: "C'est bizarre, c'était en français, et pourtant, j'ai eu l'impression que c'était en japonais..."Sincèrement, ce genre de choses ne m'était jamais arrivée...Les mots sont en français, mais la façon d'être et de s'exprimer des personnages sont d'ailleurs...je m'y attarde car c'est important. J'ai été emportée par quelquechose qui allait au delà des mots...J'y ai découvert qu'un violon avait une âme...qu'il pouvait être terriblement blessé, souffrir...et être réparé. Autour de cet instrument doté d'une âme, au propre (je l'ai appris récemment) comme au figuré, quelquechose se tisse entre des êtres, la musique, un enfant, un chien...J'ai également découvert le quatuor à cordes en la mineur op.29 "Rosamunde "de Shubert que j'ai écouté après la lecture. C'est le morceau sur lequel un groupe de musiciens s'exerce avant le drame...Je m'arrête ici. Je pars un peu dans tous les sens. J'ai du mal à parler de mes lectures...J'avais envie d'essayer et de partager ma petite découverte.
Je viens de finir « Un amour de mille-ans » du même auteur, et c’est une lecture qui m’a également séduite.
Dans « Un amour de mille-ans », je n’ai pas palpé cette impression comme tu as pu l’écrire, suite à la lecture d’ "Âme brisée" :
"C'est bizarre, c'était en français, et pourtant, j'ai eu l'impression que c'était en japonais..." Mais j’y ai goûté une empreinte japonaise et j’y ai entendu la relation complexe que l’auteur entretient avec sa langue maternelle et ce qui a pu le pousser à « épouser » la langue française.
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Je rajoute un extrait : "Le français était pour lui la langue de l’amitié et de l’épanchement alors que la langue qui se parlait en lui était la langue de la retenue, de la soumission, du respect imposé. L’effort d’appropriation du français était donc un affranchissement, une expérience de la liberté qui lui permettait de vivre autrement son rapport à l’autre, au monde, de s’arracher au moule de sa langue et des codes culturels qu’elle véhiculait. Le français, concluait-il, était un instrument de musique qu’il voulait faire chanter".
Dans "Âme brisée", tu as découvert le quatuor à cordes en la mineur op.29 "Rosamunde "de Shubert. Dans "Un amour de mille ans", j’ai appris à "découvrir" sous la plume de l’auteur l’opéra "Les noces de Figaro". A certains moments, j’étais même frustrée de lire en silence : j’aurais bien lu certains paragraphes tout en écoutant les passages qu’il décrivait. La sensibilité, les mots avec lesquels l’auteur parle de chaque acte m’a donné envie d’écouter cet opéra, art qui ne m’a pourtant absolument pas appelé jusqu’à maintenant.
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Là aussi je rajoute un extrait : "L’amour, donc. Mais pas l’amour-passion qui s’use et qui ne se conserve que dans la mort (nous sommes loin de Tristant et Isolde !), mais l’amour-compassion qui vous fait vivre dans l’autre, qui vous fait éprouver les joies de l’autre, qui vous fait subir les peines d’autrui, cet amour calme en-deçà et au-delà des tourments connus des amants modernes, cet amour qui ignore l’attrait et la violence, du nouveau et qui se renouvelle, se ressource dans la répétition, se réjouit purement et simplement de la présence de l’autre, me semble avoir trouvé sa place ici dans ce moment privilégié des Noces réservé à Suzanne."
Le personnage évoque plusieurs versions…alors maintenant laquelle choisir pour commencer (et puis ont-elles toutes réellement existé ?) Bon pas certaine quand même que je ne vive l’expérience avec autant d’intensité que l’auteur, mais bien envie d’essayer.
Et découvrir ce personnage, capable d’aller onze fois assister à la même représentation. Et tout au long de sa vie, prendre à chaque fois le même plaisir à écouter-réécouter des voix et morceaux pourtant maintes fois entendus. J’en suis encore émue. Et comme je comprends cette fascination pour certains morceaux/œuvres.
Enfin, j’ai lu que parmi les termes récurrents de ses romans, il y a la relation entre l’homme et le chien. Dans "Un amour de mille-ans", j’ai beaucoup aimé les passages où il peint le monde des chiens.
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Comme par exemple : "Je les vois vivre de toute leur âme le moment présent qui s’étend sur toute la durée de leur existence ; je les vois adhérer à leur temporalité répétitive et circulaire qui n’est pas la nôtre… "
Et donc, c’est certain je lirai "Âme brisée", très prochainement.
Je suis moi aussi dans une vague de lecture d’auteurs japonais. Juste avant j’avais lu "Les années douces" d’Hiromi Kawakami ; et j’ai enchainé sur les manga (2 tomes) du même nom, dont les dessins sont réalisés par Taniguchi (lectures très agréables aussi). C’est la première fois que je lis une même œuvre sous deux versions différentes (à la suite qui plus est). J’ai un peu appréhendé de m’ennuyer pour la seconde version, mais c’est plutôt le contraire qui s’est produit. Connaissant déjà l’histoire, je crois que j’ai été d’autant plus attentive au graphisme des manga, et j’ai trouvé l’expérience particulièrement plaisante.
Edit (je rajoute un petit résumé du livre) :
Les années douces, c’est une succession de rencontres entre Tsukiko, une jeune trentenaire célibataire et Matsumuto Harutsuna, un vieil homme qui a été son professeur de japonais au lycée. Je ne suis pas rentrée dans le livre tout de suite. Il m’a fallu quelques chapitres (et quelques jours) pour gagner l’envie de le poursuivre. Je n’ai pas été complètement bercée par le rythme des premières balades et rencontres gustatives (qui participent cependant à composer l’atmosphère du roman). Et puis je suis arrivée au chapitre "Renaissances" et j’ai été happée par les pages qui ont suivi. Lentement, tout en discrétion et délicatesse, les personnages se dévoilent.