TourneLune a écrit : ↑jeu. 14 févr. 2019 21:22
Sinon, juste comme ça, c'est quoi pour toi l'absence d'adaptation?
Non parce qu'une plante va être différente selon la terre dans laquelle elle pousse, quand bien même elle lui convient, etc etc.... (je peux faire plein d'exemples mais il me semble qu'un seul suffit. )
Pour moi le vivant EST adaptation, du coup, je ne comprends pas bien ce que représente pour toi l'absence d'adaptation.
Oui. Je ne crois pas avoir évoqué l'absence d'adaptation, mais je pense qu'un bon exemple serait le caillou.
Les cailloux refusent obstinément de s'adapter, et sont du coup réduits en gravier, puis en sable, puis en poussières. Parfois en pierres de taille, aussi, mais de plus en plus rarement. Ici, on vit au milieu des cailloux, donc on les connait, les bougres. Ils se reproduisent dès qu'on a le dos tourné. Tu avais cru en voir quatre, ils sont quatre-mille, et ils sont bien capables de t'attaquer si tu les abordes du mauvais côté.
Sinon, ta question rappelle en moi un souvenir qui remonte maintenant assez loin. J'étais luthier, j'avais une cliente, Catherine, qui avait une fille autiste et qui s'occupait d'enfants autistes. Elle leur apprenait à jouer de la harpe. Pas du
pipeau, pas de la
harpe celtique, de la vraie
harpe de concert, avec les 7 pédales et tout. Et comme c'était trop facile, elle les faisait jouer en duos ou en ensembles.
La première fois que j’étais venu pour faire les réglages des instruments, ils étaient très méfiants, nerveux. Et très curieux en même temps. J'étais le "docteur de la harpe". Mais se rendaient-ils compte que leur instrument était malade ? Je l'ignore. Ce que j'ai pu constater par la suite, au fil de quelques années, c'est qu'ils étaient très heureux de ma venue, très patients (ou parfois un peu excités), et même très attentifs. Je me dis qu'ils avaient certainement ressenti la différence entre avant et après, et qu'ils l’appréciaient. (bien sûr, en tant que luthier, je fais partie de l'exercice)
Effectivement, l'adaptation est aussi une question de communication. Les autistes communiquent-ils ? Un peu, moyennement ? Je ne sais pas. Mais il y a des choses qu'ils saisissent au 1/4 de tour, et ils s'adaptent à celles-là sans problème particulier (pour ce que j'ai pu voir). J'ai pensé qu'il y avait probablement des domaines aisés pour eux, et d'autres inaccessibles. Et je me suis alors dit que cela pouvait peut-être en dire long sur les domaines en question. Est-ce qu'il y a eu des études là-dessus, ce n'est pas ici la place de cette interrogation.
Bien plus tard dans ma vie, une autre Catherine, ma compagne, s'est occupée d'autiste Asperger en primaire. Elle lui a donné les bases de la bureautique, comment organiser sa machine pour en conserver le contrôle, et aussi les moyens de comprendre comment progresser dans ce domaine. Son portable est devenu pour lui un outil indispensable, une sorte de médium vers le monde extérieur, un réceptacle pour ses blagues, sa documentation, ses devoirs, ses "travaux" d'imagination (histoires de pirates et autres), etc. Et le seul moyen à sa disposition pour pouvoir écrire facilement et de manière très lisible. Une extension de lui-même, mais peut-être un filtre aussi, un moyen de préserver la distance, très important, la distance, non ? Il est aujourd’hui en première.
Quant à l'ermite, s'il refuse de s'adapter aux choses de la société des humains dont il fait normalement partie, il est tout de même bien obligé de s'adapter à la vie bien plus difficile de l'être isolé, coupé de tout, pour qui toute ressource vient de lui-même ou ne vient pas (
Dieu y pourvoira, ça ne marche que très, très modérément pour les patates et les haricots ; il faut quand même y mettre beaucoup du sien). Produire soi-même sa subsistance est très ardu. Si l'animal trouve de quoi manger quasiment par terre partout où il marche, il n'en va pas du tout de même avec l'humain. Il devra aussi résister aux attaques de toutes sortes, les pires étant les plus minuscules, et c'est aussi très ardu et ça réclame une forte capacité d'adaptation, y compris au niveau des défenses immunitaires.
Tout cela ajoute donc de l'eau au moulin de TourneLune : c'est inhérent au vivant. Rien à dire.
Et, plus inadapté que le caillou, il y a le mort (un caillou, c'est quasiment immortel, s'il est assez malin pour se caler au bon endroit et se faire oublier - ce qui n'est pas très difficile : qui se souvient d'un caillou ?).
Voilà. Donc, dire que s'adapter c'est commencer à crever, bin non, pas de manière aussi catégorique. Loin de là.
N'empêche que ça peut se discuter…