J'ai assisté il y a 2 jours à un cycle de conférences sur l'archéologie au laboratoire dont plusieurs interventions en paléogénétique, portant notamment sur les relations entre Néandertaliens / Homo Sapiens / Denisoviens et remettant en cause la définition claire de l'espèce. Il reste encore beaucoup à tirer des recherches en cours mais je vais vous en faire un bref résumé.
Définition:
Localisation géographique des "espèces":
Datation et apparition des caractères morphologiques distincts:
(Les distinctions morphologiques entre les hominidés sont beaucoup plus marquées que chez les différents primates.)
Analyses ADN:
L'état de conservation des ossements archéologiques implique de faire appel à 2 techniques d'analyses ADN.
L'ADN mitochondrial est le plus fréquemment utilisé car il se conserve mieux que l'ADN nucléaire. L'ADN mitochondrial a une structure plus "simple" et ne se reséquence pas. Il se transmet inchangé en lignée matriarcale: les enfants d'une même femme auront tous le même ADN mitochrondrial, mais seules les femelles pourront le transmettre à leurs enfants.
L'ADN nucléaire est beaucoup plus complexe et se reséquence à chaque génération: 50% père, 50% mère. Il a une durée de vie très limitée et nécessite un état de conservation très stable des ossements, d'où de nombreux projets de recherches archéologiques en Sibérie et zones de haute montagne (le froid étant un très bon conservateur).
Au niveau des lignées, l'ADN nucléaire permet de suivre les branches mâles: le chromosome Y se transmettant inchangé de père en fils.
Les résultats des analyses ADN:
Outre la géolocalisation des différentes branches d'hominidés, les études ont permis de mettre en évidence l'arrivée de l'Homo Sapiens en Europe puis Asie (-50 000 BP) et surtout le fait que les Néandertaliens et les Denisoviens se sont reproduits avec des Homo Sapiens.
Les gènes de Néandertaliens sont encore présents pour environ 2.5% dans les populations eurasiennes (par contre absents des populations africaines et amérindiennes).
10% du matériel génétique des Mélanésiens est encore attribuable aux Dénisoviens.
Néandertaliens et Homo Sapiens se distinguent pas quelques gènes marqueurs différents: ainsi les gènes NRG3 et CADPS2 AUTS2 (incriminés dans la probabilité de déclenchement de la schizophrénie et de l'autisme), sont absents chez le Néandertalien et le Denisovien.
Hybridation?
Afin d'essayer de déterminer le processus de reproduction entre les espèces, que l'on croyait encore sous peu impossible, les paléogénéticiens se sont intéressés aux hybridations de certains mammifères qui ont divergé génétiquement et qui de fait ne devraient pas pouvoir se reproduire entre eux.
C'est le cas notamment de l'ours polaire et de l'ours brun. Les recherches ont montré que dans des situations extrêmes mettant en jeu la survie de l'espèce, ou d'une groupe isolé, les hybridations deviennent possibles. Ces cas extrêmes peuvent concerner aussi bien une reproduction "simple" (absence totale de mâle ou de femelle de la bonne espèce), qu'une correction génétique. Ainsi une espèce qui se serait débarrassée d'un gène inutile mais qui redevient nécessaire à la survie peut aller s'hybrider avec une espèce-soeur l'ayant conservé dans son patrimoine génétique.
L'hybridation semble possible pour toutes les espèces qui se sont séparées depuis moins de 2 millions d'années. Ensuite la séparation génétique devient trop marquée pour que les espèces puissent s'hybrider.
Conclusions:
La paléogénétique est une science très récente mais dont les résultats bouleversent déjà la conception que nous avions des espèces, démontrant que la distinction entre ces dernières n'est pas aussi nette et simple que nous le pensions auparavant.
Les programmes de recherches archéologiques, du fait des dernières découvertes, s'intensifient afin de trouver du matériel génétique bien conservé. Les prix des analyses ADN baissent très rapidement, ce qui permet de multiplier les prélèvements et donc les données qui en découlent.
En ce qui concerne Néandertalien, certaines études récentes laissent à penser que leur extinction pourrait être due à une société organisée en petites communautés patrilocales (faible diversité génétique des groupes).
L'hybridation entre les différents hominidés est la théorie actuelle pour expliquer la reproduction entre les différentes "espèces" et la présence de matériel génétique néandertalien et dénisovien chez l'homme moderne.
Je m'arrête ici pour le compte-rendu. Si vous avez besoin d'informations complémentaires ou de bibliographie, n'hésitez pas à me le demander.