Je suis assez d'accord avec Madeleine : la bienveillance (tel qu'on la définit aujourd'hui) s'apprend, je pense. En tout cas, pour moi, c'est un apprentissage perpétuel, plus ou moins conscient selon les périodes de ma vie. S'il existe des gens qui sont naturellement toujours bienveillants, tant mieux pour eux, mais il est fort probable que ce soit un mythe, et pas très constructif.
Tout d'abord - et je crois que globalement on était déjà d'accord là-dessus - on ne peut pas dire que la bienveillance soit uniquement le fait de vouloir le bien d'autrui, ou bien alors, je rencontre régulièrement des personnes qui frappent leurs enfants à coups de ceinture avec la plus grande bienveillance.
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Ce à quoi je suis plus ou moins obligée de répondre avec un minimum de bienveillance, ce qui est difficile, mais qui se travaille - non en se faisant violence à soi-même, en essayant de se fabriquer à partir de rien des trésors d'indulgence que l'on a pas, mais en se montrant curieux, en se questionnant, en discutant, en lisant, bref en cherchant à comprendre.
Cela me semble quelque chose de très complexe (et également un concept assez flou dans le langage courant, un peu comme l'intelligence d'ailleurs, donc prudence), construit à partir de divers sentiments ET comportements. Un mélange de décisions conscientes, volontaires, qui peuvent être de réelles actions ou des "mouvements de pensée" choisis car pas automatiques ; et de réponses émotionnelles qui se construisent au fil du temps, parce qu'en faisant certains efforts de compréhension, d'indulgence, certaines réponses négatives "réflexes" et certains rejets s'estompent.
Mais effectivement, c'est bien plus qu'un simple ressenti : la bienveillance s'exprime en attitude et en actes.
Ce qui fait la différence pour moi avec la bienfaisance, ce n'est pas l'action, c'est :
1) la façon de considérer l'autre.
En lisant le titre, je me suis d'abord dit : bienveillant et intolérant, pourquoi pas.
Mais j'ai finalement du mal à concevoir comment la bienveillance pourrait se passer de tolérance.
Car pour être bienveillant, le premier pas est d'accepter l'autre, ses représentations et ses actions, dans leur différence parfois extrême avec les nôtres et nous-mêmes... ce qui me semble une assez bonne définition de la tolérance.
Ça demande donc, à un certain moment, de mettre ses affects et ses jugements de côté, d'essayer de comprendre, en cela il y a donc bien une démarche de l'esprit. Je dirais que c'est une forme de recherche active du bien qu'on peut trouver en l'autre - avec le postulat de départ qu'il y en a (mais est-on toujours prêt à accepter ce postulat ?).
Bien sûr, on peut être spontanément bienveillant, mais pas en toutes circonstances : on a tous nos domaines d'intolérance.
On peut être bienveillant
et intolérant, mais les deux au même moment... ça me semble difficile !
Par contre, peut-être que la bienveillance permet une certaine intransigeance ? Sur certains points ?
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Et, à la rigueur, on pourrait se demander : est-ce bien raisonnable d'être toujours bienveillant ? N'y a-t-il pas des situations où la bienveillance n'est pas forcément une réponse adéquate ?
2) le désintéressement.
Bien entendu, on n'est jamais vraiment désintéressé, mais en étant bienveillant, on ne recherche normalement pas de retombées positives pour soi (matérielles ou immatérielle), et surtout pas un ascendant ou une position de "sachant". Je pense qu'on peut être bienveillant sans pour autant chercher à aider ; simplement en recevant l'autre. Vouloir le bien d'autrui, ce n'est pas forcément chercher à agir pour lui ou à l'aider à agir : après tout, ce n'est pas forcément ce qu'il veut, lui ; ce n'est pas forcément "son bien".
On visera tout au plus une forme de bien-être commun et de confiance mutuelle : tu te sens bien avec moi, donc je me sens bien avec toi. En se montrant bienveillant envers une personne, on peut normalement établir une relation plus sereine, plus agréable, plus confiante, plus fructueuse, autant pour nous que pour l'autre, ce qui est quand même fort agréable. A mon avis c'est ce résultat qui peut nous procurer du bonheur/de la joie dans le fait de se montrer bienveillant, et pas le sentiment (l'impression) de l'être.
(... Oui, ben c'est très beau tout ça, mais ça ne va pas être possible tout le temps, hein, en tout cas pas tout de suite. On y travaille.)
Après on a ici des pistes très intéressantes :
Kliban a écrit : être intolérant aux idées transphobes et bienveillant envers les personnes les émettant est pour moi, par exemple, une chose difficile à faire - mais pas impossible, parce que des idées et des personnes, cela reste deux choses différentes et qu'il est possible du coup de dissocier l'objet de l'intolérance de celui de la bienveillance (travail de dissociation très intéressant à faire, parce qu'il finit par étendre les espaces de confort, mais c'est une autre histoire).
PointBlanc a écrit :Reste la possibilité, comme le dit Kliban, de travailler à étendre le champ de ce que l'on tolère, voire de ce qu'on accepte, qu'on comprend. Mais je ne crois pas possible de l'étendre indéfiniment. Ce sera toujours un gain précieux, quand bien même relatif. Mais où, et en vertu de quoi, atteindra-t-il sa limite ?
Je ne sais pas s'il y a une limite
Mais ça me semble intéressant de la rechercher, ou de la repousser.
Ce qui est sûr, c'est qu'en faisant cet effort volontaire de compréhension, de mise à la place de l'autre et de recherche de ce qu'il peut nous apporter, de recul et de dissociation, on devient plus tolérant, on s'agace moins (on se fait donc moins de mal), et on peut finalement être bienveillant de manière plus spontanée. A croire que c'est finalement un état confortable, qui gagne à être recherché.