pairlapinpin a écrit :samjna a écrit :Mais pour moi, l'incompréhension, c'est surtout les cas c) et d) qui peuvent engendrer de vrais beaux malentendus où à la limite il n'y personne pour dire et personne pour écouter. Et pourtant, ça parle et surtout ça dure.
c) et d) seraient pour toi des conditions nécessaires qui interdiraient que les autres cas dont a) et b) produisent des malentendus ?
Je reprends et je contextualise:
a) et b) sont des incompréhensions "simples", comme quand - pour prendre un exemple simple -, A dit quelque chose à B que B ne comprend pas parce que B ignore quelque chose auquel A se réfère implicitement en croyant que B est au courant. Mettons une scène d'un film.
- Le cas a) peut se résoudre "facilement": B est simplement ignorant. assez vite il se rend compte que quelque chose lui échappe ( ou bien A s'en rend compte et détaille plus son explication ). Et puis A et B finissent par trouver la cause de l'incompréhension, B va au cinéma et tout rentre dans l'ordre.
( la recherche peut quand même être fort longue, quand par exemple un prof se rend compte qu'un élève ne comprend pas quelque chose, mais ne sait pas les lacunes en cause )
- Le cas b), c''est par exemple quand y a un blocage idéologique. B ne veut pas comprendre car ce qu'il ignore, il veut aussi l'ignorer ( c'est l'ignorance crasse ) pour garder ses illusions, éviter les doutes, etc.
Il faudra peut-être le trainer au cinéma, mais ça va encore. S'il ne veut vraiment pas aller au cinéma, le malentendu s'est transformé en désaccord. B veut ne pas entendre ce que A veut lui lui expliquer.
( l'exemple type en politique, ce sont les refus de s'informer sur les crimes commis par son propre camp: ça commence en incompréhension "honnête" et ça se continue en mauvaise volonté, il ne s'agit plus alors d'un malentendu ni d'une incompréhension de base )
- c) est plus délicat... car si B - ce qui n'est pas gagné - se retrouve au cinéma, il a de plus un handicap qui l'empêche de voir, ou d'entendre en tout ou en partie. C'est pas seulement quelque chose qu'il ne sait pas ou ne veut pas savoir, mais quelque chose qu'il ne peut pas savoir pour le moment au moins. Il a un angle aveugle d'origine a priori inconnue.
( et ça peut être fort long d'arranger ça quand c'est possible, même si A et B savent que B ne comprend pas quelque chose. C'est comme quand faut attendre qu'un enfant grandisse... Et j'ai parfois mis des années à grandir et parfois(?) j'attends encore )
- Le cas d) c'est quand B ne se rend pas compte qu'il ne comprend pas, ou/et que A ne se rend pas compte que B ne comprend pas ou/et que A et B ne peuvent envisager ce genre d'incompréhension et le malentendu qui peut s'ensuivre ( c'est pour ça que j'avais dit qu'il faudrait faire des sous-cas mais ça peut être très long et très technique ).
( Du coup, ils ne peuvent pas avoir l'idée qu'il y a un ou des malentendus à l'origine des désaccords qui vont bien finir par surgir. Là, il faudra éventuellement un observateur extérieur pour dire le malentendu et se ramener au cas c) avec A, B ou A et B pour tenter de leur faire voir ce qu'est l'incompréhension, le malentendu et comment l'un peut découler de l'autre.
Dit autrement, il va falloir au moins qu'il évoluent au sens d'un auteur comme Dabrowski. C'est mal barré)
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Selon moi, le malentendu n'est pas l'incompréhension.
L'incompréhension est basiquement un phénomène individuel même quand elle a des "causes" extérieures comme une éducation, une idéologie, un mensonge, une mauvaise communication, qu'elle est "répandue", etc et bien que parfois, je ne puisse l'envisager que par rapport à quelqu'un qui aurait lui compris, et sans lequel je ne la saurais pas. ( faudrait quand même un smiley grosse difficulté ici )
Tandis que
le malentendu est un phénomène qui se produit entre plusieurs personnes, bien que là aussi, on puisse poser qu'il puisse n'exister que si quelqu'un le désigne.
Je vais continuer avec le réalisme pour dire qu'il existe, même en dehors des remarques de PointBlanc sur l'emploi diplomatique du mot - auxquelles je souscris.
De mon coté, je proposais le maintien diplomatique du malentendu pour éviter l'affrontement du désaccord exposé. On pourrait peut-être même parfois parler dans ce cas d'un "désaccord froid". L'"entente" consistant à ne pas explorer là où il pourrait y avoir quelque chose qui fâche, de telle sorte que plus rien ne soit possible, voire que rien n'ait jamais été (été).
Et dans ce cas, ça suppose que les parties soient au courant que l'incompréhension existe mais que délibérément, tacitement, ils préfèrent ne pas risquer d'aller voir et risquer qu'il puisse rester un malentendu dont ils ignorent l'origine exacte et l'ampleur qu'il prend.
Pour la volonté, c'est compliqué parce que le malentendu "originaire" n'est pas volontaire, mais le fait de le laisser se développer peut l'être.
( Un peu comme ces règlements de conflits qui n'abordent pas les causes du dernier conflit pour ne pas remettre en cause la possibilité des négociations et recommencer immédiatement la guerre qui recommencera plus tard)
C'est amusant que PointBlanc propose un usage incorrect du mot, un faux "malentendu" pour régler diplomatiquement un vrai désaccord avec un ou des coupables, et que j'envisage de préférer diplomatiquement des désaccords secondaires pour éviter de se confronter au vrai malentendu - sans coupable - qui les provoque.
Pour moi, le problème vient que dans les cas c) et d), les parties peuvent ne pas savoir qu'il sont dans un malentendu mais un observateur extérieur plus ou moins omniscient le verra fort bien comme le remarquait Euthyphron.
La difficulté pour A et B, c'est de se rendre compte de l'incompréhension et d'un malentendu possible et pour ça, ils ont besoin d'accepter que ça puisse leur arriver et de l'envisager en situation. Ce n'est pas gagné, même s'il en sont capables, parce qu'on n'y pense pas toujours surtout si les gens commencent à être fâchés pour une raison secondaire et que l'envie de communiquer se dégrade à mesure.
Les cas a) et b) sont déjà très bien, mais les cas c) et d) peuvent empêcher même que les mots incompréhension ou malentendu puissent être prononcés ou même envisagés si les concepts manquent. Et quand ils peuvent l'être comme dans le cas c), la recherche pour seulement cerner l'incompréhension peut être très difficile sans même parler de la lever. Ca serait un autre sujet.
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Si je dois esquisser une définition pour le malentendu, je pense qu'il faut faire au minimum un tour de piste:
A attend quelque chose de B. B ne comprend pas et A ne se rend pas compte que B n'a pas compris
Il se peut que B ne comprenne pas qu'il n'a pas compris parce qu'il a compris de travers autre chose.
Il se peut aussi qu'il le sente mais qu'il ne puisse l'exprimer de façon que A comprenne que B ne comprend pas. Il se peut aussi que B veuille dissimuler qu'il n'a pas compris, ou bien qu'il ne le dise pas en espérant comprendre plus tard, etc etc.
B peut aussi se mettre à attendre de son coté des choses de A... en fonction de ce qu'il a compris de travers et qu'on ne sache plus qui à commencé à attendre à partir de quelles promesses. Etc...
Parfois avec le mot quiproquo, y a le mot imbroglio.
pairlapinpin a écrit :Le malentendu il vient d'où exactement ?
A ce stade, je n'ai pas de réponse et je doute que le malentendu soit un bloc unique avec une cause unique. En fait, le vocabulaire ne semble pas très riche ni très nuancé et les définitions se recouvrent au petit bonheur la chance. A moins de prendre des mots existants et de leur donner une définition particulière pour cet usage et poser des nuances avec...
Mais je pense depuis le début à regarder les structures possibles du "nous" dans le malentendu, ou tout au moins dans des situations qui me semblent relever de ce mot. Divers points peuvent se combiner ou se renforcer et pour prendre un exemple à peine farfelu:
B a un point aveugle et il ne peut comprendre que p existe. Or A lui parle de p. B ne comprends pas et en plus il croit dur comme fer à une idéologie I dans laquelle p n'existe pas. Du coup il ne veut pas même pas aller au cinéma que lui propose A.
B croit qu'il comprend tout - sinon il n'est plus qu'une merde plongé dans l'angoisse ( en particulier sous le regard de A qui l'anéantit ). C'est peut-être pour ça qu'il est devenu adepte de l'idéologie I qui lui évite de se confronter à l'existence de p.
Par bonheur durable, A est amoureux de B et ne peut admettre que son chéri soit aussi idiot. Pour lui si B ne comprend pas p, c'est qu'il ne veut pas le comprendre et donc que le chéri a de la mauvaise volonté ( ce qui est plus acceptable pour lui ) et beaucoup de caractère ( ce qu'il admire ).
Et bien sûr, aucun des deux n'a le mot "incompréhension" pour p, car ils s'aiment et quand on s'aime, on se comprend ou alors c'est qu'on ne s'aime pas. D'ailleurs A s'exprime parfaitement et B comprend tout. B est fier de ses qualités d'écoute et A l'admire pour cela puisqu'il a (enfin) trouvé quelqu'un capable d'apprécier la clarté de son discours que B admire également. Mais A ne lui parlera plus de l'idéologie I', qui tient une grande place dans sa vie, vu que p est central dedans...
Alors, on ne parle plus de p pour ne pas créer un désaccord. Et il faut espérer que le point aveugle de B ne touche pas trop de domaines et qu'il a par ailleurs suffisamment compris de choses pour ne pas être confronté à d'autres incompréhensions. Ce que A évitera de provoquer.
Probablement qu'on parlera de moins en moins de choses au fur et à mesure que tout pourra devenir désaccord ou que tout l'aura été. Ce qui pourra apparaitre à un observateur au bout d'un gosse ou deux, c'est une panne de la communication. Et ce ne sera pas faux non plus...
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Un autre cas assez simple où je ne sais pas quel mot appliquer mais "malentendu" me semble convenir:
A travaille pour B et estime qu'il travaille très bien et qu'il mérite des compliments de B. B ne lui fait pas de compliment un peu parce qu'il estime que ça serait comme caresser un chien et ce n'est pas son genre et qu'il estime que le travail bien fait suffit à rendre heureux.
A ne peut pas demander à B de lui faire des compliments parce que ceux-ci ne viendraient plus du coeur et de la liberté de B. Tout ce qu'il peut faire, c'est de travailler plus fort en présence de B en se mettant à faire la gueule. B augmente A qui démissionne 3 mois plus tard au grand soulagement de B qui commençait à en avoir marre de voir son employé lui faire la gueule.
Je trouve ce genre de cas intéressant parce que ce n'est pas directement un problème de communication. Il y a aussi des implicites différents. A ne veut pas demander explicitement des compliments qu'il ne ressentirait alors pas comme sincères. B ne fait pas de compliment pour ne pas manipuler A.
Une solution peut pourtant venir de l'extérieur si quelqu'un vient expliquer à B ce qui se passe et à quel point c'est important pour A.
Je ne sais pas s'il faut parler de malentendu puisque rien n'a été dit... Peut-être juste de malattendu.
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C'est pour ça que je me suis demandé s'il n'y avait pas certains "nous" du malentendu qui le favorisent. Il y a en permanence des incompréhensions et si on les considérait comme des malentendus, on n'aurait plus que ça. Souvent, les "points de réalité" partagés sont suffisant pour rectifier les défauts de la communication ( par exemple, si A dit " tu ramèneras une ihrezbv jhrfbajhref ...anger", B ramène bien de chez le boulanger la baguette habituelle que A attends ).
Par contre, si on sort de la routine, ou quand il s'agit de vision du monde avec des agencements plus complexes ou abstraits, ou simplement à partir d'implicites différents, là des incompréhensions négligeables en apparence peuvent provoquer des malentendus très difficile à voir et à régler. Le diable est caché dans les détails.
Je me dis qu'une bonne condition pour produire un malentendu, c'est d'oublier cette incompréhension universelle dont parlait Euthyphron. Parfois elle n'a jamais été sue, et parfois bien que sue, elle n'a pas été comprise.