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par Tamiri » mer. 20 déc. 2017 22:20
Attention, je commence par une formule pompeuse : tout au long de ma vie j'ai eu droit, sporadiquement, au "conseil" selon lequel je me faciliterais l'existence en revoyant mes objectifs à la baisse et, partiellement, en les ramenant "au niveau du commun des mortels" si d'aventure l'interlocuteur du moment jugeait les miens plus élevés que la moyenne. Comme, forcément, rien n'est jamais généralisable, voyons...
Déjà, le goût du défi et du dépassement de soi, ça n'a jamais été tellement mon rayon, donc ce n'est généralement pas sur ce point que j'ai pu entendre la remarque. Si, en revanche, j'essaie de penser à des préoccupations où j'ai conscience d'être exigeant :
Dans un domaine où je suis globalement à l'aise : prenons, par exemple, les tâches rédactionnelles au boulot. Je suis censé être le meilleur du service selon mes collègues. En dehors du qualitatif, je peux au moins dire que je suis objectivement le plus rapide... y compris parce que je suis le plus performant en dactylo. D'une certaine manière, je m'astreins à un niveau d'exigence réputé "supérieur" à la moyenne des collègues dans ce type de mission ; mais ça ne représente pas un effort puisque la hauteur de la barre, c'est simplement un niveau que je me sais capable d'atteindre dans les domaines où je me sens globalement à mon aise (soit, en particulier : les notes d'intention artistique, la communication, et paradoxalement - car en termes de contenu ça ne me passionne pas du tout - les contrats et autres fadaises administratives). Que se présente un domaine dans lequel je ne me sens pas autonome : je préfère alors le confier à quelqu'un qui s'en tirera mieux si, par bonheur, j'ai cette personne sous la main. Donc je place peut-être la barre "haut", et ce faisant, je n'ai aucune raison objective de réduire mes exigences envers moi-même : ça m'arrange, et ça arrange tout le monde.
En ce qui concerne celles des exigences morales et éthiques qui me tiennent fondamentalement à cœur : là, en revanche, combien de fois ai-je entendu que je me pourrissais la vie... Ce qui revient, en substance, à me dire que j'aurais moins de soucis si j'avais une tolérance plus grande aux formes de cynisme qui me révulsent. Alors, oui, j'ai conscience de me faire plus de cheveux blancs que d'autres et d'être un idéaliste forcené dans certains domaines précis. Seulement, répondre à l'injonction de moins m'en faire m'amènerait à me trouver moi-même cynique, ce qui amènerait le serpent à se mordre la queue. Bon, en pratique, sur un certain nombre de points, j'ai depuis longtemps un mécanisme d'auto-défense consistant à pratiquer l'humour noir dans les grandes largeurs - ça peut me valoir d'autres formes de désapprobation, mais au moins ça défoule.
Dans le domaine artistique : je place la barre consciemment très haut, et pour cette raison j'ai cessé toute pratique personnelle. Comme je ne peux pas décider d'avoir moins de sensibilité ou d'acuité sensorielle dans les disciplines qui m'intéressent, si je pratique en amateur, je me retrouve automatiquement en train de faire quelque-chose que je n'ai pas envie de voir ou d'entendre. Comme je n'ai pas spécialement le sens de l'effort pour l'effort et que, par ailleurs, d'autres - les pros - réalisent souvent ce que je pourrais avoir envie de réaliser, je suis devenu exclusivement spectateur. Alors de la même manière, j'ai déjà entendu cent fois que si je revoyais les exigences à la baisse... Je ne vois pas comment c'est possible à moins d'oublier tout ce que j'ai déjà vécu.
De sorte que je n'ai pas l'impression que c'est moi qui "place la barre" de manière volontaire et consciente ; mais il est vrai que le fait de ne pas être spécialement enclin au dépassement me dispense, au moins, du désagrément de m'infliger des frustrations en poursuivant des buts trop ambitieux pour mon propre compte.