Opéra et théâtre lyrique

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Judith
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

En repensant à des spectacles récents dont j'ai détesté la mise en scène, je retrouve la Carmen du printemps dernier à l'Opéra-Comique.
Côté musique, c'est très recommandable.
L'orchestre des Champs-Elysées sous la direction de Louis Langrée s'en sort avec les honneurs, rendant toutes les nuances de la partition dans ses chatoiements hispanisants comme dans ses parties plus sombres. La distribution est bonne sans être transcendante, un peu pâlotte peut-être mais portée par la Carmen d'une Gaelle Arquez brillante, très engagée et plutôt convaincante. Un Don José simple, à la limite de la stupidité (pourquoi pas, on peut imaginer le personnage comme ça) mais chanté avec élégance et clarté par Frédéric Antoun. Un Escamillo solide et viril, une Micaëla limpide, tout va bien. Il y a quelques défauts, des synchronisations manquées et des couacs, mais rien de bien méchant.
Mais la mise en scène... Pff. :devil:
C'est l'exemple même à mes yeux de l'intellectualisme balourd et de ce qu'il ne faut pas faire, justement, dans Carmen. :swear: Même en admettant le principe d'un hommage à l'histoire de la représentation de l’œuvre au fil des âges, c'est l'incohérence qui domine : changements de costumes et de décors perpétuels, absurdités inexpliquées (pourquoi les gamins agressent-ils Don José? Si quelqu'un a compris je veux bien une explication), inévitables références à la Seconde Guerre Mondiale (ça devrait être interdit par la loi). Tout y passe, rien ne tient la route, et visuellement c'est laid et criard.
Bref, les masochistes curieux pourront aller se faire une idée des choses sur ce lien. Force à eux!
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Tamiri
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

C'est à la première de cette Carmen que j'avais photographié l'évocation du trou du souffleur en avril dernier :cheers:
Je te rejoins complètement au sujet de Langrée qui fait entendre tous les détails d'une partition si souvent noyée dans des orchestres pâteux. Je n'ai pour ma part que des louanges pour les rôles secondaires parfaitement idiomatiques : des timbres suffisamment distincts, des vers parfaitement compréhensibles, aucune surenchère vocale. Au niveau des protagonistes, excellente Micaëla, Escamillo tout en muscles et rien dans la cervelle (bien fait pour lui), et Frédéric Antoun stylé tout en assumant effectivement le côté pas réveillé (personnellement je trouve que dans la version Bizet, le support essentiel de l'identification du spectateur reste Micaëla, ce qui me rend cette lecture de Don José tout-à-fait acceptable).
Gaëlle Arquez, oui mais... N'a pas arrêté de m'agacer par un tic de prononciation qui me semble relever d'un simple manque de soin, à savoir, avoir la langue trop lourde sur certaines consonnes. "Si tchu ne m'aimes pas je tch'aime", ou "J'irai djanser la séguédjille", a-t-on idée, est-ce que c'est à force de parler anglais pendant le travail ?
Un défaut que ne craint pas la Maîtrise Populaire à laquelle j'ai envie de lancer des fleurs une nouvelle fois pour son intervention brève et certes parfaitement décorative. C'est, donc, un point de détail, mais il me semble significatif : c'est dans l'hétérogénéité même des timbres, associée à une projection "dans le masque" et une diction précise, que je retrouve pleinement la couleur des chœurs enregistrés dans ces mêmes lieux ou à Garnier du temps de la troupe permanente, ce dont la plupart des chœurs d'enfants souvent à la recherche d'une rondeur et d'une homogénéité instrumentale pour les uns, d'un côté angélique pour d'autres, ne sont d'évidence pas capables. L'idée étant qu'à Paris, Sarah Koné me parait assumer totalement de devoir former ici un chœur d'opéra - et avant tout un chœur d'opéra français - avec la conscience qu'il n'y a aucune raison de vouloir faire comme à Leipzig ou à Vienne, ou même à Radio-France, puisque c'est avant tout au service du théâtre que son ensemble s'illustre.

Bon, je parle de tout ça sur le souvenir que j'en ai depuis une place très en avant dans la salle, et donc sans savoir comment cela rend dans la captation vidéo, peut-être les impressions seront-elles différentes.

Quant à la mise en scène d'Andreas Homoki... Peu de choses à rajouter, un concept déjà fumeux à la base plaqué sans scrupule pour rendre l'action rigoureusement illisible et pas grand-chose à sauver. Qu'on en fasse un disque mais pas un DVD... Retour, en ce qui me concerne, au spectacle de Calixto Bieito qui pour l'essentiel et malgré quelques lubies, ne cherche pas midi à quatorze heures.


Au fait, à propos de la disposition de la fosse et tout ça...
Voici deux fois que j'ai le plaisir d'entendre Hervé Niquet qui, désormais, fait installer la plupart des vents derrière lui et tournant le dos au public. C'était le cas à Versailles pour La Caravane du Caire (juin dernier) et de nouveau à l'Opéra-Comique pour La fille de Madame Angot (septembre, spectacle par ailleurs handicapé par une transposition ratée...). Et, oui, de mon point de vue, cela change effectivement les choses et cela aide significativement l'équilibre entre la fosse et le plateau. J'aimerais assez que d'autres prennent cette bonne habitude quand ils jouent dans des salles historiques.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Fu »

Cet enregistrement du Duo des Fleurs me donne envie de découvrir Lakmé : y a-t-il une version particulièrement recommandée ? Peut-être avec les mêmes interprètes que sur cette vidéo.

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Judith
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Fu a écrit : mer. 13 déc. 2023 18:52 y a-t-il une version particulièrement recommandée ?
Il y en a plusieurs. Personnellement, je recommanderai toujours la version de 1941 avec Lily Pons, captation d'une soirée du Metropolitan Opera. Le chef, Wilfrid Pelletier, n'est pas génial, mais Pons et Ezo Pinza qui chante Nilakhanta sont exceptionnels (Tamiri dira sans doute que la prononciation de Pinza est imparfaite mais elle est tout de même très compréhensible et la voix est stupéfiante). Le ténor, Armand Tokakian, est un peu en retrait sur ces deux superstars mais il s'en sort très bien.
Après, il y a des gens - ils sont fous mais bon - qui n'aiment pas le timbre de Pons et la trouvent trop virtuose. Dans ce cas, la version de 1970 avec Mady Mespé, Charles Burles et Roger Soyer, dirigée par Georges Sebastian, est très bien. Plus moderne, il y a la version qu'on dit parfois "de référence" avec Nathalie Dessay et José Van Dam dirigée en 1998 par Michel Plasson. Je l'apprécie un peu moins que les deux précédentes personnellement, mais elle est excellente.
Tamiri te parlera mieux que moi des interprétations plus contemporaines. Mais tu as l'embarras du choix (choisis le Met, tout de même).
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Fu »

Merci pour ces conseils @Judith. :) J'écoute la version de 1970 sur laquelle je viens de mettre la main, pour me familiariser avec cet opéra et en attendant le grain de sel de @Tamiri.

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Tamiri
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Le Met, de Nouillorque ? Curieuse chose en vérité. Alors, oui, à l'époque, on avait eu pitié d'eux, on leur avait prêté Lily Pons. Mais l'enregistrement n'a pas été facile et la raison pour laquelle il reste pas mal de défauts techniques dessus, c'est qu'il a fallu effacer les bruits insupportables venant de la salle. Car les cow-boys, qui constituent l'essentiel de la population américaine, n'arrêtaient pas de crier HIIIIIIIIIIII-HAAAAW ! et de tirer des coups de feu en l'air. Mais bon. On ne peut tout de même pas blâmer ces gens de vouloir se cultiver un peu.
Soyons raisonnables, la vérité ne peut venir que de Paris, ici comme dans tous les autres domaines artistiques, scientifiques et moraux.

Blague à part, ici c'est Tokatyan dont la diction me gène le plus. Pons, pour sa part, réalise une prestation qu'on ne lui aurait pas demandée à Favart : faire sonner une salle très vaste (l'ancien théâtre avait plus de 3000 places, il faut imaginer les proportions de Bastille) devant un public demandeur de grandes voix. Beau témoignage donc que l'enregistrement du Met, mais cela vaut donc pour moi presque exclusivement pour la prestation de Pons ; le reste, tout en étant très musical, reste dans une esthétique internationale assez interchangeable.

Dans ce répertoire, comme @Judith doit s'en douter, je ne me précipite jamais sur ce genre de proposition, étant beaucoup moins à la recherche desdites grandes voix que d'une proposition d'ensemble cohérente et idiomatique.
Sur ce point, l'enregistrement des années 1950 dirigé par George Sebastian me semble tout-à-fait recommandable, il correspond aux usages en vigueur au sein de l'ancienne troupe Favart encore héritière de l'école française dans toutes ses spécificités. Y compris le soin généralement maniaque apporté à une diction spécifique aux arts de la scène, quand (pour simplifier) sur la plupart des scènes "internationales", des entorses étaient acceptables au profit de la technique vocale. C'est notamment cette projection "dans le masque" qui donnait alors au public habitué aux scènes italiennes ou américaines cette sensation d'une émission "pointue" de l'école française et en faisait une esthétique réputée moins exportable (les stars internationales comme Lily Pons, Gabriel Bacquier, Régine Crespin... ayant des capacités d'adaptation que le gros des artistes en troupe à Garnier et à Favart n'avaient aucune raison de cultiver).
Cela vaut aussi pour l'orchestre : la phalange de l'Opéra-Comique (y compris avec les limites techniques de l'enregistrement) fait valoir le son moins rond et les timbres plus individualisés des orchestres lyriques français. Et pour le chœur également, loin de la perfection quasi instrumentale et de la fusion des timbres recherchées pratiquement partout ailleurs, avec ici des "individualités" qui dépassent çà-et-là, plus dans l'esprit de la représentation "réaliste" d'une foule que de celui d'un bloc homogène - or, à l'époque, justement, un chœur d'opéra et un chœur de concert ou de musique sacrée ne sonnent pas pareil.
Ce qui peut avoir moins bien vieilli, c'est le sur-jeu qui apparaît fréquemment, notamment pour les personnages secondaires attribués aux spécialistes des rôles "de caractère" qui n'hésitaient pas à en faire un peu trop (ici en particulier : pourquoi Mrs Benson a un accent anglais comme si c'était le rôle de John Styx dans Orphée, alors que les autres personnages anglais n'en ont pas ? Parce-que pourquoi pas.
Quant à l'héroïne : ici c'est Mado Robin (Mesplé, c'est dans le disque plus tardif évoqué par @Fu), qui reste jusqu'à présent mon interprète préférée.
Un enregistrement qui pourra sembler (très) particulier à des auditeurs habitués aux conditions actuelles mais dont, personnellement, je me régale, autant par exemple que des Contes d'Hoffmann de 1948.

Le disque de 1970, avec Mady Mesplé donc, me semble également fort agréable, il immortalise les derniers moments de la troupe avant sa dissolution, et dont le style avait entre-temps évolué. Je ne l'ai pas mais je l'ai écouté ces jours-ci (en streaming) grâce à vous. Comme celui plus tardif de Plasson avec Natalie Dessay qui a été mon "initiation" à l'œuvre à sa parution, ce sont là des propositions un peu plus consensuelles, moins brutes de décoffrage mais sans faute de goût, Lombard et Plasson ayant du reste été les grands passeurs de l'opéra français au creux de la vague. Et ce, avec tout le confort moderne (la stéréo).

Pour ce qui se fait de nos jours, je recommande (évidemment) le DVD du récent retour aux sources réalisé à Favart, avec une mise en scène lisible et sans excès de Laurent Pelly dans ses bons jours, la direction musicale de Raphaël Pichon à la redécouverte de l'orchestre français, Sabine Devieilhe, Stéphane Degout et Frédéric Antoun sur scène. Ça n'est pas la déclamation souveraine des anciens mais c'est l'équilibre somme toute enviable actuellement réalisé entre un jeu théâtral contemporain, un réel confort vocal et une intelligibilité pas négligée. Si je devais espérer une prochaine intégrale en version disque, je choisirais ce genre d'équipe.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Fu »

Quel déluge d'information ! Merci @Tamiri !
J'ai écouté le début de la version de 1940, chez les cowboys, moins gêné par les coups de feu dans la salle que par les crachotements de l'enregistrement et, si j'ai apprécié la voix de Lakmé, j'ai été aussitôt rebuté par celle de son père (Ezio Pinza). Pour sa défense, son registre souffre peut-être plus des crachotements de l'enregistrement que celui de Pons. J'ai arrêté l'écoute peu après.
Pour l'instant j'en reste donc sur la version de 1970, avec Mady Mesplé, pour la découverte musicale. Pour une meilleure compréhension, j'ai regardé une version récente, avec Jodie Devos, une mise en scène haute en couleur (parfois trop ? peut-être, cela passe car ils semblent avoir pris le parti de s'en amuser) et des sous-titres, pour me familiariser avec l'histoire. Je trouve que Devos s'en sort bien, d'ailleurs. J'ai juste été embêté par les citations de Gandhi qui apparaissent sans aucun à propos au-dessus de la scène, et ce dernier qui se promenait dans les tableaux…
Ensuite, je pense écouter à nouveau la version Mesplé, puis une version avec Sabine Devieilhe (que l'on voit et entend sur le Duo des Fleurs dont j'ai posté l'extrait plus haut) car, décidément, j'apprécie sa voix. Je ne cherche pas la version parfaite, parfait néophyte que je suis, mais en comparant j'arriverai à me faire une idée sur ce que je préfère. :)
Et il est vrai que la stéréo est un ajout appréciable !

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Judith
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Hors-sujet
Je ne savais pas où poster cette anecdote mais elle m'a paru pittoresque, alors je vous la livre ici. Comme je rapportais la présente discussion à mon compagnon et que je lui demandais son avis, il m'a répondu, royal : "Aucun intérêt ; de toute façon je réprouve tout l'opéra du XIXème siècle". 8o :cheers:
Dire qu'il m'accompagne religieusement à des représentations de cet art indigne depuis des années. :favorite:
Sinon, @Tamiri tu as vu L'Affaire Makropoulos à Bastille? Si oui, qu'en as-tu pensé?
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Judith a écrit : dim. 17 déc. 2023 13:28
Hors-sujet
Je ne savais pas où poster cette anecdote mais elle m'a paru pittoresque, alors je vous la livre ici. Comme je rapportais la présente discussion à mon compagnon et que je lui demandais son avis, il m'a répondu, royal : "Aucun intérêt ; de toute façon je réprouve tout l'opéra du XIXème siècle". 8o :cheers:
Dire qu'il m'accompagne religieusement à des représentations de cet art indigne depuis des années. :favorite:
Quel coming-out ! Et donc, tu vas cesser de lui en infliger, ou tu vas lui concocter une thérapie ?

Par ailleurs s'il ne prend pas immédiatement soin de préciser quelles limites il met au XIXe siècle, tu gagneras le droit, en toute bonne foi, d'adopter la lecture la plus littérale de la remarque en lui infligeant, par exemple, Le Calife de Bagdad de Boieldieu, qui est de 1800, puis Grisélidis de Massenet, qui est de 1901.
En toute bonne foi, parfaitement.

Judith a écrit : dim. 17 déc. 2023 13:28Sinon, @Tamiri tu as vu L'Affaire Makropoulos à Bastille? Si oui, qu'en as-tu pensé?
Non, c'était au moment où j'étais à Vienne en compagnie de Ludovic Tézier (enfin pas vraiment, plutôt en compagnie de @Napirisha, mais j'y ai vu Ludovic Tézier, ainsi qu'une célébrité préhistorique et une grande quantité de tramways, et par ailleurs j'y ai observé un régime alimentaire équilibré).
Du reste j'avais redouté une énième warlikowskerie mais à en lire les critiques, j'ai manqué quelque-chose de sympa.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Tamiri a écrit : mar. 19 déc. 2023 18:22 Et donc, tu vas cesser de lui en infliger, ou tu vas lui concocter une thérapie ?
Je ne sais pas encore. Je l'ai déjà soumis à un traitement de choc dans le domaine culinaire, je suis tentée d'engager le même processus en matière musicale. A suivre donc.
Tamiri a écrit : mar. 19 déc. 2023 18:22 à en lire les critiques, j'ai manqué quelque-chose de sympa.
C'est exact. Je posterai peut-être un petit compte-rendu si je trouve le temps.
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Une bonne tranche d'escalope viennoise :favorite: mais pas pour le nouvel-an.


Tosca
Musique de Giacomo Puccini
Livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa
Direction musicale de Yoel Gamzou
Mise en scène de Margarete Wallmann
Vienne (Staatsoper), octobre 2023

J’ai voulu de la tradition viennoise, en voilà. Pratique disparue à Paris, on y reprend régulièrement des productions vieilles de cinquante ans ou plus, jouées 200 ou 300 fois depuis, et plus spécifiquement des spectacles vécus comme « traditionnels » - c’est-à-dire à la fois appliquant littéralement les didascalies jusqu’aux indications scénographiques du livret, et n’opérant aucune forme de réappropriation et encore moins de transposition. Ainsi, outre cette Tosca des années 1950, l’année 2023 proposait un Fidelio de 1970 par Otto Schenk et surtout une inusable Chauve-Souris du même, véritable signature de la maison. Un peu comme si l’opéra Garnier continuait de donner Les Indes Galantes selon Maurice Lehmann tous les deux ou trois ans depuis 1952.
Relative tradition mais confort moderne : jeu « réaliste » post-Stanislavski, lumières raffinées et décor en volume où la toile peinte sur châssis n’occupe que la part congrue, d’où une mise en place imposant deux entractes que la seule longueur de l’œuvre n’impose pas et qui me semble clairement présenter le défaut de diluer la tension dramatique. Certes chaque lever de rideau ménage une nouvelle surprise, mais les trois actes sont à mon sens inégaux à cet égard.
Au premier, l’illusion de l’intérieur de l’église prend vraiment grâce à la pénombre et surtout à une disposition oblique de la nef qui suggère vraiment l’ampleur du lieu. Le défilé des officiants, enfants de chœur et fidèles à la fin de l’acte, tout-à-fait décoratif, achève par son ampleur de créer l’illusion d’un vaste édifice gothique. Illusion à laquelle le bureau de Scarpia au second acte ne peut pas prétendre, fabriqué qu’il est de manière axiale et symétrique avec une perspective forcée d’autant plus dommageable que des personnages font régulièrement leur entrée par le couloir du fond. Enfin la forteresse du troisième acte, tout en praticables, pèche à la fois par un rendu trop lisse et propre de la construction et un faux ciel désormais peu convaincant ; gageons qu’avec le même parti-pris illusionniste, les techniques de patine et de simulation des textures des décorateurs actuels ainsi que les moyens de rétro-projection parviendraient à un résultat parfaitement immersif que seul l’église du premier acte réussit ici sans mal.
L’autre tradition maison, pour ainsi dire, c’est celle des distributions luxueuses, et pour ma part c’est en particulier la présence à l’affiche de Ludovic Tézier qui avait attiré mon attention.
A ceci près qu’à l’exercice de la énième reprise de ce type de spectacle, tout le monde n’est pas égal, en l’occurrence ce choix tend à desservir Angel Blue (Tosca) qui, manifestement faute d’un travail réel et précis de reprise et d’adaptation de la direction d’acteurs, semble avoir été abandonnée à elle-même. D’où un jeu souvent approximatif (sur le mode « je sais pas quoi faire de mes mains ») et des erreurs de timing (réactions commencées avant les répliques ou les gestes censés les provoquer…). Démonstratif, Vittorio Grigolo se montre bien plus naturel et assume une théâtralité très littérale et une gestuelle efficace. Mais à ce petit jeu, Ludovic Tézier écrase la concurrence par une sobriété maîtrisée de méchant-né (et bien qu’il soit loin de se limiter à ce genre de rôle, c’est pour ainsi dire une sorte de Christopher Lee de l’opéra, ce que je trouve amusant car Lee avait pour sa part une jolie voix de baryton).
Soirée musicalement de haute volée – j’ai failli dire « évidemment », mais réunir des stars n’en offre pourtant pas forcément la garantie. Tézier tout en velours mais maître de chaque phrase et de chaque mot, la classe absolue parmi les génies du mal ; Blue et Grigolo, osant chatouiller les limites du confort vocal pour donner de la chair à leurs personnages d’amants tragiques ; et les petits rôles sont soignés. Quant aux Wiener Philharmoniker, si on attend forcément d’un tel orchestre au minimum du beau son, il y a toujours le risque d’une luxueuse routine, ce qui n’est pas le cas ce soir : Yoel Gamzou utilise toute la palette dynamique de la partition sans la réduire à du spectaculaire permanent.
Une soirée viennoise somme-toute « ordinaire » donc d’un niveau très relevé, avec un petit plus pour chacun selon sa sensibilité – pour moi, on l’aura compris, c’était et cela reste Ludovic Tézier, mais comme on dit souvent dans la même salle mais pas dans la même œuvre : « chacun à son goût ».


Orphée aux Enfers
Musique de Jacques Offenbach et Karl Binder
Livret de Ludwig Kalisch et Johann Nestroy (version de Vienne)
Direction musicale de Tobias Wögerer
Mise en scène de Aitor Basauri et Toby Park (collectif Spymonkey)
Vienne (Volksoper), octobre 2023

Autre spécialité locale, on donne cette fois la version viennoise « traditionnelle » de l’Orphée d’Offenbach. Elle repose essentiellement sur la version parisienne de 1858 (en deux actes et quatre tableaux) mais intègre quelques éléments de la version 1874 (une petite partie des ballets, la scène des Juges des Enfers, chœur de l’anathème…). Surtout, elle fait appel une orchestration due au compositeur viennois Karl Binder, adaptée à l’opulence des orchestres viennois ; Binder substitue par ailleurs au bref prélude de 1858 une grande ouverture symphonique de son cru, propre à faire rutiler la culture orchestrale locale.
Aux commandes, le jeune chef Tobias Wögerer s’y entend en matière de couleurs (à la tête d’une phalange à peine moins luxueuse que les Philharmoniker à l’œuvre dans la salle du centre-ville) tout en parvenant à maintenir une articulation nette et variée, de sorte que le « crémeux » viennois n’engloutit pas la rhétorique parisienne. A la mise en scène, le collectif britannique a choisi un ton très… britannique, manifestement à la manière Monty-Python, surréalisme kitsch qui m’avait fait craindre la surcharge à la seule vision des photos de promotion, et qui s’avère tout à fait plaisant. Très peu de charge politique et sociale ici (ni celle d’origine chatouillant Napoléon III ni d’actualisation périlleuse) mais un certain luxe sur le plan plastique, ce qui n’est absolument pas un contresens si l’on se souvient qu’à la création salle Choiseul, la critique avait également loué les décors signés Gustave Doré.
Il était par ailleurs dit que cette production serait le lieu de tous les exploits et de tous les imprévus, je m’explique : début 2023, Katia Ledoux, alors en charge du rôle de Vénus, sauvait in-extremis une représentation… en prenant au pied-levé le rôle du ténor incarnant Orphée, malade, jouant les deux rôles qui ne se côtoient que peu sur scène et ne dialoguent jamais ensemble. Et multipliant donc les changements de costume express pour être présente pratiquement tout le temps sur le plateau, sans compter l’apprentissage de dernière minute du rôle. En octobre dernier, Katia Ledoux jouait l’Opinion Publique et ce n’est pas elle que j’ai vue accomplir une prouesse rare, mais Hedwig Ritter, qui jouait Eurydice : s’étant cassé le pied, la chanteuse n’a pas déclaré forfait. Bien plus, elle a réédité la performance de Joyce DiDonato dans un mémorable Barbier de Séville de 2009 (distribué en vidéo !) et a assuré tout le spectacle dans un fauteuil roulant, avec l’aide d’une « infirmière » incarnée par l’assistante metteuse en scène. Comme lors de ce précédent notoire, la mise en scène a été prestement adaptée à cette nouvelle situation pour en tirer un élément supplémentaire – il faut dire qu’Eurydice autant que Rosine se dresse contre la passivité à laquelle les hommes tendent à la réduire, et voir l’une et l’autre pester contre ce coup du sort handicapant est assez savoureux.
Ladite Hedwig Ritter est par ailleurs à mon sens la triomphatrice de la soirée sur le plan vocal : le timbre est somptueux et profond sur toute l’étendue de la tessiture, de même qu’une puissance assez impressionnante. C’est là une alternative intéressante aux voix plus légères souvent distribuées dans ce rôle. Seule l’élégie du premier tableau semble résister à cette personnalité vocale peut-être plus taillée pour la virtuosité ? Les deux ténors n’ont qu’à bien se tenir, mais Karl Michael Ebner (Orphée) et Timothy Fallon (Pluton), pour faire moins grande impression, n’en sont pas moins irréprochables pour le chant - mais perfectibles sur la diction. On pourrait de même souhaiter un Jupiter plus imposant et un Mercure plus agile, en revanche les rôles secondaires aigus sont tous bien tenus et c’est globalement l’homogénéité d’ensemble qui emporte l’adhésion, avec cet esprit de troupe bien préservé dans nombre de théâtres germanophones.


Un prochain détour par Vienne étant envisagé en mars, je devrai choisir entre un Don Giovanni, des Vepres siciliennes, une Traviata, un West side story, un Dialogue des carmélites et j'en passe. Embarras du choix causé par les prix pratiqués côté Staatsoper qui ne permettent pas de multiplier les sorties (et comme j’emmène ma mère, je ne lui infligerai pas les très démocratiques, très bien situées mais parfois éprouvantes places debout).
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Tamiri
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Un souvenir de cet été, à revoir car ce spectacle est en tournée :
Demain (jeudi 4 janvier !) et samedi 6 à Paris (Philharmonie), c’est complet mais il y aura peut-être des désistements de dernière minute,
Le 13 et le 14 en Espagne, respectivement Valence et Madrid,
Le 27 et le 28 janvier à Massy (dans la banlieue sud de Paris),
Et pour finir fin juin : à Versailles puis à Milan.
Si vous n’êtes ni parigot, ni milanais, ni espagnol-gnol-gnol [1] : vous l’avez peut-être loupé, précédemment, à : Luxembourg, Lugano, Compiègne, Gand, Utrecht et Bucarest.

The Fairy Queen
Musique de Henry Purcell
Direction musicale de Paul Agnew
Chorégraphie et mise en scène de Mourad Merzouki
Thirée (Vendée), août 2023

Et donc, après l’avoir créé cet été lors du festival en Vendée (où les chats sont acceptés), William Christie et Mourad Merzouki emmènent en tournée le spectacle qui rassemble Les Arts Florissants (orchestre), la compagnie Käfig (danse hip-hop dirigée par Merzouki), le Jardin des Voix (académie pour jeunes chanteurs lyriques créée par Christie), et de la Julliard-School (musiciens et danseurs élèves de l’un et de l’autre maestro).
Si cette tournée qui a lieu tous les deux ans est au départ censée servir de tremplin pour les lauréats du Jardin des Voix, l’impression qui domine tout au long de la soirée est l’osmose. On ne fait plus attention à qui appartient à quelle compagnie face aux huit chanteurs et aux six danseurs ; il faut dire que dans une partie des ensembles, les premiers se mêlent également à la danse, et les seconds au chant. C’est d’ailleurs l’un des avantages avec un chorégraphe issu de l’esthétique hip-hop habitué à travailler avec le corps des artistes tel qu’il est et non avec une sélection de personnes au physique « idéal ». Ainsi le baryton incarnant le poète ivre, à la carrure imposante, trouve-t-il sa place dans les parties dansées avec un naturel confondant.
Un tel travail de troupe est là pour valoriser l’ensemble et non les individus, j’ai toutefois eu un coup de cœur pour l’une des trois mezzos ainsi que pour l’un des trois breakeurs masculins, et serais par ailleurs bien incapable de vous dire leurs noms puisqu’aucun rôle, en dehors du poète, n’est identifiable. En effet, et contrairement à la précédente incursion dans le « semi-opéra » où une comédienne était chargée d’un récit installant une intrigue cohérente (The Indian Queen en 2021), le propos n’est ici pas de reconstituer un récit, en dehors de l’entrée initiale du « poète » ivre-mort. C’est un divertissement dansé et chanté réalisé uniquement à partir des intermèdes musicaux illustrant les visions de l’ivrogne, ce en quoi, dans les conditions de la « première » d’août en plein-air, c’était tout de même littéralement un songe d’une nuit d’été.
Conditions incluant le fait de danser sur un plateau flottant (sur la pièce d’eau du jardin de Thiré) qui, sous l’effet de certains sauts des danseurs, non seulement s’enfonce, mais surtout se déplace légèrement dans le plan horizontal, ce qui j’imagine représente une difficulté que l’on ne rencontre pas dans un théâtre, pour les séquences les plus virtuoses [2].
Une bien belle soirée.



___________________________________

[1] Cf. Offenbach, La Périchole, mais comme on le dit dans Les Brigands : « Y’a des gens qui se disent espagnols, et qui ne sont pas du tout espagnols. Nous, nous sommes de vrais espagnols, et ça nous distingue des faux espagnols. »
[2] C’est donc la séquence : Fairy Boat.
Vous ne vous attendiez tout-de-même pas à ce que la seconde note de bas de page soit foncièrement plus intelligente que la première ?
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Ah, merci pour cet avis rassurant. J'y vais samedi, et j'avais un peu peur de ce que j'allais voir sur scène. Tel que tu décris le spectacle, ma motivation remonte. :cheers:
Tamiri a écrit : mer. 3 janv. 2024 12:04 En effet, et contrairement à la précédente incursion dans le « semi-opéra » où une comédienne était chargée d’un récit installant une intrigue cohérente (The Indian Queen en 2021), le propos n’est ici pas de reconstituer un récit, en dehors de l’entrée initiale du « poète » ivre-mort.
Ce n'est que très indirectement lié (disons par Purcell et par le choix d'un prologue dramatique orientant la compréhension des spectateurs), mais est-ce que tu avais assisté à Didon et Enée au festival d'Aix-en-Provence en 2018? Si oui, ton avis m'intéresse. Pour ma part, j'étais sortie très mécontente.
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Non, pas vu.

Ma propre vision augmentée de Dijon et Énée aurait impliqué Carlos, Callas, et un sponsoring par une boisson sucrée non gazeuse.
- Mais kess’tu bois doudou Didon ?
- Onassis, Onassis, tout l’monde aime ça.

Sinon, Didon et Énée possède un prologue (mythologie et courbettes) qui permet de rallonger considérablement la sauce du point de vue musical et chorégraphique sans présenter la moindre nécessité dramatique. Mais j’imagine que ce n’est pas la brièveté de l’ouvrage qui avait motivé un ajout.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Tamiri a écrit : mer. 3 janv. 2024 16:01 Ma propre vision augmentée de Dijon et Énée aurait impliqué Carlos, Callas, et un sponsoring par une boisson sucrée non gazeuse.
Je crois que j'aurais préféré ça. Bon, si tu ne l'as pas vu, tu ne connais pas ta chance mais d'un autre côté, inutile d'épiloguer et de faire de la réclame à l'une de productions les plus stupides de ces dernières années. :)
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Judith a écrit : mer. 3 janv. 2024 16:38Je crois que j'aurais préféré ça.
J’espère vien, vu que :
1- c’est de moi
2- or je suis un chat
3- même si Callas et Carlos sont morts, avec l’intelligence artificielle et la projection holographique ça devrait pouvoir se faire.


Bon, râlons un peu.

La fille de Madame Angot
Livret de Louis Clairville, Paul Siraudin et Victor Koning
Musique de Charles Lecocq
Direction musicale d’Hervé Niquet
Mise en scène de Richard Brunel
Paris (Opéra-Comique), septembre 2023

Alors oui, mais non.
Les potes de Carmen dans une Mercedes, ça marche.
La Périchole et Zorglub dans une favela, ça marche.
Wotan en chef d’entreprise, ça marche si c’est bien fait et ça peut lasser à la longue.
César et Ptolémée menaçant de s’envoyer des missiles, ça a marché un temps.
Papageno au camping, ça ne sert à rien et on s’en fout autant que des trois pages qui jouent au foot.
Il se trouve que La Fille de Madame Angot chez les soixante-huitards, ça ne marche pas beaucoup mieux qu’Armide à l’EHPAD.
Je m’interroge certes déjà sur les transpositions qui semblent ne servir absolument à rien (sauf à avoir lu à l’avance l’élucubration dans la note d’intention du metteur en scène), mais celles qui nuisent ouvertement à la compréhension, ça me dépasse. Non, le Directoire ne peut pas devenir Mai 68, les marchands des Halles et les royalistes aux intérêts contradictoires, ne peuvent pas devenir respectivement les ouvriers de Renault et les étudiants du Quartier Latin aux intérêts à peu près convergents. Tout le jeu des antagonismes politiques et des groupes sociaux devient rigoureusement illisible. Richard Brunel estime que le contexte historique d’origine est peu connu du public actuel (oui, j’ai potassé la note d’intention), donc il propose une référence plus familière qui, au passage, devrait offrir à quiconque n’a pas potassé le synopsis de ne rien comprendre du tout. Brillant.
Passé l’amusement des références immédiates (les affiches des Beaux-Arts, la chaîne de Billancourt où l’on assemble des 4L, un emprunt par ci aux Demoiselles de Rochefort, un slogan sur un mur par là… On finit par n’avoir d’attention que pour la musique, qui ne s’en sort heureusement pas mal.
Commençons par les « moins », Julien Behr (Ange Pitou) n’est à mon avis pas l’homme de la situation, une émission très en arrière et la déformation inévitable des voyelles devraient inciter à l’écarter des œuvres en français. Plus étrangement, Véronique Gens (Mlle Lange) ne semble pas très à l’aise dans ce demi-contre-emploi de tragédienne devant révéler son versant canaille. Le rôle principal est très bien tenu par Hélène Guillemette (mais Richard Brunel lui fait chanter certains vers dans un mégaphone, au secours), celui de marchande des Halles par Ludmilla Bouakkaz révélée sur cette même scène au sein de la Maîtrise Populaire (mais Richard Brunel lui fait crier certains vers au lieu de les chanter, au secours). Mathieu Lecroart (Larivaudière) et Pierre Dehret (Pomponnet) n’appellent que des louanges et forment notamment un duo amusant dans la scène des « forts des Halles ».
Oui, car tout de même, Richard Brunel propose des numéros bien dirigés, éloquents et sans temps morts, qu’il s’agisse d’animer la complicité, le quiproquo, la foule. On aurait juste préféré que ce ne soit pas dans le cadre d’un contresens géant parsemé généreusement de petites absurdités gratuites (comme d’entendre dire que des gens sont en train de danser, alors que sur la scène, ils sont manifestement en train de s’embrasser dans un cinéma*. Au secours).
D’où la supplique de toute la salle : siteuplait, Super-Hervé, sauve le monde !
Et il vint.
Et il sauva le monde en commençant par la partition, l’acoustique de la salle et le gosier des chanteurs, par son super-pouvoir : une disposition enfin raisonnée de la fosse d’orchestre, voir ma remarque d’il y a quelque temps. Non mais vraiment je crois que je vais demander à l’intelligence artificielle de me dessiner Hervé Niquet en costume de super-héros et je vais l’afficher dans ma chambre. :favorite:

_____________________

* Tiens ça me rappelle un truc aussi débile : Wozzeck selon Pierre Strosser à Bastille au début des années 2000. Le capitaine dit a Wozzeck de le raser, alors Wozzeck empoigne une brosse et il cire des chaussures. Sage décision de ne pas montrer des objets coupants, ça pourrait choquer. Je me souviens d’avoir pensé très fort « ah ben ça commence bien » et de m’être ensuite demandé.e si, à la fin, Marie finirait tuée avec une brosse à reluire.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Question bête aux amateurs d'opéra du forum et plus spécifiquement aux wagnerophiles : est-ce que l'un.e d'entre vous a vu L'Or du Rhin mis en scène par Castellucci à La Monnaie l'automne dernier, et si oui, qu'en est-il pour La Walkyrie dont les représentations se déroulent actuellement?
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

[Rapatriement d’un long hors-sujet né d’un propos sur Bianca Castafiore, la cantatrice fictive dans Tintin… ]

Explication pour les gens qui ne sont pas à la fois des chats et des lyricomanes.
Aria di baule, littéralement "air de valise" : air qu'un chanteur d'opéra chante fréquemment, parce qu'il le met particulièrement en valeur et qu'il constitue pour ainsi dire sa signature. Du coup, il l'emmène partout dans ses bagages.

L'usage date du XVIIIe siècle et du dramma per musica alias opera seria, c'est-à-dire un genre bien défini : l'opéra italien ou d'inspiration italienne, à thème héroïque (pseudo-historique, historico-littéraire ou mythologique). C'est en Italie pendant tout le XVIIIe et même dans le reste de l'Europe pendant plusieurs décennies (sauf en France où ça ne prendra jamais) LE genre théâtral absolument dominant, éclipsant franchement tous les autres spectacles. Premier modèle de show-business complet reposant en Italie sur une structure économique ouvertement tournée vers le profit et dans toute l'Europe sur un vedettariat frénétique (cela suscite même des produits dérivés...), l'opera seria façonne des stars qui voyagent beaucoup - avec leur fameux air de valise.
Or la structure dramatique, littéraire et musicale du genre permet justement beaucoup de flexibilité, aussi la pratique est-elle, à l'époque, de permettre aux chanteurs vedettes d'insérer leur air préféré dans n'importe-quelle pièce. Notamment parce que les "airs", l'une des composantes obligées de chaque scène avec le "récitatif" et quelques autres figures, sont le plus souvent, sur le plan littéraire et dramatique, des passages de pure introspection par lesquels un personnage décrit ses sentiments, marquant une nette pause dans l'action proprement-dite (ce sont souvent soit des monologues intérieurs, soit des discours adressés aux autres personnages). De ce fait, il n'est pas trop compliqué de remplacer un air où un personnage dit "je suis en colère", "j'ai peur", "je suis bien content•e", "j'vais y péter la gueule" ou "c'est toi que je t'aime" par un autre disant à peu près la même chose.
Substitution facilitée en outre par le fait que les pièces comportent quelques moments obligés : d'une part un personnage de premier plan devra généralement passer au moins une fois par chacun des affects de base (des émois de l'âme dans le vocabulaire du temps), d'autre-part certaines métaphores font partie de la langue théâtrale de base et personne ne voit d'inconvénient à ce qu'elles réapparaissent dans chaque spectacle - mieux, on les attend. Typiquement : les moments où l'humeur d'un personnage est longuement comparée à un phénomène naturel, comme la tempête représentant l'anxiété, la colère ou l'extrême confusion, le chant des petits zoziaux et les vertes prairies exprimant la sérénité et l'harmonie. Et enfin : des caractéristiques purement musicales, impliquant qu'il y a un code favorisant telle ou telle tonalité pour tel ou tel contexte, permettent sans difficulté de faire de la couture avec le matériau musical (cela tient au principe des tempéraments, ce système harmonique peu a peu disparu à la fin du XIXe siècle qui voulait qu'il n'y avait pas toujours exactement un demi-ton entre deux notes successives au sein de l'échelle de douze notes ; de ce fait, chaque tonalité donnait une impression légèrement différente et pouvait être associée à une couleur déterminée, et donc à un sentiment ou à une ambiance).
Donc, en résumé, il était assez aisé pour un chanteur d'introduire un de ses airs préférés dans n'importe-quel opéra, en plus de l'œuvre d'origine ou à la place d'un air prévu par les auteurs... Et tant qu'à faire, les librettistes et compositeurs les plus "commerciaux" avaient l'habitude de flatter le public et les stars en faisant justement en sorte qu'il soit le plus facile possible d'opérer ce genre de modification.
► Afficher le texte
Bon, au cours du XVIIIe siècle, les choses ont tout de même fini par déraper, notamment sous l'impulsion de la frange la plus capricieuse des stars du chant lyrique, des plus rusés ou des moins scrupuleux des impresarios, et des spectateurs les plus enragés faisant partie de leur fanbase. On a fini par insérer n'importe-quoi n'importe-où. Caffarelli, l'un des plus fantasques des grands castrats (et rival du non moins célèbre Farinelli, réputé pour sa part gentil et raisonnable), exigeait que sa première apparition en scène se fît en haut d'une montagne, avec une tenue spectaculaire, pour chanter un de ses airs de prédilection au caractère martial. Même s'il devait jouer un personnage modeste et pacifique dans un pays de plaines. Comme c'était une star, on lui passait ce caprice (et quelques autres, comme : le fait de déconcentrer ses collègues et rivaux, y compris en faisant l'andouille dans les coulisses, en toussant, éternuant ; de sortir de scène inopinément s'il reconnaissait des gens parmi les spectateurs et avait envie de bavarder un peu, etc).

Bref.

La "réforme" du genre dans le dernier tiers du siècle (époque de Gluck, Mozart, Salieri, Haydn, en gros) a tout de même remis de l'ordre dans tout ça, mais a également rendu la pratique de l'air "inséré" obsolète, même dans les cas où cela ne posait précédemment aucune difficulté et aucune incohérence théâtrale, cette fois pour des raisons de sophistication musicale croissante et également à la faveur d'une approche plus globale de l'œuvre, progressivement considérée comme une construction pensée par ses auteurs (alors que dans les décennies précédentes, les notions de propriété intellectuelle et d'œuvre originale étaient tout simplement ignorées de manière tout à fait délibérée - et pas comme on pourrait le penser uniquement pour cause de manque d'outils juridiques).

Re-bref.

en gros, au XIXe siècle, l'usage de bidouiller les opéras de cette manière tend à disparaître (même si, par rapport à notre approche actuelle, la notion d'œuvre originale et intangible reste beaucoup plus souple que de nos jours), et l'air de valise poursuit sa route cette fois sous la forme d'un morceau choisi que les chanteurs ne peuvent plus insérer que quand ils se produisent en concert, ou alors comme "bis". C'est cet usage qui a perduré jusqu'à nos jours, et qui peut expliquer que, si la Castafiore n'apparait qu'une fois dans une pièce mise en scène (dans Faust à l'opéra de Szôhôd), c'est constamment l'air le plus connu du rôle de Marguerite, dit "des bijoux", qu'elle interprète au sein d'un programme de "variétés", autre usage théâtral pratiquement disparu (dans Les sept boules de cristal), qu'elle inflige à Tintin dans une voiture dont le journaliste préférera s'échapper (Le sceptre d'Ottokar), ce même air qui constitue apparemment son principal succès discographique, qu'elle répète avec son pianiste pour la plus grande joie du capitaine Haddock et qu'elle chante même spontanément à tout propos quand elle est de bonne humeur. Cela dit, la seule indication textuelle prouvant que sa carrière ne se limite pas à Marguerite, est la référence à son triomphe dans La pie voleuse (allusion permettant d'ailleurs de retrouver le fameux diamant égaré).

Cecilia Bartoli à laquelle je faisais allusion est une chanteuse et directrice de théâtre révélée à la fin des années 1990 et dont le morceau favori a longtemps été l'air Agitata da due venti extrait de Griselda, de Vivaldi. Air qui constitue par ailleurs... un exemple assez typique de l'opera seria et qui a donc pu se retrouver greffé tantôt intelligemment, tantôt inopportunément, dans des œuvres d'autres compositeurs du vivant même de Vivaldi. Bartoli le proposait fréquemment en concert, notamment en tant que "bis", au début de sa carrière.

Et pour finir : l'ajout d'un air "parasite" a toutefois subsisté dans un cas somme-toute marginal mais réel, jusqu'à nos jours, uniquement dans une poignée d'œuvres dont l'intrigue s'y prête à peu près, et dans des circonstances particulières, le plus souvent lors de représentations à caractère un peu exceptionnel ou festif, quand des artistes "de marque" sont de la partie. C'est par exemple parfois le cas dans La Chauve-souris de Johann Strauss. Le second acte décrit une réception chez un prince russe extravagant, et ce contexte permet d'introduire des airs sans aucun rapport au prétexte de figurer à la fois les divertissements luxueux du prince et les artistes de son entourage. L'un ou l'autre des chanteurs peut alors sortir, comme jadis, son aria di baule.
Inception, même, dans un spectacle monté à l'Opéra-Comique il y a quelques années : l'une des vedettes de la distribution était Kangmin-Justin Kim, jouant le rôle dudit prince (Orlofsky). Or, ce chanteur s'est fait une spécialité de... parodier Cecilia Bartoli. En conséquence de quoi, au milieu du deuxième acte, il a chanté son aria di baule consistant à imiter Bartoli chantant son aria di baule, à savoir Agitata da due venti de Vivaldi. Donc bon, si Bianca Castafiore avait existé, on aurait pu faire la même chose à son sujet.
Judith a écrit : mer. 21 févr. 2024 10:43 @Tamiri sur le point particulier des airs insérés par les chanteurs dans les opéras, une question de pure curiosité : quels supports matériels conserve-t-on de ces pratiques, comment sont-elles documentées? Y a-t-il des partitions ou des livrets où la marque de ces insertions a subsisté, des recensions les mentionnant, des correspondances y faisant allusion, des biographies de chanteurs signalant ces habitudes (ce doit être le cas pour Caffarelli, qui est resté célèbre, outre son talent, pour ses exactions diverses et variées, souvent plus graves que les facéties que tu mentionnes).
De manière générale, les mœurs théâtrales sont connues principalement par le biais de chroniqueurs, au premier rang desquels Charles Burney (De l’état présent de la musique en France et en Italie) et Charles de Brosses (Lettres écrites d’Italie). Le texte satirique de Benedetto Marcello, Le théâtre à la mode (vers 1720), donne beaucoup d’informations même s’il faut évidemment garder à l’esprit que l’objectif est humoristique, de même que dans les pièces parodiques : L’opera seria de Florian Gassmann, Le Directeur de théâtre de Mozart, et plus tardivement Viva la mamma ! de Donizetti qui se situe après la période du genre « seria » mais fait référence à un milieu professionnel et économique très similaire.

En raison de son mode de production qui n’accordait aucune importance à la thésaurisation d’un répertoire, l’opera seria donnait rarement lieu à des partitions imprimées. En revanche, outre les partitions en possession des chanteurs, des auteurs et des impresarios, certains des amateurs les plus éclairés (ceux qui savaient lire la musique) et qui avaient des réseaux relationnels dans le milieu théâtral copiaient manuellement des airs significatifs, les montraient à d’autres qui les copiaient à leur tour… Les airs voyageant de cette manière, accompagnés parfois des mentions de provenance et d’utilisation précisant de quelle plume était issu le matériau musical et littéraire mais aussi, parfois, à quel chanteur il était destiné, dans quel spectacle…

Et tout ceci sans compter ce qui a été conservé de la correspondance des professionnels. Il subsiste ainsi d’importantes parties de la correspondance entre les membres de la famille Mozart (notamment quand Leopold emmenait ses deux enfants prodiges Wolfgang et Anna-Maria en tournée), ou encore de la correspondance entre le librettiste Metastase et les interprètes Carlo Broschi dit Farinelli et Vittoria Tesi, trio d’amis autant que bons épistoliers.
Enfin les témoignages, écrits et pratiques des adversaires de certains usages établis donnent des informations. Les mœurs théâtrales se lisent en creux dans les prises de position des « réformateurs » comme Gluck et Calzabigi, les anecdotes des démêlés entre Händel et ses interprètes, ou à la toute fin de la période, dans les ultimes compositions du genre seria de Rossini, qui écrivait absolument tout pour empêcher les chanteurs de modifier ses partitions.
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Message par Judith »

Merci pour ta réponse très complète à ma question. :)
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

La vraie réponse c’est que je m’en souviens très bien : j’étais le chat de Broschi.
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Tamiri a écrit : mer. 21 févr. 2024 17:48 j’étais le chat de Broschi.
Ah bon. Il avait donc un chat, en plus d'un frère célèbre? On le voit dans le film? (ma seule source sur lui, vue à sa sortie et donc complètement oubliée malgré l'exploit technique de la "reconstitution" de la voix de Farinelli à partir de celles de Cecilia Bartoli et Derek Lee Ragin, hum... :honte: ).
Et pourquoi Broschi? "Parce que" n'est pas une réponse.
Le renard sait beaucoup de choses, le hérisson n’en sait qu’une grande. (Archiloque)

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Tamiri
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Le chat de Carlo, celui qui avait la classe et qui était sympa et riche. Pas de Riccardo, celui dont on ne se souvient que pour un seul air. Parce qu'un chat choisit soigneusement les primates qu'il adopte, et qu'on a plus de saumon quand on adopte un chanteur célèbre qu'un compositeur de deuxième ordre, le premier étant à l'époque payé jusqu'à dix fois plus cher que le second. J'avais aucun intérêt à être le chat de Caffarelli, pas envie de me prendre des coups de pieds au moindre mouvement d'humeur de ce psychopathe.

C'était pas Bartoli, c'était Ewa Małas-Godlewska. Bartoli aurait été trop reconnaissable pour que ça marche, fallait des voix pas trop typées. À l'époque Corbiau disait à qui voulait l'entendre que la tessiture de Farinelli était d'une telle ampleur qu'il n'y avait pas d'autre moyen que de mettre bout à bout deux chanteurs différents. Or, maintenant, Bartoli, justement, ou Franco Fagioli, n'en font qu'une bouchée.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Judith
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Oui bon, on ne dit pas Broschi dans ce cas, on dit Farinelli, c'est tout de même plus clair. :devil:

Pour le reste, plus sérieusement : je ne sais pas d'où j'ai sorti Bartoli (enfin si, de ma mauvaise mémoire) mais je ne suis pas certaine que ce soit vraiment, ou exclusivement, le caractère reconnaissable de sa voix qui ait été en cause : Derek Lee Ragin a un timbre très particulier, il était largement aussi caractéristique même si moins célèbre. Il fallait bien une colorature pour les parties hautes de la voix, et Bartoli est une mezzo. Je veux bien croire que la reconstitution ait en partie reposé sur un bluff concernant la voix de Farinelli, mais je ne suis pas convaincue que les questions de tessiture aient été aussi insignifiantes que tu le suggères. Après, je sais que Bartoli a chanté des airs composés pour Farinelli sans" rallonge", mais que vaut son interprétation? Je n'ai pas écouté Sacrificium, à cause du titre ridicule (mauvaise raison, je sais), c'est bien?
Et par ailleurs, est-ce que tu as de la documentation précise sur ce point?
Et encore autre chose, est-ce que tu as vu un spectacle tiré du roman de Fernandez Les mystères de Naples, avec Bruce Brewer en Porporino, James Bowman en Feliciano et Daniel Emilfork dans je ne sais plus quel rôle, (peut-être Casanova ou plus vraisemblablement Sansevero)? Je l'ai regardé il y a longtemps, en vidéo, et c'était très drôle avec pas mal de charme.
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