Dans mon message d'hier à 12h40, je ne jugeais pas le menteur mais seulement son message mensonger, donc indépendamment des intentions du menteur. J'avais affirmé qu'un message mensonger était bien lorsqu'il entraînait plus de bien que de mal.
A partir de ceci, on peut proposer une démarche pour juger si un message mensonger est bien ou mal : On cherche les conséquences de ce mensonge, on regarde si ces conséquences sont bonnes ou mauvaises puis on se fait un avis global.
Donc le résultat de cette démarche dépend de comment on juge moralement chacune des conséquences du mensonge. D'une personne à l'autre, on ne sera pas tous d'accord.
Par exemple, admettons que la vie très heureuse après la mort n'existe pas mais que quelqu'un doive annoncer un décès à son enfant. Est-il moral de dire à l'enfant "Machin est mort mais, maintenant, il a une nouvelle vie très heureuse.", ce qui est plus facile à entendre que "Machin est mort. C'est très triste." ? D'un côté, ce serait bien que l'enfant souffre moins. Mais de l'autre, ce serait bien que l'enfant ne croit pas à quelque chose de faux. Quel est le plus important ? Éviter la souffrance ou bien éviter de diffuser une croyance fausse ? Quelle valeur est la plus importante ? C'est assez subjectif.
Maintenant, ne jugeons pas simplement le message mensonger mais aussi le menteur.
Si l'intention du menteur correspond aux conséquences du mensonge, alors il n'y a rien de nouveau. Pour faire apparaître les difficultés, prenons le cas intéressant où l'intention ne correspond pas aux conséquences de l'acte. (Je ne le fais pas pour le plaisir de faire compliqué, mais pour mettre en évidence les difficultés du problème.)
Je vais essayer de créer un exemple tordu :
Admettons que la vie très heureuse après la mort
existe mais que quelqu'un qui n'y croit pas doive annoncer un décès à son enfant. Pour atténuer la souffrance de l'enfant, il décide de lui mentir en disant que "Machin est mort mais, maintenant, il a une nouvelle vie très heureuse.". Avoir l'intention de privilégier le faux à l'évitement de la souffrance, est-ce moral ? Admettons que l'on considère que c'est mal d'avoir l'intention de dire le faux. Oui mais, là, sans le vouloir, il lui dit quelque chose de vrai, donc est-ce toujours une faute morale ? Mais, au fait, s'il a menti, est-ce vraiment parce qu'il pense qu'éviter la souffrance est plus important que de savoir la vérité ? Ne serait-ce pas plutôt par lâcheté ? En effet, il faut du courage pour annoncer un malheur à quelqu'un.
En fait, ce genre de problème moral, c'est un peu comme si on essayait de confronter deux mondes :
-le monde réel avec les conséquences réelles du mensonge et
-un monde imaginaire dans la tête du menteur avec les conséquences du mensonge prévues par le menteur.
Pour juger moralement un menteur, on a alors plein de sources de désaccord possibles :
-On n'est pas d'accord sur ce qu'est le monde réel et donc ce que sont les conséquences réelles d'un mensonge.
-On n'est pas d'accord pour mettre des priorités entre les conséquences bonnes et les conséquences mauvaises pour savoir si le message mensonger fait plus de bien que de mal.
-On n'est pas d'accord pour mettre des priorités entre les conséquences bonnes et les conséquences mauvaises pour savoir si le message mensonger aurait fait plus de bien que de mal... dans le monde imaginaire du menteur.
-On n'est pas d'accord pour savoir si les conséquences réelles du mensonge sont plus importantes que l'intention.
Et même si on disait que, le plus important, ce serait de faire le bien en fonction de ce qu'on croit et de ce qu'on juge le plus important, il peut y avoir des désaccords sur la question : Qu'est-ce que telle personne juge vraiment comme le plus important ?
Dans l'exemple tordu que j'ai donné, est-ce que celui qui annonce le décès ment vraiment parce que, pour lui, savoir la vérité n'est pas si important que ça, ou bien serait-ce plutôt par lâcheté ?
Euthyphron a écrit :b) n'est-il pas vrai que chaque fois que l'on agit l'on espère qu'il en sortira plus de bien que de mal? même les pires crimes n'ont-ils pas cette mauvaise excuse?
Des fois, on agit en ayant conscience que l'on privilégie le profit personnel au détriment d'autres valeurs. Est-ce que ça veut dire que, sur le moment présent, le profit personnel est vu comme un bien plus important que d'habitude ? Pourquoi pas. Cependant, je pense que la plupart des gens définissent le bien autrement, ce qui leur permet de dire que, des fois, ils font volontairement le mal.
Euthyphron a écrit :a) peut-on séparer l'intention des conséquences? "Je ne voulais pas te faire mal, je voulais seulement te flanquer mon poing dans la figure" : est-ce une excuse?
L'intention du poing dans la figure, c'est de faire mal, non ? Ou alors, du moins, c'est considérer qu'il est plus important que le donneur de coup de poing se défoule plutôt que d'éviter que sa victime ait mal, ce avec quoi les gens ne seront pas toujours d'accord.
Euthyphron a écrit :b) à supposer que j'ai le droit de mentir au service de la vérité (le cas Cyril) cela n'implique-t-il pas que mon intention est de favoriser la vérité le plus possible, donc qu'elle est la même que celle de celui qui préfère dire la vérité, la différence tenant dans l'estimation des conséquences, mais non dans la préférence ou pas pour les conséquences par rapport à l'intention?
Je ne comprends pas ta question. Quand tu parles des conséquences, parles-tu seulement des conséquences sur les croyances de celui à qui on ment ou bien aussi d'autres conséquences ?