sanders a écrit :Parce qu'à mon petit niveau j'utilise pas mal de ces expressions, arguments ... Pourtant, je ne pense(ais) pas être une vilaine rusée fourbe qui tente de manipuler mon prochain afin de lui refourguer au choix : de la culpabilité, mes principes, ma morale, mes dettes, mon linge à laver, ... <--- liste non exhaustive ...
(zut, je n'arrive pas à lire ta vidéo
)
Bien entendu, nous avons forcément tendance à le faire, et souvent inconsciemment. Nous contribuons aussi à véhiculer certains termes, certaines tournures "risquées".
L'approche que nous avons ici se place du côté du récepteur du message : face à ce type de termes, de tournures, il faut garder son esprit critique en éveil et s'interroger.
Après, libre à chacun de chercher à éviter ces écueils dans son propre discours ou au contraire d'en jouer... en tout cas on ne peut pas accuser quelqu'un de manipulation si l'intention n'en est pas là !
Mart49 a écrit :A mon avis, l'usage de mots valises et le jeu politique sur les connotations n'est pas un phénomène nouveau qui irait en s'accroissant, comme certaines tournures de Zeus&Za le laissent entendre. Il n'y a pas de dégradation ou de dérive, pas de glissement vers une novlangue à la 1984, simplement l'apparition de nouveaux thèmes et donc de nouveaux mots valises en fonction de l'actualité.
Certes, ce n'est pas un phénomène nouveau !
Par contre, je suis intimement persuadée qu'il va en s'accroissant, pour une raison toute simple : l'échange d'informations et le copié-collé direct se sont développés de manière exponentielle depuis le début de l'ère numérique.
Attention, je ne dis pas que c'est une mauvaise chose ; simplement que ça peut avoir des effets secondaires indésirables.
Pour exemple, je pense qu'il est assez flagrant que dans le traitement d'une information précise, d'un journal à l'autre on retrouve globalement les mêmes termes qui viennent caractériser la situation (d'autant que les différents articles ont souvent la même source). Termes qui se retrouvent ensuite machinalement dans la bouche des commentateurs, et ainsi de suite. Sachant que l'info se doit d'être efficace, presque instantanée, bien plus que nuancée et réfléchie. On arrive ainsi parfois à des glissements sémantiques assez rapides.
Mart49 a écrit :Si on est un peu radical, on peut généraliser le problème : quand deux personnes parlent entre elles, il est sûr et certain que tous les mots utilisés n'ont pas exactement le même sens pour l'un et pour l'autre.
Autrement dit, le langage commun n'est pas un ensemble d'outils scientifiquement définis, c'est une collection d'approximations.
Strict sensu, on n'est sûr de parfaitement communiquer qu'avec soi-même (et encore, ce n'est même pas vrai).
Communiquer politiquement, c'est donc, non pas utiliser des mots clairement définis au sens univoque, mais jouer des approximations du langage et des connotations inconscientes : cela relève plus du jazz (bon ou mauvais) que de l'article scientifique, avec définition préalable des concepts clefs.
Oui, mais pour moi cela justifie d'autant plus de viser à l'exactitude des termes choisis, pour aller au plus près de ce qu'on veut convoquer dans l'esprit de l'autre. Cela ne peut que m'évoquer les travaux de Bentolila
, on peut y revenir si ça vous dit...
On ne peut pas pour autant parler d'une "collection d'approximations", parce que les mots sont collectivement et culturellement définis. On ne peut pas "parfaitement" communiquer (il faudrait pour cela transmettre directement des pensées), mais ça ne fait pas pour autant du discours un exercice totalement déstructuré.
Car si on part de ce principe, peut importe finalement ce que mon interlocuteur saisira de mon message, l'important est de causer... il me semble qu'on doit, lorsqu'on s'adresse à quelqu'un, prendre en compte le peu de choses que l'on sait de lui, afin d'adapter notre message à cet interlocuteur en particulier. On est quand même donc dans une démarche qui se doit d'être construite si elle veut parvenir à ses fins.
Quant à jouer des approximations et des connotations inconscientes, tout dépend du but dans lequel on le fait... ça peut-être très bénéfique, ça peut être une démarche artistique ; mais ça peut servir à tromper volontairement les récepteurs du message...
Dok a écrit :
Pour aller plus loin, s'il s'agit de communication orale, il faut y inclure la gestuelle et les intonations qui, articulées avec les mots, permettent d'assurer la congruence nécessaire à la bonne transmission du message. Le ratio d'Albert Mehrabian indique que le sens des mots, communément appelé le "verbal", ne compte que pour 7% contre 38% pour le paralangage (en ce compris les silences, le volume, le ton, le rythme) et 55% pour le langage corporel. J'avoue que la part du verbal dans ses études me paraît bien mince mais bon, je n'ai pas pratiqué d'études de cas ou comparatives pour fixer un autre seuil.
Ainsi, les dangers et ruses peuvent trouver leur origine aussi bien dans le fond du discours que dans le charisme, la tonicité, la posture...de celui qui l'exprime et/ou encore dans la "mélodie" qui s'en dégage.
Oui, oui, et oui. C'est ce qu'on appelle la pragmatique du langage. Les ratios qui m'ont été donnés en cours étaient un peut plus haut pour la part du verbal il me semble, mais malheureusement je n'y ai pas accès. En réalité, le ratio est variable d'une situation à l'autre, et d'une personne à l'autre.
Ça me rappelle un extrait de l'"Homme qui prenait sa femme pour un chapeau" où O. Sacks décrit un groupe de patients aphasiques, ayant perdu leurs capacités communicationnelles verbales mais pas non-verbales, qui étaient hilares devant une émission politique... et ce parce qu'il saisissaient tout le côté "faux" du langage non-verbal des hommes politiques dont ils ne comprenaient plus du tout le discours... C'est sans doute très romancé, mais l'idée est là : on trompe aussi par tous les aspects pragmatiques du langage.
Ceci dit, le topic partait plutôt sur les aspects verbaux, notamment ceux qu'on retrouvaient dans les textes !