Je relance la discussion avec quelques citations et réflexions…
« L'angoisse alimentaire semble de nature différente des craintes que nous inspirent d'autres dangers, d'une ampleur proportionnellement plus grande. Et à l'intérieur de l'angoisse alimentaire il semble qu'il y ait subdivision selon que le danger, réel ou imaginaire, soit ancien ou nouveau, facile ou difficile à penser, librement consenti ou subi. » Apfelbaum, M. (1998). Risques et peurs alimentaires. Editions Odile Jacob.
« Parce que nos aliments ne sont pas des objets ordinaires : nous les incorporons et, ce faisant, nous incorporons par analogie les qualités réelles ou imaginaires, positives ou négatives, que nous leur prêtons… Comme on le voit, l’essor de la raison et le développement des sciences et des techniques n’ont pas effacé dans nos cerveaux le «penser magique» primitif. En fait, la pensée rationnelle s’est superposée à la pensée magique sans la remplacer et les deux types de pensée cohabitent. Là, tout se complique : comme nous ne la reconnaissons pas, nous rationalisons la pensée magique, l’habillons d’oripeaux scientifiques, si bien que, au final, il est parfois bien difficile de savoir qui, de la pensée magique ou de la logique scientifique, inspire nos déductions et nos décisions »
Bieulac-Scott, M. (2008) La question alimentaire, Paris.
« L’information n’éradique pas les savoirs populaires ou les connaissances déjà présentes sur lesquels elle vient se surajouter, parfois dans la contradiction. Or il est important de prêter attention à ces contradictions mêmes, aux interférences dans l’intégration des savoirs. »
Paicheler, G. (2009).Compte-rendu de lecture de l’ouvrage « La nourriture et nous » de Christine Durif-Bruckert
« Les discours épidémiologiques sur les risques alimentaires, fondés sur des indicateurs contestables ou labiles, vident les aliments de leurs significations sociales, les réduisent à leur aspect fonctionnel, dans une « arrogance technocratique qui prétend faire le bonheur des gens malgré eux »
Paicheler, G. (2009).Compte rendu de lecture de l’ouvrage « La nourriture et nous » de Christine Durif,Bruckert
« A travers les choix de ses aliments, l’homme choisit le type d’homme qu’il désire être. »
Trémolières, J. (1993). Le grand livre de la nutrition. Laffont. Citation (p.100)
Je suis assez réceptive aux idées véhiculées par ces citations : sur les angoisses que le sujet fait naitre, sur la superposition pensée rationnelle/pensée magique dès qu’on se branche un peu sur des questions diététiques, sur les contradictions intérieures que cela amène, sur le discours ambiant (discours diététique) qui enferme les aliments dans leurs dimensions fonctionnelles en masquant leurs dimensions sociales.
Ben tout ça pour dire que les articles, ressources sur l’alimentation sont trop souvent désespérants.… Quasiment toujours abordés selon l’unique dimension fonctionnelle (le fructose, oh attention/le café est bon pour ci mauvais pour ça/le lait poison…), selon une vision normalisante (c’est pour tous pareil), en occultant la dimension affective, et le coté social et leurs possibles impacts sur l’assimilation…
Par exemple, on en arrive à lire des articles sur le sucre blanc que sous l’angle « ou lala super mauvais en toutes circonstances» (index glycémique de ouf ! produit raffiné...) Oui mais, quand on lit des articles sur le sujet, on a l’impression qu’on le mange seul, que notre organisme va l’incorporer isolément (comme si on était assis devant le bol de sucre blanc et qu’on avale une(des) cuillère(s) ou un morceau sans rien avec).
Mais si on le remet dans un contexte de une fois de temps en temps, pris en association avec d’autres aliments, mélangé à de l’œuf, des céréales complètes, des fruits, en quantité raisonnable, dans une recette époustouflante, au cours d’un repas en bonne compagnie, où l’ambiance est joviale…quel sera le résultat : le sucre est assimilé avec des fibres, protéines, de la bonne humeur….et la bonne humeur, quel rôle elle joue sur l’alimentation, sur la digestion, sur l’index glycémique ?
Ras le bol de lire tous ces articles exclusifs (tel aliment est mauvais pour tous, dans toutes les conditions d’utilisation, à tous les dosages et fréquences, et modes de cuisson…), sans relier à l’individu, au cadre, à l’émotion véhiculée (ambiance, beauté, harmonie).
J’étouffe de lire ces blogueurs(euses) et pseudo-journalistes qui copient collent les mêmes informations sans émettre le moindre esprit critique…et ainsi voir et relire ces (parfois-souvent fausses ou non vérifiées dans leur complexité) informations et mesurer l’impact de cette répétition. Et à l’opposé de lire les messages des industriels qui enjolivent et minimisent les effets de l’abus de certains de leurs produits.
Pfff, et dans tout ça ne plus savoir à qui se fier, si ce n’est aux bons vieux conseils de la diversité, de la modération, du fait maison !
Et de l’écoute du corps, quoi que… si le corps-cerveau est dans une sorte de cycle d’addiction (par exemple au sucre, au sel), il est d’abord nécessaire de prendre conscience que ce que le corps réclame est une forme d’addiction, puis de trouver des moyens de se débarrasser des signaux qui vont nous porter ce vers quoi on est addict (sucre, sel…) pour renouer avec les signaux nous indiquant ce qui est bon pour nous.
Pas facile de faire confiance à ce que dit le corps dans cette phase de transition. Suis-je addict au sucre ? Ou mon corps le réclame-t-il vraiment (hypoglycémie approchant). Il faut se réapproprier les messages corporels dans leur ensemble.
Et/ou se fier à la science ? Mais qui donne la bonne information ? C’est tellement facile aujourd’hui de faire dire plus que ce qu’une étude veut bien révéler.
Pas simple en somme ?
J’ai repéré deux livres récents qui se revendiquent scientifiques. Est-ce que certains d’entre vous les connaissent (ou les auteurs ?)
https://jacquelinelagace.net/livres/une ... lintestin/
(Parait en France fin janvier 2017)
http://livre.fnac.com/a10131549/Jacquel ... l-intestin
Et
http://www.thierrysouccar.com/nutrition ... n=site-mfm
Et si vous avez de la lecture originale sur le sujet alimentation (positions singulières sortant de la dimension strictement fonctionnelle de tel ou tel aliment/ et à l’opposé de prises de position extrémistes : jamais de ceci, jamais de cela), ça m’intéresse!