Aujourd'hui :
Pour celle qui sèche mes pleurs!
Presque ma mère mais pas tout à fait, quoi qu'il en soit, elle m'a élevé en partie. Elle m'a encouragé pas à pas dans les démarches que j'ai pu faire pour me connaître, dont celle qui me place parmi vous ici. Pas Syrienne, (et c'est de ce peuple-ci que j'ai envie de parler), mais pas si loin, le Liban. Elle a apporté la chaleur qui manquait dans mon environnement et m'a traduit des duretés de vie que je savais existantes. Elle est le témoin positif de chaque dépassement que j'imagine dans la vie. Alors, car nous avons parlé, analysé, et que j'ai puisé auprès d'elle une traduction pour comprendre parfois, dans un cadre professionnel, le fonctionnement des autres; ce sujet aujourd'hui est pour elle.
Le peuple syrien :
La Syrie... Hummmm, j'ai passé une année où j'ai découvert ces gens car ils sont au cœur de l'actualité mondiale. Et j'ai appris à déconstruire mes préjugés, mes prénotions pour "rencontrer réellement", c'est à dire : entendre ce que les gens sont pour leur permettre de se situer, ici, là où nous sommes et avec ce que nous sommes. Je ferai un détour par le contexte politique-état de guerre actuel mais sans m'y plonger. Déjà car c'est très complexe à exposer, très complexe à comprendre et très difficile de ne pas riper sur un "positionnement" et donc, pas le lieu!
Mais à chaque fois que des gens me touchent, soient ils rencontrés dans ma partie de vie professionnelle, ça n'est plus tant leurs grandes histoires de vie que j'ai envie de voir, mais les petites choses qui constituent encore leur quotidien, leur habitude. Et du coup aussi, par d'autres média que l’échange direct, chercher à en connaître d'avantage sur les coutumes, les chansons, les singularités rencontrées, la vie qui anime cette partie de territoire.
Allez, je vous dépose ici un son enveloppant pour nous accompagner dans un premier temps de lecture. Si vous n'avez jamais entendu un récit doux-amer, je vous propose ce chant de Lena Chamayan, Syrienne d'origine Arménienne. C'est plus sucré qu'amer mais les quarts de tons des musiques arabes parlent toujours en demi-teintes, comme cela qu'elles résonnent en moi.
"Damas" "sha'mat"
[BBvideo=560,315]
https://youtu.be/satgbZHF450[/BBvideo]
Pour l'avoir recherché, je vous mets même la traduction prise sur la translittération arabe-anglais.
► Afficher le texte
"Une fille authentique aussi vieille que le destin
Je l'ai élevée du cœur des humains"
Mes yeux ont commencé à lever les yeux pour la voir
Louant le Seigneur pour ses images créatives
Voici un morceau de marbre qui a été imprégné du
parfum du jasmin pour qu'il s'épanouisse
Roses et basilic, musc et ambre
Saturé dans un édifice de couleur verte
Garni d'un croissant et rendu plus beau
Par un Aden appelant à la grandeur du Créateur
La fête des cloches est augmentée par
cet appel à la prière qui purifie l'âme
Et les lieux sont remplis d'encens
Adoucissant chaque cœur lapidé
Sham (Damas) vous êtes ma fille et ma mère
Vous avez blotti ma jeunesse, vais-je vieillir en vous?
Que puis-je faire pour obtenir votre satisfaction
Comme j'ai semé en vous ma jeunesse et c'est devenu prometteur
Y a-t-il quelqu'un qui trille et appelle à haute voix
pour le bonheur d'un cœur fermenté d'une blessure?
C'est la promesse de mon destin, si seulement ma tombe
Et la robe de mariée éclate avec vos Jasmin d'Arabie
Un bout d'histoire pour un lieu singulier :
Damas, dont parle la chanson, la capitale du pays, avant de parler de la ville, un petit tour historique sur le pays.
Difficile tour car l'histoire est parsemée de trous. Cela restera un vaste vol imprécis mais voici ce que j'ai trouvé, par l'apport de Maurice Sartre qui aura fait figure de référence pour la question historienne qui concerne la Syrie, d'abord.
Pour la Palmyre,
"Au temps de sa splendeur (Ier-IIIe siècles ap. J.-C.), Palmyre se situe dans l'Empire romain, qui y entretient garnison et poste de douanes.
Elle n'en fait pas moins figure de ville originale par sa culture où se mêlent les apports araméens, arabes et gréco-romains, ce qu'illustrent notamment les cultes célébrés dans la ville. Centre caravanier de première importance, Palmyre a fondé sa richesse sur son rôle d'intermédiaire dans le commerce
entre l'Océan Indien et la Méditerranée. Les invasions perses en Syrie au IIIe siècle poussent ses notables à agir pour protéger la province, non sans succès. Mais la tentative de Zénobie d'imposer son fils comme empereur romain tourne au désastre et, après 273, la ville,sans disparaître, perd l'essentiel de son importance économique"
Pour Damas,
La citadelle de Damas, site archéologique fortement conservé, permet d'en savoir plus sur la nature même de l'existence des peuples et de la force des royaumes qui se sont succèdés. (empire....).
La forteresse aura vu passer :
Les Zenghides : membres d'une dynastie turque qui a régné sur l'Orient musulman de 1127 à 1222
puis les Ayyoubides : famille kurde et descendante d’Ayyoub. À l’origine ce sont des officiers des émirs Zengi puis Nur ad-Din. Ensuite, Saladin prend le pouvoir en Égypte en 1170, puis unifie la Syrie contre les Francs
puis aurait été placée sous le contrôle des Mamelouks : membres d'une milice formée d'esclaves affranchis au service de différents souverains musulmans, milice qui a occupé le pouvoir à de nombreuses reprises
et les Ottomans : empire fondé à la fin du xiiie siècle au nord-ouest de l'Anatolie, dans la commune de Söğüt (actuelle province de Bilecik), par le chef tribal oghouze, Osman Ier. (pour les détails voir ci-après.
► Afficher le texte
Les recherches archéologiques sur la citadelle de Damas, dirigées de 1999 à 2006 par Sophie Berthier et Edmond Al-Ejji (DGAM) dans le cadre d’un programme franco-syrien IFEAD/IFPO- DGAM (Direction Générale des Antiquités et des Musées de Syrie), en collaboration scientifique avec des spécialistes du Laboratoire d’Archéologie Médiévale et Moderne en Méditerranée, ont profondément renouvelé la vision de l’évolution de la forteresse, résidence princière et centre de pouvoir, sous les Zenghides et les Ayyoubides puis sous les Mamelouks et les Ottomans.
Un ambitieux programme de fouilles archéologiques conduit dans les secteurs-clefs du monument a eu pour but de préciser la chronologie des phases de construction, de cerner l’évolution de l’occupation et de la fonction des espaces bâtis, et d’innover dans le domaine de l’approche du mobilier. L’abondance des céramiques – poterie culinaire, vaisselle de table et de service, jarres de stockage et lampes – a permis l’élaboration de chronotypologies sur la longue durée, du Xe au XIXe siècle. Les fouilles ont par ailleurs livré des pièces exceptionnelles telles que des pièces de vêtement, des sacoches de cuir ainsi que divers types d’armement.
Les fouilles ont été accompagnées d’une d’étude du bâti, centrée sur des points forts des ouvrages de défense et de circulation, et tout particulièrement sur les portes, les salles et les galeries voûtées connexes. Pour le secteur de la porte orientale, l’étude a mis en évidence des restructurations à partir d’une première période caractérisée par la transformation d’une enceinte urbaine préexistante, et l’enrichissement progressif du système défensif du premier périmètre fortifié dès avant la création de la seconde enceinte au début du XIIIe siècle, dont la grande tour-porte reprend et complète un programme monumental préfiguré par son prédécesseur du XIIe siècle.
Au cœur du dispositif ayyoubide, la grande salle à coupole tétrastyle, entièrement fouillée, et la longue galerie couverte jointive ont été analysées dans leur relation avec l’accès à la tour-porte nord et à ses espaces connexes, ce qui a permis de restituer le lien complexe entre les ouvrages ayyoubides et leurs prédécesseurs.
À l’ouest, l’étude des élévations et les fouilles donna lieu à la découverte des vestiges et traces indirectes de deux portes successives de la seconde enceinte, la première ayyoubide et la seconde mamelouke, dissimulées dans un réaménagement d’époque ottomane.
Au sud, la fouille et l’étude architecturale d’un prestigieux corps de bâtiment a livré, outre un riche ensemble d'artefacts militaires mamelouks, les clefs pour une relecture de l’occupation depuis l’édification à la fin du XIIe siècle, à la veille du début du chantier de la seconde enceinte en 1203.
Au centre de l’enceinte ancienne, les vestiges d’une porte à deux tours, enchâssés dans les constructions postérieures, ont été fouillés et étudiés dans leur rapport avec la typochronologie des constructions antérieures au XIIIe siècle.
Je vous invite à lire ce lien également qui va proposer un résumé :
https://www.assasmondearabe.fr/lhistoir ... ied06f1f23
A travers les siècles, la Syrie semble un pays dont la population est un agrégat de peuplades venues, les unes après les autres, emmenées par leurs pouvoirs politiques, conquérir, annexer, envahir le lieu, et qui sont restées. La place géographique, est, quoi qu'il en soit, un passage. D'abord ce passage commerçant.
et aujourd'hui :
Elle est située en Asie et au croisement des continents africain et européen.
Les gens de Syrie :
Une voix d'homme, pour continuer :
[BBvideo=560,315]
https://youtu.be/DJxSmH-D5_k[/BBvideo]
J'ai envie de vous parler d'un fonctionnement singulier, entre nomadisme-villageois et citadins, les gens de Syrie, ceux que j'ai rencontré... Voilà qui m'a semblé intéressant même si la référence n'est pas nouvelle :
Dussaud René. Jean Sauvaget. — Esquisse d'une histoire de la ville de Damas. In: Syria. Tome 17 fascicule 1, 1936. pp. 94-95;
https://www.persee.fr/doc/syria_0039-79 ... 094_0000_2
En attendant l'étude détaillée qu'il nous promet, l'auteur a été bien inspiré de publier les conférences qu'il a données à Paris en 1935. Personne ne connaît comme lui la ville qu'il étudie ; il la connaît sur le terrain et dans les textes. Et il n'est pas de ceux qui croient pouvoir traiter de géographie humaine, en Syrie, sans s'appuyer sur la connaissance de l'antiquité. Sa préoccupation de retrouver l'antécédent antique — que ce dernier subsiste encore ou ait été remplacé par un fait nouveau — donne à son étude toute sa valeur.
M. Sauvaget a bien vu que l'histoire de l'oasis de Damas est fonction de deux éléments généralement opposés, le sédentaire syrien et le nomade du désert.
Ce dernier facteur est le plus difficile à situer dans l'histoire. Il faut éviter, sous l'influence du spectacle moderne, d'enserrer le nomade dans un diptyque où il fait figure, d'un côté, de « pauvre diable famélique » qui se glisse dans la ville pour y troquer les produits de ses troupeaux contre du blé et des objets manufacturés, et de l'autre, où il se présente en « maître impitoyable, rapace et destructeur ». Il y a aussi le nomade qui,surtout aux époques prospères, loue ses services au sédentaire et finit, repoussé souvent par des tribus ennemies, par se fixer au sol. Il y a le nomade caravanier qui, si les circonstances le favorisent, dirige de grandes entreprises commerciales, développe sa puissance militaire pour garder les routes et assurer l'exécution des traités de commerce avec ses voisins. A force de pénétrer pacifiquement chez ces derniers, il leur fait accepter une
véritable suzeraineté. Il suffira, pour marque l'importance de cette évolution, de constater que telle fut, vers la côte, l'action
des Phéniciens partis du Sud désertique de la Syrie, et, vers l'intérieur, le rôle des tribus araméennes de l'époque assyrienne, puis des Nabatéens et des Palmyréniens. En ce qui concerne le développement de Damas, le rôle du nomade a été considérable, souvent déterminant. La constitution du royaume araméen de Damas est due à la fixation de tribus araméennes.
L’extrait parle de lui-même, le peuple syrien que l'on rencontre aujourd'hui, est issu de ce double mode de vie. Une ville faite d'un peuple mi-sédentaire mi-nomade. Les villes se découpent pour accueillir les notables au cœur et les villages alentours, constitué par familles, subsistent dans la coexistence de et avec la grande métropole.
Dans les mêmes années, d'autres auteurs apportent les mêmes constats de la démographie locale. De cette alliance et allers-retours entre la ville et le désert :
Thoumin Richard. De la vie nomade à la vie sédentaire. — Un village syrien : Adra. In: Revue de géographie alpine, tome 21, n°3, 1933. pp. 569-589;
https://www.persee.fr/doc/rga_0035-1121 ... _21_3_5372
Les pistes qui conduisent de Damas à Adra traversent les potagers, les vergers, les olivettes qu'arrosent les dérivations du Tora, bras du Barada. Elles coupent ensuite les vignobles de Douma et de Misraba. A mesure que l'on s'avance vers l'Est, les arbres se font de plus en plus rares : ils se présentent en îlots, de loin en loin, près d'un village ou d'une ferme.
.......
Ces mares témoignent des marécages que tendent en février les eaux du Barada, époque où les propriétaires des environs de Damas laissent les
dérivations couler à pleins bords sans irriguer leurs biens. La lagune d'Euteïbé limite cette région et la sépare du désert. Adra se situe entre ces eaux à niveau variable et les pentes du Kalamun. Au Sud du village, des nomades dressent leurs tentes : les Bédouins contournent la lagune par le Nord et s'approchent des terres cultivées. Pour le sédentaire, Adra marque l'extrême limite de la culture, le dernier point vers l'Est où l'on puisse bâtir une maison. Au delà, on ne rencontre que les nomades.
.
Le nomadisme réfère au désert quand les "villageois" sont ceux qui font zone tampon entre ce paysage infini de sécheresse et la "cité".
Sur ce fond de brassage et sur ce fond de conquête, pour la place stratégique, si aujourd'hui les enjeux peuvent prendre des intérêts autres (incluant la question des ressources du sous-sol dans la grande région), on comprend que l'histoire charge ce pays d'appartenances. et ces appartenances sont encore en jeu. La localisation géographique est déterminante dans sa place géo-politique entre trois continents.
Aujourd'hui, les Syriens fuient, ont fui.
Sans analyse pour moi, un détour sur ce qui en est traduit par Karim BITAR :
Bitar Karim Émile, « La Syrie, foyer de déstabilisation régionale ? », Confluences Méditerranée, 2014/2 (N° 89), p. 67-79. DOI : 10.3917/come.089.0067. URL : https://www.cairn.info/revue-confluence ... age-67.htm
J'ai essayé de rechercher des éléments, exclusivement par le web, sur le mode de vie en Syrie actuellement et avant la guerre débutée en 2011. Mais le sujet est encore si en flamme que nous n'avons aujourd'hui que les références antiques ou à la guerre qui ressortent.
Alors, outre quelques témoignages par ci, par là, que je peux faire (et que je dois limiter) je vous propose plutôt de voir en partie les photos de l'exposition qui a été faite à l'institut du monde arabe sur les cités millénaires "voyage virtuel de La Palmyre à Mossoul".
https://www.imarabe.org/fr/expositions/ ... illenaires
Et pour finir, car nous n'aurons pas le temps d’évoquer la force libre, la conviction... Je voulais citer, pour m'être assise au café avec, les femmes syriennes du quotidien, fumant leurs cigarettes sur un tapis, voilées laissant apparaître des yeux d'une clarté que nous envions, ces femmes qui choisissent pour leur époux la seconde épouse et qui feront avec elle, la gouvernance familiale et donc l'influence à bas mots mais assurées.... seconde épouse qui sera ennemie et amie dans le temps et dans le voyage actuel.
Et pour évoquer cette figure féminine, je voulais renvoyer vers une autre femme, différente de celle que je décris pour en arriver à cette conclusion, l'envie de lire son ouvrage :
Samar Yazbek, la voix des Syriennes
Par Annick Cojean
Publié le 22 octobre 2019, Le Monde
Dans son dernier livre, « 19 femmes », l’écrivaine syrienne exilée en France donne longuement la parole à ses compatriotes qui ont vécu au plus près la « révolution » et la guerre dans leur pays.
Elle brûle, Samar Yazbek. Et le feu qui, à la fois, la consume et l’anime, vous captive, vous atteint. Elle brûle des souvenirs atroces rapportés de Syrie, son pays tant chéri, aujourd’hui moribond. Elle brûle de colère, d’indignation, d’écœurement. Et de fatigue aussi.
Les larmes affleurent fréquemment, et elle s’agace quand il arrive qu’un sanglot mal contenu interrompe ses phrases saccadées. Elle s’en excuse. Et reprend d’une voix forte, cherchant des mots qui claquent, des mots de journaliste qui cernent la vérité, des mots de romancière qui savent la faire vibrer, agacée qu’ils ne coulent pas aussi facilement en français qu’en arabe, sa langue natale, alors que des torrents d’images, d’histoires rugissent dans sa tête, qu’elle voudrait partager.
Comment faire ? Elle sait que les gens détournent désormais la tête quand on évoque la Syrie, trop complexe et si déprimante. Mais quand même, dit-elle, ce qui s’y est passé depuis 2011 et les débuts d’une révolution qui se voulait pacifique est si « dantesque » qu’on n’a pas le droit de le laisser sombrer dans un de ces trous noirs de l’histoire qu’on renonce à comprendre et expliquer. « Pas le droit ! », répète-t-elle d’une voix brune probablement acquise au fil de ses nuits blanches en fumant clope sur clope devant l’ordinateur qui la relie, depuis Paris, lieu de son exil, à ses frères et sœurs syriens.
Voilà pour mon tour d'horizon de ce jour, toujours pas scientifique, je choisis mes citations mais cela ne constitue pas un savoir, seulement une exploration..... en espérant que celle-ci vous ait plu.
et si vous voulez rester encore un peu..... un autre apport de culture : la poésie arabe et le poète Nizar Kabbani, représentant du monde syrien, un podcast :
https://www.franceculture.fr/emissions/ ... s-de-syrie