Opéra et théâtre lyrique

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RoseDawson
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par RoseDawson »

J'ai cru comprendre qu'ici, on ne parlait pas seulement d'opéras, mais que les comédies musicales étaient également les bienvenues dans la conversation, alors je me lance !
Travaillant dans le milieu des arts du spectacle, j'ai eu la chance de voyager en équipe et d'assister à des spectacles de ce type à Londres et à New York (payés par mon patron de l'époque qui était un passionné et très généreux, il faut le reconnaître), et récemment j'en ai vu un près de chez moi.

42nd Street - Londres
Je ne connaissais pas du tout cette œuvre, apparemment tiré d'un roman de Bradford Ropes, mais quand j'ai compris qu'il s'agirait de chant, de danse et plus particulièrement de claquettes, je me suis dit que cela allait être tout à fait singulier. Je ne me suis d'ailleurs pas trompée, car j'ai été totalement subjuguée, par la technique incroyable des artistes, surtout celle des claquettes qui m'est totalement inconnue, et par les magnifiques tableaux proposés tout au long du spectacle.
J'ai trouvé cela très visuel, avec des scènes d'ensemble à couper le souffle, dont une qui, par un jeu avec un miroir gigantesque positionné au-dessus du plateau, dédoublait l'espace scénique et le jeu de jambes des danseuses qui s'y trouvaient. La scène finale (il me semble) où l'on retrouve tous les artistes sur un immense escalier fut riche en émotions également, et je me suis retrouvée comme une enfant, admirative et éblouie.
Etant un spectacle de chant et de claquettes, la dimension sonore était elle aussi très importante évidemment, et si j'ai beaucoup aimé la dynamique des chansons, mon attention était surtout tournée vers le son des claquettes, témoin du talent de ceux qui en jouaient.

Chicago - Londres
Il s'agit là de la comédie musicale qui a ensuite donné le film éponyme (réalisé par Rob Marshall, avec Catherine Zeta Jones, Richard Gere, et Renée Zellweger), et qui est une véritable référence dans mon milieu artistique. Chorégraphiée par Bob Fosse, monument de la danse, cette œuvre m'a époustouflée. Je suis sortie de la salle avec d'un côté l'envie de travailler encore plus dur, de tenter d'effleurer l'excellence des artistes incroyables que j'avais vu sur scène, et de l'autre une impression atroce de médiocrité personnelle. J'ai décidé de garder l'enthousiasme que leur performance m'avait offerte, et je n'ai jamais cessé de me former.
Ce qui était frappant pour moi, comme vous l'aurez compris, c'était vraiment le charisme des comédiennes, et la perfection de leurs mouvements, la justesse de leur jeu, et leurs voix fabuleuses.
J'adorais déjà le film, pour ces tableaux magnifiques (en particulier le Celle Block Tango évidemment), ses chansons addictives, aussi parce que je connais cet univers de l'intérieur, j'ai moi-même dansé ces numéros, ces mouvements de Fosse je les connais bien... Mais de voir tout cela en direct, sous mes yeux, m'a mis une claque, littéralement. J'ai vraiment vécu un moment intense. Je ne crois pas avoir vu beaucoup de spectacles qui m'ont procuré ce type d'émotions aussi fortement.

Aladdin - New York
C'était déjà exceptionnel de traverser l'Atlantique pour me retrouver aux Etats-Unis, mais assister à un spectacle à Broadway, c'était la cerise sur le gâteau, ou devrais-je dire le flambeau sur la Statue de la Liberté ! (Voilà pourquoi j'évite l'humour en général...)
Evidemment, en bonne enfant des années 1990, je connaissais par cœur l'histoire d'Aladdin, et j'étais déjà conquise avant même d'entrer dans le théâtre. Mais tout de même, il faut le dire : c'était magnifique. Ce que je retiens, en plus des chansons qui m'ont mise en joie (même si je les connaissais seulement en français), ce sont les couleurs des décors et des costumes. L'immersion était totale et tout était beau, dans chaque recoin un détail à regarder, et des teintes remarquables. Inutile de dire que les comédiens étaient excellents, et j'ai particulièrement adoré le génie, qui m'a fait beaucoup rire.
Le seul reproche que je pourrais faire, serait que les chorégraphies n'étaient pas vraiment en adéquation avec le lieu de la fiction qui se place visiblement au Moyen-Orient, et qui semblaient plutôt sorties d'un film Bollywoodien. Soit, peut-être que ça n'a gêné que moi, mais je ne vais pas vous apprendre ce que cela fait d'aimer l'exactitude, n'est-ce pas ? J'en garde néanmoins un très bon souvenir.

Cabaret - Grenoble
Oui, je sais, la destination fait nettement moins rêver, mais il y a aussi des choses à voir par là-bas !
Encore une fois, une œuvre de Bob Fosse, à la base un film, et qui a ensuite été adapté pour la scène. Le spectacle auquel j'ai assisté était assuré en partie par des professionnels (pour les acteurs principaux), et par des amateurs (le corps de ballet et les figurants). Il n'en reste pas moins que la prestation était bonne, parce que le talent était présent, et j'ai beaucoup apprécié de le Maître de Cérémonie.
En revanche, je n'ai pas du tout aimé la scénographie, très moderne et cubique (littéralement, il y avait des cubes blancs partout). C'était une façon astucieuse de remplir l'espace scénique avec un petit budget il est vrai, mais je pense que je suis trop attachée à l'esthétique de l'œuvre originale (pour les mêmes raisons que ce que je disais à propos de Chicago) et cela m'a donc beaucoup dérangée.

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Judith
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Troglodyte-mimi a écrit : lun. 30 janv. 2023 22:24 Il me reste en sortant un air béat et un plaisir d'écoute, mais d'analyse point.
C'est peut-être le mieux. L'analyse n'est pas nécessaire, ellle peut même empêcher de profiter pleinement du spectacle. Ça peut être amusant de s'y livrer dans une discussion, sinon après tout, c'est affaire de professionnels.
Troglodyte-mimi a écrit : lun. 30 janv. 2023 22:24 Certains airs font remonter le souvenir de moments intenses
Celui-ci par exemple? :)

Romance de Nadir

Je mets exprès une interprétation assez ancienne, par un ténor que j'aime énormément et qui ne plaît pas forcément @Tamiri. Pourtant Björling, c'était quelque chose, particulièrement dans le répertoire français -il n'était pas mal non plus dans Verdi. Mais beaucoup de gens ne le supportent pas, ou plus. C'est un peu dommage.
RoseDawson a écrit : mar. 31 janv. 2023 00:00 La scène finale (il me semble) où l'on retrouve tous les artistes sur un immense escalier
Oui, je pense que c'est dans le finale, mais je ne connais que le film de 1933, donc je ne sais pas ce qu'il en est de la comédie musicale qui date, je crois, des années 80.
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Tamiri
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Troglodyte-mimi a écrit : lun. 30 janv. 2023 22:24Pour moi, l'opéra est comme la peinture, j'en profite pleinement sur le moment, j'en ai besoin et j'apprécie, je me laisse "bercer", mais mon esprit d'analyse n'est pas de la partie et c'est d'ailleurs ce qui m'attire tant dans vos échanges, cette analyse et réflexion que vous avez autour de ces productions là où je ne suis que ressenti.
En fait je n'ai pas du tout l'impression de faire de l'analyse, si par là on entend un décryptage et quelque-chose de réflexif, j'attends qu'on me raconte des histoires et que cela suscite des émotions. En revanche il y a un degré de familiarité qui tient au fait que cette forme d'expression artistique occupe une place dominante dans mon paysage mental (et il faut bien le dire dans mon budget loisirs). De ce fait, à "fréquenter" un nombre relativement important d'œuvres et de représentations ou d'enregistrements, des références se mettent en place (des notions historiques ou stylistiques, des courants d'interprétation...). Des préférences et des affinités se précisent... Et aussi des manières d'approcher les œuvres qui deviennent de plus en plus personnelles.
Chez moi en revanche il est certain que les études et l'activité professionnelle (histoire et secteur culturel) ainsi qu'un passé de pratique musicale vont avoir une influence importante, là dedans j'ai tendance à me focaliser sur une connaissance d'aspects formels ou historiques qui, de fait, produisent une "analyse" (sur le mode : ça répond à tel ou tel style, ça s'est pratiqué à telle ou telle époque...). À l'inverse il y a des personnes qui vont se trouver à l'aise, par exemple, avec des implications littéraires ou philosophiques d'une part, et qui peuvent avoir en même temps une envie de déchiffrement, de recherche de sens ou de degrés de lecture implicites. Personnellement ceci n'est pas assez mon paysage mental ordinaire, donc ça me causerait des efforts plus que du plaisir.
RoseDawson a écrit : mar. 31 janv. 2023 00:00 J'ai cru comprendre qu'ici, on ne parlait pas seulement d'opéras, mais que les comédies musicales étaient également les bienvenues dans la conversation, alors je me lance !
À vrai-dire c'est pour ça que j'ai intitulé "et théâtre lyrique" parce que les appellations de genres théâtraux sont nombreuses, poreuses. Du moment que c'est une forme théâtrale utilisant l'élément musical et chanté comme un langage par lequel les comédiens s'expriment...
RoseDawson a écrit : 42nd Street - Londres
De la description je pense comprendre qu'il s'agit de la mise en scène de Gower Champion. Que je n'ai pas vue mais dont j'ai lu quelques commentaires (d'ailleurs le disque que j'ai de l'œuvre est l'enregistrement d'une distribution qui avait joué cette version). C'est une production historiquement marquante à tel point que le metteur en scène du spectacle joué cet hiver à Paris lui a rendu un hommage direct, au travers de la manière dont s'ouvre le premier tableau (le rideau se lève d'abord d'une cinquantaine de cm, il semble rester coincé... on ne voit pendant les premières secondes que les jambes des danseurs). Quand j'avais vu le spectacle parisien pour la première fois il y a quelques années j'en avais eu des frissons (augmentés par le fait que la salle avait spontanément applaudi, c'est rare dans les salles parisiennes : on a parfois cette impression d'émotion collective et d'enthousiasme de toute la salle). J'avais trouvé que c'était une idée fabuleuse, je ne savais pas à l'époque que c'était un clin d'œil d'un metteur en scène à un autre.
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RoseDawson a écrit :Mais de voir tout cela en direct, sous mes yeux, m'a mis une claque, littéralement. J'ai vraiment vécu un moment intense. Je ne crois pas avoir vu beaucoup de spectacles qui m'ont procuré ce type d'émotions aussi fortement.
De mon côté lors de sa sortie en salle j'ai vu le film de Rob Marshall plusieurs fois en quelques semaines, d'où un attachement certain à l'œuvre. Et j'ai... raté la production parisienne d'il y a un an ou deux pour une raison stupide : il y avait un nombre invraisemblable de représentations sur une durée de plusieurs mois donc j'ai passé tout ce temps à voir d'autres spectacles qui restaient moins longtemps en me disant que j'avais encore le temps d'aller voir Chicago. Et quand est arrivé la fin de la série de représentations... le temps, le budget et la disponibilité des places avaient fondu :(

RoseDawson a écrit :Aladdin - New York
Le seul reproche que je pourrais faire, serait que les chorégraphies n'étaient pas vraiment en adéquation avec le lieu de la fiction qui se place visiblement au Moyen-Orient, et qui semblaient plutôt sorties d'un film Bollywoodien.
Qu'un metteur en scène ait une lubie ne me dérange pas outre-mesure à condition que ce soit immédiatement cohérent au sein du spectacle. Quand au contraire, comme ça semble être le cas ici, ça a l'air de tomber comme un cheveu sur la soupe et qu'il faut aller chercher dans la note d'intention ou dans tout autre propos du metteur en scène pour tenter de comprendre, ça me gène aussi, en général.
RoseDawson a écrit :Cabaret - Grenoble
Oui, je sais, la destination fait nettement moins rêver, mais il y a aussi des choses à voir par là-bas !
Pour le coup, il y a quelques années, pour moi la destination faisait carrément rêver : à l'époque où il y avait simultanément le chorégraphe Jean-Claude Gallotta, le chef d'orchestre Marc Minkowski et le metteur en scène Laurent Pelly !
RoseDawson a écrit :En revanche, je n'ai pas du tout aimé la scénographie, très moderne et cubique (littéralement, il y avait des cubes blancs partout). C'était une façon astucieuse de remplir l'espace scénique avec un petit budget il est vrai, mais je pense que je suis trop attachée à l'esthétique de l'œuvre originale (pour les mêmes raisons que ce que je disais à propos de Chicago) et cela m'a donc beaucoup dérangée.
C'est pour ça que j'éprouve le besoin de m'intéresser aux metteurs en scène, car c'est tout de même lui qui a en main l'essentiel des possibilités offertes au spectateur pour "rentrer" dans le spectacle ou non.
Judith a écrit :
RoseDawson a écrit : La scène finale (il me semble) où l'on retrouve tous les artistes sur un immense escalier
Oui, je pense que c'est dans le finale, mais je ne connais que le film de 1933, donc je ne sais pas ce qu'il en est de la comédie musicale qui date, je crois, des années 80.
Ciel, je ne connais pas le film, j'ai découvert l'œuvre quand elle a été jouée à Paris il y a deux ou trois ans. Et maintenant je me souviens effectivement avoir lu dans le programme que la musique avait été initialement composée pour un film. Faut que je me procure ça sans attendre :amour7:
Judith a écrit :Romance de Nadir
Je mets exprès une interprétation assez ancienne, par un ténor que j'aime énormément et qui ne plaît pas forcément @Tamiri. Pourtant Björling, c'était quelque chose, particulièrement dans le répertoire français -il n'était pas mal non plus dans Verdi. Mais beaucoup de gens ne le supportent pas, ou plus. C'est un peu dommage.
Björling = tricheur ! C'est transposé plus bas. Car l'air est écrit pour une typologie de voix très différente qui émet l'aigu en voix mixte, c'est une spécificité de l'école française. Björling est un ténor plus conventionnel.
Sur cet air précisément, je n'ai personne d'idéal à proposer, je dirais que pour moi, la beauté du chant et des couleurs se trouve chez Alain Vanzo : https://www.youtube.com/watch?v=5VbTO1dTZIY
MAIS la perfection de la prononciation se trouve chez Alagna https://www.youtube.com/watch?v=TQaySQQONXs
Donc je voudrais la voix de Vanzo et les mots d'Alagna. S'il se trouve un savant fou pour faire un Frankenténor à partir de leur ADN, merci (comment ça, faut pas encourager les expériences scientifiques douteuses sur le plan éthique ?).

Blague à part, Björling est superbe mais je crois que sa contribution principale à l'opéra français est son Faust. Mais alors il fait face à Georges Thill, donc il peut pas lutter :devilish:
:favorite: :favorite: :favorite: https://www.youtube.com/watch?v=qP52VGrp2yU :favorite: :favorite: :favorite:
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Judith
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Je savais que tu dirais ça pour Björling, je l'avais posté exprès.
Comme mon rapport aux voix lyriques est très différent du tien, moins technique et beaucoup plus affectif et sentimental (même si je perçois les défauts techniques, ils ne me gênent pas comme ils le font manifestement pour toi), je ne pense pas qu'il faille se lancer dans des polémiques. Nous avions déjà discuté de Schicoff dans La Juive, nous ne ferions que réitérer des argumentaires opposés qui seraient vite fastidieux.
Le Faust de Björlng est effectivement fabuleux, c'est au moins un point sur lequel nous sommes d'accord. Je ne me suis jamais consolée, pour ma part, qu'il soit mort avant d'avoir pu chanter les grands Wagner. :cry:

Après, si je devais choisir un seul ténor, ce serait... lui. 8o :honte: Tu vas bondir mais j'ai des raisons personnelles pour ça.

José Luccioni

Ou encore lui (oui je sais, je sais...)

Ivan Kozlovsky (qui chante Gounod en russe, j'espère que tu ne le chicaneras pas sur sa prononciation qui est d'ailleurs très bonne. :pale: )

Thill est admirable évidemment, mais la comparaison est difficile et quoi qu'il en soit, il ne me touchera jamais de la même façon.

Et puis moi, à l'opéra, j'aime les barytons et les basses, alors... :diabloo:
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Judith
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

En attendant de compléter mon avis sur le ring berlinois (j’ai fini Siegfried et j’attaque le Crépuscule, avec toujours autant de satisfaction), je reviens sur un spectacle vu en septembre dernier au Grand Opéra de Genève : La Juive de Fromental Halèvy, jouée sous la direction de Marc Minkowski et mise en scène par David Alden.

Un « grand opéra à la française » dans toute sa splendeur

Comme je ne crois pas que cette œuvre ait été abordée dans le fil, à part pour un bref échange autour d’un interprète, je la présente en quelques lignes avant de parler de la représentation de Genève. Il s’agit d’un opéra en cinq actes, créé en 1835 à Paris sur un livret d’Eugène Scribe. C’est l’un des succès les plus colossaux de l’opéra parisien du premier XIXème siècle pour diverses raisons : notoriété du compositeur et surtout du librettiste, importance inusitée des moyens mis en œuvre, où les costumes et les décors somptueux impressionnèrent le public, gigantisme et intelligence de l’œuvre elle-même qui reconstituait sur scène le Concile de Constance et traitait d’une histoire située au XVème siècle mais remplie d’ échos avec les débats contemporains de sa création. S’y ajoutait une distribution de prestige dominée par le ténor Adolphe Nourrit.

Le livret allie grande et petite histoire autour du thème de l’intolérance religieuse, en montrant les aberrations que celle-ci peut engendrer : l’intrigue est complexe et je la résume. Une jeune fille juive de Constance, Rachel, s’est malencontreusement éprise d’un homme plus âgé qu’elle, qui se prétend étudiant et juif. Il n’est autre, en réalité, que le fils de l’empereur, Léopold, déjà marié et père de deux enfants, récent vainqueur d’une guerre sanglante contre les hussites. Cet amour trompeur en lui-même est également interdit par la loi, qui condamne sévèrement les unions entre Juifs et Chrétiens : si la liaison est découverte, Rachel mourra et Léopold sera excommunié. Par ailleurs, le père de la jeune fille, Eléazar, est un orfèvre animé d’une haine absolue envers les chrétiens depuis que ses deux fils, réfractaires à la conversion, ont été brûlés à Rome. Provocateur envers les autorités dans un climat de violente judéophobie, il bénéficie de la protection quelque peu énigmatique du cardinal de Brogni, venu participer au Concile qui va s’ouvrir pour tenter de réunifier une église divisée contre elle-même, et condamner les hussites (autrement dit justifier a posteriori leur massacre). Au bout d’assez nombreuses péripéties toutes plus mélodramatiques les unes que les autres, Rachel périra sur le bûcher malgré les efforts de Brogni pour la sauver. On apprendra d’Eléazar, rendu fou par la haine et le chagrin, qu’elle est en réalité la fille du cardinal, ce qui ajoute à l’absurdité de son destin et à la cruauté du déchirement religieux.
Bref, de la violence (beaucoup), des mensonges et des larmes (à torrents), de grandes questions politico-religieuses à foison croisées à des passions monstrueuses. Tout le monde aura reconnu les ingrédients d’une série Netflix, ce dont le grand opéra à la française était assez proche, toutes proportions gardées. :D

Le livret, bien intentionné et assez habilement réflexif, n’en est pas pour autant génial et musicalement, l’œuvre est fragile malgré le soin apporté à son écriture et ses réelles beautés : elle est déparée par ses exagérations belcantistes, la monotonie des ensembles, quelques effets d’un goût douteux, et une articulation des « numéros » vocaux, airs ou chœurs, fondée sur une alternance systématique entre moments de tension et d’apaisement, dont le mécanisme peut aujourd’hui lasser. Je l’avais vue il y a de cela plusieurs années dans une mise en scène très chargée, portée par une distribution lourde, où Neil Shicoff chantait Eléazar avec une engagement scénique extraordinaire (j’avais marché) et une technique parfois approximative (réprouvée à juste titre par Tamiri). J’ai eu envie de la revoir dans une approche très différente. La mise en scène de David Alden promettait de jouer sur la distanciation et l’ironie et de s’en tenir à une relative sobriété. La direction d’orchestre de Marc Minkowski garantissait en principe une lecture attentive et rigoureuse de la partition.

Une mise en scène ingrate et sans perspective

Las, toutes ces promesses n’ont guère été tenues. Les décors sont en effet d’une sobriété remarquable, mais c’est bien leur seul point positif. Trois panneaux pivotants définissent les différents espaces où s’inscrit l’action, enfermant les personnages dans une structure minimaliste oppressante dominée en fond de scène par un orgue gigantesque. On ne peut pas dire que le symbole soit léger, et esthétiquement, c’est assez quelconque. Je passe sur la croix géante portée par les Juifs opprimés, sur le chariot traîné à bras où trône le prélat oppresseur, sur la pendule à mouvement variable qui scande la temporalité contrainte d’Eléazar et autres trouvailles douteuses. Le noir et les teintes sombres et rompues dominent largement les costumes, où se détache la pourpre cardinalice de Brogni (bonne idée) tandis que des masques grimaçants changent les citoyens de Constance en monstres (mauvaise idée). La direction d’acteur est irrégulière : si Eléazar est bien défini, dans sa droiture intransigeante comme dans les affres de son ressentiment et de son dilemme affectif, les amants malheureux font piètre figure, l’épouse trompée reste une pure utilité et surtout, hélas, Brogni manque de profondeur. C’est le double inversé d’Eléazar, tant psychologiquement que religieusement, et le rapport entre les deux hommes n’est pas tant une histoire de vengeance atroce que l’affrontement de deux psychismes jumeaux : il aurait fallu trouver une façon de le montrer, et presque rien n’est fait dans ce sens. Les tentatives d’humour et de décalage ne m’ont pas paru fonctionner non plus et pire, elles étaient souvent dérangeantes (la croix transformée en table, le joyau réduit à un colifichet, etc.). Quant à la fin grand-guignolesque, elle était tout simplement indigne.

Une distribution de qualité et un orchestre méticuleux

Les chanteurs ne déméritaient pas et servaient l’œuvre avec beaucoup de conviction, quoiqu’avec des bonheurs divers. L’Eléazar de John Osborn était excellent, tant par l’ampleur de sa voix que par la netteté de sa diction. Il ne faisait pas de son personnage un fou complet, à la différence de Neil Shicoff ; plutôt un homme déchiré de contradictions au-delà du supportable. L’émotion était donc bien au rendez-vous du duo avec Brogni et de l’air célèbre de l’acte IV, mais dans la nuance et sans tomber dans le pathétique. Malheureusement, le cardinal de Dmitry Ukianov décevait un peu : les aspects belcantistes du rôle, très importants, étaient mal servis par un manque de legato et un timbre parfois désagréable, et le personnage trop simplifié, comme je l’ai dit plus haut, laissait peu d’espace au chanteur pour compenser ces défauts par une véritable composition psychologique. Son engagement indéniable sauvait finalement les meubles, mais de justesse. Joan Hotea en Leopold restait toujours un peu en retrait, mais Ruzan Mantashyan campait une belle Rachel, douloureuse à souhait dans des couleurs somptueuses.

Minkowki, pour autant que j’ai pu en juger (je suis mauvaise auditrice des orchestres en salle), effectuait un travail remarquable de précision mais un peu sec. Sa direction m’a paru trop rapide : bien sûr, l’ensemble de la partition, assez pesant, s’en trouvait dynamisé, mais une partie de l’atmosphère et des nuances passaient à la trappe – peut-être volontairement, pour s’accorder aux tentatives de distanciation de la mise en scène.

Bref, une soirée honnête mais assez frustrante.
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Tamiri
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Merci de cet avis, il se trouve que je n'ai fait pratiquement aucun déplacement cette année en raison d'une situation financière peu favorable, mais que c'est typiquement une œuvre qui aurait pu justifier un déplacement. Le duo Osborn / Minkowski aurait constitué la principale motivation en raison d'une certaine méfiance envers Alden. Personnellement je suis "bon public" vis-à-vis de ce genre d'œuvre et justement, la distanciation et la pointe d'ironie que j'ai pu voir chez lui (dans Rinaldo notamment) était la dernière chose dont j'ai envie là-dedans. Donc peu de regrets.

En général Minkowski n'est pas du genre à maltraiter l'écriture d'un compositeur au prétexte d'un parti-pris du spectacle, donc j'ai plus tendance à penser à un "mauvais jour" plutôt qu'à une manière de coller au propos d'Alden. En l'occurrence, j'aurais une indulgence toute théorique, partant du principe que son travail sur les tempi est en règle générale appuyé sur une approche historique et que sur ce point nombre d'habitudes instaurées dans ce répertoire par l'alourdissement général des moyens et du ton au milieu du vingtième siècle ont été ainsi remises en cause. Sauf que la chose s'accompagne généralement de la restitution de la palette de nuances dynamiques et de la variété des timbres, donc si au contraire ça donne une impression d'uniformité... c'est que c'est un ratage, nul n'étant à l'abri d'un accident.

La prestation de John Osborn, de son côté, ne m'étonne guère. :cheers:

La part d'envolées ou d'épanchements belcantistes n'est pas un accident, elle s'inscrit dans l'influence de Guillaume Tell et sauf souvenir déformé de ma part elle n'a pas de proportions inhabituelles ici. C'est donc effectivement affaire de goût car on n'est aucunement obligé d'avoir une indulgence attendrie à l'égard des conventions du genre comme c'est mon cas. J'ajoute que dans ce domaine, en raison de la longueur des pièces et de leur conception pensée pour un public dont on exigeait pas une attention continue, pratiquer quelques coupes reste légitime à condition que ce soit bien fait - après-tout les compositeurs eux-mêmes le faisaient à l'occasion en fonction des circonstances, tout autant qu'ils pouvaient pratiquer rajouts ou substitutions. En l'occurrence, certains ensembles et chœurs ne sont pas extraordinaires en eux-mêmes et fonctionnent principalement en lien avec une scénographie spectaculaire et un effet de masse. Si l'on a pas les moyens de répondre à cette exigence, il peut être largement préférable de faire l'impasse sur ceux qui ont le moins d'intérêt dramatique, sous réserve évidemment de ne pas perturber la narration.

Pour en revenir à Schicoff, je ne parlerais pas d'un problème "technique". Mon grief tient à ce qu'on ne comprend rien à ce qu'il dit. Ceci n'à rien à voir avec le problème d'un interprète anglo-saxon qui aurait un accent, cela donne franchement l'impression qu'il se fiche éperdument d'être compréhensible - auquel cas il faut faire autre-chose que de l'opéra, parce que si c'est pour sacrifier une moitié de l'œuvre... Or il se donne à fond, il semble vivre le drame jusque dans sa chair, mais il contraint le public à aborder le personnage comme si c'était un mime musicien puisqu'on ne comprend pas ce qu'il dit ("Je vais vous faire la musique d'Eléazar sans les paroles d'Eléazar mais je joue vachement bien"). Ce n'est alors plus Scribe / Halévy, c'est Halévy / Schicoff. Et encore la part de travail d'Halévy consistant à s'accorder à la prosodie - un des principaux attendus dans de l'opéra français - est-elle négligée dans ce cas. J'ai plaisanté l'autre-fois au sujet de Björling "trichant" sur la tonalité d'un air trop aigu pour lui (ou plus exactement pour sa typologie vocale), blague à part je trouve légitime qu'un chanteur fasse des aménagements pour s'éviter les graves, les aigus, les traits virtuoses ou les problèmes de souffle qui mettraient à mal ses moyens vocaux, car au moins seuls les spectateurs familiers de l'œuvre s'en rendront compte et cela ne mettra pas en danger l'enjeu dramatique. Que Schicoff, après de nombreuses années à étrenner le rôle, n'ait en revanche pratiquement pas retravaillé sa diction, ça m'interroge sur la manière dont il envisage les choses. En attendant, si l'on pouvait se contenter de parler de problème technique, ce serait mieux : seuls les puristes seraient ennuyés dans une certaine mesure. Là, à la limite, c'est eux qui y perdront le moins car il y a des chances qu'ils connaissent déjà le livret et reconstituent mentalement les vers. C'est au contraire le public généraliste qui se trouve mis de côté (ou alors, même à Paris, il faut se tordre le cou pour lire le surtitrage comme si c'était en italien ou en tchèque).

... et il y a en revanche de fortes chances qu'avec pareil engagement dans un contexte scénique qui s'y prête, un Schicoff intelligible me ferait adhérer à 100%.

P.S.J'ai pas vu Tristan car on m'a collé un RDV à 8h30 hier matin.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Tamiri
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Judith a écrit : mer. 1 févr. 2023 09:28 Comme mon rapport aux voix lyriques est très différent du tien, moins technique et beaucoup plus affectif et sentimental (même si je perçois les défauts techniques, ils ne me gênent pas comme ils le font manifestement pour toi)
Argh, pas vu ce message avant d'en rajouter une couche, mais justement, pour le coup, je ne pense pas qu'il s'agisse de technique. En l'occurrence et sans revenir sur le cas particulier des aménagements faits à la musique pour raisons de difficulté (qui sont de toutes façons également une pratique historiquement attestée), en repensant à notre discussion au sujet des "accidents de cor", je pense que je suis d'une grande indulgence en ce qui concerne les fausses notes, erreurs et autres couacs. Sauf s'il n'y a plus que ça, auquel cas effectivement on peut commencer à parler de négligence.
Judith a écrit : Après, si je devais choisir un seul ténor, ce serait... lui. 8o :honte: Tu vas bondir mais j'ai des raisons personnelles pour ça.

José Luccioni
Je ne bondis pas. Pourquoi devrais-je bondir ?
Judith a écrit :Ou encore lui (oui je sais, je sais...)

Ivan Kozlovsky (qui chante Gounod en russe, j'espère que tu ne le chicaneras pas sur sa prononciation qui est d'ailleurs très bonne. :pale: )
Je ne m'aventure rarement dans les langues dont je ne perçois pas la prosodie et encore moins la syntaxe, et où je ne reconnais qu'un mot par ci par là, ça me donne l'impression de passer à côté de la moitié de l'œuvre, car la versification et la manière de projeter les mots sont chez moi des portes d'entrée indispensables sans lesquelles l'affectif ne suit pas facilement. Ce qui va certes me limiter au français, à l'allemand, à l'italien et à l'anglais. Paradoxalement dans les films j'adore entendre, notamment, du russe, du tchèque, de l'arabe... Y compris si le film comporte des chansons. Des fois faut pas chercher à comprendre.
Judith a écrit :Et puis moi, à l'opéra, j'aime les barytons et les basses, alors... :diabloo:
C'est pour ça qu'il y a lui :
https://www.youtube.com/watch?v=2XDUTmw4cpc
Et lui (l'orchestre est un peu heuuu... pardon pour les oreilles sensibles)
https://www.youtube.com/watch?v=L59aS4k_vvU
Et lui mais à l'époque de l'enregistrement il abusait encore des R roulés.
https://www.youtube.com/watch?v=D-zBCCLa2T4
(C'est Joao Fernandes, non mentionné dans la "vidéo" si l'on peut qualifier de vidéo ces trucs avec la pochette de disque)
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Tamiri a écrit : ven. 3 févr. 2023 15:17 Je ne bondis pas. Pourquoi devrais-je bondir ?
Oui au fait, pourquoi devrais-tu? Je ne sais plus pourquoi j'ai pensé que tu n'aimais pas ce type d'interprétation, il n'y a pas de raison sérieuse au regard de ce que tu écris par ailleurs.
Bref. :honte:
Tamiri a écrit : ven. 3 févr. 2023 15:17 ça me donne l'impression de passer à côté de la moitié de l'œuvre, car la versification et la manière de projeter les mots sont chez moi des portes d'entrée indispensables sans lesquelles l'affectif ne suit pas facilement.
Bien sûr, je comprends parfaitement. Mon propre fonctionnement est très différent (l'affectif suit à peu près n'importe quoi chez moi) et tout ça ne se discute pas.

Pour le reste, je te répondrai demain, y compris brièvement sur Schicoff car je crois qu'on peut le défendre efficacement, sans nier ses lacunes évidentes, en adoptant un autre angle d'approche de son travail que le tien. Il faut que je note tout ce que j'ai en retard dans ce fil, sinon je vais m'y perdre complètement. 8o
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Judith a écrit : ven. 3 févr. 2023 18:11Il faut que je note tout ce que j'ai en retard dans ce fil, sinon je vais m'y perdre complètement. 8o
Ah oui, parce que tout ce que tu as en retard, c'est proprement scandaleux, depuis le temps qu'on attend. Alors que moi par exemple, je produis tous les commentaires que je promets sur tous les spectacles que je vois et je n'ai pas du tout plus d'un an de retard. C'est grâce à mon assiduité. En effet je ne passe jamais plusieurs mois d'affilée à ne pas faire grand-chose sur le forum pour y revenir subitement pendant plusieurs semaines. Non, ce genre de truc ne m'arrive jamais. Pas plus que je ne fais la sieste et que je ne mange du saumon. Tu pourrais suivre mon exemple, tout de même. :wait:
Judith a écrit :Je ne sais plus pourquoi j'ai pensé que tu n'aimais pas ce type d'interprétation, il n'y a pas de raison sérieuse au regard de ce que tu écris par ailleurs.
À vrai-dire, chez moi une excellente diction suffit à susciter mon adhésion devant toute autre considération. Soit la caractéristique de la majorité des artistes évoluant sur les scènes francophones des deux premiers tiers du vingtième siècle, et en particulier de ceux ayant fait partie des troupes permanentes des deux théâtres nationaux parisiens et des maisons comparables (Monnaie, Châtelet, Lyon, Bordeaux, Marseille...), et aussi d'une bonne partie des interprètes familiers du répertoire francophone comme par exemple Björling dont nous parlions. Lequel, habitué du Met, donne une idée du niveau d'excellence en la matière qui était la norme sur cette scène au milieu du siècle dernier car, si l'on y pratiquait en priorité le répertoire italien, on y donnait également Gounod (ou Wagner) dans les langues d'origine d'une manière pratiquement aussi idiomatique qu'à Paris et Bayreuth.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Tamiri a écrit : ven. 3 févr. 2023 19:43 Tu pourrais suivre mon exemple, tout de même.
Tu veux dire que je pourrais m'abstenir de saumon, cultiver le manque de sommeil et faire preuve d'indulgence envers les cornistes de Pygmalion?
Si c'est ça, aucun problème, je le fais déjà et je renonce de grand cœur à mon excès de sévérité d'il y a quelques jours.

Je renonce également à développer sur Schicoff, c'est une cause perdue de ton côté et les éventuels curieux iront se faire une idée par eux-mêmes s'ils en ont l'envie.
Je reviens brièvement sur un point plus intéressant.
Tamiri a écrit : ven. 3 févr. 2023 15:17

Je ne m'aventure rarement dans les langues dont je ne perçois pas la prosodie et encore moins la syntaxe, et où je ne reconnais qu'un mot par ci par là, ça me donne l'impression de passer à côté de la moitié de l'œuvre, car la versification et la manière de projeter les mots sont chez moi des portes d'entrée indispensables sans lesquelles l'affectif ne suit pas facilement. Ce qui va certes me limiter au français, à l'allemand, à l'italien et à l'anglais. Paradoxalement dans les films j'adore entendre, notamment, du russe, du tchèque, de l'arabe... Y compris si le film comporte des chansons. Des fois faut pas chercher à comprendre.
Je dirais pour ma part que c'est dommage (sans condescendance aucune), notamment pour trois langues : le russe, le chinois et le japonais. Tu passes à côté de trois répertoires aussi immenses qu'admirables - mais on ne peut pas tout avoir. De mon côté, ne souffrant pas de cette restriction et pour ne prendre que l'exemple du japonais, je conserve des souvenirs bouleversants de mon premier spectacle de Nô, vu à une époque où je n'entendais pas un mot de japonais médiéval. J'avais eu accès aux grandes lignes de la pièce, on m'en avait expliqué le principe fondateur -indispensable pour ne pas faire de contresens majeur sur sa substance- et même si j'ai manqué beaucoup de choses, ce qui passait malgré tout a été suffisant pour fonder une passion qui ne s'est jamais démentie (et qui m'a conduite à approfondir mes connaissances pour devenir une meilleure spectatrice). Le public actuel ne comprends d'ailleurs généralement pas du tout les livrets des Nô, hors un petit milieu de connaisseurs privilégiés, qui sont également, pour la plupart, des artistes amateurs. Il connaît les mythes qui sous-tendent les intrigues, et c'est suffisant tant le spectacle en lui-même est riche.

Mais naturellement, tout cela est subjectif et je n'essaierai pas plus de te convertir à l'art lyrique japonais qu'au chant de Neil Schicoff. :D

Bon, Le Trouvère, c'est demain, je dois me préparer psychologiquement (et faire provision de tomates pourries, d'après le peu que j'ai entendu en ligne :( ).
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

J'ai vu Le Trouvère et franchement, je m'attendais à bien pire.
Bon, je n'ai aimé ni le ténor, ni la soprano ni le baryton, ni la direction d'orchestre, ni la mise en scène 8o :honte: , mais il y avait un excellent Ferrando et une très belle Azucena. Et puis Verdi, bien entendu. :favorite:
Bonus : comme nos places étaient du côté des cuivres, je ne me suis pas endormie.
Pour un avis plus détaillé, j'attends avec impatience la fin du mois. :)
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

…sauf que je suis une andouille, j’ai réservé le jour du WEAAS. Donc manifestement je ne ferai pas les deux en même temps…
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Message par Judith »

Tamiri a écrit : lun. 6 févr. 2023 09:51 j’ai réservé le jour du WEAAS
Donc pas d'avis à attendre de ta part, c'est ça?
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Si. Mon avis c’est que je suis très, très, très bête. Et que j’ai maintenant une place à donner.
C’est mon avis sur moi, pas sur le spectacle.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Message par Judith »

OK. Je ne crois pas que tu manqueras le Trouvère du siècle, franchement -même si un grand Verdi à Bastille n'est jamais à dédaigner et qu'il y a de réelles beautés dans le spectacle proposé (j'ai des goûts très tranchés et peu représentatifs en la matière). Si tu donnes la place à un membre du forum, nous aurons peut-être un avis de sa part?
J'attends fin févier pour rédiger un compte-rendu détaillé de toute façon.
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Aaaargh !

Dans tout ça j'ai oublié de proposer ma place en rab ! Donc qui veut une place pour "Le trouvère" à l'opéra Bastille vendredi 17 soir ??? Urgent ! Envoyez-moi un MP. Pas compliqué de le donner à quelqu'un ici car c'est un billet en format PDF.

Bon finalement sur suggestion d'une amie je le mets sur la bourse aux billets du site de l'opéra parce que je cite "on se fera une autre sortie avec les sous".

Sinon, d'où venait ta méfiance initiale ? Pas du compositeur si j'en juge par tes propos, mais d'Alex Ollé peut-être ?
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Tamiri a écrit : mar. 14 févr. 2023 19:22 d'Alex Ollé peut-être ?
Bien sûr (et j'avais bien raison, j'y reviendrai) mais pas seulement. J'avais de gros doutes sur la capacité d'Etienne Dupuis et d'Anna Pirozzi à endosser leurs rôles de façon convaincante, tant vocalement que dramatiquement. Je suis difficile sur le chant verdien, pour lequel j'ai des exigences assez précises, et ce sont des rôles lourds. Je n'ai pas été très enthousiasmée mais ils s'en sont plutôt bien tirés finalement. L'essentiel leur manque, mais ce n'était pas une catastrophe.
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Ah, je n'avais pas lu la version éditée du message précédent. J'en déduis donc que ce n'est pas la peine que j'attende un éventuel retour sur le forum pour rédiger une petite critique personnelle du spectacle.
Je vais m'y mettre (et terminer aussi mon mini-topo sur le Ring).

Sinon, @Tamiri, est-ce que tu as regardé sur Arte la retransmission du Giulio Cesare d'Amsterdam, dirigé par Emmanuelle Haïm et mis en scène par Calixto Bieito? Je viens de le faire et mon avis est mitigé. C'est peut-être intéressant d'en mettre un mot tout de même, je ne sais pas. Bieito fait du Bieito, sans trop se poser de questions, on dirait... Haïm est excellente en revanche et c'est bien chanté (sauf par Dumaux, hélas, mais c'était peut-être une mauvaise soirée).
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

Je place ce message ici, en laissant l’équipe du forum libre de le déplacer si nécessaire. Je vais parler d'un spectacle de kabuki retransmis sur Netflix et d'un documentaire qui l'accompagne.
Le kabuki n'est pas de l'opéra, mais il peut, me semble-t-il, être classé dans le théâtre lyrique puisqu'une partie des rôles y est chantée et qu'un chœur intervient, toujours accompagné d'un orchestre traditionnel.

Le spectacle retransmis est la pièce Akadosuzunosuke, créée en août 2021 au théâtre Honda de Tokyo. Le documentaire, intitulé Sing, Dance, Act, traite de la production de cette pièce, de ses répétitions et de ses particularités, dont la principale est de mettre en scène un acteur étranger au monde du théâtre traditionnel japonais, Toma Ikuta.

La pièce a été produite et elle est interprétée, dans le rôle principal, par le jeune acteur traditionnel Onoe Matsuya II, une des étoiles montantes du kabuki contemporain : ami d’enfance d’Ikuta, il souhaitait jouer avec celui-ci au théâtre, chose impossible dans le monde japonais traditionnel. Aussi a-t-il dû passer par la voie du genre dit Shinsaku (pièce nouvelle) et produire le spectacle indépendamment des grandes scènes où lui-même joue normalement.

Sur l'image (un peu trop grande, pardon), Toma Ikuta est à gauche et Onoe Matsuya à droite.


Image


La pièce est fondée sur un manga de 1950, très populaire à l’époque (il a été adapté plusieurs fois au cinéma dans les années 50) qui met en scène un thème parfaitement classique : deux jeunes épéistes de talent, Akado Suzunosuke et Tatsumaki Rainoshin, montent à la capitale afin de parfaire leur technique de combat. Le premier est le fils d’un grand guerrier mystérieusement disparu dix ans auparavant, le second est orphelin et tous deux sont liés par une amitié profonde. Il leur faudra affronter un complot fomenté par des démons dont le chef, Taira no Masakado, est remonté des enfers et possède le corps du père disparu de Suzunosuke (on imagine assez aisément les problèmes psychologiques complexes que pose au jeune héros une telle situation, problèmes auxquels s’ajoute une rivalité amoureuse avec son ami autour de la fille de leur maître d’armes). Bref, c’est du mélo historico-fantastique et du combat de sabre japonais comme on les aime :cheers: .

Image

Le spectacle est très réussi, et je le recommande chaleureusement, aux éventuels amateurs de kabuki du forum (y en a-t-il ? :help: ) mais aussi à tout néophyte intéressé par les arts japonais traditionnels, le manga, les combats de sabre, la mythologie populaire, enfin bref à tout le monde.

C’est une rare occasion de voir une représentation de kabuki entière, sans passer par des sites spécialisés ni se rendre au Japon, et d’admirer au passage quelques-uns des meilleurs acteurs traditionnels contemporains, issus des grandes lignées, qui ont rejoint Onoe Matsuya dans son aventure et déploient tout leur talent. Sans citer toute la distribution (très prestigieuse, j’ai été assez effarée en la découvrant étant donné le caractère évidemment iconoclaste du projet), je mentionnerai le brillant jeune onnagata (acteur spécialisé dans les rôles de femmes) Nakamura Kangyoku dans le principal rôle féminin, les excellents Ichikawa Tatsunosuke III et Onoe Tokumatsu (deux autres onnagatas célèbres, plus âgés) dans les rôles respectifs et opposés du démon-araignée et de la mère du héros, et Onoe Kikuji dans une autre figure de démon spectaculaire à souhait. Toma Ikuta pour sa part n’atteint pas, loin de là, le niveau des autres acteurs, mais il s’en sort très honorablement et son duo héroïque avec Onoe Matsuya fonctionne à merveille.

Le documentaire d’accompagnement est très intéressant : on peut le regarder en complément de la pièce ou simplement pour lui-même. Il décrit au plus près tout le processus de la production et des répétitions, incluant la formation accélérée d’Ikuta sans cacher les problèmes qu’elle a posés – notamment aux autres acteurs qui ont parfois dû s’adapter. On y perçoit parfaitement les enjeux de la création d’une œuvre mêlant techniques traditionnelles et matériau plus moderne, comme des projections en images de synthèse. Il insiste beaucoup sur l’amitié entre les deux protagonistes, qui vivent et travaillent dans des univers totalement différents, apparemment inconciliables, mais ont su transcender ce qui les opposait pour créer une production digne d’un public exigeant. Enfin, il rend hommage avec beaucoup de délicatesse au père d’Onoe Matsuya, Onoe Matusuke VI, un acteur de rôles secondaires de haute qualité auquel tout rôle principal était interdit par sa naissance. Son fils, en intégrant par adoption la lignée des Otoyama, a pu accéder aux grands rôles : il a récemment joué, par exemple, Tomomori dans Yoshitsune Senbon Zakura. Pour situer ce type de rôle dans un répertoire français, ce serait comme jouer Le Cid ou Lorenzaccio, même si la comparaison est trompeuse tant le kabuki est différent du théâtre classique européen. Ses interventions, où il se remémore la souffrance de son père et décrit le soulagement qu’il a éprouvé à accomplir enfin le vœu de ce dernier, sont très émouvants.
Bref, je recommande encore une fois chaudement, au moins la pièce, même sans expérience aucune du kabuki. Et si quelqu’un la regarde, des retours m’intéresseront.
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Judith a écrit : sam. 25 févr. 2023 07:40 Sinon, @Tamiri, est-ce que tu as regardé sur Arte la retransmission du Giulio Cesare d'Amsterdam, dirigé par Emmanuelle Haïm et mis en scène par Calixto Bieito? Je viens de le faire et mon avis est mitigé. C'est peut-être intéressant d'en mettre un mot tout de même, je ne sais pas. Bieito fait du Bieito, sans trop se poser de questions, on dirait... Haïm est excellente en revanche et c'est bien chanté (sauf par Dumaux, hélas, mais c'était peut-être une mauvaise soirée).
J’ai commencé à jeter un œil et…
Mais qu’est-il arrivé à ce metteur en scène qui dans les années 90-2000 montait des spectacles cohérents, et dont la Carmen régulièrement reprise à Paris, pratiquement exempte de maniérismes, me semble toujours un modèle de lisibilité (si ce n’est d’ailleurs ma lecture préférée de l’œuvre en raison de l’approche spécialement immersive du personnage de Micaela) ?
Ici d’emblée pas moyen de comprendre quoi que ce soit à cette boîte en métal et à ce chœur d’entrée apparemment chanté par les protagonistes, y compris ceux qui n’appartiennent pas à cette scène (certes la partition l’indique, mais… hors plateau !) sans que cela ne semble avoir un quelconque intérêt dramatique. Évidemment il doit y avoir quelque-part une note d’intention de Bieito qui explique tout d’une façon plus ou moins compréhensible, mais comme toujours je ne vois pas en quoi on peut justifier de mettre dans un spectacle des choses qui ne se comprennent qu’à la lecture du programme. Donc ça me semble bien mal embarqué, et si dans les quelques spectacles que j’ai vus le côté « moche mais avec de belles lumières » se justifiait par une lecture le justifiant concrètement, ici je cherche encore ce qui excuse ce mélange de gesticulations et de bidules apparemment gratuits, à moins évidemment qu’il ne me manque une clef de lecture.

En revanche au point où j’en suis je ne trouve rien de spécial à reprocher à Dumeaux.

Je vais sans doute le reprendre en mode écoute car si Bieito est vraiment parti en roue libre ça va être fatiguant. Peut-être que ça ferait un bon disque plutôt qu’une vidéo.
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Napirisha »

Judith a écrit : sam. 4 mars 2023 11:09 (...) Le spectacle est très réussi, et je le recommande chaleureusement, aux éventuels amateurs de kabuki du forum (y en a-t-il ? :help: ) mais aussi à tout néophyte intéressé par les arts japonais traditionnels, le manga, les combats de sabre, la mythologie populaire, enfin bref à tout le monde.
(...) Bref, je recommande encore une fois chaudement, au moins la pièce, même sans expérience aucune du kabuki. Et si quelqu’un la regarde, des retours m’intéresseront.
Merci beaucoup @Judith , j'ai regardé le documentaire puis la pièce. Je suis complètement néophyte, il me manque donc à peu près la totalité des références culturelles pour suivre. Ça ne m'a pas empêchée de passer un bon moment, mais c'est un peu frustrant. Heureusement, le documentaire montre l'acteur qui apprend certaines techniques, ça m'a donné quelques points de repères en regardant ensuite la pièce. Du style : "oh, là il louche d'un oeil, :cheers: c'est formidable". Ton commentaire m'a aussi à mieux comprendre certains aspects (dont la projection de scènes du manga)
D'une certaine manière, j'ai une impression semblable à celle que j'ai eue en regardant le film Salomé de Ch. Bryant https://fr.wikipedia.org/wiki/Salom%C3%A9_(film,_1923) , les références culturelles en moins (je connaissais et le texte biblique, et ses interprétations du XIXe). Je sais que les postures, mimiques, intonations des acteurs ont un sens, mais il m'échappe, et me semble à première vue extrêmement caricatural. L'avantage de la durée de presque 3h, c'est que ça laisse le temps de s'y habituer, et de se prendre au jeu. J'ai été étonnée de "croire" aux duels de sabre, par exemple, alors que c'est représenté sous forme d'une sorte de danse, très éloignée de mes références habituelles.
Ça donne envie d'avoir davantage de connaissances sur le kabuki pour comprendre un peu mieux. Malheureusement, c'est difficile de trouver en ligne des informations qui aillent au delà de "c'est un art traditionnnel japonais". Sais-tu où je pourrais trouver des explications sur les codes des costumes et maquillages, les postures, l'influence sur les productions grand public actuelles, ce genre de choses ? (ça mériterait presque un fil à part entière sur "comment aborder ou apprécier une pratique culturelle qui nous est étrangère?" )
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Judith
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

@Napirisha super, je suis enchantée que tu aies apprécié! :cheers:
Napirisha a écrit : mar. 7 mars 2023 19:02 Sais-tu où je pourrais trouver des explications sur les codes des costumes et maquillages, les postures, l'influence sur les productions grand public actuelles, ce genre de choses ?
Oui, sur ce site, tu trouveras pas mal de choses et si tu te sens vraiment mordue, tu pourras voir des pièces en ligne à la demande, dans une bonne définition et sous-titrées. C'est assez sommaire, mais il y a les bases, la symbolique des couleurs entre autres, si importante, et le contenu est correct. Tu y découvriras aussi l'explication de quelques points bizarres pour un public occidental (pourquoi le public crie à certains moments, par exemple). En ligne actuellement, je ne connais rien de mieux.
Pour plus de données sérieuses, il y a des livres, mais je ne sais pas si c'est ce que tu recherches. Je pourrais aussi présenter quelques spectacles traditionnels, avec des extraits en vidéo que je commenterais, si ça te semble agréable. Je ne suis qu'une amatrice de second ordre, mais c'est tout de même une de mes grandes marottes et j'ai eu la chance d'apprendre à apprécier le répertoire en milieu japonais.
Tamiri a écrit : mar. 7 mars 2023 17:52 Ici d’emblée pas moyen de comprendre quoi que ce soit à cette boîte en métal et à ce chœur d’entrée apparemment chanté par les protagonistes, y compris ceux qui n’appartiennent pas à cette scène (certes la partition l’indique, mais… hors plateau !) sans que cela ne semble avoir un quelconque intérêt dramatique.
Je pense que si tu trouves le courage de regarder l'ensemble, certaines choses deviendront plus claires (mais probablement pas tout, de mon côté je suis restée perplexe plusieurs fois). L'ensemble est plus cohérent qu'il n'y paraît au premier abord. Et la boîte s'explique assez aisément en contexte, enfin... Je crois. Par contre, c'est vraiment écœurant par moments, ce que j'ai du mal à pardonner. Je suis une amatrice de gore, mais je ne crois pas que le genre soit adapté à une production de Haendel, même très actualisée et orientée politiquement - et encore moins le trash, genre que je n'aime pas du tout et qui est malheureusement présent à de nombreuses reprises.
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Ô mon bel inconnu
Livret de Sacha Guitry
Musique de Reynaldo Hahn
Direction musicale de Samuel Jean
Mise en scène d’Emeline Bayart
Paris, à l’Athénée jusqu’à dimanche prochain (16 avril)
Les saisons prochaines probablement à Rouen, Avignon, Tours, Massy


Ici le site du théâtre : https://www.athenee-theatre.com/saison/ ... nconnu.htm
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Non, ça ne va certes pas rattraper le retard pris sur les spectacles que je me promettais de présenter ici, mais comme cet hiver, pour une fois que j’assiste à une représentation tôt dans la série et que j’ai l’occasion d’en parler avant que ça ne se termine…

Cette production inaugurée à l’Opéra de Tours devrait par ailleurs tourner, au cours des prochaines saisons, si l’on en croit la liste des salles l’ayant co-produite (Opéra Grand-Avignon, Opéra de Rouen Normandie et Opéra de Massy).

Il s’agit par ailleurs d’une initiative du Palazzetto Bru-Zane / Centre de musique romantique française qui avait édité un disque, il y a quelques années, ne contenant toutefois que la partie musicale.

En effet, le compositeur désigne l’œuvre comme « comédie musicale », expression à ne pas comprendre ici au sens anglo-saxon, mais plus littéralement comme une pièce principalement parlée mais assez largement réhaussée de parties chantées, qui représenteraient ici toutefois moins de la moitié de la durée totale.

Guitry livre ici un « vaudeville » très au-dessus du « boulevard » le plus ordinaire (j’entends par là le genre fréquemment cynique et sexiste pour lequel je n’ai personnellement aucun goût) ; l’enjeu habituel (fidélité ou infidélité) se teinte parfois de nuances plus sombres car les portes qui claquent et les flirts épistolaires sont ici ouvertement la conséquence d’une tristesse sous-jacente. Aucun dindon de la farce dans une conclusion où chacun se révèlera fondamentalement bienveillant et où les rapports de pouvoir auront cédé le pas à l’épanouissement d’un groupe familial et amical.

Reynaldo Hahn pare ce texte, à la beauté formelle du reste assez limitée, de couleurs majoritairement tendres et douces-amères, intimes et chaleureuses. Il n’y a pas ici les fulgurances mélodiques de Ciboulette que la forme et le texte n’appellent de toutes façons pas, même si l’énergique finale du 3e acte retrouve une verve offenbachienne, et si, surtout, l’entêtant trio qui donne son titre à la pièce fait entrer un lyrisme qui ne déparerait pas une forme plus ambitieuse. Il y a d’ailleurs de fortes chances que ce soit ce numéro qui trotte dans la tête de nombre de spectateurs à la sortie – à moins qu’il ne s’agisse des quelques passages burlesques prodigués notamment par la servante confondant le musée du Louvre et les (défunts) grands magasins du même nom.

Face à cette œuvre rarement montée, Emelyne Bayart fait le choix d’une honnête simplicité : ni actualisation ni historicité forcées, tout autant qu’une certaine confiance dans le texte, et donc avec des ajouts de gags extrêmement mesurés (plus rares, ils n’en font que plus d’effet, comme ce petit moment de diction alla de Funès au second acte). C’est ainsi que la longueur des textes parlés se fait alors ressentir au milieu du spectacle, avant un troisième acte heureusement plus riche en musique. La direction d’acteurs, sans se priver d’appuyer le trait si nécessaire, nous épargne le sur-jeu permanent qui plombe certaines réalisations en croyant rendre les dialogues plus digestes (et en produisant l’effet contraire).

Distribution à l’avenant, nécessairement heureusement très à l’aise dans les dialogues, où brille Sheva Tehoval (ici Marie-Anne, remarquée la saison dernière dans Le Voyage dans la Lune), son timbre rond et sa diction superlative. Marc Labonnette (Prosper) et Clémence Tilquin (Antoinette) ne sont pas loin derrière. J’adhère moins à l’émission très droite de Jean François Novelli (double rôle de Victor et du soupirant maladroit amateur de chapeaux-melons) et au timbre trop sombre de Carl Ghazarossian (Lallumette), mais ce dernier, muet pendant toute la pièce et ne chantant que dans la toute fin ( !) s’avère vif et drôle dans la pantomime. La vocalité de son unique intervention chantée appelerait, à mon goût, un ténor plus solaire… mais il est vrai que, dans la pièce, c’est en Ecosse que le personnage a finalement appris à chanter…

La metteuse en scène s’attribue le rôle de la servante Félicie en s’appuyant sans détour sur les manières d’Arletty, créatrice du rôle ; mais même sans être totalement chanteuse de formation, elle parvient à se glisser dans le trio Ô mon bel inconnu emmené tout en délicatesse par Mmes Tehoval et Tilquin. Mention spéciale, donc.

Principal point critique en ce qui me concerne, l’orchestration ici réduite à un instrument par partie au niveau des cordes. Cela surexpose les autres instruments qui, dans les tutti, ne devraient apporter que de la couleur, et notamment le piano. Cela sonne non comme un orchestre de format modeste mais comme de la musique de chambre pure et dure (dont il se trouve que je ne suis personnellement pas friand.e, ceci expliquant probablement cela), mais généralement, cela m’a laissé la sensation d’une couleur par trop systématique et univoque, d’autant plus que le chef ne semble pas se soucier de différencier les tempi modérés qui se succèdent dans la première moitié du deuxième acte. Réserves pardonnables eu égard à la cohérence d’ensemble qui caractérise le travail scénique et vocal.

Bon, il est vrai qu’il ne reste que quelques places peu attrayantes cette semaine dans une salle où la visibilité est facilement prise en défaut, mais cela n’interdit pas de regarder régulièrement s’il n’y a pas des retours, c’est parfois au tout dernier moment que l’on trouve son bonheur… Et sinon, donc, à guetter dans les autres villes associées à la production, en espérant d’ailleurs un orchestre plus fourni comme c’était le cas, si j’ai bien compris, à Tours.
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

[fausse manip]
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Judith »

C'est tentant, merci de l'avoir signalé. J'aime bien Reynaldo Hahn, surtout les mélodies et les oeuvres instrumentales. J'ai pris une place pour dimanche, je verrai bien (ou rien, c'est selon, enfin je verrai).

On peut entendre Arletty (et Reynaldo Hahn) ici, c'est amusant.
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