C'est ici qu'on fait des bulles

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blue hedgehog
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Re: C'est ici qu'on fait des bulles

Message par blue hedgehog »

Merci @sanders de nous avoir parlé de cette bd, je ne connaissais pas et c'est chouette de découvrir des choses un peu différentes. :)
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homer
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Re: C'est ici qu'on fait des bulles

Message par homer »

Je découvre le sujet, et je ne résiste pas au plaisir de vous parler du "Garage Hermétique" (plus précisément "le Garage Hermétique de Jerry Cornelius") de Moebius.
Cette BD me fait penser au topic "réactions par image" d'AS. Moebius dessinait chaque mois une nouvelle planche du Garage Hermétique pour le magasine Métal Hurlant. La planche initiale était un fond de tiroir, qui n'avait pas été conçu pour appeler une suite. Mais après la parution de la première planche, Jean-Pierre Dionnet demanda la suite à Jean Giraud qui... ne se rappelait pas en détail ce qu'il avait pondu pour le début, et surtout qui ne voyait pas de suite claire. Moebius a donc improvisé - au flanc - une planche suivante, aussi en lien que possible avec la planche précédente, mais qui ressemblait plutôt à un pas de côté. Moebius a joué avec ce processus de création, en éludant à chaque nouvelle planche des liens clairs avec les planches précédentes, en détournant aussi les codes du feuilleton, en jouant avec les impasses et les détours. Les planches débutent parfois avec un rappel de l'histoire qui est une joyeuse noyade de poisson, voyez plus tôt : "résumé des épisodes précédents: tout peut encore arriver dans le garage hermétique. Résumé des épisodes futurs : peu de gag, le mystère ira en s'épaississant". Les disparités d'une planche à l'autre en termes d'histoire sont aussi des disparités graphiques : un même personnage peut être présenté sous des styles graphiques variés, depuis une approche réaliste à un trait plus naïf. Le dessin de Moebius est (évidemment) somptueux (j'aurais tendance à recommander la version en noir et blanc) plein d'inventions dans la mise en page. Par exemple le titre peut devenir un élément de décors dans lequel les personnages déambulent, etc...

Au total il s'agit d'une œuvre d'une grande liberté inventive. En ce qui me concerne le plaisir de se plonger dans cette BD vient de l'émergence progressive d'une connexion entre les différentes parties de l'histoire, comme une cohérence globale, bancale, qui se construit par associations d'idées, échos entre situations : une sorte de rêve. Du Moebius quoi...

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C'est un type qui rentre dans un bar et qui dit "salut c'est moi !"; et en fait c'était pas lui.

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homer
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Re: C'est ici qu'on fait des bulles

Message par homer »

... et j'en profite pour vous indiquer le site web suivant en anglais, qui explore d'une manière enthousiasmante le Garage Hermétique, au travers d'une série de pages variées abordant différents aspects du travail de Moebius. Je trouve la démarche, non linéaire, très en adéquation avec la BD.
https://www.openlistpublishing.com/watc ... ic-garage/
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Fu
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Re: C'est ici qu'on fait des bulles

Message par Fu »

Merci pour ce partage, je ne connaissais pas ! J’en profite pour signaler que Jerry Cornelius est un personnage créé par l’écrivain Michael Moorcock, créateur du célèbre Elric de Melniboné. Ces deux personnages sont des incarnations du champion éternel : https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Avent ... _Cornelius. Je cite un passage que je viens de trouver sur cette page wikipedia :
wikipedia a écrit :Michael Moorcock a décidé de ne pas apposer de droit sur Jerry Cornelius, incitant même d'autres auteurs à s'emparer du personnage pour l'intégrer dans leurs propres œuvres.
La page anglaise de wikipedia est beaucoup plus prolixe au sujet de ce personnage.

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homer
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Re: C'est ici qu'on fait des bulles

Message par homer »

Oui @Fu ! Une rencontre ludique au sommet entre Moebius et Moorcock (enfin, une de ses personnages): là on est bien dans Métal Hurlant... Et quel bonhomme ce Moorcock !
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Judith
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Re: C'est ici qu'on fait des bulles

Message par Judith »

Parmi les cadeaux de fin d'année, il y eu le dernier tome des Passagers du Vent de François Bourgeon, Le sang des cerises livre 2, assorti du complément historique de Michel Thiébault, Dans le courant de la Commune.

Bourgeon est un auteur dont je lis l’œuvre depuis longtemps, systématiquement et avec des fortunes de lectrice assez diverses. Plusieurs aspects de sa production me sont pénibles : le mysticisme de comptoir à la sauce New Age, le traitement des corps féminins, systématiquement exhibés et violentés, le langage rythmé et les reconstitutions imaginaires des langues -ancien français, créole, argots- qui peuvent parfois m'enchanter mais le plus souvent m'irritent. D'un autre côté, il y a la splendeur des images, la richesse des univers mis en pages, le soin porté à la représentation des structures architecturales, des costumes et des artefacts, et des histoires plutôt prenantes -quoiqu'avec souvent des fins un peu bêtes.
Bref, je ne sais pas si j'aime ou non mais ça m'intéresse.

Et donc, ce dernier tome... :help:
Je rappelle l'essentiel pour ceux qui ne l'ont pas lu. Clara, descendante d'une longue lignée d'aristocrates français de Lousiane et "Belle du Sud" durant la guerre de Sécession, s'est déclassée en épousant un photographe roturier et "partageux" qu'elle a suivi à Paris. La répression de la Commune lui a enlevé son mari, son enfant et ses dernière illusions, mais d'heureuses rencontres -un médecin breton plein d'humanité et une petite bonne tombée dans la prostitution- l'ont sauvée du désespoir. Le dernier volume revient sur son histoire à partir de son arrestation au début de la Semaine sanglante et la suit à travers ses mésaventures en Nouvelle Calédonie, où un malentendu lui a valu d'être déportée bien qu'elle n'ai jamais été Communarde, jusqu'à son retour en France et son installation définitive en Bretagne.

C'est souvent assez laid, notamment par l'abus de gros plans sur des visages déformés au-delà des limites acceptables pour un ensemble qui se veut globalement réaliste, et même par moment documentaire. Certaines perspectives paraissent également très exagérées et plusieurs planches sont construites de façon peu satisfaisante. Ce n'est pas exceptionnel chez l'auteur (notamment dans les derniers albums du Cycle de Cyann) mais c'est un défaut particulièrement présent dans ce volume.

Mais il y aussi de magnifiques paysages, notamment de la Nouvelle-Calédonie, des atmosphères enneigées magiques, des intérieurs de toute beauté. Au niveau du récit, c'est riche au point d'être touffu, avec toujours le système cher à l'auteur des longs retours en arrière, qui construisent un va-et-vient permanent entre les époques assez stimulant pour éviter l'ennui. Heureusement, car le didactisme de certains passages est franchement maladroit : les interminables explications fournies par Clara dans le train sont des copier-coller de manuels d'histoire, et les quelques dialogues avec des représentants de différentes classes sociales porteurs de mémoires différentes, même épicés d'affrontements verbaux, ne suffisent pas à les animer. Mais à d'autres moments, peut-être parce que le contenu transmis est moins bien connu, la grande et la petite histoire sont habilement mêlées : dans le voyage de la Virginie ou lors des séquences en Nouvelle-Calédonie, qui m'ont parue mieux traitées sur le plan narratif que celles de Paris, je ne me suis pas ennuyée.

Les trois principales figures historiques qui apparaissent durablement dans le récit y connaissent des fortunes diverses : Rochefort est allègrement massacré, physiquement et moralement, Louise Michel est idéalisée avec grâce (et ça fait plaisir), Nathalie le Mel est traitée correctement mais un peu trop vite -et il faut, je pense, connaître d'assez près l'histoire des mouvements sociaux du XIXème siècle pour saisir la teneur de ses désaccords avec Louise Michel.

Quant au contenu romanesque, on "marche" ou pas. Je n'ai pas marché pour ma part : l'histoire mouvementée de Clara et ses compagnons ne m'a pas intéressée ni émue, et j'ai trouvé la fin franchement décevante, à la limite du ridicule. Je pense que cela tient pour une part aux deux personnages féminins, qui n'ont pas réussi à me toucher comme l'avaient fait auparavant Isa ou Mariotte.

Malgré ces réserves, c'est tout de même une belle lecture, un brin trop longue, un brin irritante, mais pleine de plaisir et de découvertes.

Quelqu'un d'autre l'a lu?
Le renard sait beaucoup de choses, le hérisson n’en sait qu’une grande. (Archiloque)

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