Je viens de regarder le documentaire
The Red Pill et je l'ai trouvé édifiant. Je connaissais très peu les MRA (
men's rigths activists, activistes pour les droits des hommes), et j'en avais une assez mauvaise image. Je suis sûr qu'il existe des tas de mouvements rétrogrades et totalement misogynes mais ici on est très loin de ça : le point majeur soulevé par les personnes interviewées ici — hommes et femmes — est que les hommes sont eux aussi victimes d'inégalité, différentes, (quelques exemples en vrac donnés par le documentaire, qui est américain : les métiers plus dangereux et le taux incroyablement plus élevé de décès dans le cadre professionnel, un seul centre d'accueil pour hommes battus ou victimes d'abus sexuels dans tout le pays, des choix beaucoup plus limités face à la procréation, un taux d'échec bien plus important dans les études, un taux de suicide bien plus élevé, peu d'associations de lutte contre le cancer de la prostate alors qu'il est à peu près aussi répandu que celui du sein, l'idée que les hommes sont plus sacrifiables que les femmes, l'absence de débat sur la violence de la circoncision, peines de prison plus longues à crime égal…) et qu'il est très difficile de faire entendre ce message, tant il semble ancré dans la société que « les hommes ont tous les avantages ».
Le film ne pointe pas du doigt les féministes (le film peut cependant irriter car il montre quelques féministes dans l'excès,tandis que les masculinistes interviewés sont tous modérés) et ne met pas les mouvements féministes et masculinistes en opposition. Il montre des réactions épidermiques à la simple mention du droit des hommes, il montre la censure que le sujet rencontre (le documentaire en a connu), il montre que le sujet est largement méconnu et sous-évalué, et il montre aussi la très mauvaise interprétation qui peut être faite de ces mouvements. Les membres sont insultés, traités de pro-viol, de fascistes, leurs mouvements sont traités de
hate groups, et leurs manifestations peuvent être violemment et illégalement censurées, sans aucune forme de dialogue. Encore une fois, certains mouvements masculinistes méritent probablement ces qualificatifs, et si vous allez chercher la pensée masculiniste sur un forum reddit ou dans la section 15~20 de jeuvideo.com vous ne serez forcément pas déçus du voyage, mais ceux présentés dans ce documentaire m'ont paru censés et tout-à-fait écoutables.
Quelques pages en arrière, j'avais
tiqué sur certains propos d'une BD sur le masculinisme, et aujourd'hui je réitère. Notamment sur le fait que cette BD oppose masculinisme et féminisme : « les masculinistes s'opposent à l'émancipation des femmes », nous dit-elle, alors que je n'ai rien vu de tel dans le documentaire dont je parle, aucune protection de privilèges masculins (ces derniers ne sont pas niés), juste un message demandant à considérer
aussi les privilèges féminins. (Si « privilèges féminins » vous choque alors que « inégalités dont sont victime les hommes » ne vous a pas chagriné quand j'ai utilisé cette formule au début de mon message, alors que cela signifie la même chose, ça peut d’indiquer un biais : posez-vous la question. Personnellement j'ai hésité avant de l'écrire.) La BD nous dit aussi que « les masculinistes considèrent les femmes comme responsables de leur malheur », encore une chose que je n'ai pas du tout entendue dans ce reportage. Les causes des inégalités sont plutôt présentées comme culturelles, souvent à cause de rôles assignés aux représentants de chaque sexe : sur ce point, cela rejoint des propos féministes. Si je continue avec la BD,il y a encore d'autres affirmations qui ne collent pas avec le discours des personnes s'exprimant dans ce reportage : glorification de la virilité, renforcement des stéréotypes de genre, importance majeure accordée à la virilité…
Cela m'inquiète de voir diffusés des messages aussi peu nuancés. Dès lors que le mot « masculinisme » est marqué du sceau de l’infamie, il n'est plus possible de parler d'inégalités dont sont victimes les hommes, alors qu'elles existent. À côté des excès, il y a aussi des gens modérés avec des propos vraiment intéressants sur le masculinisme, on ne peut pas mettre tout le monde dans un même sac.
Je serais curieux de connaître l'avis d'autres personnes ayant vu ce documentaire.
PS : sur le sujet des hommes battus, le documentaire parle d'un homme sur quatre aux US, et d'une femme sur trois. En France les chiffres sont plutôt diffusés en « personne mourant sous les coups de son conjoint ou sa conjointe ». Par curiosité, j'ai fait une recherche sur Internet, pour aboutir plusieurs fois aux mêmes chiffres : une femme meurt tous les trois jours, un homme tous les quatorze jours, c'est moins fréquent mais loin d'être inexistant, pourtant on n'en entend pas parler. 80 000 hommes seraient victimes de violence conjugale, et il n'y aurait aucun centre en France pour les accueillir. En cela, il est juste de parler d'inégalité.