"D'ailleurs elle n'existe pas" ? (la poésie)

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Agrippine

Re: "D'ailleurs elle n'existe pas" ? (la poésie)

Message par Agrippine »

PointBlanc a écrit :Je crois que tu as lu étriqué, non ? Parce qu'autrement je ne comprends pas comment intriqué et vaste s'opposeraient, ni comment l'intrication s'accorderait avec l'idée de généralisation.
Ah oui, totalement à côté de la plaque, désolée. :x
PointBlanc a écrit :il était bien moins hasardeux de rendre compte du monde ordonné des siècles passés (quitte à discuter cet ordre à la marge) que de s'y retrouver dans celui-ci.
C'est aussi ce qu'il me semble, mais comment cela implique-t-il que les "propositions" d'un "art désormais au bord de la route" (je n'ai pas trop compris cette métaphore…) ne puissent "apparaître qu'anecdotiques" ? Lorsque tu emploies "apparaître", ne suggères-tu pas qu'une interprétation allant dans ce sens risque de toute façon de rester superficielle ?

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Chacoucas
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Re: "D'ailleurs elle n'existe pas" ? (la poésie)

Message par Chacoucas »

Puisqu'on a tendance à élargir le thème de la poésie à l'art, je propose une question (qui me parait moins facile ou intéressante dans la perspective de la seule poésie): L'art est il universel et éternel? Ou plus précisément: en quoi l'Art dépend d'une société?

Je pousse un peu mes idées: longtemps j'ai considéré que l'art était un moyen d'expression "par défaut", que je ne me serais pas aventuré dans l'absurdité intrinsèque de sa pratique (dire quelque chose à une feuille de papier? sur une échelle hypothétique de l'absurdité ça me parait être dans des scores supérieurs ) si je n'avais pas été frustré. Si je n'avais pas senti un mur aussi solide et concret qu'impalpable, me poussant à faire effort d'imagination pour inventer des messages qui ne pouvaient -en s'éloignant de la naturelle simplicité - que devenir de moins en moins compréhensibles (sauf pour une éventuelle élite de gens aussi barrés et frustrés qui auraient partagé les mêmes pensées et cheminements et donc pourraient comprendre "simplement" le message alambiqué).

Dans cette optique il me paraissait évident que dans une société saine où les gens seraient plus portés à la compréhension qu'à la violence, l'art disparaitrait. Il ne manque pas d'actions humanistes à faire, surtout si le social ne rend pas l'humanisme absurde. Ca serait dommage pour les chefs d'oeuvre mais tellement mieux humainement.

J'ai largement nuancé mes idées là dessus depuis, notamment en considérant la dimension thérapeutique et des aspects de "se trouver" ou "se chercher" qui ne pouvaient être totalement remplacés par une hypothétique "société parfaite".. (en pure utopie, rien de dystopique dans mon esprit à l'époque).

Mais la question reste pertinente et d'actualité dans la mesure où il est évident qu'à peu près personne ne veut considérer l'art thérapie comme de l'art au même statut que les objets qu'on consomme couramment ou ceux qu'on entasse dans des musées en leur érigeant une mythologie laudative.

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PointBlanc
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Re: "D'ailleurs elle n'existe pas" ? (la poésie)

Message par PointBlanc »

Agrippine a écrit :C'est aussi ce qu'il me semble, mais comment cela implique-t-il que les "propositions" d'un "art désormais au bord de la route" (je n'ai pas trop compris cette métaphore…) ne puissent "apparaître qu'anecdotiques" ? Lorsque tu emploies "apparaître", ne suggères-tu pas qu'une interprétation allant dans ce sens risque de toute façon de rester superficielle ?
Disons que la puissance illustrative de l'art s'est considérablement réduite à proportion que se compliquait la somme de ce qu'il y avait à illustrer : le monde (dans ses dimensions politique, philosophique, scientifique...), l'artiste comme personne, sa relation à la création... Dans ces conditions, une œuvre contemporaine, qui demande un tel effort d'interprétation pour être vraiment comprise, est condamnée à servir au mieux de vignette en marge des discours dont elle s'inspire et qui la justifient : elle ne possède, comme objet, qu'une autonomie très restreinte. Elle court le risque d'être vue comme accessoire dans l'exacte mesure où l'image du monde qu'elle produit doit être lue comme personnelle pour être saisie, à une époque où "Tout homme est tout l'homme" a cessé de faire sens au-delà du slogan.

Ce n'était pas le cas à une époque où créateurs et prescripteurs partageaient les mêmes codes esthétiques, et plus largement intellectuels.

Chacoucas : on doit pouvoir en parler ici sous l'angle particulier de la poésie. je pense même qu'on a déjà un peu commencé, en filigrane.
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Chacoucas
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Re: "D'ailleurs elle n'existe pas" ? (la poésie)

Message par Chacoucas »

Point Blanc, je ne sais pas si j'ai bien saisi, je pense que je suis d'accord avec ce que tu viens de dire uniquement dans la mesure où on considère que la portée et les conséquences d'une société passée comme équivalente à celle du présent. Et probablement à condition de rester dans l'art occidental. Il est "évidemment" plus simple de comprendre et s'affilier à un art qui ne repose somme toute que sur des codes esthétiques et ne s'aventure pas dans le meta discours ou la réflexion conceptuelle et critique. Et on peut "pencher" dans une certaine mesure pour l'autonomie universelle d'une statue grecque ou classique, ou d'une scène peinte.

Mais en soi une Tour Eiffel, ou un mec qui pendant 30 ans décide d'entasser et de souder ensemble divers objets récupérés pour en faire un objet composite monstrueux dans le territoire urbain (c'est l'image que certains donnaient à la Tour Eiffel à l'époque) peut prétendre à la même autonomie. Par contre je sens qu'on va suggérer que les peintures aborigènes (ayant leurs codes esthétiques aussi, mais un peu moins figuratifs que notre art classique) perdent de cette autonomie.

Pour la poésie, 2 vers de Romanès me paraissent au niveau de l'accessibilité du contenu supérieurs à la plupart des vers classiques, ne serait - ce que par absence de codes "esthétiques" complexes, ça penche plus vers l'universel. A mon sens on ne peut opposer à ce raisonnement que l'idée de rythme ou de rime comme élément mnémotechnique, mais ça n'est pas un absolu en soi. Les vers classiques doivent autant à la mythologie construite autour de la supériorité de leurs codes (et donc la perpétuation de leur compréhension) qu'à leur pure "musicalité". Si j'ai bien quelques textes classiques que je considère splendides en revanche ce n'est pas "le classicisme" que je trouve splendide. Si Racine ou Rostand ont un charme lié à la langue qu'ils emploient, je pense qu'on peut éventuellement dire que Bukowski a un charme lié à la langue qu'il emploie... Et dans la masse d'oubliés on peut estimer sans conséquence que beaucoup restent oubliés.

Ensuite, on peut retourner l'idée: les "non oubliés" agissent en fait simplement comme vignette une fois dépareillés des discours qui les justifient, et ça à toute époque. Même quand le monde à représenter était moins complexe. L'exception véritablement monumentale que j'ai envie de me faire ici c'est le "fond", le "discours", indépendamment de toute forme et de tout code. Mais rien ne dit que je ne sois pas biaisé par mes propres idéologies et surtout que je puisse avoir accès à ce fond sans comprendre les codes (et donc être conditionné, loin de tout objectivité concernant l'autonomie ou l'universalité de l'oeuvre).

J'ai râtissé les idées autour, faute d'être certain de ce que tu disais.

Et oui, en effet c'était là en filigrane ^^ Maintenant on y est en plein.

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PointBlanc
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Re: "D'ailleurs elle n'existe pas" ? (la poésie)

Message par PointBlanc »

Attention, je ne parlais de l’œuvre d'art qu'envisagée dans le contexte de son élaboration : au-delà les modalités de réception deviennent tellement diverses que la question ne peut plus se poser dans les mêmes termes.

Je te rejoins donc complètement sur ce qui suit :
Chacoucas a écrit :Ensuite, on peut retourner l'idée: les "non oubliés" agissent en fait simplement comme vignette une fois dépareillés des discours qui les justifient, et ça à toute époque. Même quand le monde à représenter était moins complexe. L'exception véritablement monumentale que j'ai envie de me faire ici c'est le "fond", le "discours", indépendamment de toute forme et de tout code. Mais rien ne dit que je ne sois pas biaisé par mes propres idéologies et surtout que je puisse avoir accès à ce fond sans comprendre les codes (et donc être conditionné, loin de tout objectivité concernant l'autonomie ou l'universalité de l'oeuvre).
Et en ce sens, il me paraît impossible que les conditions nécessaires à ce regard absolument objectif sur une œuvre quelle qu'elle soit puissent être rassemblées. Si je reprends ton exemple de la tour Effeil, en imaginant que je la découvre au détour d'une rue sans avoir jamais pu même imaginer qu'une telle chose existait, est-ce en tant qu'objet d'art qu'elle me frappera, ou seulement par son gigantisme ? Ce saisissement serait-il la même chose qu'un jugement esthétique ?
Chacoucas a écrit : Il est "évidemment" plus simple de comprendre et s'affilier à un art qui ne repose somme toute que sur des codes esthétiques et ne s'aventure pas dans le meta discours ou la réflexion conceptuelle et critique.
Il ne me semble pas que ce soit si fréquent, même en poésie classique, où les arts poétiques font plus qu'édicter des règles formelles : ils en rappellent la nécessité dès lors qu'il s'agit d'imiter la nature dans son harmonie. Il y a un souci d'accès à la vérité, constamment rappelé - chez Boileau comme chez les surréalistes - qui tend d'ailleurs à s'opposer à la virtuosité formelle, perçue comme vaine, voire dégénérée au regard d'un modèle idéalisé (antique ou primitif, selon les cas).
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Chacoucas
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Re: "D'ailleurs elle n'existe pas" ? (la poésie)

Message par Chacoucas »

Ah oui ok... je pensais à la réception et la critique en fait, plus qu'à la seule élaboration.

Et oui, pour ta dernière remarque. D'ailleurs on en revient à l'idée de "fond": Boileau disait bien que le fond faisait la forme et qu'on ne partait pas de la forme pour penser. Au fond si il y a poésie (et par conséquent forme) c'est bien pour "dire" quelque chose. J'ai moi même perdu le fil du coup tellement on a parlé de forme :)

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