L'écriture, du sens à l'émotion

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rawlings
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L'écriture, du sens à l'émotion

Message par rawlings »

Voici quelques temps qu'une question me taraude l'esprit.

Avant de pouvoir la développer, il me paraît important de la situer dans son contexte.

Je constate que j'ai un rapport compliqué aux mots et à l'écriture. Je parle ici de l'écriture qui a pour vocation la communication (professionnelle, d'idées, sur ce forum...). Je focalise énormément mon attention sur le contenu et le sens de l'idée que j'essaye d'exposer. Un mécanisme critique important entre en jeu et le mode dominant (exclusif?) est un mode informationnel (ayant pour but de transmettre une information).

Je constate à la lecture de différents fils sur ce forum que ce mode de fonctionnement est partagé par un certain nombre d'autres membres (hypothèse).

Je vois aussi qu'il existe également des membres qui ont une capacité à utiliser l'écrit dans une vocation littéraire ou poétique.

Alors voici ma question, quels mécanismes entre en œuvre dans ces deux modes d'expression? Comment s'affranchir d'un sens critique trop aiguisé pour passer du sens aux sens(ou au ressenti) ?

A titre de précision, je ne sous-entends pas qu'une écriture littéraire se fasse sans sens critique :D

Je serais très heureux de pouvoir recueillir vos expériences et témoignages pour éclairer le glissement qui se produit pour passer d'un mode d'expression à l'autre (si un tel glissement existe).

En relisant ces quelques mots, je me dis que cette distinction « communication »/littéraire renvoie probablement à la construction de mon univers personnel (mais peut-être cela fera-t-il écho pour quelqu'un d'autre ?).

Cela me permet d'étendre le champ de cette interrogation, en espérant vous la rendre plus intelligible.

Quelle vision avez vous de votre « écriture », comment la construisez-vous ?

helix

Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par helix »

:-) Sujet très intéressant pour moi Rawlings.

je pense avoir une écriture très factuelle dans les échanges, par contre j'écris aussi de la poésie. Il me semble que si celle-ci souffre un peu parfois de mes "exigences" informatives habituelles, elle arrive quand même à les garder en arrière-plan. En poésie, avant d'être écriture, ce sont d'abord des associations de choses, de sens (au sens sensuel comme tu le dis) et de sons, un rythme, qui souvent préexistent, avant les mots. Alors ça donne (dans les bons moments) à la fois un élan et un paysage (multisens) suffisants, un monde-instant de l'intérieur duquel ça se met à parler sans trop s'occuper de l'oeil du lecteur. Bon, je ne sais pas si ce que je dis là est très informatif. :-)

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rawlings
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par rawlings »

Merci helix pour ta réponse.

Saurais-tu dire (ici écrire, attention question piège :rofl: ) comment tu passes d'un "mode" à l'autre ?

helix

Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par helix »

ah ah, question difficile, c'est pas toujours pareil, en tout cas ça se commande pas, le moment de l'élan, et puis c'est solitaire, forcément. Non mais je crois le plus souvent, c'est passer à un mode de perception différent, une plus grande acuité de l'instant, une plus grande présence. Ça c'est pour l'élan concret, l'écriture vient après. Je peux garder une scène sensitive très longtemps en mémoire affective avant de l'utiliser, parfois la retrouver par association avec une nouvelle idée ou scène. Le mieux c'est quand le rythme vient avant l'écriture. Mais quelquefois, ça peut être les premiers mots qui le donnent, ou d'autres fois ça se construit au fil.

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rawlings
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par rawlings »

Donc si je te comprends bien (pardon si je "caricature"), l'élan serait de nature émotionnel, l'écriture viendrait transcrire un ressenti (immédiat ou passé).

Est-ce à dire que tu ne peux pas créer de la poésie à la "commande" ?

helix

Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par helix »

ce n'est pas aussi tranché entre émotionnel et rationnel. La poésie n'exclut pas la pensée, mais pour moi en tout cas, il faut qu'il y ait des sensations concrètes (au sens dues à des choses ou à des images mentales, pas à des idées abstraites) à l'origine. Et oui pour ta seconde question, je crois qu'on peut dire ça : je ne peux pas me dire, tiens ce soir j'écris un poème. Par contre je peux me dire à un moment, tiens on dirait que je vais pouvoir écrire de la poésie. Quand je n'ai pas le temps à ce moment-là, je garde (la scène).

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rawlings
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par rawlings »

Je continue la réflexion sur le sujet de l'écriture en intégrant les réponses d'Helix (merci :D ).

Je modifie ainsi légèrement le point de départ.

En considérant qu'il existe 3 écritures différentes (hypothèse point de départ), la première étant la communication, la troisième la poésie (ou à défaut de pouvoir mieux la qualifier, une écriture à dominante émotionnelle), la seconde serait une version "équilibrée" entre les domaines émotionnel et informationnel (c'est pas très beau comme mot, mais le dictionnaire dit qu'il existe, alors ...). Je l'appellerai ici la version littéraire ;)

Est-ce que l'un d'entre vous qui utilise le "mode" littéraire voudrait bien essayé d'expliquer comment cela fonctionne pour lui/elle ?

Merci pour vos éventuels témoignages :D

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arizona
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par arizona »

J'ai pas compris, rawlings, les définitions...
La seule que je comprends, c'est le mode poétique.
Qu'appelle-tu le mode littéraire ? Le mode utilisé pour écrire un roman par exemple ? Ou bien un mode utilisé pour donner une information mais avec une certaine élégance ?
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rawlings
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par rawlings »

Bonjour Arizona,

Oui, la distinction est je crois artificielle.

Le mode littéraire serait un mode hybride puisque le seul but n'est pas de convier une information (ce que tu appelles sans doute l'élégance ;) ).

Pour schématiser, et de façon caricaturale, le mode d'expression est dual ( information + émotion)

Le mode communication serait à dominante information
Le mode littéraire serait équilibré dans le mélange information + émotion
Le mode poétique serait à dominante émotion

Le mode littéraire renvoie bien pour moi, par exemple, à l'écriture d'un roman (dans le cadre des 3 catégories inventées ci-dessus :D ).

J'espère avoir rendu cela plus clair :P

Si tu as une conception différente, je prends avec plaisir. J'ai postulé ces catégories pour essayer de faire avancer la question d'un mode de réflexion lié à un mode d'expression.

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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par altima »

Pardon mais je ne vois pas en quoi catégoriser ainsi t'aiderait si on reprend les questions que tu te poses dans ton premier message.
Perso j'ai horreur de catégoriser, et surtout pas l'écrit, diantre!
Bon j'avoue, je suis obligée de faire une distinction lorsque je donne des cours de français à des étrangers : dans ce contexte, la distinction on 'doit' la faire parce que l'oral pose problème, tout est en apprentissage.
A partir du moment où tu sais lire, écrire, parler...libre à toi de prendre ta plume et de t'exprimer comme bon te semble, puisque ce droit existe encore heureusement ici. ;)
En fait ta question m'interpelle car je vois pas comment on peut cloisonner les façons de faire...sauf quand on a l'obligation de rédiger des ""écrits sociaux"".

Et pour ce qui est des mécanismes, je suis moi aussi prise dans l'élan et ça vient...ou pas. Mais pas véritablement de mode d'emploi ou de mise en condition protocolaire.

Donc en fait, je me demande si ce qui te pose problème c'est bien comme je l'ai compris ton autocritique ou self-control vis-à-vis de ton écrit, plutôt que la manière d'écrire? Bref pour moi c'est pas clair, je suis désolée mais je vois pas trop où tu veux en venir. :$

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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par galou »

Pour ma part, je pense que la distinction se fait réellement selon le destinataire de tes écrits. J'entends par là que, si tu dois faire passer un message (rapport technique par exemple), l'écriture nécessitera forcément quelque chose de factuel, alors qu'un roman, un poème, etc. c'est peut-être avant tout pour ton moi intérieur, pour sortir certaines émotions, non ?

J'avoue que le passage entre les deux est assez étrange. Je n'écris plus beaucoup de poèmes, mais quand je le faisais, c'était pratiquement tout le temps par nécessité, par besoin, et donc cela rejoint l'élan dont parle Hélix. En revanche, si je dois écrire un dossier dans le cadre du boulot, je resterais automatiquement en factuel, en vulgarisant au besoin mon discours (d'ailleurs, la méthode s'apprend, on me reprochait plus jeune de faire des rapports trop "littéraires"...).

Du coup, je dirais que le forum est dans ta seconde catégorie : il y a forcément certains sentiments, donc un élan qui pousse à écrire, à répondre, tout en ayant un côté "comment cela va-t-il être lu, compris ?". C'est peut-être cette catégorie qu'il est le plus difficile à cerner... Mais je ne saurai expliquer plus en détails comment les passages de l'une à l'autre catégorie se font.
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arizona
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par arizona »

Donc si j'ai bien compris, j'avais bien compris les définitions :rofl:

Je vais te dire comment ça se passe pour moi, mais bon, je ne suis pas écrivain.... J'ai juste parfois des... comment dire... en anglais, on dit craving.

Alors parfois, j'ai envie de dire quelque chose de précis. Ca rentre dans ce que tu appelles, je suppose, le mode littéraire.

Mais le plus souvent, en fait, je n'ai rien à dire, j'ai juste envie d'écrire... Et c'est pour cela que j'aime beaucoup écrire sous contrainte, genre oulipo, ou bien les jeux de poèmes ou nouvelles que l'on a fait ici sur le forum.
La contrainte me libère totalement. Je n'ai plus besoin d'avoir une idée - j'ai envie d'écrire, mais sur quoi vais-je bien pouvoir écrire, je n'ai rien à dire - l'idée vient spontanément de la contrainte. En fait, ce sont alors les mots imposés, ou le sujet, bref, la contrainte, qui vont diriger ce que j'écris, et moi je n'ai plus qu'à écrire. C'est un peu comme si cela se passait en dehors de moi. Le truc est dans ma tête quelques heures, mais sans que j'y pense vraiment, en tous les cas pas consciemment, et puis d'un coup je m'assois, et boum tout sort d'un coup.

Je n'aurais pas fait la classification comme toi, dans le sens ou pour moi un roman n'est pas un pourvoyeur d'informations. C'est sûr que certains romans, ceux de Zola par exemple, sont une mine d'informations, mais au final, des romans comme ceux là, il y en a sans doute très peu.

Le roman amène à la réflexion, c'est sûr, mais par le biais des comportements et des modes de pensée, et aussi, par la poésie et par la force de certaines phrases, parfois sans rapport avec l'histoire du roman, qui font que soudainement, on peut voir les choses autrement.

A mon sens, le mot " information" est un mot strict, c'est à dire qu'il expose une donnée brute, vérifiable, et que l'on ne remet pas en question. Genre : l'eau bout à 100 degrés, ça, c'est une information. Le roman, comme l'histoire, est un vécu par rapport à ces informations, est une interprétation de la vie, est un angle de vue, et est limité pour chacun dans le sens où nous sommes limités par nos connaissances, nos expériences, la connaissance de nous-même, et la place que nous laissons aux autres. Nos intérprétations de l'histoire, de notre vécu, de nos ressentis, vont varier avec nos apprentissages. Nous évoluons, dans le sens nous nous modifiions, et le roman n'est qu'un aperçu de ce que peut être quelqu'un, à un moment donné.

Voilà, je ne sais pas si cela t'aide, ou même répond à tes questions :P

Edit : d'autres ont posté, j'envoie, je les lirai après l'envoi.
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rawlings
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par rawlings »

Merci Altima pour ta réponse.

Je ne souhaite pas particulièrement partir de mon cas personnel pour investiguer ce sujet. J'ai formulé une difficulté que je rencontre pour essayer d'illustrer un mode de fonctionnement (autocritique ou self-control si tu préfères).

Ce que j'interprète de la réponse d'Helix, et aussi de la tienne, c'est qu'un élan semble porter une forme d'écriture plus centrée sur l'émotion ou le ressenti.

J'ai donc proposé (ou rajouté) une voie intermédiaire, que j'ai dénommée littéraire. Le but n'est pas de faire de la catégorisation (j'ai même écrit que c'était artificiel :D ).

Ce qui m'intéresse ici, c'est de comprendre comment font les personnes qui rédigent des écrits "littéraires" pour combiner les deux logiques. Le problème, c'est qu'à le formuler comme cela explicitement, j'ai le sentiment d'enfermer la discussion autour d'une hypothèse de construction d'une forme d'écriture (je ne sais pas si cela procède d'une combinaison des deux logiques).

N'écrivant pas moi-même de textes à vocation littéraire, je ne saisis pas forcément ni l'état d'esprit, ni même le fonctionnement sous-jacent. J'en suis réduit à conjecturer sur leurs naissances.

Est-ce plus clair ?

Edit : message rédigé avant la lecture des posts d'Arizona et Galou

Je rajoute ici quelques mots en lien avec les posts d'Arizona et Galou.

Vous cernez très bien ma question ;)

Pour Arizona, je pense que le mot information est impropre. Tu as raison, il est trop restrictif.

Dans un roman, il y a une démarche construite, une structure, un plan (je ne veux pas suggérer que cela n'existe pas dans un poème, mais la démarche est plus lourde me semble-t-il dans un roman). On a donc une réflexion sur la manière de communiquer le propos (le sens, l'agenda du roman, le sujet... je ne sais pas trop comment l'écrire :P ). C'est en ça que je le vois comme une forme hybride entre la communication "sèche" d'information et disons le lyrisme débridé :D

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Animal
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par Animal »

Permettez, je m'immisce, la question m'interpelle.
Mais je veux être sûr de bien la comprendre, aussi je demande :

Est-ce qu'on peut envisager la différence de modes d'expression dont tu parles, Rawlings, selon la plus ou moins grande implication émotionnelle de l'auteur (du discours purement informatif à l'expression d'une intimité profonde, pour ainsi dire)? L' équilibre intermédiaire suggéré serait-il alors un discours qui tiendrait fidèlement compte du sens "froid" de ce qu'on veut communiquer, ET de l'implication de la sphère émotionnelle (le cas échéant, car on peut se sentir plus ou moins impliqué selon le sujet abordé) ?

edit : Le temps que j'envoie, le fil a progressé de 3 interventions, désolé je ne les avais pas lues.
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altima
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par altima »

Même question qu'Animal! ;)

Merci pour tes précisions rawlings.

Malgré tout j'arrive toujours pas trop à voir ce que tu veux décortiquer. Est-ce qu'on pourrait dire que l'écrit "littéraire" est un subtil dosage entre communication (suivant un plan narratif par exemple) et exposition émotionnelle (via le choix d'un style, des mots etc)?
Est-ce que ta question rejoint la question de la forme et du fond? Parce qu'au final si c'est bien ça, on peut avoir une infinité de procédés d'écriture, avec ou sans contraintes comme l'évoquait arizona, et une infinité de sujets ou thèmes donc je dirais que la "mise en condition" de celui qui va écrire lui est totalement unique voire inédite; et que parfois, en ce qui me concerne du moins, j'essaie de recréer les conditions propices à l'écriture afin que ce fameux élan évoqué par helix survienne.

Donc comme galou je dirais aussi que tout dépend du destinataire ou plutôt du but si tu en as quand tu écris: pour qui, pour quoi, pourquoi? En fonction de ça, on peut adopter plusieurs postures voire les mixer (ouhlala). Ecrire un poème, pour moi par exemple ce n'est pas sur commande non plus, même si je sais que je peux le faire mais ça a aura un but déterminé dans ce cas, alors que la majeure partie du temps, le poème arrive quand il veut bien arriver (et là je rejoins helix).

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arizona
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par arizona »

Je relis ton premier post, et ta question me paraît plus claire maintenant.

Si je comprends bien, tu dis que lorsque tu écris, tu prends beaucoup de temps à chercher la phrase correcte, le mot approprié, qui va rendre le plus nettement possible ta pensée, et de la façon la plus claire qui soit.
Ca, c'est lorsque tu exposes une idée par exemple dans ce forum.

Et ta question est : comment faire pour que cela n'arrive pas lorsque tu veux écrire plus librement. Ecrire pour toi par exemple. C'est cela ? Que, par exemple, chercher le mot exact, ou la bonne tournure, coupe ton élan imaginatif, et te bloque dès les premières lignes, alors qu'avant d'écrire, tu étais plein d'élan ?
C'est un truc comme ça ?

Alors pour ça, ( si c'est ça ) il y a quelques solutions.

- Juste, écrire. La mise en forme, la chronologie, même l'histoire, tout laisser pour plus tard. Ecrire comme on écrit un brouillon.
- Tu peux n'écrire que des phrases qui sont des phrases clefs, et les relier entre elles plus tard.
- Si à un moment, tu bloques, parce que il t'es juste impossible d'écrire là maintenant quelque chose, mais qu'il faut l'écrire sinon tu vas le perdre, ou sinon tu ne peux pas continuer, tu peux utiliser d'autres formes d'expression. Mettre, à la place des phrases, juste des mots, ou bien un dessin, ou encore une photo, qui vont te faire revenir de façon sûre à ce que tu voulais exprimer. Tu peux aussi, si ça te paraît trop long et que c'est urgent, là, t'enregistrer.
- Tu peux aussi écrire juste ce qu'il te passe par la tête, si tu es dans un moment où tu veux écrire. Le laisser de côté, et y revenir plus tard, pour voir si tu peux faire quelque chose de tout ce que tu as sorti ce jour là. Parfois oui, parfois non. Parfois, plusieurs textes écrits à des moments différents peuvent n'en devenir qu'un seul, et qui n'a rien à voir avec aucun des précédents.

Il y a sûrement d'autres trucs pour ne pas rester bloquer dans cet espèce de perfectionnisme qui t'empêche d'écrire.

Mais, suis pas sûre d'avoir compris ton questionnement premier héhé :-)
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par altima »

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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par rawlings »

Merci à tous pour votre participation.

Beaucoup d'interventions depuis mon dernier post, je vais essayer d'apporter toutes les précisions demandées :D

En repartant du message d'Arizona, j'ai effectivement une forme de blocage (intellectuel) qui m'empêche (aujourd'hui) d'avoir une forme de liberté d'écriture. Je comprends assez bien les mécanismes qui interviennent chez moi (et merci Arizona pour les astuces, je vais essayer ;) ).

Le champ de ma question était plutôt tourné vers vous. Je souhaite tout simplement comprendre au travers de vos témoignages comment vous abordez vous même la question.

L'idée est de confronter les différents points de vue pour comprendre la "logique" qui vous structure dans cette activité.

L'essai de typologie que j'ai inclus avait pour seul but de schématiser 3 grands types d'écritures (sans autre prétention) pour permettre une discussion plus claire.

J'ai bien conscience qu'il existe une infinité de possibilités et d'équilibres subtils de ces éléments. Ce qui m'intéresse, c'est de comprendre le votre :D .

J'espère que cela vous facilite la compréhension de ce que je "tente" de décortiquer ;) et encore merci pour vos témoignages très enrichissants.

PS:Les questions que soulèvent Animal sont effectivement assez proches de mon questionnement intérieur (qui n'est pas nécessairement l'objet de la discussion ici). Mais je ne veux pas limiter ce fil à mon cas personnel.

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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par Animal »

rawlings a écrit :Le champ de ma question était plutôt tourné vers vous. Je souhaite tout simplement comprendre au travers de vos témoignages comment vous abordez vous même la question.
A vrai dire, je ne me rappelle pas me l'être jamais posée en ces termes. Je décide naturellement d'écrire, de répondre, quand un sujet m'intéresse, que je crois pouvoir apporter un point de vue différent, ET que j'ai la disponibilité d'esprit (que je me sens en confiance sur l'instant, inspiré). Si je me sens mal à l'aise, je reste à l'ombre. Il se peut que mon malaise vienne d'une anticipation sur la suite probable de l'échange, mais il dépend aussi, souvent, de mon état d'esprit du moment. Je n'écris pas souvent ici, plutôt par périodes donc, mais régulièrement porté par un élan sincère et authentique... qui peut aussi retomber, ce que je ne ressens pas comme "grave", ayant un peu l'habitude de ne pas toujours être bien compris. Je vis avec ça dans le monde réel, je ne vais pas trop me braquer dans le virtuel, en tout cas pas longtemps (mais principalement s'il me semble clair qu'on essaie de m'enfumer) . C'est assez instinctif, je le sens ou pas, mais j'ai je crois appris à accepter de rester seul avec une bonne part de ma vision des choses.

Techniquement, je crois qu'exprimer ce qu'on pense et ce qu'on ressent nécessite un apprentissage préalable qui, lui, donne la confiance qui permet à l'élan de se manifester par un écrit. J'écris comme ça vient sans trop me poser de questions, car j'ai confiance en mes bases (vocabulaire, fluidité suffisante...), et aussi en ma cohérence interne. Je sais qu'il peut m'arriver de défendre un point de vue sympathique sans avoir forcément les moyens intérieurs (maîtrise des émotions par exemple) de ne pas cesser de l'être (sympa), bref que j'ai mes limites. Mais je crois mes limites assez reculées pour ne pas risquer l'embrouille à tous les tournants. Et si je suis dans une période assez faste pour m'avoir impulsé l'élan, je dispose alors logiquement de ressources en lesquelles j'ai confiance (patience, capacités d'explication ou de démonstration), pour faire face à d'éventuelles incompréhensions, sans perdre pour autant le fil de ce que j'expose.

J'ai commencé le précédent paragraphe par "techniquement", mais n'ai pu m'empêcher d'en revenir au facteur psychologique, car il est prépondérant en ce qui me concerne. L'apprentissage technique ne me semble pas pouvoir se passer de l'aspect psycho, car les sujets abordés peuvent tenir à coeur. D'ailleurs, sans cela, on a moins envie d'écrire. Et c'est sur ce point que la confiance m'est essentielle pour m'exprimer. Si je m'exprime, c'est bien souvent que je me sens assuré de la validité de ce que j'écris (pas forcément absolue, mais au moins assez cohérente pour mériter d'être posée). Le reste, c'est un travail de tournures et de clarté auquel j'ai été habitué à l'école, par mes lectures...

La logique qui me structure est donc de deux ordres complémentaires :
1) Les outils techniques d'expression (vocabulaire, tournures etc).
2) Le sentiment d'une clarté et d'une cohérence interne, ainsi qu'une confiance suffisante en la capacité de mon/mes interlocuteur(s) de saisir mon propos, sans lesquelles je m'abstiens sans trop me sentir frustré, remettant à plus tard la possibilité de communiquer ce que je pense. J'ai tout de même assez confiance en moi pour me sentir sûr de ne pas perdre à jamais ce que j'aurais pu vouloir exprimer, car cela participe généralement d'une quête personnelle de cohérence interne, et peut simplement s'améliorer, se préciser, d'ici à ce que l'envie me reprenne, ou devenir obsolète suite à une progression personnelle (auquel cas j'aurai bien fait de ne pas l'exprimer de suite).

Quelque part, je limite souvent mon expression à ce qui me semble clair, cohérent, sincère (ce qui correspond à un respect de l'interlocuteur, aussi), tout en étant prêt à me faire "démonter", ce qui me permettrait au final de corriger ma possible incohérence, et donc un progrès personnel. Si je perçois trop d'émotions en jeu sur un sujet, et surtout si je ne me sens pas de contrôler les miennes, je me contente de lire et d'observer ce qui se passe, histoire d'essayer de comprendre ce qui pose réellement problème, afin de potentiellement gagner en anticipation voire en maîtrise ultérieurement. Je ne fais que des pas relativement assurés, et comme le suggère Arizona, si j'ai une forte envie de m'exprimer mais que les émotions sont difficiles à gérer, j'écris un mail que je n'envoie à personne (car penser à un interlocuteur m'aide à tempérer et clarifier ce qui m'anime, après parfois bien des lignes de déversement émotionnel débridé). Ce mail brouillon me permet ensuite de revenir sur la question à tête reposée, et j'y vois alors plus clairement ce qui a pu m'animer, le pourquoi le comment, tout ça. Généralement, s'il s'agit de quelque chose qui me tenait à coeur, je peux alors plus calmement en tirer une essence claire et cohérente, et produire un écrit qui me semblera fidèle à ce que je pense et à ce que je ressens, en évitant d'être emporté par mes émotions (ce qui nuirait à la communication du sens, et fermerait en plus des possibilités de communication tout court). Il est parfois légitime d'exprimer une émotion, mais je crois important d'être à même de la justifier assez calmement, bref avec toute la clarté possible.

Après, j'accepte mes imperfections, et je compte aussi un peu sur la clémence d'autrui, eu égard à mon intention positive, sans laquelle je m'abstiens bien évidemment d'écrire.

ps : je me suis relu, c'est peut-être un peu brouillon voire pas tout à fait dans le sujet, mais je me dis qu'au pire ça me permettra de mieux comprendre et de recadrer ma réponse. Désolé, c'est un peu long...
"Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale d'être bien adapté à une société malade."
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pairlapinpin
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par pairlapinpin »

Bonjour,

C'est marrant, je cherchais à ouvrir un sujet sur la spontanéité, et je trouve que ta question est assez semblable à mon questionnement, rapporté à l'écriture.

J'ai deux modes d'écriture, que je peux parfois hybrider, mais qui sont généralement exclusifs.

Le premier mode d'écriture est celui que j'emploie depuis l'enfance. Appris à l'école, avec beaucoup de difficultés, puis largement amélioré au travail. C'est un mode analytique, peu riche en concepts. Ce mode est utilisé pour faire passer des idées, qu'elles soient comprises, et qu'il s'ensuive un résultat car les concepts véhiculés ont été compris, et de préférence acceptés. Il s'agit donc de construire un discours simple, porteur d'idées.
Dans ce mode, je suis très peu productif, et le souci du détail vient m'embarrasser. Les phrases ne sont jamais justes, il manque toujours une information secondaire qui change le propos, ou dont l'omission rend plus difficile la compréhension du cheminement logique. J'ajoute ce détail, puis l'enlève, puis en ajoute un autre, etc.
Au final, le discours est totalement désincarné, et les mots contiennent parfois trop de sens, ce qui rend finalement le message pas si facile à comprendre.
C'est une communication par mail, dans le contexte du travail. Je suis d'ailleurs souvent surpris par l'extrême insuffisance de certaines communications que je reçois, bourrées de fautes, d'orthographe, de syntaxe, de logique, de courtoisie, etc. qui pourtant sont très bien comprises par la plupart des destinataires. Cette curiosité du message mal formé et bien compris versus le message bien formé et mal compris m'exaspère et m'interpelle.
Ici, dans ce message, par souci d'optimisation de mon temps personnel, je vais éviter de trop reformuler, sinon je vais y passer 1 à 2 heures rien que pour 1 post ! Ça passe ou ça casse.

Ce qui fait une transition pour le second mode d'écriture.
Je tiens un blog personnel. C'est un blog dont je suis l'unique lecteur ! En fait, le blog est un moyen de publier des écrits que je crée parfois, qui ne sont pas poétiques, mais plutôt libérateurs, jubilatoires.
Je peux avoir l'impression de toucher du doigt un concept génial. Soudainement, je m'emporte, je bous, et l'envie de l'exprimer me submerge comme le désir sexuel peut parfois emporter la conscience, la gêne des rapports sociaux, etc., ici le monde s'efface au profit de l'éclat intérieur que je laisse émerger. Je suis juste un canal physique qui permet au monde intérieur de toucher le monde extérieur via un phrasé parfois mal posé, mais plus brillant, plus vif.
Je produis ainsi des écrits qui sont nettement plus originaux, parfois la logique n'a plus complètement son mot à dire, et l'enchaînement des propos, relus après coup, peut être un peu décevant de ce côté-là. Mais, si l'objectif n'est plus de convaincre un auditoire imaginaire, mais seulement de laisser le quelque chose en moi s'exprimer, alors le résultat me plaît généralement. Je relis rarement ces textes, mais ça m'arrive, car je les considère comme faisant partie de ma thérapie. Je suis toujours surpris par leur vérité, leur justesse. Ils sonnent vrai, et peu importe ce qu'ils racontent. En les écrivant, je ne cherche plus la perfection de l'analyse et de la synthèse réunies dans *le* texte pédagogique à la rhétorique virtuose qui convaincra tout lecteur. Je n'ai que moi-même qui me guide dans l'instant de l'écriture.
Pour exprimer ce deuxième mode, j'ai utilisé l'hybridation, qui me permet de contenir les pulsions pour conserver un récit qui a du sens. J'élague en real time, quoi. C'est un filet d'huile de moi-même qui recouvre ces mots, vous ne prendrez pas le bouillon !

Bon, tout ceci est à prendre avec des pincettes, car ce sont les mots d'un nouveau-né, et j'ai peu de recul face à tout ça.

Ce qui m'est apparu, en constatant l'existence de ces modes, c'est l'autorisation que je me donne à être un instant en phase avec le monde intérieur. C'est exclusif du rapport aux autres, durant ce moment.
J'imagine que le travail consistera à être plus à l'écoute du monde intérieur tout en restant connecté au monde extérieur, mais ça me paraît mécaniquement improbable sinon impossible.

Bon, et si je reviens à ta question initiale, il n'y a pas de sentiments, dans le premier mode, sinon ceux que j'instrumentalise oui qui apparaissent malgré moi, et le second mode produit des textes dont l'unique intérêt est parfois d'être écoutés pour leur sonorité, leur absurdité, ou pour les amateurs de logorrhée.

Par ailleurs, et c'est un vrai problème pour moi, cela met en opposition deux principes : la spontanéité, nécessaire selon moi à l'expression de la sincérité, et l'absence de spontanéité, souvent utile sinon obligatoire, pour se relier au monde extérieur en étant autre chose qu'un blob égocentrique.

EDIT: petit ajout après soumission, et exemple de ce problème de spontanéité : dois-je éditer le message pour supprimer toutes les répétitions, pour reformuler, masquer ces "moi" à répétition (et hop, nouvelle répétition) ? Dois-je écrire plus lentement ou plus rapidement la prochaine fois ? Est-ce que le lecteur de ce message obtiendra plus via un texte plus travaillé, ou bien le travail du texte va-t-il gommer les imperfections qui peuvent être de réelles porteuse de sens, au-delà des mots ? Dilemme ! Dix lemmes ! Deal aime !

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PointBlanc
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par PointBlanc »

J'ai envie de participer à ce sujet, en particulier parce que je ne partage pas l'idée de la dichotomie entre sens (singulier) et sens (pluriel) sur lequel il s'ouvre. Ou plutôt je n'en ai pas fait l'expérience.

Je suis laborieux quand j'écris, même sur un forum où c'est a priori l'information qui prime ; je pèse mes mots de toute façon, moins pour leur sens qu'à cause de l'obligation que je me fais de rythmer chaque phrase. Ce n'est pas une question de musicalité : c'est davantage en rapport avec le volume qu'y occuperont ses constituants en fonction même de leur importance dans sa signification globale. Je n'ai évidemment pas de système, c'est un agencement qui se fait à tâtons, en essayant une multitude de combinaisons. Je me relis interminablement. J'élimine les répétitions même justifiables. A une époque je ne supportais pas d'employer deux fois comme dans un paragraphe de dix lignes, quand bien même l'un introduisait une comparaison et l'autre un complément de temps. Autant dire que mon écriture n'a rien de fluide et qu'une grosse partie du travail de reprise que je m'inflige consiste justement à redonner un semblant d'élan à un premier jet figé dans son cadre. C'est un peu de la taxidermie en fait.

Ce n'est pas bien différent quand j'écris sans destinataire identifié : les contraintes seraient même encore plus nombreuses. Par exemple j'évite autant que je peux les adjectifs ; plus généralement j'économise les mots : je suis fasciné par les formes courtes et je crois à la précision. Pourtant j'admire aussi les phrases interminables dont la construction garantit la clarté. Je ne veux pas emporter le lecteur, simplement poser devant lui quelque chose qu'il prendra ou non le temps d'examiner - une surface lisse, patiemment assemblée, dont il ne sentira les aspérités qu'en y passant le doigt. Je crois que j'écris contre l'émotion, ou tout au moins je lui refuse absolument de s'exprimer de façon directe. C'est souvent une image qui me lance, une scène concrète plutôt qu'un état d'âme - scène que forcément je n'aurai pas choisie pour rien, qui fait écho à quelque chose : mais c'est quelque chose qui n'a pas de nom, à quoi du moins je n'en donne pas. L'écriture a beau révéler sa présence, elle n'en est pas pour autant une illustration.
Vous qui vivez qu'avez-vous fait de ces fortunes ?

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madeleine
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par madeleine »

Hors-sujet
C'est drôle, j'ai ouvert ce fil parce que j'ai lu "l'écriture : donner du sens à l'émotion"
Pas que.
Mais on y vient ;)
le chemin est long et la pente est rude, oui, mais le mieux, c'est le chemin, parce que l'arrivée, c'est la même pour tout le monde... Aooouuuh yeaah...
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Re: L'écriture, du sens à l'émotion

Message par arizona »

Marrant ce que tu dis, Madeleine, parce que bien qu'ayant participé à ce fil, je pensais ( aujourd'hui ) qu'il s'appelait : l'écriture, de l'émotion au sens. Comme quoi..
pairlapinpin a écrit :e tiens un blog personnel. C'est un blog dont je suis l'unique lecteur !
Avant, cela s'appelait un journal intime :)
Ce que tu fais, ce qui fait que cela te plaît, c'est parce que tu lâches prise, j'ai bien l'impression. Alors tout devient beau et cohérent.
Alors que dans le premier cas, tu lis, relis, corriges, corriges ta correction, tu te perds dans ce que tu écris. Puis tu y as passé tellement de temps, que flûte, zut, à un moment c'est bon comme ça, alors que non...

PointBlanc, ce que tu dis me fait penser à Yourcenar. On raconte d'elle qu'elle écrivait, puis retravaillait, coupait, enlevait tout ce qui était inutile, ou redite, et au final, son texte faisait peut-être moins d'un tiers du texte original. Il n'y reste que le nécessaire, duquel il n'y a plus moyen de rien retrancher sans enlever du sens. ( J'adore la lire, d'ailleurs ).
Si nous n'étions pas d'ici, nous serions l'infini.
D'une chanson.

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