Bon aller j'ai dit que j'allais répondre donc je m'y colle. J'avais déjà entendu parler de ce reportage et de ce "cerveau entérique", donc j'ai profité de ce sujet pour le regarder vraiment. Du coup ca confirme un peu mon impression que c'est régulièrement assez mal compris en fait. Aller, go pour carpaccio.
Yggdrasila a écrit :Je me rappelle avoir regardé un documentaire sur Arte il y a quelques temps intitulé " Le ventre : notre deuxième cerveau " où j'avais découvert que nous avions en fait deux cerveaux !
Vrai et faux. C'est vrai si tu entends par cerveau un tissus neuronal. Mais bon à ce compte là, la moelle épinière aussi est un "cerveau". Par contre c'est faux si on considère "cerveau" en tant qu'organe permettant de penser, donc lié au QI. Le système nerveux entérique ne "pense" pas et nous n'avons qu'un seul vrai cerveau.
Yggdrasila a écrit :Notre tube digestif comporte en fait 200 millions de neurones, ce qui équivaut au cerveau d'un petit chien ou d'un chat, pour vous faire une idée. De plus, on y trouve un milliard de cellules gliales. Il a été découvert que notre tube digestif (cerveau entérique) communique avec notre cerveau (cerveau central) au moyen de neurotransmetteurs identiques à ceux qui se trouvent dans notre cerveau central. La connexion entre notre tube digestif et notre cerveau se fait grâce à un nerf qui est nommé le nerf vague.
Et tout ca est parfaitement juste pour possiblement la totalité de nos différents ganglions nerveux, de la moelle épinière et tout ca. Du coup c'est vrai, mais c'est pas du tout un élément qui tendrait à prouver qu'on possède un organe capable de penser dans le ventre ou que le système nerveux entérique ait quelque chose de spécial. Au final oui c'est gros et plein de neurones, mais il faut relativiser quand même puisque le cerveau possède environ 500 fois plus de neurones et que la moelle épinière, que personne ne soupçonne de penser, est elle-même 10 fois plus grosse.
Une autre manière de relativiser est de se le représenter concrètement. Le cerveau vous voyez en gros, une boule de 1.2L, avec plein de neurones qui sont donc très proches les uns des autres. Le "2e cerveau" comme ils l'appellent est composé de 2 éléments et réparti tout le long du tube digestif. Donc pour simplifier c'est comme si on prenait 1 cm^3 de notre cerveau (ca fait déjà pas lourd) et qu'on les étalait sur 8m de long... Les amateurs de Nutella se rendront bien compte que ca fait pas épais sur la tartine!
Yggdrasila a écrit :La sérotonine, un neurotransmetteur qui influence entre autres la gestion de nos émotions, est produite à 95% par notre cerveau entérique. Un parallèle a été fait entre QI = cerveau central et QE = cerveau entérique.
Sauf que la sérotonine est utilisé de manière locale. Elle sert au niveau des synapses par exemple et celle produite au niveau des intestins reste au niveau des intestins et ne touche pas le cerveau. Pour info, je ne crois pas qu'il existe de sérotonine sous forme libre dans le sang comme par exemple la testostérone qui est produite à un endroit et agit à un autre. Et de plus la sérotonine ne peut pas traverser la barrière hémato-encéphalique ce qui veut dire que la sérotonine produite en dehors du cerveau ne peut pas arriver jusqu'au cerveau.
Pour ce qui est du QE, pour commencer l'existence même du QE est contestée puisque c'est le sommet de l'édifice commercial basé sur les intelligences de Gardner qui sont aujourd'hui plutôt remises en causes. Mais bon même si on suppose que le QE existe il est évident qu'il n'a rien à voir avec les intestins (à part dans la gestion d'un truc qui vous fait chier mais c'est une autre histoire). Non le système nerveux entérique n'a pas la capacité "d'utiliser au mieux nos émotions et nos intuitions" d'après une définition d'internet du QE. Il permet d'utiliser au mieux nos suc gastriques pour en retirer de l'énergie mais en dehors de cette intelligence digestive et donc du QD, ya pas grand chose.
Yggdrasila a écrit :En extrapolant, peut-on envisager que les surdoués aient des particularités au niveau de leur système digestif (cerveau entérique donc) comme il a été démontré que leur cerveau central différait des autres personnes ? En effet, les émotions ayant une certaine importance chez les surdoués tout comme le phénomène d'hypersensibilité, je me pose la question de savoir si on pourrait observer également des différences entre le système digestif des surdoués et celui des autres personnes. (Même si ça peut paraître un peu " fou "). Qu'en pensez-vous ?
Oui il y a des différences comme dans tout le reste du système nerveux, principalement la vitesse des influx nerveux qui doit être plus rapide dans le système nerveux entérique comme partout ailleurs. Sinon, je ne crois pas tellement en une organisation neuronale différente faisant des surdoués des gens avec une intelligence digestive spéciale... De toute manière la simple organisation en bande de 8m de long rend les possibilités d'interconnexions vachement plus limitées que dans la quasi-sphère du vrai cerveau.
Yggdrasila a écrit :Le cerveau entérique se charge essentiellement de la digestion mais pas uniquement. (Cf exemple de la sérotonine plus haut). Le cerveau entérique serait notre cerveau originel, le premier à être apparu puis notre cerveau central, plus complexe, aurait suivi plus tard lorsque la réflexion, la pensée, etc... auraient été nécessaires ; le cerveau entérique ne pouvant assumer cette tâche puisque déjà bien occupé par la digestion.
De nouveau j'ai l'impression qu'il y a un mélange entre cerveau et cerveau. Si ca signifie que des ancêtres lointains ont commencé à penser au niveau du tube digestif avant de finalement exporter ces capacités cognitives ailleurs devant le temps que prenait la digestion, c'est à mon avis une erreur. Par contre il est effectivement possible que dans l'ordre de l'évolution on ait vu le système nerveux entérique se développer avant le cerveau, qu'on ait commencé par avoir plus de neurones pour mieux gérer la digestion et seulement ensuite que le cerveau et les capacités cognitives se soient développées (pour rappel le cerveau n'est rien d'autre qu'un des nombreux ganglions nerveux qui parsèment notre moelle épinière sauf qu'il s'est développé vachement plus que les autres). Mais de tout temps la pensée était absente des intestins, jamais le "cerveau entérique" n'a essayé d'assumer la tâche de la réflexion et la pensée.
Yggdrasila a écrit :Des maladies comme la maladie de Parkinson ou la schizophrénie par exemple, pourraient être traitées d'une autre manière compte tenu de la découverte de ce deuxième cerveau. On s'est rendu compte par exemple pour la maladie de Parkinson qu'en faisant une biopsie du cerveau entérique, on trouvait les mêmes protéines spécifiques de cette maladie au niveau du cerveau central. Si on arrive à traiter ce qu'il ne va pas au niveau du système nerveux entérique, on pourrait empêcher que cela ne " déteigne " au niveau du cerveau central. (Sachant que ce qui ne va pas serait d'abord visible au niveau du système nerveux entérique puis ensuite au niveau du cerveau central).
Là je ne sais pas si tu as des sources en plus des miennes, mais es-tu sûr de ne pas "déduire" bien au delà des faits? D'après le reportage d'arte au moins, la grande découverte importante est que ce qui affecte les neurones du cerveau affecte aussi les neurones ailleurs que dans le cerveau (oui c'est une découverte révolutionnaire qui est finalement plutôt logique; d'ailleurs il me semblerait possible qu'on trouve la même chose dans la moelle épinière et d'autres ganglions nerveux). Ce que j'ai entendu dans ce reportage c'est que les premiers symptômes de certaines affections du cerveau apparaissaient au niveau intestinal, pas que la maladie commençait au niveau du système nerveux entérique. En gros les neurones du cerveau sont possiblement tout autant touchés et en même temps, mais les symptômes, les conséquences visibles de cette affection, n'apparaissent que plus tard au niveau cognitif. Et encore dans le reportage d'arte je crois qu'ils évoquent juste la possibilité et certains cas donc ca ne m'étonnerait qu'à moitié qu'il ne s'agisse que d'une hypothèse non vérifiée et qu'aucune étude sérieuse n'ait été faite sur l'apparition antérieure de ces symptômes intestinaux.
La grande avancée dans tout ca c'est juste la possibilité d'avoir des indices sur l'état des neurones cérébraux en faisant une biopsie des intestins. Et c'est un truc énorme parce que justement on est vachement emmerdé niveau biopsies cérébrales pour pouvoir détecter tôt certaines maladies. Vu la gravité de l'intervention d'une biopsie cérébrale, on ne la fait que si c'est très grave, donc si la maladie est très très avancée. Pouvoir la remplacer par une biopsie intestinale ouvrirait la voie vers de nouveaux dépistages très en amont et donc des chances d'autant plus grandes de contrer l'évolution de la maladie voire la guérir sans séquelles. Mais pour la traiter on irait s'attaquer à tous les neurones et en premier les neurones cérébraux, pas traiter le système nerveux entérique avant qu'il ne contamine le reste.
Bon sinon quelques questions annexes pour creuser le sujet:
- si on a dans l'intestin environ le même nombre de neurones que dans le cerveau d'un chien ou d'un chat, combien de neurones les chiens et les chats ont dans leur intestin? Et un chimpanzé, un ours ou un autre omnivore? Et une vache ou une gazelle ou un autre herbivore? (je ne serai qu'à moitié étonné d'apprendre que leur système digestif comporte un nombre de neurones assez proche du notre)
- le reportage d'arte aborde aussi dans une grande 2e partie tout ce qui est en rapport avec notre flore intestinale. Du coup, pour ceux qui parlent d'agir sur notre cerveau en passant par notre intestin, comment différencier si ca agit en passant par le système nerveux entérique, la flore intestinale ou simplement la modification des éléments qui entrent dans notre corps?