Je vais profiter de ce thème pour recycler un peu...
attention, je vous parle d'un temps que les moins de 15 ans ne peuvent pas connaaiiiiitreuuuuuh !
"Au royaume des aveugles les borgnes sont rois" : élevé dans le respect du pape et de notre sainte mère l'église, je fus nourri aux citations bibliques aux messages subtils et encourageants...
"Au royaume des aveugles les borgnes sont rois"... celle là me fut servie et resservie régulièrement quand on pensait que ma tête menaçait d'imploser...
"Au royaume des aveugles les borgnes sont rois"... j'avais appris à lire trop tôt, sans que Mère y fut pour grand chose, énorme avantage des cours multiples j'écoutais les leçons de "grands" et comme ils étaient "aveugles" les leçons étaient sans cesse répétées lentement et en articulant bien... Je pris donc l'habitude de répondre à leur place et fut vite convaincu de précocité, en bon "borgne", on me fit "sauter" quelques classes.
A l'époque où les surdoués n'étaient pas encore des enfants "différents avec des problématiques pouvant entraîner un échec scolaire", mais juste des bons élèves qui faisaient chier le monde parce qu'eux-mêmes s'emmerdaient royalement, je me retrouvais immature au possible et haut comme un prépuce devant le portail vert vomi du collège.
J'étais petit, vêtu exclusivement de bleu marine en l'honneur de la vierge Marie et du souvenir maternel et ému des fiers militaires aux pompons rouges..., pas fâché de découvrir le monde moi qui n'avais connu que le giron familial, l'école se trouvant dans la cour de notre maison ou la maison dans la cour de notre école.
Les autres élèves m'appelaient "Racho", et même si j'en craignais certains, j'arrivais vite à monnayer une virile protection contre des services rendus en maths et français... Ma lâcheté s'accommodant fort bien de la présence rassurante de brutes épaisses et faciles à soudoyer.
Très vite, je pris conscience de la différence entre le collège et ma précédente situation : alors que mes parents entretenaient un semblant de protocole en demandant que je les vouvoie, je savais bien qui ils étaient et les respectaient comme monsieur curé me l'avait appris afin de ne pas faire pleurer le petit Jésus dans sa crèche.
Les profs par contre n'avaient pas cette aura imposée par l'usage et les bonnes manières, et tout de suite je les détestais.
Tous.
Même le prof d'art plastique, même la gentille et fofole prof de français, même le sévère prof d'histoire...
Je compris alors qu'il y avait deux clans : les grands cons qui savaient, et les petits cons qui ne savaient pas encore.
Je me trompais : certains grands cons ne savaient pas grand chose, certains petits cons ne sauraient jamais rien.
Je pensais le jour de la rentrée de sixième pénétrer un temple du savoir et de la connaissance, j'aurais été l'élève rêvé des cours de pédagogie : celui qui se pose des questions et recherche la transmission, qui demande à ce qu'on le nourrisse aux mamelles des sciences et de la littérature réunie.
Je découvris très vite que la bibliothèque du collège était aussi peu fournie que le bibliobus qui sillonnait la campagne et surtout qu'apprendre et réfléchir était rarement compatible avec scolarité au sein de la grande famille de l'éducation nationale.
Je m'aperçus également que certains profs ne m'aimaient pas, j'étais petit, aimable, le premier à lever le doigt, je n'avais que des bonnes notes et pourtant ils ne m'aimaient pas.
Les cuistres.
Une telle inconséquence était, vous en conviendrez, une terrible faute de goût.
Non qu'à l'époque je demandasse qu'on me bâtit une basilique, mais j'eusse aimé un tant soi plus de considération, ou à la rigueur une chapelle et encore, même pas Sixtine.
Mais non, ces rustres préféraient les enfants moyens, ceux qui profitaient bien gentiment de la pédagogie de haute volée, la mécanique de précision : celle qui ajuste le neurone au profil rêvé du pédaguigui pédagogo, ceux qui comprenaient doucement.
Je m'emmerdais...
Un an.
Poliment.
Puis je testais l'insolence et cessais définitivement :
de m'ennuyer...
d'aimer mon prochain comme moi même : je me mis à me préférer...
La misanthropie me tandis ses bras doux et lisses comme le crane du cancéreux après sa chimio, je m'éloignais du monde et me mis à léviter.
C'était décidé, je serais moine tibétain où rien.
On m'envoya revoir le mossieur des tests qui me parlait comme à un être doué de raison, ce qui me rassura un instant sur les adultes, plutôt que l'internement souhaité il proposa que je saute encore une classe, au grand désespoir de l'équipe enseignante !
Presque 40 ans plus tard, je reçois souvent des gamins étranges, je leur parle comme à des êtres doués de raison, et je continue à désespérer l'équipe enseignante...