Altima :
Je ne sais pas si ton message peut rester, mais je trouve que c'est un témoignage intéressant.
Ce que j'y vois surtout c'est des phénomènes d'engrenage. Tu décris bien comment ton stress fait baisser ta capacité à gérer la situation. Mais il me semble qu'il y a un autre phénomène sous-jacent plus sournois, mais peut-être plus facile à enrayer au final. Mais je ne suis pas un expert, je ne peux dire que ce que je comprends de mon expérience de l'intérieur. Voilà, maintenant que c'est dit, théorie en roue libre :
Le son est à la fois une invasion physique et cognitive. Cette invasion, comme toutes sensations, peut être perçue comme agréable ou douloureuse (la différence entre les deux étant, si j'ai bien compris, principalement l'angoisse associée). La difficulté ici, c'est qu'ils s'agit bien de 2 invasions : on subit sans pouvoir rien y faire, ce qui rend l'interprétation de la sensation comme agréable un peu difficile. De plus, l'oreille et le cerveau sont stressés ce qui à la longue n'est pas sans effets : appareil auditif potentiellement douloureux et mise en état de vigilance prolongée qui occasionne fatigue, mais aussi réactions physiques réflexes dues à la vigilance (typiquement tensions dos, épaules, cou (provoquant entre autres compression de la nuque et bim : mal de crane carabiné)), bref c'est pas rien. Un certain nombre de mécanismes et de stratégies de défense existent, mais ils ne sont pas applicable sans un état de contrôle de soi minimum... le problème étant que parfois c'est le stress occasionné qui rend ce contrôle impossible. Et là c'est non seulement l'engrenage mais même l'escalade.
Avant d'aller plus loin, une question : les surdoués sont ils différents des autres en la matière ? Je n'en sais à vrai dire rien. Là, de la théorie en roue libre je passe aux conjectures basées principalement sur mes lectures ici. Il me semble que oui ce peut être différent. Voici pourquoi.
Beaucoup de surdoués sont apparemment hyperexcitables, donc déjà plus sensibles à ce stress (donc ici plus exposés) mais aussi plus réactifs (donc ici plus sujets aux effets secondaires). Par ailleurs, avec une capacité accrue a traiter les informations, les portes sont facilement ouvertes pour écouter tout en même temps. Et pour finir, avec semble t'il une meilleur tolérance et une meilleure résilience, la réaction de protection et de rejet peut arriver trop tard (quelqu'un de moins tolérant interromprait une situation aussi inconfortable bien plus tôt, que ce soit de sa propre volonté ou par une somatisation ou tout autre mécanisme de défense conscient, inconscient ou réflexe).
Ca fait tout de même une sacré différence entre un professeur qui va juste entendre un brouhaha informe et un autre qui va entendre quasi distinctement des dizaines de personnes en même temps avec leurs demandes, leurs émotions, leurs interactions. Les deux auront une fatigue auditive et un état de vigilance accrue. Mais l'état de vigilance ne sera pas le même et la réaction à celui-ci pas la même non plus. Celui qui fait de ces informations un brouhaha va au bout d'un moment automatiquement l'ignorer (comme on ignore le bruit d'une fontaine) et ainsi rabaisser son niveau de vigilance qui ne reviendra pas à zéro bien sur (et heureusement ! il n'est pas souhaitable que le professeur oublie ses élèves) mais baissera suffisamment pour se ménager et pouvoir réagir à nouveau efficacement à une nouvelle alerte. L'autre va rester en état de vigilance élevé tant que la situation n'aura pas cessé, s'épuiser à percevoir et analyser les détails et être moins apte à augmenter son niveau d'alerte en cas de changement plus général, parce que premièrement il sera moins réceptif à des changements plus généraux (absence de filtre passe bas, potentiellement compensé par la douance ceci dit) et deuxièmement son niveau d'alerte étant déjà haut, il ne pourra plus l'augmenter (à part passer en panique).
Tout ça sans compter les autres effets d'une exposition à autant d'affects etc. Et sans compter également les capacités de sur-réaction d'un hyperexitable, allant de l'hyper-tension-musculaire à la crise d'angoisse en passant par toutes sortes de somatisations. Je sais, j'ai testé.
Bref selon moi, de fortes chances et de nombreuses raisons pour que les surdoués soient touchés différemment de la norme. Même si là encore il y a de fortes variétés possible, le simple fait de pouvoir traiter plus d'informations simultanément, fait que l'exposition à ce type d'environnement ne produira pas les mêmes effets.
Maintenant dans le cas où, comme pour toi, ça devient difficilement supportable, que se passe t'il ? Là, je pense que je vais surtout parler de ce que je crois comprendre chez toi et de ce qu'il peut y avoir de similaire chez moi. Ce n'est probablement pas généralisable.
A partir du moment où le stress auditif et le stress cognitif sont associés à une sensation d'inconfort (pouvant aller jusqu'à une forme de souffrance), leur réception se fera avec un à priori négatif. Et c'est là le noeud du problème. Une sensation ne peut pas être reçu de façon positive ou même neutre quand elle est associée à un trauma (en l'occurrence le souvenir des souffrances dues aux précédentes nuisances sonores, qui plus est dans un environnement identique). Pour ne pas arranger la chose, toutes les souffrances de la tête sont particulièrement anxiogènes et celles des yeux et des oreilles en particulier, d'autant plus que c'est aussi un stress de notre appareil cognitif (production de sens et repères dans le monde par le regard, les symboles, les sons et le langage). Un peu comme une allergie, le risque c'est de produire de la souffrance avant même d'atteindre son seuil "naturel". C'est un premier problème. Mais il y en a un deuxième : dès cet état de souffrance atteint (souffrance même légère, c'est la bascule du mode "serein" au mode "angoisse" qui compte), la capacité à gérer le stress se perd, on passe dans un mode 'au secours, barrons nous, ce machin est insupportable" et plus aucune stratégie ou mécanisme de défense ne fonctionne plus (... à part justement la fuite, si tentée qu'elle soit possible). Ca se voit même physiquement : le corps se crispe (une nouvelle fois tensions dos, épaules, cou, mâchoire) ce qui n'est pas sans provoquer son lot de douleurs (immédiates ou à moyen terme) et aggrave même les douleurs de l'appareil auditif et de la tête (qui n'avaient vraiment pas besoin de ça).
Bref sans aller jusqu'aux questions pédagogiques, il y a bien un engrenage infernal juste de la tolérance au bruit, de la fatigue occasionnée et de ses conséquences.
Dès lors, premières solutions simples (sans aller jusqu'à démissionner) :
- concernant la fatigue :
(mine de rien ça change tout, autant commencer par ça)
trouver toutes occasions de faire baisser la vigilance (et la fatigue auditive) et en profiter pleinement pour regonfler les batteries (la nuit, avant de partir le matin, le soir en rentrant, entre les cours, voir même pendant le cours) (un exemple : autant tu as besoin d'entendre tes élèves, autant il y a des situations ou entendre est moins important, dans toutes ces situations, allez hop bouchons d'oreille (entre les cours, aux toilettes, en récrée, à la machine à café, dans la salle des profs) tu n'entends plus rien ? et alors ? on s'en fout, au pire tu peux faire semblant quelle importance ?) (tu trouveras d'autres idées, soit créative)
- concernant les effets secondaires :
(oui c'est dans cet ordre là qu'il est préférable de traiter la spirale infernale)
il faut travailler ta posture et ta conscience du corps, il faut limiter les crispations et autres qui te fatiguent, te font mal au dos, à la tête et empêchent tes oreilles et ton cerveau de fonctionner sereinement. Oui moins facile en situation de stress, évidemment. Mais c'est justement là que tu as besoin d'apprendre à te détendre, car sinon bonjour les dégâts. Un argument de plus pour te convaincre : ton stress se voit et, en communication non-verbale, tu es en train de dire à tes élèves : c'est vous les bourreaux, c'est moi la victime. Du coup niveau autorité (et silence dans la classe) ça n'aide pas. Tout premier exercice : quand tu as conscience à un moment qu'un bruit te stresse, cherche à étudier ton corps, ta posture et tes tensions. Où te crispes tu ? Où as tu mal ? Que peux tu faire pour retrouver une posture physique neutre ? Je te donne un exemple hors contexte. La prochaine que tu es dans la rue sous la pluie ou dans le froid, observe la position de ton cou et de tes épaules. Rends toi compte qu'instinctivement tu t'es crispée et mesure le chemin à faire pour reprendre ta posture naturelle, voir mieux, une posture épanouie. Rien ne t'en empêche, tu as juste agis par réflexe au stress. Or pendant tes journées de classe ce réflexe quasi ininterrompu t'épuise, te casse et t'empêche de réagir correctement, t'empêche (...et c'est là le maitre mot) de t'ADAPTER.
Bref, y'a plus qu'à détendre tout ça. En prendre conscience est la clé. Dans un premier temps tu ne pourras le faire qu'entre les cours, puis pendant le cours à intervalle réguliers, puis dès que le stress monte et voilà !
Me reviens soudain un important conseil que m'a donné un maitre de Tai-chi : quand tu es vraiment mal barré, acculé, coincé, foutu... respire profondément (très profondément) et ton corps trouvera le chemin tout seul et la solution ira de soi. C'est fou la quantité de problèmes qu'on peu résoudre avec simplement une bonne respiration.
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Hors-sujet
Si ça te passionne ou si tu sens que le déblocage est au dessus de tes forces y'a plein de choses bien dans le sujet "conscience du corps et douance".
- concernant la tolérance au bruit :
(enfin ! mais les 2 solutions au dessus rendront ça plus facile)
il est indispensable de commencer par ne plus la craindre. Plus facile à dire qu'à faire ? Oui et non. Il y a des verrous à faire sauter. Si tu n'as pas d'hyperacousie donc pas de douleur dès le début de la journée, le problème de départ est moins auditif que cognitif. Tu crains la douleur, mais en fait en début de journée tu es la seule à la générer cette douleur. Ce que tu subis par contre c'est l'angoisse et la saturation cognitive. Et les deux peuvent être réduites, probablement même ensemble. Dès lors que tu ne cherches plus à tout contrôler (tes élèves, tes pensées, tes oreilles, tes sens) tu seras moins angoissée par le fait de ne pas y arriver.
Pour ce qui est strictement de l'audition, il faut un peu te blinder (pas le choix hélas). Là je peux peut-être t'aider. Repérer jusqu'où le niveau sonore peut monter en classe et tout en l'accueillant de façon bienveillante (sinon ça fausse tout, donc il faut faire ça a des moments ou tu es bien disposée et en forme) constater quel niveau d'inconfort cela produit chez toi. Tu peux te dire alors (et c'est très important) : je n'en meurs pas, mes oreilles n'en meurent pas, ce n'est pas ma situation préférée, mais c'est pas grave. A partir de là il faut vivre ces situations avec une sorte de coussin émotionnel virtuel sur les oreilles (un peu comme si tes sensations pénibles et tes émotions étaient un peu assourdies, sans que le son lui même le soit, suis-je clair ?). Ainsi tu dois arriver dans le contexte en sachant à quoi t'attendre et en y étant préparée. Et mécaniquement ça t'angoissera déjà moins.
Tant que tu es dans cet état d'angoisse (même légère) vis à vis du bruit, tu y réagiras mal (ça te tape sur le nerfs, ton corps et ton esprit se mettrons dans une posture incompatible avec la réception et sur-réagirons), ça te fera souffrir (physiquement et psychologiquement) et y'a rapidement plus moyen d'arrêter la machine. Il faut que tu essayes de recevoir tout ça positivement (une fois le coussin sur les oreilles c'est plus facile), avec le sourire (oui pour de vrai !). Au final la meilleures interprétation est plutôt neutre, mais passer par une vision exagérément positive peut être un bon moyen de sortir de la spirale de l'angoisse. Je ne sais pas si ça peut aider mais en technique de "visualisation" mentale j'ai parfois utilisé l'idée que tout les bruits qui m'entourent ne sont pas chaotiques, n'ont pas de sources multiples mais sont une seule et même partition dirigée par un chef d'orchestre vigilant, chaque son et chaque bruit est la source ou l'écho d'un autre, comme dans un chant en canon, chercher à percevoir l'harmonie, les grands mouvements, plutôt que la multiplicité. Quel que soit le chemin le but est le même, t'apprendre à ne pas te faire angoisser par la situation et pouvoir du coup être plus attentives à ce qui se passe en toi (montée du stress) et autour de toi. Tu trouveras comment gérer ton stress à partir du moment où tu es prête à l'observer avec moins d'inquiétude. Sinon, tout est bloqué. De même la gestion de tes rapports avec les élèves et trouver le bon sens concernant le bruit tolérable sont totalement à ta portée dès lors que tu retrouves le contrôle de toi-même. Mais pourquoi pas associer tout ça. Tu moment que tu peux le faire avec de l'assurance, c'est jouable. Par exemple: tu peux leur dire que tu supportes mal le bruit, désolée, pas de chance, mais que c'est leur problème pas le tiens, car si ils ne respectent pas ton besoin de calme c'est eux qui en paieront le prix, mis à part ça tu les aimes bien, sans rancune les loulous, hein ? Dans le cas où ils sont trop bruyants pour toi, tu te tais, tu te calmes (au milieu de la tempête, le plus important est là), tu les fixes, tu souris et si ils n'arrêtent pas d'eux même c'est la punition, sans crier, et avec le sourire (genre je n'attendais que ça, oh comme ça me fait plaisir). La prochaine fois qu'ils te verrons les fixer en silence avec le sourire, y a des chances qu'ils se taisent d'eux même.
Voilà, rien de plus à dire pour l'instant.
Echauffement : 2 3 5 7, 1 3 7 9,... pouf, pouf... 3 9 ,1 7, 1 3 7, 3 9, 1 7, 1 3 9, 3 9, 7. Et ça rime !