Soigner

Ici, partagez vos passions, vos dadas, vos marottes, documentez si possible, mettez-y de la vie!
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Coccinelle
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Soigner

Message par Coccinelle »

Je vais choisir de le mettre dans passions puisque c’est une passion pour moi, comme j’aurais pu le mettre dans psychologie et santé aussi.
Beaucoup d’entre vous savent que je soigne des animaux.
Je voulais voir cela sous un angle peut-être pas commun, j’ai choisi ce métier par ce que le soin et la médecine m’attiraient et que je ne me sentais pas capable de soigner des être humains au niveau de la responsabilité que ça représentait pour moi, que de devoir assumer une erreur médicale sur un être humain. J’ai décidé de soigner des animaux. Aujourd’hui je crois que j’aurais pu être un bon médecin que j’ai les épaules assez larges pour assumer des erreurs, et la carrure pour prendre des décisions, mais cela je ne le savais pas à 18 ans.

J’ai longtemps, en fait jusqu’à il y a quelques mois, complexée parce que je n’avais eu les « couilles » de soigner des Hommes, que je me sentais inutile au genre humain, que soigner des animaux c’était chouette, beaucoup en rêvaient, mais que moi j’avais besoin de plus, de plus de sens.

Puis, j’ai compris que ma façon de soigner, les soins que j’apporte aux animaux qu’on me confie, je le faisais pour beaucoup pour la famille de l’animal. Qu’en les écoutant je m’enrichissais infiniment plus que je l’aurais présagé au départ de ma formation, bien sûr j’aime les animaux mais moins que les humains, ce n’est pas une question de valeur, mais de priorités pour moi. Alors quand je soigne un chat, un chien, un oiseau, je sais que je fais du bien à ses propriétaires, que le lien tissé entre l’humain et l’animal permet à l’humain d’aller mieux, de rompre avec un sentiment d’inutilité, de vide, de solitude, et parfois de manque d’amour. S’occuper d’un animal que l’on aime est mieux qu’un anxiolytique et qu’un antidépresseur. En quelque sorte, j’ai souvent l’impression qu’en prenant mon temps, qu’en laissant la relation inter-espèce au centre du soin, qu’en soignant l’animal j’aide les gens. C’est peut-être présomptueux, mais pourtant c’est ce que je ressens. J’aime écouter les gens raconter leur vision de leur animal. Et puis souvent, les gens se confessent à moi, ils m’offrent un peu de leur vie, c’est un réel partage que je ressens. Evidement parfois les gens malintentionnés, ou plus simplement mal élevés, tente de piller cette relation, de forcer le sens unique, mais globalement c’est assez facile de les guider vers plus de partage.

Soigner c’est aussi au-delà des richesses des relations que je peux avoir, un exercice intellectuel intéressant, maitriser suffisamment la physiologie, l’anatomie, la sémiologie, le catalogues des maladies pour s’en extraire et sentir l’intuition arriver, puis de la vérifier. Comme au cours de ma scolarité j’ai toujours trouvé que le corps humain (ou animal) était comme un puzzle super performant, trouver le déraillement, laisser l’intuition prendre de la place et puis méthodologiquement la vérifier, c’est une sorte d’excitation. Innover en chirurgie, plus que de suivre un protocole déjà écrit, c’est ça qui me fait vibrer, ce n’est pas souvent mais quand ça arrive je me dis que j’ai bien choisi mon boulot.

Et plus égoïstement, je me sens bien quand je soigne, quand je vois le regard des gens qui récupèrent leur animal guéri ou en voie de guérison. Je me sens vivante dans ces cas là, je peux laisser mes problèmes à moi de côté, j’enfile ma blouse, et je soigne souvent autant le chien que le propriétaire, d’autant plus quand il s’agit de comportementalisme. Je m’auto estime bien mieux au boulot qu’en privé, je crois que la reconnaissance de mes congénères y est pour beaucoup, pourtant je sais que je ne suis pas un très bon vétérinaire, je fais juste aussi bien que possible mon boulot, mais je crois que le fait de Soigner donne plus de sens à ma vie.

Je voulais partager cela avec vous, d’autant plus que je sais que je ne suis pas la seule à soigner ici, si vous voulais partager votre ressenti, puisqu’il n’est pas forcément le même que le mien n’hésitez pas.

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Aïnoa
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Re: Soigner

Message par Aïnoa »

Héhé Coccinelle,

J'ai pas le temps là tout de suite, mais je repasse ce soir :wink:
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Re: Soigner

Message par Zyghna »

Merci de partager cela avec nous ^^
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Re: Soigner

Message par Aïnoa »

Voilà, j'ai enfin eu le temps de bien lire ton post.

Je voudrais y répondre, mais je ne sais pas écrire comme toi, j'ai peur que ça soit complètement ridicule (très enfantin en tous cas... :oops: ). Allez, je me lance quand même, c'est un sujet qui me touche :-)

Je me retrouve beaucoup dans ce que tu dis, qu'on se sent utile dans ces cas-là, quand on arrive vraiment à aider quelqu'un (patient ou maître de tes patients :wink: ). Bien qu'il me reste encore beaucoup à apprendre pour me sentir vraiment utile, ou même un tout petit peu... :lire2:

On pense que les soignants sont très dévoués aux autres. Oui, mais la démarche est également égoïste. En partie tout du moins.

Je pense aussi qu'on se soigne soi-même en soignant les autres, notre estime de nous, etc...
On me "reproche" souvent de toujours penser aux autres et jamais à moi (parce que je ne le mérite pas mais les autres oui, parce que j'essaye de rendre la "vie" meilleure pour les autres pour ne pas déranger, pour "disparaître"). Et dans ce métier je suis tout à fait dans ce schéma.
Mais il est vrai aussi, que depuis que je bosse, que je me fais presser comme un citron, que je me fais engueuler à longueur de journée par les patients qui ne sont jamais contents, que j'en ai marre et j'ai envie de penser à moi. Par exemple en n'acceptant pas une garde supplémentaire parce que tel jour ça ne m'arrange pas (si ça ne change rien pour moi je le fais, le boulot est assez difficile alors vive l'entraide entre collègue).

Ce qui est formidable c'est un simple petit "Merci" de la part d'un patient.
Il faut être honnête, c'est aussi un peu pour ça qu'on soigne. Même si ce n'est pas la motivation première qui nous anime.
J'avoue que j'aime quand même un peu l'effet que ça fait sur les gens quand ils me demandent ma profession.
Attention, je ne m'en vante pas, je ne me sens pas supérieure aux autres hein!!! (mais c'est le cas de bon nombre de collègues... :nesaitpas: ).
Petites anecdotes : en tant que fille, pendant mes études j'avais beau me présenter comme étudiante en médecine, on me prenait toujours pour une infirmière. Ahlala, les mythes ont la vie dures hein, les mecs se sont les toubibs et les filles les infirmières...
(un jour on est rentré à 4 dans une chambre, 1 autre étudiante (dernière année de médecine), 1 étudiant (4è année), une interne, et moi (5è année). Et bah ça a pas loupé, pour la patiente l'interne c'était le mec... alors qu'il était tout paumé parce que c'était son tout 1er stage... Lol)


Pour en revenir à ton témoignage Coccinelle, je pense effectivement que tu soignes en partie les humains, les propriétaires. Peut-être parfois même plus que les animaux. :D1
Tu as la chance d'avoir maints domaines d'activité (médecine, chirurgie, anesthésie, obstétrique, pédiatrie, ...). Et c'est vraiment cool, ça doit être très enrichissant!!!
Tu as de quoi être fière, que ce soit de ta réflexion intellectuelle et surtout de tes liens relationnels avec patients et maîtres!!!
Je suis sûre que tu as toutes les qualités pour faire un bon médecin!!! Et un très bon vétérinaire aussi hein! :wink:

Je regrette juste le manque de temps qu'un médecin peut passer avec ses patients, trop de boulot, trop de paperasse (en plus on a même pas d'équivalence pour faire secrétaire!!! :-o ), et pas beaucoup de temps pour les patients.
Ok, j'avoue, certaines fois (souvent) c'est pas trop grave, quand ils sont trop chiants... Mais parfois c'est très frustrant!
Instaurer un dialogue peut aider beaucoup au diagnostic... et ça peut être très enrichissant personnellement.

Bref, voilà, même si je n'apporte pas grand chose... :worried:
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Re: Soigner

Message par Mlle Rose »

Je reviendrai aussi quand j'aurais un peu plus de temps pour développer.
Merci en tous cas pour ce fil :-)
Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. E. de la Boétie
NB : Je ne réponds pas aux questions perso en mp, je manque cruellement de temps pour ça et déteste répondre aux gens à l'arrache. Donc... merci d'éviter :f:

Pascaline

Re: Soigner

Message par Pascaline »

Bonsoir, je n'ai pas vraiment soigné des animaux, mais presque, ou du moins en partie, car j'ai élevé des chats pendant vingt ans et ça m'a beaucoup apporté, j'y ai pris un réel plaisir, et même si je vendais des chatons, je vendais du bonheur, j'ai nombre de témoignages touchants, bouleversants, comme si j'y étais pour quelque chose au bonheur des maîtres ... et c'est beaucoup de soins, les mises bas où je dormais à côté de la maman, où je l'aidais, et puis élever ces bébés, le sevrage, moment délicat, le pire c'était le moment du départ, mais on s'y prépare dès les premiers jours, et tout se passe dans la joie, puisque le chaton est attendu, choyé, je recevais des nouvelles, des photos, j'ai nagé dans le bonheur. Il a bien fallu arrêter car je gardais tous et toutes mes reproducteurs une fois stérilisés, et le moment est venu où la maison a été envahie !
Alors maintenant je vis avec toute ma meute de chats entre 4 ans et 18 ans.. ils sont comme moi, des retraités. Mais il est vrai que c'est une responsabilité, de se demander si le chat aura une longue vie, s'il ne tombera pas malade, s'il n'aura pas une malformation non décelée, etc ... j'ai quand même vécu dans l'angoisse ... voilà voilà, j'ai été un peu longue, difficile de résuméer plus que ça Bonne soirée.

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Aïnoa
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Re: Soigner

Message par Aïnoa »

Heu, non, tu n'as pas été longue. Tu as vu mon post juste au dessus? :wink:

D'ailleurs je voudrais rajouter quelque chose sur l'empathie.

Je ne sais pas pour vous, les soignants, mais parfois c'est dur de rester impassible face à la souffrance ou la détresse des patients. Je me force à rester professionnelle mais parfois c'est vraiment dur.
Mais le plus dur pour moi, ce sont ces fois où j'ai participé à l'annonce d'un décès à la famille.
Le mort en lui-même ne me touche pas plus que ça, je ne le connaissais pas (sauf si c'est un patient que j'ai suivi longtemps et dont le décès n'est pas forcément très attendu). Mais c'est surtout la peine de la famille. J'ai eu plusieurs fois les larmes aux yeux de voir leur détresse...

Il faut bien sûr trouver la bonne distance, celle qui nous permet d'être attentif à nos patient, mais qui ne nous bouffe pas, qui ne nous empêche pas de faire correctement notre travail, de prendre les bonnes décisions.
Et c'est pas toujours facile.
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Cyrano
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Re: Soigner

Message par Cyrano »

Je vous lis, parce que ça m'intéresse. Mais comme je ne soigne pas (Mon arc n'est pas très doué pour ça :oops: ), je n'ai pas grand-chose à dire. En revanche, je suis admiratif, et vraiment impressionné par la force qu'il faut pour affronter la détresse jours après jours.

Je l'ai toujours dit, je ne pourrais pas moi. Je pense aux gens qui accompagnent les gens vers la mort, et ça me glace le sang. Vous êtes les vrais héros modernes en fait.

Que vous sauviez un chien bousculé par une voiture, que vous réappreniez à un gosse à parler correctement, ou que vous apportiez du réconfort à une famille en deuil, moi je dis "BIG-UP". :cheers:
On ne reste parfois fidèle à une cause que parce que ses adversaires ne cessent d'être
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Coccinelle
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Re: Soigner

Message par Coccinelle »

Aïona tu as mis pour moi le doigt sur l'empathie qui me semble primordiale pour pratiquer de bons soins. Il ne suffit pas d'être un fin technicien ou technicienne, être à jour des avancées scientifico-médicales, de connaitre son anatomie sur le bout des doigts, pour être un bon soignant ou être perçu comme tel.

Sans cette empathie, comment savoir jusqu'où aller dans ses explications scientifiques, comment réussir à faire comprendre une pathologie qui fait intervenir bien des processus enzymatiques ou hormonaux, il faut être capable de s'adapter à son interlocuteur, sans dire d'ânerie, mais être compris.
Sans empathie, comment savoir si l'autre va saisir toutes les nuances de notre phrase, ou simplement un trait d'humour, comment savoir si l'Autre est capable d'entendre un verdict qui implique la vie de celui qu'il aime, il faut toujours laisser la place à l'Autre, l'amener à être capable d'entendre, fermement mais humainement. Comment voir qu'on nous ment, qu'on nous cache un truc, l'amener à se confier en nous faisant confiance, je crois que l'empathie est vraiment au centre de la notion de Soigner.
Parfois cette empathie me donne l'impression de manipuler les gens, pour aller plus loin dans mon diagnostic, c'est parfois vital. L'empathie dans le cadre du soin, nous expose aussi et souvent à la souffrance humaine ou animale, qu'il faut apprendre à garder cela à distance sans pour autant l'occulter. Et je dois dire que c'est parfois un exercice ardu, je trouve en tout cas pour ma part que l'expérience acquise me permet cela de mieux en mieux.

@ Cyrano, merci pour tes applaudissements, ils tombent à pic sur un point que je voulais aborder et qu'Anoïa a développé un peu. Quel est, pour moi, le but personnel et intime à vouloir soigner, car ça expose à beaucoup de responsabilités et à beaucoup de souffrances. Je crois que tout à fait au fond de moi, c'est pour remonter mon estime de moi, que sans ce partage, sans ce don de moi à travers le soin, je n'arriverai pas à garder l'équilibre. Je crois que je soigne par égoïsme, c'est peut-être paradoxal, mais en soignant et en restant humaine et personnelle dans mes soins, je me sens plus valorisée, je me sens comme une bonne fée en quelque sorte et c'est très gratifiant, moi qui ait encore besoin de gratifications pour ne plus sentir nulle.
En fait, c'est dans ce domaine, que je me sens unifiée, entière, et où je m'accorde de la valeur humaine.

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Aïnoa
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Re: Soigner

Message par Aïnoa »

Coccinelle a écrit :L'empathie dans le cadre du soin, nous expose aussi et souvent à la souffrance humaine ou animale, qu'il faut apprendre à garder cela à distance sans pour autant l'occulter. Et je dois dire que c'est parfois un exercice ardu, je trouve en tout cas pour ma part que l'expérience acquise me permet cela de mieux en mieux.
(...)
Je crois que tout à fait au fond de moi, c'est pour remonter mon estime de moi, que sans ce partage, sans ce don de moi à travers le soin, je n'arriverai pas à garder l'équilibre. Je crois que je soigne par égoïsme, c'est peut-être paradoxal, mais en soignant et en restant humaine et personnelle dans mes soins, je me sens plus valorisée, je me sens comme une bonne fée en quelque sorte et c'est très gratifiant, moi qui ait encore besoin de gratifications pour ne plus sentir nulle.
Bah voilà, une fois de plus je suis tout à fait d'accord avec toit sur ces 2 points :D1

Le 1er paragraphe cité me rassure, quand tu dis que l'expérience aide. C'est le seul petit espoir que j'ai encore... :roll:

Et puis sur le 2è paragraphe je plussois.
Comme je le disais plus ou moins dans un de mes posts précédents, oui, je pense que tout soignant soigne pour se soigner lui-même en 1er lieu.
Je suis dans le même schéma, comme toi. Moi aussi j'ai besoin de me sentir utile et besoin de reconnaissance.
Malheureusement c'est une notion qui se perd en médecine (et qu'en est-il pour véto?). Les "clients" viennent et consomment comme dans un resto ou un supermarché. On est là pour eux, c'est normal, c'est un dû.
Grrrrrrrr qu'est-ce que ça m'énerve. Je ne dis pas que l'ancien modèle dit "paternaliste" de la relation malade-médecin était mieux (en gros, le médecin était tout puissant, seul détenteur du savoir et du savoir-faire, et le malade, simple exécutant, il n'avait pas son mot à dire sur son cas). Mais aujourd'hui la balance se deséquilibre de plus en plus du côté du "client". La plupart ne font que râler et critiquer. Alors moi qui n'est déjà pas confiance en moi (gros problème pour moi, et encore plus à l'hôpital où je fais des efforts énormes pour essayer de paraître crédible avec mon kit {blouse, stéthoscope, bagde notant "médecin" non doctoresse en suisse...}) j'ai encore plus de mal à le supporter quand un patient remet en cause ce que je lui dis. Attention, je n'ai pas la science infuse, loin de là, mais quand ils ne connaissent rien au sujet et font leur petite "cuisine"... ça m'énerve.

Bref, désolée pour ce petit coup de gueule, mais je voulais juste illustrer le fait que ce n'est pas en médecine qu'on trouve cette reconnaissance. Enfin, je ne dis pas "jamais", ça arrive, de temps en temps. Le plus souvent ce sont les patients qui ont attendu le plus longtemps et pour lesquels je n'ai pas pu faire grand chose qui disent "Merci". Un seul petit mot de 2 syllabes, mais qui me fait presque monter les larmes aux yeux quand il est dit avec sincérité...

Rebref, merci pour ce topic Bête à bon Dieu :wink:
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Re: Soigner

Message par Coccinelle »

La reconnaissance chez les vétos est encore là encore que ça dépend du type de clientèle, dans la mienne qui est petite la relation est au centre du soin, dans celle de mon mari qui est une grosse structure à 4 vétos, la reconnaissance est beaucoup moins présente, je crois qu'on a aussi les "clients" qui nous ressemblent un peu.
Ca arrive qu'on remette mon diagnostic en cause, mais ça ne me touche plus, parce que justement l'expérience m'a appris à me faire confiance au moins dans mon boulot. J'ai assez peu l'impression qu'ils viennent me voir comme au supermarché, ça peut arriver mais justement l'empathie aide assez à un recadrage, ou alors je fais en sorte que ce type de personne aille dans des plus grosses structures qui leur ressemblent plus.

Sinon, pour moi, la reconnaissance que j'attends ce n'est pas tant par un merci, ou par la reconnaissance directe du propriétaire, mais plus la mienne quand je sens que j'ai fait du bon travail, que j'ai bien communiqué que le message a été entendu, là je me dis "ayé, c'est bien fait mon job", effectivement c'est souvent pour des petits riens que je reçois des cadeaux... tiens ça me fait penser que depuis qu'on est 2 vétos j'en, le cabinet en reçoit moins, c'est je crois logique, le soin ne repose plus entièrement sur ma personne....enfin les cadeaux je m'en fout un peu (quoique une fois on m'a offert 2 repas gastronomique dans un restau étoilé^^ j'étais presque gênée pour le coup).

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Re: Soigner

Message par pixelvois »

Hors-sujet
Aïnoa a écrit :Mais aujourd'hui la balance se deséquilibre de plus en plus du côté du "client". La plupart ne font que râler et critiquer.
Ne serait-ce point ta position qui te fait voir les choses ainsi ? Je ne doute pas qu'il y ait évolution et que la part de torts des uns et des autres fluctue, change, mais si je me pose en tant que patient qui ne réfléchit pas trop loin, je serais vite convaincu que le "modèle paternaliste" est encore extrêmement présent... et très dérangeant.

Bref, je suis bien conscient et convaincu de la base fondamentalement humaniste de l'engagement dans le médical, mais je crois que la vision superficielle du patient comme du médecin est facilement déformée par leur manque de recul, et dans les deux cas aussi, perverti par un système global de consomation sans raison...

Il y a des patients con et des docteurs itou ;) : une fois qu'on est partie prenante quelle qu'elle soit, on a vite tendance à voir la bouteille à moitié vide.
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Re: Soigner

Message par Aïnoa »

Je suis d'accord et le dis souvent, les médecins c'est comme les chasseurs, y'a les bons médecins, et les "moins bons" médecins.

Pour en revenir au paternalisme, non, la relation n'est plus la même. Aujourd'hui les patients reçoivent toutes les informations qu'ils veulent, ou du moins qu'ils peuvent comprendre. Mais on lui donne toujours les différentes possibilités thérapeutiques et c'est à lui de choisir. Sauf que souvent il ne sait pas -normal, il n'a pas fait 10 ans de médecine- et s'en remet au médecin.
D'ailleurs quand un patient choisit la "mauvaise" solution, il est du devoir de médecin de le convaincre et non pas de le forcer (exemple : patient jeune et sportif avec fracture malléolaire interne un peu déplacée qui refuse la chirurgie, or on sait que ce genre de fracture, surtout jeune, non réduite correctement évolue très souvent en arthrose précoce de la cheville, et bien on lui a expliqué et réexpliqué 25 fois les choses pour qu'il se fasse opérer. Mais ça été long et difficile...).

Je suis encore d'accord avec toi Coccinelle.
Je pense aussi qu'on a les patients qu'on veut. Malheureusement, pour l'instant je travaille en hôpital, je ne "choisis" donc pas ma patientèle.
Par contre je n'arrive pas à me détacher quand un patient fait une critique alors que je fais de mon mieux, qu'on fait de notre mieux, qu'on bosse comme des fous, mais ça ne leur suffit pas. Mais bon, je n'ai pas beaucoup d'expérience encore, c'est peut-être pour ça... :nesaitpas:

J'aimerai, je rêve de pouvoir me dire un jour "ah, je suis fière de moi, fière de mon travail" :oops:
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Re: Soigner

Message par Plume »

Coucou,

bon je poste ici car moi aussi le fait de soigner c'est une passion (à priori...)
mais j'ai des limites... Je m'explique: En fait en ce moment je travaille dans un hôpital/ centre pour patients épileptiques. Quelques-uns ont à peu près mon âge ou un peu plus. Une de mes patientes a de fortes crises, pour la première que j'ai pu voir ce fut un "choc" émotionnel... Le regard si "demandeur d'aide" alors qu'on ne peut rien faire, se désarroi face à cette maladie.... et puis elle n'en fait pas qu'une tous les mois, non non ça va de 2 à 4 par jour....Un jour elle est venue chez nous et elle nous a sorti "Pourquoi faut-il être malade dans la vie?" :shock: Je lui ai répondu comme j'ai pu que ces questions là ne l'amènerons pas très loin, que ça fait plus de mal qu'autre chose mais je n'étais pas satisfaite de ma réponse...
Bref en gros avec les patients je crois que j'ai fait ce qu'on appelle un contre-transfert (même si ce terme est plus utilisé en milieu psy)...
Dès qu'elle fait une crise je suis comme vidée (pour les autres patients aussi), je me sens démunie, je ne peux pas aider, c'est insupportable...il faut juste attendre, veiller à leur sécurité...
J'aime bien mes études, mon travail mais j'ai l'impression qu'a force de donner/ soigner et bien même si je reçoit beaucoup en retour (Oh qu'un simple sourire ou "merci" peut faire du bien) et bien ça me ronge de l’intérieur... Une thérapeute m'avait dit un jour "Vous savez que ce sont de très dures études pour vous (sentimentalement parlant)...."
Je ne sais pas, en plus c'est le stage qui me plait le plus pour l'instant mais pourquoi??? Je ne comprends pas vraiment en fait... Le soir je suis vidée de ce que j'ai vécu le matin et je n'arrive pas à faire la part des choses, de me reposser, il faut que je bosse pour mes exams etc...Le stage que je préfère mais qui me fait le plus de mal moralement.... Et puis ils sont en train de me convaincre de poser ma candidature une fois finis les exams de D.E.
et puis en passant: la neurologie c'était toujours un domaine qui me passionnait
Bref je m’arrête là car ceci pourrait devenir un long roman de "pourquoi" et "comment"... :(

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Re: Soigner

Message par Néoplume »

Outre le fait de soigner, j'ai remarqué que bcp de personnes HQI avaient choisi une profession en lien avec la relation d'aide à autrui. N'est-ce pas un besoin de réparer ?

Je suis moi aussi dans une profession de santé et plus particulièrement ds le soin psychique.

La douance (je n'aime pas du tout ce terme) est également une résilience pour certains, donc on se "soigne" par le développement de nos capacités cognitives ?
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Pier Kirool
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Re: Soigner

Message par Pier Kirool »

Ayant pratiqué 20 ans en hôpital à prendre en charge de maladies très graves, plusieurs choses m'ont interpellé dans ce vous avez écrit. Je voulais être vétérinaire à la base, mais je n'avais pas un assez bon dossier pour rentrer en prépa véto...

Exercice intellectuel : Ca c'est sûr. Dans certains cas, on est comme dans un enquête de police à chercher des indices et des preuves. Pas étonnant que la série Dr House (même si elle est poussée à l'extrême, évidemment) ait marché.

Reconnaissance (rarement) et sentiment du devoir accompli (parfois) : Oui, c'est sûr ; les deux sont rares (dans mes conditions d'exercice et, sans doute, de la manière dont je le pratiquais). Le "c'est normal" est la règle.

Ca vide ; S'y oublier : la discipline en question est tellement "engageante" que l'on y oublie le reste, la vie, sa famille etc etc ; donc à double tranchant ; méfiance. Ca retourne le point de vue ; pas grand chose n'est grave à coté d'un cancer "aigu"... Je ne pense pas qu'on s'y soigne vraiment, à soigner les autres. On s'y use parfois, ça c'est sûr. C'est vrai qu'on a peu de mal à trouver une estime de soi lorsqu'on fait ce métier ; le don de soi, effectivement, pour soigner l'autre, c'est "bien".

Enrichissement personnel : Ben en fait, mon problème était de protéger ce qui me restait de disponible après 10-12 h de boulot... Vers la fin, bien sûr, dans les entretiens avec les patients je ne faisais plus que les mauvaises nouvelles (diagnostic, 20 ans avant que ne soient reconnues les consultations d’annonce ; rechutes ; fin de vie etc etc). Alors, on a des échanges ou on sait très bien ce qu'il faudrait arriver à dire, à peu près comment le dire pour le faire comprendre, et il ne reste « plus qu'à » essayer de sentir à quel moment le dire. Pas à la famille. La règle c'est qu'on le dit au patient. Les patients qui disent pouvoir supporter la vérité la supportent souvent aussi mal que les autres. Parfois c'est la famille qui ne la supporte pas. Et c'est "normal". Il y a cette période on la tristesse s’exprime, et puis cela s’apaise le plus souvent, car on peut organiser les choses et répondre aux questions, diminuer l’angoisse de la souffrance. « Amener l’autre à entendre », c’est très vrai aussi. Parce que le déni, ça existe. L’incompréhension aussi. Quand on annonce à quelqu’un qu’on ne va plus essayer de guérir sa maladie, mais de le faire vivre avec le plus longtemps possible et qu’il répond « je sors quand ? », c’est qu’il faut recommencer l’explication, doucement, mais parfois, ben on arrive pas à le dire. Faudra revenir sur le sujet…

Faut-il dire la vérité ? J'ai toujours défendu que oui. Même si je n'y suis pas toujours arrivé. Même si je sais que les patients peuvent comprendre sans qu'on ait besoin de tout dire. Mais créer un fossé entre l’équipe et le patient ou entre le patient et sa famille, je ne m'en sentais pas le droit. Alors, j'ai subi les foudres parfois. Mais souvent la vérité a apaisé tout le monde, y compris l'équipe infirmière et aide-soignante dont on a aussi quelque part la responsabilité.

Le temps : oh bah, c’est simple, les entretiens les plus durs, on savait quand on rentrait dans la chambre sans savoir quand est-ce qu’on allait en sortir…même si on avait un cours ou une consultation l’après-midi… Ou un gamin à la garderie… Donc, faut une super organisation, voir les patients (quand c’est pour une « annonce ») et familles sur rendez-vous etc etc…

Les larmes des soignants : ben c’est normal, je pense. J’ai vu une situation ou c’était un peu too much, lorsque qu’un médecin (chevronné) et une surveillante (habituée), en larmes, ont quasiment fait pleurer un père qui venait de perdre sa fille et semblait vouloir assumer la nouvelle de façon stoïque. J’étais là et j’ai été en colère car j’ai eu l’impression qu’elles lui avaient fait « rater » quelque chose. Après, chacun fait comme il peut. Il faut comprendre ses limites, et ne pas rater le moment ou on n’est plus professionnel dans la technique de soins. Là, il faut dire stop. Ne pas rater non plus le moment du burn-out. Avant…

Laisser les patients choisir. C’est une position de juriste. Déjà il y a … 20 ans. Est-ce qu’on peut imaginer une relation ou tout le monde serait conscient que même pour sa propre vie, on n’a pas le temps de refaire 6 à 10 ans d’études pour tout comprendre parfaitement ? Que malgré internet, dans certains cas, le médecin aurait besoin d’une semaine entière pour répondre aux questions et expliquer pourquoi la réponse à certaines questions n’existe pas et que malgré tout, il va falloir choisir ? Que la confiance qui doit exister entre deux personnes peut faire que l’une accepte les recommandations de l’autre ? Je suis contre la relation paternaliste, mais aussi contre le fait de se débarrasser du problème et en quelque sorte de la responsabilité en « laissant le patient choisir ». Ce n’est pas aussi binaire que cela, je pense. Par contre, évidemment, informer, et ne rien faire sans le consentement éclairé (il y a des terrains plus ou moins propices à cela…), bien sûr.
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Re: Soigner

Message par Mlle Rose »

Pierre Kirool a écrit : Reconnaissance (rarement) et sentiment du devoir accompli (parfois) : Oui, c'est sûr ; les deux sont rares (dans mes conditions d'exercice et, sans doute, de la manière dont je le pratiquais). Le "c'est normal" est la règle.
Je ne sais pas si c'est une question de conditions ou de mode d'exercice.... je me surprends à chaque fois dans une sensation d'ébahissement quand on me dit merci pour le travail accompli. Parce que c'est rare.
Une fois la mère d'une patiente m'a dit en partant et sur le mode de la rigolade "on vous dit pas merci parce que quand même c'est bien pour ça qu'on vous a payée hihihi, mais le coeur y est!"... c'est assez révélateur je pense -__-.

Après... le sentiment du devoir accompli c'est autre chose... il y a toujours en fond "j'aurais pu faire plus vite, mieux, plus efficace...", indépendamment de la satisfaction du patient. Certains sont très satisfaits, et quand on referme la porte on ne peut s'empêcher de se dire qu'on a quand même fait de la merde.
Pierre Kirool a écrit :à double tranchant ; méfiance. Ca retourne le point de vue ; pas grand chose n'est grave à coté d'un cancer "aigu"... Je ne pense pas qu'on s'y soigne vraiment, à soigner les autres. On s'y use parfois, ça c'est sûr.
Je ne sais pas si on est vraiment préparés à affronter ça et le burn out dont tu parles plus loin.
A la fac, je me souviens avoir eu des TP d'analyse de la pratique et de débriefing, on nous avait encouragés à continuer quand on exercerait en libéral, pour éviter de se retrouver seul avec ces questions en boucle, et le poids des pathologies des autres, pour se recaler des repères... mais voilà, 6h de cours et c'est tout. Et puis rien après... pas le temps en libéral.
Vous av(i)ez ça aussi à la fac de médecine ou vous êtes censés être exempts de sentiments, de doute, de souffrance et avoir une éponge à émotions blindée ? (C'est une demi-question, quand on lit le reste de ton message on voit bien que finalement il y a des humains sous les blouses si certains en doutaient encore...).
Il reste quoi du coup pour évacuer ? L'humour débile et bien gore ? Celui que peu d'autres comprennent et surtout pas les patients réels ou potentiels ? Celui qu'on ne peut faire qu'entre personnes concernées ?

Merci de ton témoignage :)
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Re: Soigner

Message par Aïnoa »

Pierre Kirool a écrit : Je suis contre la relation paternaliste, mais aussi contre le fait de se débarrasser du problème et en quelque sorte de la responsabilité en « laissant le patient choisir ». Ce n’est pas aussi binaire que cela, je pense. Par contre, évidemment, informer, et ne rien faire sans le consentement éclairé (il y a des terrains plus ou moins propices à cela…), bien sûr.
Je suis d'accord.
La relation malade-médecin paternaliste n'est plus adaptée à la société actuelle et a été "abandonnée" depuis plusieurs années voire décennies maintenant.
La "nouvelle" relation est effectivement de laisser le patient au centre des décisions de santé le concernant.
Il ne faut, bien évidemment, pas le laisser seul au milieu de ça, sachant qu'il n'a pas les connaissances médicales.

Du coup tout l'enjeu est là, comme tu le dis. C'est-à-dire donner toutes les informations possibles, et ce de la manière la plus compréhensible pour le patient, pour qu'il puisse prendre la "meilleure décision".
Maintenant il faut aussi savoir "orienter" un peu les patients. Si on leur donne juste les informations brutes, ils risquent de ne retenir que ce qui les intéresse vraiment (par exemple que les effets indésirables possibles bien que très rares le plus souvent) et de ne pas prendre la "meilleure" décision (d'un point de vue médical) pour eux.
J'ai juste un petit exemple qui me vient en tête : un jeune d'une vingtaine d'années avec une fracture de cheville, qui, selon nous orthopédistes, nécessitait un traitement chirurgical au vue du jeune âge du patient et de son niveau d'activité sportive. Mais il était contre toute idée d'opération, car la durée de traitement par plâtre (c'est-à-dire d'immobilisation et d'arrêt de sport) était identique, qu'il soit opéré ou non. Il n'en voyait donc pas l'intérêt. On a dû passer plusieurs heures/1/2 journées à le convaincre que c'était à plus long terme qu'il fallait voir, qu'avec la fracture bien réduite et fixée chirurgicalement il aurait moins de problème d'arthrose, d'instabilité à long terme.
Mlle Rose a écrit :je me surprends à chaque fois dans une sensation d'ébahissement quand on me dit merci pour le travail accompli. Parce que c'est rare.
Une fois la mère d'une patiente m'a dit en partant et sur le mode de la rigolade "on vous dit pas merci parce que quand même c'est bien pour ça qu'on vous a payée hihihi, mais le coeur y est!"... c'est assez révélateur je pense -__-
Tout pareil.
C'est tellement rare un petit merci, alors que ça fait tellement plaisir, et tellement de bien, ça fait oublier tous les moments de boulot difficile.

En plus, ce qui m'énerve le plus, c'est que ce sont en général les patients pour qui je n'ai pas pu faire grand chose (parce qu'on a rien à faire pour eux, parce que j'ai du les faire attendre longtemps à atendre des résultats d'examen ou des avis de chefs...) qui me disent merci, alors que eux, s'ils avaient râlé, j'aurais vraiment compris. Et c'est ceux qui n'ont rien à faire aux urgences qui gueulent le plus...

Et ce phénomène de "c'est normal, c'est votre boulot" est encore plus flagrant et marqué dans le pays ou je travaille à l'heure actuelle.
Oui, c'est notre travail, mais on donne bien un pourboire au serveur qui a bien fait son job. Alors pourquoi pas un petit merci ou juste une petite remarque gentille, ou disons pour être plus réaliste pas de remarques méchantes ni d'agressivité, quand le boulot est bien fait.
Mlle Rose a écrit :Vous av(i)ez ça aussi à la fac de médecine ou vous êtes censés être exempts de sentiments, de doute, de souffrance et avoir une éponge à émotions blindée ?
Pas dans la mienne en tous cas.
C'est vrai que tout ça n'est pas évident à gérer, et qu'on ne l'apprend pas.
Pas facile quand on est très empathique, très émotif...

Pour en revenir un peu à ton sujet de départ Pierre Kirool, moi ce n'est pas tant le décès d'un patient qui m'affecte (souvent ils sont plutôt attendus), mais plus la douleur de la famille. Plusieurs fois j'en ai eu les larmes aux yeux. Dans ces cas-là je m'éclipse car je crains que ça passe pour du cinéma, pour du faux...

Soigner, une passion, mais tellement pourrie par la société de consommation... :(
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Re: Soigner

Message par TourneLune »

La prochaine fois vous leur dites qu'on remercie bien la boulangère qui rend la monnaie ;)

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Re: Soigner

Message par Aïnoa »

Le truc, ce n'est même pas forcément un Merci qui est "attendu", mais juste une reconnaissace du travail accompli (je sais, c'est la même chose pour beaucoup de personnes, dans divers domaines), juste du respect... :-)
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Re: Soigner

Message par TourneLune »

Ben je sais pas, moi aussi j'ai la vie des gens entre les mains et je n'attends pas de merci, j'ai tjr l'impression que c'est de la lèche quand ca arrive. C'est mon boulot c'est tout et j'ai la chance qu'il soit valorisant en lui-même. La différence c'est que s'il est bien fait il ne se voit pas et la difficulté est rarement percue même par les premiers intéressés.
Sinon ben faut mettre la réciproque pour ceux qui ont des boulots naturellement de merde et là ca devient chaud.

Après, au-delà des merci et de la reconnaissance, c'est le fait que les gens reconnaissent la difficulté qui est important il me semble. Qu'on soit payé ou pas ne change pas que certaines choses sont difficiles et que ca mérite le respect. Reconnaissance professionnelle en quelque sorte et pas reconnaissance de dette.

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Re: Soigner

Message par Cyrano »

J'imagine la queue à l'entrée du bâtiment pour te remercier Tournesol ! :D

Je dirais que ça dépend comment les soins ont été apportés. Entre un "merci" de circonstance et une vraie gratitude, il y a un pas.
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Re: Soigner

Message par Mlle Rose »

Oui peut-être est-ce aussi parce que tu n'as pas de contact direct avec (tous) les gens de qui tu as la vie entre les mains. Pas cette attente de contact.
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Re: Soigner

Message par Aïnoa »

on, je n'ai pas été comprise.
Ce n'est justement pas un Merci que j'attends, c'est effectivement mon boulot.
Mais j'en ai marre de ma faire traiter comme une "serveuse" de soins. Les gens viennent comme au supermarché, avec leur petit chariot, prennent ce qu'ils veulent, un petit antibiotique, un arrêt de travail, ... et c'est normal. Bah non, sinon je me serais pas fait ch*** à faire autant d'années d'études difficiles...
Je voulais juste dire qu'on aimerait juste du respect et de la reconnaissance (pas de la gratitude hein!!) de notre travail. Mais bon, je sais que je n'arrive pas à bien expliquer ma pensée alors tant pis... :oops:

Edit : je pense que ça joue aussi Rose effectivement, ainsi que le fait, qui en découle, que les gens ne "râlent" pas directement sur toi Tournesol s'il y a un problème, du retard dans ton boulot etc...

Edit 2 : je ne voulais pas polluer le topic Soigner, je comptais, mais depuis cet été déjà, ouvrir un topic sur le "Tout et tout de suite" de notre société...
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Re: Soigner

Message par Cyrano »

Aïnoa a écrit : Mais j'en ai marre de ma faire traiter comme une "serveuse" de soins. Les gens viennent comme au supermarché, avec leur petit chariot, prennent ce qu'ils veulent, un petit antibiotique, un arrêt de travail, ... et c'est normal. Bah non, sinon je me serais pas fait ch*** à faire autant d'années d'études difficiles...
Il y a donc des métiers qui méritent plus de reconnaissance que d'autres ?

C'est quoi le problème exactement ? J'ai l'impression moi que quand les gens viennent voir le médecin pour un sacro-saint certificat d'aptitude à faire du sport, on n'est pas loin du service de proximité, comme au resto.

J'ai du mal à comprendre la hiérarchisation des métiers en fonction des études moi...

S'il y a un acte exceptionnel je ne dis pas...mais bon...un petit antibio pour mon gamin, je vais pas "particulièrement" trouver ça extraordinaire...
On ne reste parfois fidèle à une cause que parce que ses adversaires ne cessent d'être
ineptes.

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