Culture chinoise

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Invité

Culture chinoise

Message par Invité »

C'est une de mes passions principales, à laquelle je reviens régulièrement, et je me dis que je ne suis peut-être pas la seule à la nourrir, car la culture chinoise captive beaucoup de monde. Mieux vaudrait d'ailleurs parler "des cultures chinoises", vu l'immensité et la diversité tant géographique que temporelle du sujet.
J'ouvre donc un fil, un peu comme celui des passions philosophiques, que j'entretiendrai de temps en temps avec des messages assez courts, et où j'espère que d'autres que moi viendront participer. Il n'y a pas de règle spécifique, le cinéma comme la cuisine ou la calligraphie seront les bienvenus.

Je commence avec le cinéma, et un réalisateur dont les films ont constitué l'une de mes premières fenêtres sur le monde chinois : quand j'avais une vingtaine d'année, le cinéma de Chine populaire était peu connu en France. Toutefois, les réalisateurs dits "de la cinquième génération", à savoir des élèves de l'Académie de Cinéma de Pékin qui, en partie sous l'influence du cinéma français, revendiquaient une certaine liberté à l'égard de l'héritage maoïste, commençaient à se faire une place dans les festivals occidentaux et à être diffusés dans les cinémas d'art et d'essai.
C'est ainsi que j'ai découvert Zhang Yimou et ses deux comparses Chen Kaige et Tian Zhuangzhuang. C'est Zhang dont j'ai d'abord eu l'occasion de voir les films, et malgré ma préférence pour Tian Zhuangzhuang (plus subtil et moins formaliste), c'est donc par lui que j'ouvrirai ce sujet, avec l'un de ses premiers métrages sortis en France, et le tout premier auquel j'ai eu accès.


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Ce n'était pas le premier succès international de Zhang Yimou ; Le Sorgho rouge, adapté d'un roman du futur Prix Nobel Mo Yan, avait attiré largement l'attention sur ce jeune cinéaste qui maniait la couleur avec un brio sans pareil et mettait un art consommé de la gestion de l'espace au service d'une histoire paysanne en apparence très simple, mais où s'insinuait une apologie de la liberté plutôt réjouissante. Dans Ju Dou, Zhang Yimou traitait comme dans Le Sorgho l’histoire d’un amour illicite au sein d'un univers oppressant, mais il le faisait sur un mode plus austère et plus pessimiste.

Dans une petite ville de la Chine rurale, dans les années 20, un vieux teinturier, dernier de sa lignée, a acheté une femme pour l’aider et lui donner un fils. Ju Dou est jeune, belle et sans instruction, elle est apparemment docile à son destin, mais son époux est impuissant et cruel. Tianquing, un jeune homme recueilli par charité qui travaille aux teintures, s’éprend de l’épouse malheureuse : de leurs amours furtives naît un fils que le vieil homme prend pour le sien. Mais l’imposture est vite dévoilée et la teinturerie devient le cadre d’un drame atroce.

Le film n'est pas entièrement convaincant. Dans une note d’intention, Zhang Yimou rapporte avoir voulu, avec Ju Dou, dénoncer le drame chinois des mariages forcés et de la condition indigne des femmes traitées comme des bêtes de somme. Malheureusement, l'excès dans l’illustration de la violence et dans son érotisation sont parfois maladroits. Le corps torturé de Ju Dou, exposé aux coups de son mari comme au voyeurisme de son futur amant, met mal à l’aise plus qu’il n’émeut ni ne pousse à réfléchir. De même, le cercle vicieux de la violence qui contamine ses victimes et fait d’elles des monstres au même titre que leurs bourreaux est exposé sans finesse.
Mais l'intérêt essentiel est ailleurs et réside dans la vaste métaphore du décor : la teinturerie, cadre presque unique de l’action, devient devant la caméra de Zhang Yimou l’image de la souffrance des personnages et la matérialisation de leur destin tragique. Il en allait de même des champs de sorgho et de la distillerie dans le Sorgho rouge (que je n'ai vu qu'ensuite mais dont les procédés sont très proches) : toutefois, ici, la méthode est radicalisée. L’air imprégné d’eau et de poussière engorge les âmes autant que les poumons. Cuves et tissus s’imprègnent des couleurs de la passion : dans un très beau plan, nous voyons Tianquing accroupi au bord d’une cuve qui dévore tout le cadre, où se répand un rouge qui s’étale comme les pétales d’une fleur immense en même temps que se libèrent ses sentiments pour Ju Dou. Plus tard, la première étreinte des amants entraîne la détente d’une pièce de toile écarlate. Couleur de l’amour et de la vie, le rouge deviendra à la fin du film la couleur de la mort et de la vengeance lors des assassinats parallèles du mari et de l’amant de Ju Dou par son fils handicapé mental.
Le film flirte brièvement avec le fantastique, le temps de quelques séquences semi-oniriques où l’enfant né de l’adultère, transformé par les amants en outil de vengeance, devient une sorte de démon qui les surveille et les hante. L’idée est excellente mais manque de développement, comme l’ensemble d’un film où le talent de son réalisateur n’était encore qu’à l’état de promesse.

Eurus
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Re: Culture chinoise

Message par Eurus »

En espérant ne pas être hors sujet, le vlog de Liziqi :

https://www.youtube.com/channel/UCoC47d ... 4DBMEFGg4A

Petite plongée dans la Chine traditionnelle, avec des images superbes.

Invité

Re: Culture chinoise

Message par Invité »

Eurus a écrit : dim. 26 sept. 2021 09:54 En espérant ne pas être hors sujet
Pas du tout, au contraire, merci pour le lien.
Li Ziqui est un personnage intéressant, très représentatif d'une image de la Chine que le gouvernement de Pékin cherche à promouvoir en instrumentalisant certaines traditions régionales. Elle est clairement aux ordres du pouvoir central, et elle a été félicitée publiquement pour son travail de propagande (qui fait un peu peur, il faut le reconnaître). Ne serait-ce que pour ça, les vidéos valent le coup d’œil. En plus, c'est bien fait. :)

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