Apprendre à gérer ses phobies

La partie consacrée à la Santé dans sa globalité. Principalement la psychologie, psychologie sociale, la psychiatrie, les troubles de l'humeur, de la personnalité, les handicaps, l'autisme...
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1992adeline1992
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Apprendre à gérer ses phobies

Message par 1992adeline1992 »

Bonjour à tous,

Je viens avec un nouveau topic, je vais un peu vous parler de moi, depuis toute petite (2ans) j'ai la phobie du vomi, (que ce soit moi qui suis malade ou quelqu'un d'autre). Dès que j'ai des nausées (ou mal au ventre, je psychotais en me disant "ça y est je vais vomir" et là c'est le cercle vicieux de l'effet boule de neige, je m'explique : mal au ventre qui entraine une angoisse, qui elle-même entraine une nausée plus forte, qui entraine en angoisse encore plus forte) => jusqu'à la crise de panique totale ou je me retrouve en PLS à pleurer (dans ce cas précis, je préfère mourir). Et si c'est quelqu'un qui vomit bah c'est pareil.

Du coup un jour je me suis dit ça peut plus durer car j'en arrivait à prendre de sacro-saint "MOTILIUM" alors que j'en avais pas besoin, je ne sortait plus au risque d'être confronté au vomi.

Alors pour apprendre à gérer ma phobie j'ai commencer à regarder des video sur youtube de personne qui vomit (il faut combattre le mal par le mal), dur, très dur au début. Mais grâce à ça (et sans travail avec un psy) et une longue préparation psychologique, je peux sortir, regarder un film avec des acteurs qui vomissent sans faire de crise d'angoisse. Voilà

:w4x: :w4x: :w4x:

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Pascalita
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Re: Apprendre à gérer ses phobies

Message par Pascalita »

[jard]A la différence d’un blog, l'objectif du forum n'est pas de juste exposer son cas personnel à tel ou tel propos (ou alors sur sa présentation) mais d’ouvrir des discussions, de fournir des informations objectives et étayées qui pourraient être utiles à d’autres, éventuellement à partir ou à l’aide de son cas personnel mais en élargissant/approfondissant la discussion. [/jard]



1992adeline1992, c’est super que tu arrives à gérer ta phobie de cette manière, surtout si ça fait longtemps qu'elle te handicape.
Mais c’est, justement et comme tu le dis dans le titre, de la gestion, c’est-à-dire le maintien de cette phobie dans des limites acceptables, psychologiquement et socialement, pour la personne qui en est atteinte.
Je propose d’élargir à la différence entre gestion, contention, et traitement, guérison.

Le problème d’une phobie (peur irraisonnée d’une chose en particulier, qui peut mener à des situation de panique ou d’évitement – ou les deux), c’est la place qu’elle prend dans la vie et le psychisme d’une personne. Ceci peut tenir à l’objet de la phobie et à la fréquence à laquelle on y est confronté : un héliciphobe, pour prendre un exemple bénin (quelqu’un qui est phobique des escargots et des limaces) pourra relativement facilement éviter l’objet de sa phobie ; de même, un phobique des clowns n’ira pas au cirque.
Ceci dit, on peut remarquer qu'on entre déjà dans le mécanisme d’évitement, qui renforce la phobie.

Ici intervient la nuance entre la gestion de la phobie et son soin.

Si la phobie ne prend pas trop de place dans la vie de la personne et si l’évitement de l’objet n’est pas trop coûteux (psychologiquement et socialement), la phobie est gérable. On va réussir à la maintenir dans des limites acceptables, on va l’encadrer, négocier, se préparer psychologiquement aux situations de confrontation (quand on peut), bref : gérer. Et c’est déjà très bien, et ça peut durer toute une vie – à moins que la phobie ne s’atténue au fil du temps ou par d’autres causes, ce qui est possible aussi, je crois. On est alors dans un fonctionnement équilibré.

Deux limites cependant : la première, c'est quand la phobie prend des proportions trop importantes ou quand elle concerne des situations trop fréquentes de la vie de la personne pour qu’elle puisse être gérée ; la seconde, c’est que dans la gestion, le mécanisme profond n’est pas résolu.
Ce mécanisme profond, c’est la base de la phobie, me semble-t-il, sa source en fait : c’est la peur (peu importe sur quoi elle se pose), la peur viscérale, et à mon avis intrinsèque car liée à notre nature d’êtres mortels. Mais bon, ça, on le laisse de côté pour le moment.

Quand la phobie n’est plus gérable (ou quand on en a assez de gérer), il y a possibilité de thérapie, et principalement la thérapie cognitive et comportementale (TCC), qui donne de bons résultats. Le principe est, comme tu l’as fait avec les vidéos, de s’exposer à l’objet de la phobie pour déconstruire petit à petit le mécanisme menant à l’angoisse, à l’évitement, à la panique. Basiquement, le principe est d’une part de déconstruire mentalement l’emprise de la peur, c’est-à-dire travailler sur le fait que cette peur est démesurée, irraisonnée, et que la confrontation avec l’objet de la phobie n’amènera aucun des effets (réels) supposés et redoutés ; et d’autre part de s’exposer, graduellement mais à fréquence rapprochée (sinon ça ne marche pas), aux situations anxiogènes, avec accompagnement thérapeutique pour faire le point et continuer à travailler sur le côté mental, dans le but de constater, d’éprouver qu’on ne va pas en mourir (je suis volontairement excessive car intérieurement, c’est bien à ce niveau-là qu’on est).

L’exposition s’accompagne de techniques respiratoires visant à éviter ou tout au moins affaiblir la crise de panique, et permet de déconstruire les réflexes de l’angoisse. Quand on comprend et qu’on réalise qu’il ne se produit pas ce qu’on avait redouté, le cercle vicieux s’effondre (pour autant qu’un cercle puisse s’effondrer :huhu: ). Ce processus est progressif et personnalisé, peut nécessiter quelques semaines ou quelques mois, et comporte un pas extrêmement difficile à faire : même si on commence avec des situations peu anxiogènes, il arrive forcément un moment où on est vraiment confronté à sa peur, et où il faut se jeter dans le vide, prendre le risque qu’il se produise quand même ce que l’on redoute. Et c’est ce pas qui permet de briser le cercle, car on va sans doute être mal, très mal, mais on ne va pas mourir. Pas devenir fou. Pas s’effondrer devant tout le monde. Et même si ça se produit (s’effondrer devant tout le monde), on va se relever. Même si on a une crise de panique, elle va s’estomper. Il faudra peut-être du temps (objectif ou subjectif), mais on va la traverser. Et là, l’angoisse disparaît, la phobie disparaît.
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En allant plus loin, il me semble qu’au-delà de ce processus thérapeutique, et même avec un résultat positif, il reste la question de la peur, cette question fondamentale. Parce que les peurs de nos phobies se placent sur tel ou tel objet, mais elles sont fondamentales et liées à notre condition humaine. Je pense que s’il y en a une à laquelle il faut réfléchir, à un moment ou à un autre de notre vie, c’est celle-là.

Dans ce contexte, autre exemple : la phobie de l’avion. Exemple peu embêtant pour les voyageurs de loisirs, gérable avec préparation psychologique ou médicaments, mais autrement grave et handicapant pour quelqu’un qui doit prendre l’avion pour son travail.
Dans celle-là, le danger objectif est bien un danger de mort, et il est réel, même si extrêmement peu probable. Il paraît que le principe d’exposition de la TCC fonctionne aussi, que ce soit dans de vrais avions ou sur simulateur (je me suis renseignée :huhu: ), et tant mieux. Cependant on peut aussi se pencher dessus autrement, en regardant en face cette peur de la mort. On revient peut-être à une forme de gestion, c’est-à-dire de « vivre avec », parce que je ne sais pas si on peut se débarrasser de la peur de la mort, mais différente des manœuvres d’évitement et de contention de l’anxiété quotidienne.

Mon décodage est que nos angoisses, portées à leur point d’orgue dans les phobies (mais aussi dans l’anxiété généralisée ou les TOC), sont une manifestation superficielle de « la » grande peur, qui probablement est variable selon notre nature – certains ont l’air vraiment moins sujets à l’angoisse que d’autres… Et qu’en confrontant cette grande peur (le risque de la mort) à la valeur que la vie a pour nous (pour chacun), à ce qui en fait son prix à nos yeux, ou à la manière dont on a envie de passer le temps imprévisible que nous avons à passer dans le monde, on a une piste de gestion en profondeur, d’acceptation du risque.

Je suppose que cette démarche peut se faire avec accompagnement psychologique, mais je pense qu’on peut aussi y réfléchir tout seul.
Après, c'est ma lecture... Dans ma tête, c'est une lecture universelle, mais ma tête n'est pas universelle - ça vaut mieux, d'ailleurs :1cache:
Et ça dépasse un peu la gestion des phobies.
Bref, à vous les studios.
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1992adeline1992

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