Je prends parfois le métro et, en ce moment, impossible de rater une certaine publicité présente dans tous les wagons. C’est pour je-ne-sais quelle société qui propose les services d’employés de maison (il me semble que c’est le terme utilisé) : repassage, ménage, etc. Sur l’affiche, cinq ou six femmes de différentes ethnies et… un homme. Cette affiche soulève immanquablement des réflexions chez moi.
Là présence de cet homme était indispensable. Déjà, sans lui, il aurait fallu écrire « employées de maison », parce qu’il n’y aurait eu que des femmes sur l’affiche. Ç’aurait été proclamer — et avouer — qu’une personne qui vient chez vous pour repasser ou faire le ménage est, dans 99 % des cas (j’invente le chiffre), une femme. Il y a des métiers comme ça, celui de nounou est dans le même cas. L’égalité des sexes veut que chacun ait les mêmes chances pour un emploi donné, cependant la réalité est que certains métiers sont soit difficilement accessibles, soit peu prisés, pour un genre donné. Sous prétexte de prôner une certaine présence d’esprit, la présence de cet homme est là pour masquer le fait que cet emploi peu valorisé est surtout occupé par des femmes.
Et il y a bien sûr ce 1 % d’hommes à cause duquel on écrit « employés de maison » : le masculin, sous couvert de neutralité, l’emporte, on en a déjà parlé plusieurs fois. Personnellement, j’aime bien la règle « les plus nombreux l’emporte » et, au vu de la composition de l’affiche, aurais proposé d’écrire « employées ». Ça aurait probablement soulevé pas mal d’opposition, étant vu comme une émasculation en place publique. Bref, le gars est là pour contourner un problème en déplaçant le débat sur un sujet moins visible, celui de l’écriture.
Aussi, de mémoire, l’homme de l’affiche est une sorte de monsieur Propre : t-shirt ajusté, cheveux courts ou rasés, bras croisés et tout. La ressemblance n’est certainement pas un hasard puisque ça doit être une des seules figures masculines attachées au ménage. Ça montre à quel point l’idée d’un homme de ménage est étrangère, limite choquante, sauf si c’est un monsieur Propre qui débarque chez vous ou, à la limite, Ryan Gosling en slip et nœud-pap’ façon Chippendales.
Et je parlais des métiers soit peu accessibles, soit peu prisés : il me semble que beaucoup de femmes veulent conquérir les professions qui ont longtemps été l’apanage des hommes (pompier, militaire, chef d’entreprise, etc.) mais que les hommes qui veulent un métier traditionnellement réservés aux femmes sont peu nombreux. Dans la perception générale, une femme qui fait un métier d’homme est une femme forte, un homme qui fait un métier de femme est un homme faible, sans doute parce que les métiers « masculins » sont plus valorisés. Pas étonnant que le monsieur Propre de l’affiche fasse montre d’autant de virilité, il doit prouver qu’il n’est pas faible.
Comme c’est un sujet qui parle de sexisme je ne discuterai pas de la représentation des ethnies sur l’affiche (voire des classes sociales que l’on imagine à travers certains traits comme l’embonpoint, le maintien, la coupe de cheveux et, malheureusement, l’origine etnique), là encore on n’est pas du tout sur du représentatif. Je ne jette pas la pierre aux personnes ayant conçu cette publicité (ou alors juste pour le principe, parce que je n’aime pas la pub), le sujet est houleux, j’imagine juste la somme d’écueils rencontrés pour réaliser cette affiche à la con, et ça occupe mes voyages.
