le suicide

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FeverDream
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Re: le suicide

Message par FeverDream »

J'ai lu en diagonal, désolée si je répète des choses déjà évoquées. Je n'irai pas forcément de mon émotivité, mais, je voulais partager davantage des constats et des faits, et peut être, une réflexion personnelle.

Je me base sur une discussion que nous avions eu lors d'un cours de psychiatrie sur les psychoses, névroses, et notamment, le suicide a été abordé. Avant d'aller plus loin, il y a trois types de personnes englobant le suicide: le suicidaire, le suicidant, et le suicidé. On parle de suicidaire lorsque la personne pense au suicide. On parle de suicidant lorsqu'il y a eu tentative de suicide. On parle de suicidé lorsque la personne s'est suicidée.

Si je parle de ça, c'est que, selon les statistiques, il y a plus de suicidants chez les adolescents, et de suicidés chez les personnes âgées. Les débats ont été bon train face à ce constat. Il y a ceci qui est ressorti qui m'avait marqué:

Les adolescents, en tant que davantage suicidant, cherchent plus la tentative que le suicide réel que les personnes âgées, qui, elles, font tout pour ne pas rater l'acte. A supposer que les adolescents, eux, envoient davantage un signal d'alerte. Deuxièmement, il y a une frontière entre ceux qui ont des pensées suicidaires, et ceux qui se suicident. Les suicidaires ne passeront pas forcément à l'acte.

Ceux qu'on nous a expliqué, c'est que selon quelques recherches, il s'avérerait que le risque de suicide est de l'ordre de l'acquis (facteur génétique). Dans le sens où, il y a des personnes qui seront nés comme étant très potentiellement sujet au risque de se suicider, et d'autres qui n'auront pas cette caractéristique et qui en resteront "qu'au" stade du suicidaire, sans passer à l'acte.

J'en viens au tout dernier point : Les professionnels sont plutôt d'accord pour dire qu'un suicide, ça ne se sait pas. A savoir que les personnes ayant l'intention de passer à l'acte n'en parlent pas aux autres. Lorsqu'une personne parle de se suicider, il y a de bonnes chances pour qu'elle ne le fasse pas (appel à l'aide). Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas intervenir auprès d'elle et que le risque est de zéro, au contraire. Pourquoi? Parce que le suicide serait plus de l'ordre de l'impulsif que du réfléchi. Les personnes se suicidant seraient dans un état de déconnexion avec la réalité avec laquelle elles n'ont plus prises. Cela se fait donc souvent sans préparation. Ça arrive sans crier gare. Je parle du général, donc, il y a toujours des exceptions.
Cyrielle a écrit :Un psy qui travaille auprès des adolescents disait que l'important est d'amener les suicidants à se demander s'ils veulent vraiment arrêter de vivre, ou "seulement" arrêter cette vie, c'est à dire changer de vie.
Aussi, dans tous les cas, le suicide n'est pas que la personne ne désire plus vivre. Lorsque l'idée du suicide se pose, ce n'est pas pour cesser de vivre, mais pour cesser la souffrance. Lorsqu'on n'entrevoit plus de solution, qu'on se sent dans une impasse insolvable, le suicide apparait comme la seule forme de soulagement possible à la souffrance. En témoignage rapporté par l'intervenant, il expliquait que les suicidants, souvent, expriment leur envie de vivre, mais, le désir d'arrêter leur souffrance. Pour la plupart, ils sont "heureux" de ne pas en être mort (de leur tentative), puisque ce n'est pas réellement ce qu'ils cherchent.


Pour la réflexion personnelle, elle se trouve sur la question du courage ou de la lâcheté... J'ai l'impression que c'est un débat sans fin et stérile, non constructif, personnellement. Cela dépendra forcément de la vision, valeur, idéologie, de la personne qui aborde le débat, angle sous lequel on se pose, détails sur lesquels on insiste... Comme "est-ce que le verre est à moitié vide, ou à moitié plein?". Et ça banalise grossièrement ce que signifie se suicider. Je me demande si la question ne trouve pas sa source dans les idéologies religieuses (le péché). Se suicider, ce n'est pas juste un acte qu'on pose. Ce n'est pas juste de l'ordre de la morale, et encore moins du bien ou du mal, de la faiblesse ou de la force. C'est un réseau de paramètres qui peut s'étendre à "l'infini", qui ne peut s'arrêter à une vérité. C'est un prisme. C'est un acte dramatique, qui n'est pas seulement à l'origine d'une souffrance (celle du suicidé), mais de tous ceux qui l'entourent, souffrance qui s'étend à la société, et finalement, à l'humain. Je trouve ça, personnellement, déplacé, d'aborder la notion de courage ou de lâcheté, en particulier lorsqu'on pense à ceux qui ont effectivement perdu leurs proches dans ces conditions.
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Traum
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Re: le suicide

Message par Traum »

Ma modeste contribution…
FeverDream a écrit :Je trouve ça, personnellement, déplacé, d'aborder la notion de courage ou de lâcheté, en particulier lorsqu'on pense à ceux qui ont effectivement perdu leurs proches dans ces conditions.
Je suis un de ces proches, plus exactement je suis fille de suicidée. Et je me permets de rebondir un peu sur ta remarque, Fever Dream, en espérant que tu ne le prendras pas mal, mais c'est quelque chose que j'ai souvent constaté en quelques treize ans… Les gens pensent souvent pour les proches. C'est touchant. Mais il ne faut pas toujours trop penser pour les gens ou l'on finit par oublier de vraiment penser à eux.
Il y a souvent un moment où l' on me demande ce que fait ou faisait ma mère, et où les gens finissent par être désolés. Ce sont eux de loin les plus gênés. Moi, ça va.
Alors, il va sans dire que je n'ai pas la même manière de parler de ce qui s'est passé que mes proches, et pour des tas de raisons. Je suis d'ailleurs la seule à avoir cherché à obtenir le dossier médical de ma mère.

Personnellement, non, ça ne me dérange pas de parler de courage ou de lâcheté.
Ce sont des questions que je me suis déjà posées et ce sont des questions avec lesquelles on est obligé de travailler. Ne pas les affronter me semble plus poser question, d'ailleurs.
Je crois savoir que certains de mes proches y ont vu une lâcheté, et je peux l'entendre, du lieu où ils se trouvaient et du moment de leur vie où ils étaient.
Je n'ai pas vu de lâcheté concernant ma mère. Elle souffrait énormément. D'aucuns ont vu un acte très égoïste dans ce geste. Moi, je ne sais pas. J'ai juste instantanément compris. Je lui en veux pour des tas d'autres choses, mais pas pour ça.
Et pour la personne qui passe à l'acte ? Est-ce qu'elle pense nécessairement en terme de courage ou de lâcheté ? Je ne suis jamais passée à l'acte, je ne peux pas dire.
Si on postule que le suicide est la manifestation d'une souffrance psychique intense, la question ne se pose peut-être même plus. Le suicide est alors la seule solution… (Je ne dis pas que c'est en fait la seule solution, juste qu'à un moment de leur vie, les gens finissent par le croire, quitte à s'en dédire ensuite, après avoir échoué.)
Et de là, on finit par élaborer des scénarios…
Alors que d'autres l'ont très bien dit avant moi : c'est bien plus une envie de changer de vie, d'arrêter juste la souffrance…

J'ai plusieurs fois entendu : ne passe pas à l'acte qui veut… On peut être très dépressif, j'ai pu l'être moi-même, j'ai pu avoir des idées suicidaires, mais il semblerait que tous ceux qui ont des idées suicidaires ne passent pas nécessairement à l'acte, même dans une demande d'appel à l'aide.
Il y aura toujours des appels à l'aide qui échoueront et où la personne mourra. Il y aura toujours des tentatives de suicides ratées où les gens seront sauvés « malgré eux ». (Je crois pouvoir dire qu'à au moins une reprise, ma mère a été de ceux-là.) Mais j'ai tendance à croire que celui qui veut vraiment mourir (pour atroces que soient ces mots) y parvient. Ça a été le cas de ma mère. Ce jour-là, elle ne s'est pas laissé le choix ; et elle ne nous a pas laissé le choix.
Est-ce qu'il y a un continuum ou une rupture ? Est-ce qu'il y a un continuum entre tentative de suicide et suicide « réussi » ? Ou ne parvient pas à se suicider qui « veut » ?
En psychologie, on tend à penser que, comme un certain grand théoricien de la psychanalyse (Lacan, pour ne pas le nommer), « ne devient pas fou qui veut », eh bien, ne se suicide pas qui veut. Qu'il y a une pathologie psychiatrique derrière.

Il y a eu des cultures pour célébrer le suicide : la culture japonaise, la culture latine aussi. Et d'autres. La civilisation judéo-chrétienne a toujours banni le suicide : manifestation de l'orgueil et / ou de l'indignité de l'homme qui ose prétendre se hisser à la hauteur de D.ieu, coupable de ne pas oser s'aimer assez alors qu'il est censé être à l'image de D.ieu même, ou encore orgueilleux de prétendre s'ôter une vie qui ne lui appartient pas, seul D.ieu ayant autorité sur la vie et la mort.
Le suicide a une dimension sociale ; la première étude sociologique de Durkheim portait justement sur… le suicide.
Ce n'est pas une grande référence, mais on peut retrouver une typologie des suicides sur Wikipédia dégagée par Durkheim.
Je ne suis pas ensuite une grande spécialiste du sujet et il y a certainement des liens possibles en psychologie sociale à faire. (Je laisse le soin aux spécialistes du domaine de ce faire s'ils peuvent y répondre.)

Dans un autre registre, cela me fait penser à quelques mots de La Vie des autres où l'écrivain mène une réflexion sur le taux de suicide hongrois et où il s'interroge sur l'un des mots allemand qui désigne le suicide : Selbstmord, le meurtre de soi-même. Les gens sont alors considérés comme des meurtriers d'eux-mêmes. Autant presque dire des criminels. L'idée de « se tuer » en français est peut-être plus crue, mais m'a toujours paru moins stigmatisante. Entre se tuer, se donner la mort et la notion de meurtre… le meurtre me semble impliquer quelque chose de plus fort. (Question de sensibilité peut-être.)
Le mot « suicide » me paraît plus neutre. C'est ce qui vient avec qui peut l'être moins : est-ce que l'on commet ou est-ce que l'on accomplit un suicide ? J'ai plus de mal avec la deuxième proposition que j'ai entendu récemment dans un film, comme si l'on risquait de parler d'un « accomplissement de soi ». Je préfère personnellement le verbe « se suicider ». C'est direct, plus neutre, et ça veut juste tout dire.

Poser la question du suicide, ça amène à poser aussi la question de ce que l'on fait pour l'empêcher.
La psychiatrie est la discipline médicale, à part la médecine légale (qui est un peu à part aussi), qui a le plus à faire avec les dimensions sociales et judiciaires. On peut ainsi contraindre les gens à se faire soigner de force. Bien sûr, c'est réglementé, très réglementé quand même. Mais on peut imposer une hospitalisation sous contrainte : que ce soit à la demande d'un tiers (proche du malade) ou sur décision du maire ou du préfet (avec des organes de régulation pour éviter les hospitalisations abusives). On a donc un système de soins forcés pour protéger les gens d'eux-mêmes.
Et une première question que l'on peut quand même se poser, c'est : de quel droit ?
Pour protéger les gens d'eux-mêmes ? Pour les forcer à vivre ? Parce qu'ils ne sont plus aptes à décider pour eux-mêmes ?

En Belgique, l'euthanasie est autorisée pour souffrance psychique. Pour lecture : ici, (bon, c'est Le Figaro) et (même si c'est encore certainement un cas un peu à part).

Quand tu parlais du facteur génétique, Fever Dream, je pense que tu voulais parler de l'inné.
C'est peut-être le seul point sur lequel je ne serais pas à l'aise, le seul point qui me ferait vraiment du mal… Parce que ça a été une angoisse que j'ai senti peser sur moi les mois qui ont suivi la mort de ma mère. (À l'époque, tout le lycée savait qui elle était, puisqu'elle était très investie dans la vie du lycée.) Et puisque parce que j'ai eu peur pour moi.
Je crois plus en des facteurs de vulnérabilité, qu'ils soient génétiques, biologiques, environnementaux (que l'on entende par là le lieu de vie, la famille, l'éducation…), qu'en la seule génétique qui, de toute façon, ne se suffit jamais à elle-même et qu'il faut toujours impliquer avec précaution.

J'ai été très longue et sans doute un peu décousue. Mes excuses.
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Grabote
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Re: le suicide

Message par Grabote »

Merci pour ce partage Traum :ensoleillé:

Pourquoi est ce que tu écris D.ieu comme ça ?
L'essentiel est sans cesse menacé par l'insignifiant. René char

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kalimeris
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Re: le suicide

Message par kalimeris »

Merci Traum pour ce partage.
Je suis totalement d'accord avec toi sur la question "de quel droit" priver quelqu'un de sa liberté afin de le protéger contre lui-même. C'est, à mon avis, un héritage religieux qui considère le fait que la vie n'appartient pas aux humains, mais à Dieux. Au nom de ce principe, il devient légitime de prendre le contrôle du corps et de l'esprit des rescapés afin de protéger la sacro-sainte vie de ces personnes.

Feverdream, je suis en désaccord avec tout ce que tu as écrit : à trop théoriser l'humain, c'est la psychiatrie qui finit par être en rupture avec la réalité.

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Traum
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Message par Traum »

Pour répondre à ta question, Grabote :
Hors-sujet
Alors, pour l'écriture de D.ieu sous cette forme…
C'est une manière d'écrire le nom de D.ieu dans le judaïsme. Je ne suis pas juive, j'ai reçu une éducation catholique dans un milieu croyant et pratiquant, je me pose comme agnostique mais ces deux-trois dernières années, je me suis beaucoup intéressée au judaïsme durant mes congés d'été. Mes connaissances sont modestes, mais je trouvais très intéressant leur conception de ce que peut être D.ieu, jusque dans la manière de l'écrire.
On n'écrit pas le nom de D.ieu en entier, du moins toutes les lettres à la suite. Certains ne l'écrivent juste pas en entier (ça donne : D.) ou alors l'écrivent comme moi, ou alors lui donne le nom de « Ha Shem » HM, הש, Le Nom (si je ne m'abuse). Dans les livres de rituels, on trouve entre autres aussi (et dans la Bible / Torah), יהוה (YHVH) que l'on traduit en français par « Yahvé » alors que, faute de diachritiques, c'est un mot en fait imprononçable. (La prononciation s'est perdue. Il faut quand même le faire !)
Il y a plein d'interprétations autour de ça, mais l'idée, c'est que le nom de D.ieu ne soit pas détruit. Une manière qu'il ne soit pas détruit, c'est de ne pas l'écrire en entier, de ne pas le prononcer… D'ailleurs, en fait, la plupart du temps, dans le livre de prières juif, on ne trouve pas יהןהצ, mais on trouve אדני (« Adonaï », pour « Seigneur »).
Parce que cela me parlait beaucoup, pour ces raisons, pour d'autres, j'ai fini par apprendre à écrire ainsi le nom de D.ieu, à titre de référence et de révérence.
Mais bon, ça peut aussi faire l'objet de discussions passionnantes sur le sujet, si ça n'est pas déjà le cas ! :)
kalimeris a écrit :Feverdream, je suis en désaccord avec tout ce que tu as écrit : à trop théoriser l'humain, c'est la psychiatrie qui finit par être en rupture avec la réalité.
Oui et non… Les propos de Fever Dream correspondent pour une partie à ce que j'ai pu entendre en psychiatrie, quand j'ai fait mes stages en unité fermée.
Ce discours est aussi issu d'observations. C'est un constat plus qu'une théorisation. Le problème comme tout propos général, c'est aussi le risque que ce soit abusif.

Ceci dit, je reviens sur ceci :
Fever Dream a écrit :Les professionnels sont plutôt d'accord pour dire qu'un suicide, ça ne se sait pas. A savoir que les personnes ayant l'intention de passer à l'acte n'en parlent pas aux autres.
En revanche, mais bon… peut-être que je ne suis pas la bonne personne non plus du fait de ce que j'ai vécu avec ma mère, je me méfierai toujours de quelqu'un qui dit penser à se suicider. Je m'en méfie d'ailleurs terriblement dans mon travail.
Je fais parfois des consultations par téléphone dans le cadre de risques psychosociaux, et je me rappellerai toujours de cet appel un soir 22 décembre d'une femme, désespérée, qui me détaillait tous ses plans de suicide, me signifiait oh combien je ne pouvais rien pour elle, à quel point j'étais impuissante, à quel point elle me rendait impuissante, sans doute la seule puissance qui lui restait encore sur la vie, et qui a raccroché. Bien sûr, je n'avais ni nom, ni prénom (c'est une ligne anonyme), pas de numéro de téléphone (et quel que soit l'appelant, c'est toujours le même numéro qui s'affiche), rien ; et si elle a fait ce qu'elle a dit, à savoir se couper du monde et se donner la mort, eh bien… elle est sûrement morte à l'heure actuelle et je suis la dernière personne à l'avoir entendue. Je peux dire qu'elle a prévenue…
Ma mère en parlait, d'ailleurs aussi, de ses envies. Peut-être pas le jour même de son suicide, mais elle en a parlé pendant deux ans, à mon père et à moi. Elle n'a pas tenté qu'une fois. (Bon, ma mère était un cas grave.)
C'est vrai qu'il y a souvent une dimension de raptus suicidaire, de quelque chose qui fait que… mais… ça ne veut pas dire que les gens n'en parlent pas.

Ensuite, je suis pour ma part sans doute très prudente… (Même si ça ne veut pas dire qu'en tant que professionnel, on peut tout faire… D'ailleurs, on n'en a pas le droit.)

NB : Je suis désolée si je suis trop crue, que je vous choque. N'hésitez pas à me le dire.
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Re: le suicide

Message par Napirisha »

Pour la question "de quel droit?", quand la maladie psychiatrique prend le dessus, n’est-ce pas elle qui prive la personne de sa liberté d'action, avant tout? Imposer des soins, est-ce prendre le contrôle de l'esprit de la personne, ou lui donner une chance de reprendre ce contrôle elle-même, de retrouver son libre arbitre ? Je n'ai pas de réponse (ni médicale, ni psy, ni philo!), je m'interroge juste. D'ailleurs, ce n'est pas le seul cas où la société décide pour les gens ce qui est bon pour eux (dans un autre ordre d'idée, la ceinture de sécurité est obligatoire, par exemple).
Les gens pensent souvent pour les proches. C'est touchant. Mais il ne faut pas toujours trop penser pour les gens ou l'on finit par oublier de vraiment penser à eux.
Merci Traum. Je l'oublie trop souvent.
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Re:

Message par kalimeris »

Traum a écrit :Ce discours est aussi issu d'observations. C'est un constat plus qu'une théorisation. Le problème comme tout propos général, c'est aussi le risque que ce soit abusif.
Les observations des humains, que ce soit de leur psychisme ou leur comportement, sont extrêmement limitées et sont toujours sujettes à interprétations. Je pense qu'il y a de nombreux points dans le discours en question non seulement problématiques, mais aussi dangereux, comme le "facteur génétique", ou "un suicide ne se sait pas", ou encore la distinction entre "cesser de vivre" et "cesser de souffrir", ce qui est un peu lorsqu'un catholique dit qu'il condamne l'homosexualité, mais pas les homosexuels. Enfin, la réflexion sur les mots "courage et lâcheté", tout ceci montre une profonde incompréhension de l'humain (suicidaire, suicidant, peu importe, un humain est avant tout un humain, une pensée) et du sujet.
Napirisha a écrit :Pour la question "de quel droit?", quand la maladie psychiatrique prend le dessus, n’est-ce pas elle qui prive la personne de sa liberté d'action, avant tout? Imposer des soins, est-ce prendre le contrôle de l'esprit de la personne, ou lui donner une chance de reprendre ce contrôle elle-même, de retrouver son libre arbitre ? Je n'ai pas de réponse (ni médicale, ni psy, ni philo!), je m'interroge juste. D'ailleurs, ce n'est pas le seul cas où la société décide pour les gens ce qui est bon pour eux (dans un autre ordre d'idée, la ceinture de sécurité est obligatoire, par exemple).
Associer les mots "maladie psychiatrique" à "envie suicidaire" est, selon mon avis, problématique. J'y vois déjà une interprétation, le fait de considérer des idées suicidaires ou à un passage à l'acte comme un virus qu'il faudrait combattre et éradiquer. Or, on ne peut pas éradiquer des idées. La psychiatrie possède néanmoins le pouvoir d'abrutir le psychisme entier des personnes aux moyens de médicaments. Ces personnes sont-elles "soignées", sont-elles "guéries" ? Non, elles sont seulement incapables de penser, et bien sûr ne possèdent aucun libre arbitre, ni dans leur traitement, ni dans leur vie (psychique ou physique).

Je pense que la mort est préférable à toute privation de la liberté de penser et d'agir. La médecine (et la psychiatrie qui s'y reconnait, malgré le fait de ne reposer sur aucune base scientifique) préfère sauver coûte que coûte tous et toutes, sans considérer la qualité de la vie de ces rescapés, leurs désirs, leurs pensées. C'est tout le problème de ne voir en l'humain qu'un corps et non d'abord un esprit.
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Re: Re:

Message par Traum »

kalimeris a écrit :Les observations des humains, que ce soit de leur psychisme ou leur comportement, sont extrêmement limitées et sont toujours sujettes à interprétations. Je pense qu'il y a de nombreux points dans le discours en question non seulement problématiques, mais aussi dangereux, comme le "facteur génétique", ou "un suicide ne se sait pas", ou encore la distinction entre "cesser de vivre" et "cesser de souffrir", ce qui est un peu lorsqu'un catholique dit qu'il condamne l'homosexualité, mais pas les homosexuels. Enfin, la réflexion sur les mots "courage et lâcheté", tout ceci montre une profonde incompréhension de l'humain (suicidaire, suicidant, peu importe, un humain est avant tout un humain, une pensée) et du sujet.
Je suis d'accord avec le fait qu'un humain est un humain…
Ensuite, on peut aussi se refuser à poser des mots, qui peuvent être en eux-mêmes des interprétations, qui sont peut-être toujours des interprétations d'ailleurs… Un mot, ça sert aussi à dé-limiter, du moins durant un temps. Si un mot doit juste dé-finir, sans plus de jeu ni de je autour de ce mot, eh bien oui, il y a un problème car il n'y a sans doute plus de sujet, plus d'humain et plus de sujet humain.

Ensuite, peut-être que la question de courage / lâcheté de la part du sujet qui a des idées suicidaires ne se pose pas, ou pas du tout en ces termes…
Je ne me souviens plus de si je me la posais quand j'ai eu des pensées suicidaires… peut-être pas… peut-être plus. Je ne me la suis pas posé pour ma mère après sa mort. (Avant, si. Mais il y avait un choix de la manière de faire qui n'était pas totalement anodin non plus.)
C'est peut-être une mécompréhension, ou une incompréhension, profonde, je ne sais pas, mais pour les proches, c'est toujours une tentative de compréhension. Et pour les proches de suicidés, c'est souvent une telle perte de sens, un tel non sens, que c'est peut-être encore pour eux une manière de tenter de comprendre… même si c'est à côté de la plaque pour celui qui veut / a voulu mourir, voire est mort.

D'ailleurs, c'est aussi une autre question de pourquoi est-ce que l'on ne veut pas que les gens mettent fin à leurs jours… pourquoi on veut les garder en vie ?
Est-ce uniquement parce qu'on les aime, pour leur bien ? (Ça peut être absolument terrible, parfois, de vouloir le bien des gens.) Est-ce pour se protéger soi-même de la mort ? Est-ce pour tenter de se protéger soi-même, de se conforter soi-même dans l'idée que la vie a un sens, une valeur ?

J'ai un peu de mal à croire, mais ça n'engage que moi, qu'il n'y a pas de souffrance dans les idées suicidaires, qu'elle que soit la nature de cette souffrance et qu'elle soit le signe d'une maladie psychiatrique ou pas. (D'ailleurs, c'est quoi aussi la « maladie psychiatrique » ?) Par contre, est-ce que le fait d'être très triste n'est que le signe d'une maladie psychiatrique ? Pas sûr… Est-ce que la dépression n'est qu'une maladie psychiatrique ? C'est quoi la différence entre tristesse, dépression et maladie psychiatrique ?

Il faut quand même penser aussi que les idées suicidaires peuvent être le signe d'une maladie psychiatrique. Je n'ai pas dit que. J'ai juste dit qu'il faut pouvoir y penser.
Je pense à un cas absolument terrible qui est celui de la schizophrénie et de certains passages à l'acte des schizophrènes sous l'influence de leurs voix. Et certains sont tellement pris par leurs voix et leurs délires, tellement dans une forme de perte de contrôle d'eux-mêmes tellement ils ne font, voire ils ne sont que ce que les hallucinations leur disent de faire que la question du libre arbitre… se pose dans de bien d'autres termes que pour le « commun des mortels ». Dans certains cas, ce sont réellement les voix qui s'imposent à eux ; la notion de libre arbitre ne semble plus du tout exister.
kalimeris a écrit :Associer les mots "maladie psychiatrique" à "envie suicidaire" est, selon mon avis, problématique. J'y vois déjà une interprétation, le fait de considérer des idées suicidaires ou à un passage à l'acte comme un virus qu'il faudrait combattre et éradiquer. Or, on ne peut pas éradiquer des idées. La psychiatrie possède néanmoins le pouvoir d'abrutir le psychisme entier des personnes aux moyens de médicaments. Ces personnes sont-elles "soignées", sont-elles "guéries" ? Non, elles sont seulement incapables de penser, et bien sûr ne possèdent aucun libre arbitre, ni dans leur traitement, ni dans leur vie (psychique ou physique).
Est-ce à dire qu'il ne faudrait jamais les associer, ou que l'on peut les associer mais aussi en se laissant le champ pour d'autres interprétations, d'autres considérations ?

Toute « envie suicidaire » n'est pas le signe d'une « maladie psychiatrique »… On dit beaucoup que la dépression d'ailleurs est une « maladie », mais aussi pour médicaliser la mal-a-dit.
Un de mes enseignants d'université, psychanalyste, psychologue, philosophe de première formation, nous a signifié une fois que les sujets mélancoliques tenaient souvent des propos extrêmement vrais et terribles sur la vie.
Des propos qui, « pathologisés » en langage médical deviennent signe de la maladie dépression. Il n'empêche que ces propos, de mon point de vue, n'en sont pas moins « vrais » quelque part.

Il y a là ce qui peut me paraître comme une définition que je trouve un peu dure de la psychiatrie, mais je ne peux pas nier qu'elle puisse être pratiquée et du coup comprise ainsi. (Et c'est une manière de pratiquer que j'ai cependant pu retrouver en psychiatrie. Parfois, c'est à se demander si juste s'interroger sur la vie, le sens de la vie, celui de la mort, etc., ne fait pas déjà de nous des « grands malades » à soigner…)
Je ne sais pas si la psychiatrie vise à éradiquer des idées. La médecine vise à soigner du moins à soulager. Ces idées que les malades peuvent manifester sont posées et interprétées comme des symptômes, puis en syndrome. C'est d'ailleurs ce que l'on m'apprend à faire en tant qu'externe : tel signe sur le corps, telle manière de parler, telle apparence… = tel symptôme, tel mot en sémiologie médicale… (Oui, on peut se dire que ce langage est abusif.)

C'est vrai que lors d'une crise suicidaire, les traitements donnés (comme lors d'un accès psychotique aigu) sont souvent forts et abrutissants. Mais normalement, le but d'un traitement n'est pas de faire qu'abrutir et de faire disparaître magiquement, sans travail, les questionnements. Même si je vois de nombreux psychiatres de surcroît se contenter du traitement médicamenteux sans autre forme de procès et de prise en charge.
Je peux me tromper (d'autant plus que je n'ai pas testé sur moi-même, et que j'ai fui ce qu'il me semble voir poindre de cette médecine-là).
kalimeris a écrit :Je pense que la mort est préférable à toute privation de la liberté de penser et d'agir. La médecine (et la psychiatrie qui s'y reconnait, malgré le fait de ne reposer sur aucune base scientifique) préfère sauver coûte que coûte tous et toutes, sans considérer la qualité de la vie de ces rescapés, leurs désirs, leurs pensées. C'est tout le problème de ne voir en l'humain qu'un corps et non d'abord un esprit.
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C'est un peu dur… Mais je suis peut-être doublement, voire triplement ou quadruplement (ou plus encore) mal placée…
Et c'est peut-être une idéalisation déplacée de ma place de proche et de ce que j'en fais, de mon métier actuel et de mes études (médicales).

J'admets être très certainement à côté de la plaque. Je n'ai pas de réponses toutes faites… Je n'en avais pas avant, je n'en ai pas tellement plus maintenant. Ce qui est sûr, c'est que si un jour quelqu'un vient me voir en tant que médecin et me signifie qu'il « veut en finir », je ne pourrai pas faire comme si je n'avais rien entendu, ne pas entendre qu'il y a une part de souffrance et que l'on adresse ça à un médecin… même si ça ne veut pas dire tout de suite : traitement médicamenteux et hospitalisation.

J'ai l'impression d'être passée à côté de plein de choses, là…

Édit : je sais bien que malheureusement la psychiatrie peut se révéler extrêmement brutale.
« Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. » Mark Twain

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Napirisha
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Re: le suicide

Message par Napirisha »

Kalimeris a écrit :Associer les mots "maladie psychiatrique" à "envie suicidaire" est, selon mon avis, problématique.
Désolée, je ne voulais pas dire que c'était un lien systématique.
Je pensais à un cas précis... Quelqu'un dont le rapport à la réalité était altéré (une forme de paranoia, avec délires, etc), et qui a fini par se suicider. J'ai du mal à croire que, dans cette situation, sa décision ait été libre. Mais je sais aussi que le système de soins a été extrêmement violent pour elle :(
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diogene

Re: Re:

Message par diogene »

kalimeris a écrit :(...) Ces personnes sont-elles "soignées", sont-elles "guéries" ? Non, elles sont seulement incapables de penser, et bien sûr ne possèdent aucun libre arbitre, ni dans leur traitement, ni dans leur vie (psychique ou physique). (...) La médecine (et la psychiatrie qui s'y reconnait, malgré le fait de ne reposer sur aucune base scientifique) préfère sauver coûte que coûte tous et toutes, sans considérer la qualité de la vie de ces rescapés, leurs désirs, leurs pensées. C'est tout le problème de ne voir en l'humain qu'un corps et non d'abord un esprit.
Je fais le même constat. On sort parfois de chez son psychiatre avec l'impression que, malgré toutes ses bonnes intentions, il joue pas dans la même équipe. Dans les moments les plus difficiles, la simple volonté affichée par les soignants de vouloir vous garder en vie sonne comme une menace : vous voulez vous amputer de vous-même, et une voix doucereuse vous dit "allons, mieux vaut la gangrène que l'amputation".

Jusqu'à un certain point, les soins médicaux sont indirectement des soins de l'esprit, quand par exemple le "patient" a besoin de souffler un peu, de ménager son organisme pour continuer de faire ce qui a du sens pour lui. Puis la souffrance augmente, le traitement évolue, et le patient constate, abruti, qu'il est certes en vie, qu'il arrive de nouveau à dormir, à manger, mais qu'il n'y a plus aucun sens à tout ça.

Il n'y a pas de salauds dans l'histoire, c'est juste un dialogue devenu impossible. Car contrairement à la vie et la santé d'une personne, dont l'importance est reconnue moralement et légalement, son esprit n'existe et n'a d'importance que pour elle.
FeverDream a écrit : (...) les personnes ayant l'intention de passer à l'acte n'en parlent pas aux autres.
"En parler aux autres", c'est vague. Ça englobe des situations très différentes :

- appeler quelqu'un vers minuit pour dire qu'on y pense
- lâcher le mot sur le ton de la plaisanterie quand on a un peu trop bu
- en parler à quelqu'un précisément parce qu'on a l'impression, à ce moment-là qu'on est en train de remonter la pente ("j'y pense, mais faut que je m'accroche")
- en parler parce que la question est posée explicitement et que justement, on en a plus rien à foutre de rien et on prend même pas la peine de mentir
- ne plus parvenir à le cacher et finir par le dire non pour parler mais pour avoir la paix
- en parler à quelqu'un pour lui infliger ce sentiment d'impuissance qu'on éprouve soi-même (ultime satisfaction compensatoire avant le grand départ)
- parler à quelqu'un de suicide comme on pourrait parler de n'importe quoi d'autre pour obtenir ce genre de réaction qui nous conforte dans l'idée que décidément le monde est trop ceci cela pour être supportable (auquel cas la personne parle de suicide pour s'y préparer encore mieux et rendre encore plus difficile tout retour en arrière)
- et bien d'autres

Ne pas oublier non plus l'effet des antidep, anxio et neuroleptiques : avec un tel traitement, c'est pas très difficile de faire parler un suicidaire (pas très difficile non plus de le faire passer à l'acte, mais c'est une autre histoire). Et puis, tout dépend de l'importance donnée aux "autres" : pour que ce soit un "appel à l'aide", encore faut-il croire l'autre capable d'aider...

Il y a sans doute une part de vérité dans l'avis de ces professionnels, mais je les prendrais avec des pincettes, comme cette autre idée selon laquelle le "fou", par définition, ne sait pas qu'il est fou (lire dans les pensées d'autrui est visiblement un privilège des "sains d'esprit").

diogene

Re: Re:

Message par diogene »

Traum a écrit :Un de mes enseignants d'université, psychanalyste, psychologue, philosophe de première formation, nous a signifié une fois que les sujets mélancoliques tenaient souvent des propos extrêmement vrais et terribles sur la vie. Des propos qui, « pathologisés » en langage médical deviennent signe de la maladie dépression. Il n'empêche que ces propos, de mon point de vue, n'en sont pas moins « vrais » quelque part.

Il y a là ce qui peut me paraître comme une définition que je trouve un peu dure de la psychiatrie, mais je ne peux pas nier qu'elle puisse être pratiquée et du coup comprise ainsi. (Et c'est une manière de pratiquer que j'ai cependant pu retrouver en psychiatrie. Parfois, c'est à se demander si juste s'interroger sur la vie, le sens de la vie, celui de la mort, etc., ne fait pas déjà de nous des « grands malades » à soigner…)
Sans me considérer comme "dur" envers la psychiatrie et plus généralement la confiance des soignants dans la solidité de leurs notions et diagnostics, je ne crois pas partager ta relative bienveillance envers la profession. J'apprécie néanmoins la finesse de ton propos et la grande délicatesse avec laquelle tu traites un sujet souffrant si souvent de généralisations abusives et autres témoignages plus édifiants qu'éclairants. Ça fait "du bien". Salutations.

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Armie
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Re: le suicide

Message par Armie »

Difficile d'en vouloir aux médecins d'être du côté de la vie à tout prix... Le risque suicidaire étant d'un point de vue médical les conséquences des symptômes dépressifs... Un médecin se bat contre la mort, contre la souffrance, c'est même pour cela que les amphis de P1 sont plein à craquer: tant de jeunes appelés par la vocation, qui veulent soulager, soigner, sauver!

Mais un jour, j'ai entendu un jeune homme désespéré dire à l'équipe d'un service hospitalier: "Les complications des maladies somatiques, c'est la mort. Il y a même des soins palliatifs... Pourquoi, en psychiatrie, on ne laisse pas partir les patients, quand il n'y a rien qui marche?..."
Il reprochait l'acharnement thérapeutique, dénonçait la violence d'une condamnation à vivre contre son gré...
La chef de service est restée très évasive, "vous savez, en psychiatrie c'est pas comme ça que l'on voit le suicide...", et a apporté une réponse médicamenteuse...

Cet échange m'a habitée toute la journée. Il m'avait retournée, ce garçon, avec ses grands yeux vides et sa voix atone. Son raisonnement me semblait tellement logique... et tellement biaisé en même temps. Je voulais trouver en quoi, savoir comment y répondre...

Alors, certes, le suicide est la dernière et peut-être la seule liberté de l'Homme.
Mais est-ce vraiment de la liberté lorsque c'est le désespoir qui y pousse? Quand toutes les issues de secours se bouchent les unes après les autres, et que seule la mort apparaît comme une réponse? Quand penser à mourir est le seul soulagement qui reste? Quand construire des scénarios suicidaires devient un plaisir coupable? Ou quand la peur qui retient de passer à l'acte est perçue comme de la lâcheté?
La conscience n'est-elle pas alors altérée, empêtrée dans une logique morbide, déconnectée d'une partie de la réalité? L'état suicidaire n'est pas un état naturel: lorsqu'on va bien, ce qui nous pousse à vivre est toujours plus fort que ce qui nous pousse à mourir.

Le rôle des soignants est de lutter contre le désespoir, d'aider à faire des choix en conscience. Idéalement, avec un esprit clair et équilibré. C'est vrai, les psychotropes sont loin d'être une panacée... Les thérapies n'ont rien de parfait... Parfois les souffrances restent immenses...

Toutefois, lorsque la bonne molécule et le bon dosage ont été trouvés pour ce patient, les progrès ont été foudroyants. En quelques semaines, il avait repris contact avec la vie, et recommençait tout doucement à s'ouvrir au monde, après des années de brouillard gris et de douleur mentale inouïe. Il était tellement soulagé et tellement reconnaissant envers l'équipe qu'une des premières choses qu'il a faite fut de leur apporter un gâteau...

Comment ne pas vouloir se battre, alors?..
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Re: le suicide

Message par Orphée »

Tu me redonnes un peu d'espoir...
J'espère que l'histoire se terminera comme ça pour la personne de mon entourage concernée.... :'(
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diogene

Re: le suicide

Message par diogene »

Armie a écrit :Alors, certes, le suicide est la dernière et peut-être la seule liberté de l'Homme.
Mais est-ce vraiment de la liberté lorsque c'est le désespoir qui y pousse?
Tu dis une chose qui me paraît très juste sur le suicide comme dernière liberté de l'homme. D'un point de vue strictement logique, définir le suicide comme seule liberté restante revient à dire que x est le seul choix possible. C'est une contradiction dans les termes. Vu sous cet angle, le suicide ressemble moins à une liberté qu'à une peine capitale qu'on s'inflige à soi-même.

Ce qui intrigue toujours l'entourage, c'est qu'après tout, cette sentence, c'est l'intéressé lui-même qui l'a prononcée. On en déduit à tort qu'il peut casser le jugement qu'il a lui-même prononcé. Mais on peut aussi y voir un diagnostic. Et on revient déjà plus difficilement sur un diagnostic.

Que l'on y voie une sentence ou un diagnostic, la volonté de suicide traduit globalement l'idée, pas vraiment à la mode, que tout n'est pas négociable, que les ajustements (surtout à la marge) n'y changeraient rien, que la pensée magique et les paroles plaisantes ne font pas de miracles. Cette colère souffrante ressentie par les proches ressemble beaucoup, je trouve, à celle qu'a pu ressentir le suicidé. Cette impression d'être au pied du mur. En disant "c'est comme ça", le suicide ne fait que répéter ce que le suicidé avait compris : "c'est comme ça. Si ça te convient pas, tu sais ce qui te reste à faire". Rupture douloureuse, traumatisme non surmonté, marginalisation, extrême précarité, angoisse existentielle… On parle beaucoup de l'esprit altéré, agité du suicidaire, mais n'est-ce pas plutôt l'inverse qu'on observe ? Un regard froid, mortellement rationnel, parfois même apaisé, presque gêné d'énoncer l'évidence. Il arrive que la décision d'en finir soit prise si sereinement que la personne concernée n'a par ailleurs aucun mal à boire, manger, se divertir - cette décision lui paraissant anodine que celle de prendre tel train à telle heure. La raison a décidé pour l'individu tout entier, et il n'aura qu'à s'y tenir. Deux heures plus tôt, il racontait une histoire drôle.

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Riffifi
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Re: le suicide

Message par Riffifi »

A.O.Barnabooth a écrit :Autant que les deux autres, mais d'une manière différente, ce livre montre la variété des causes de suicide. Car il n'y a pas que la dépression... Il reprend l'ancienne classification latine : taedium vitae (la lassitude de vivre, suicide dit philosophique), valetudinis adversae impatienta (la maladie devenue intolérable, suicide euthanasique), impatienta doloris (la souffrance morale insupportable, suicide mélancolique), furor (la folie furieuse, suicide impulsif), jactatio (l'affirmation d'une conviction, suicide protestataire), pudor (l'auto-punition, suicide d'honneur), nulla justa causa (sans motif valable, suicide énigmatique), liberum mortis arbitrium (le droit laissé à un condamné à mort de se tuer lui-même, suicide ordonné) + substractio (la fuite, le suicide défensif), aequivocus (l'ombre d'un doute, vrai-faux suicide).
Je cite A.O. Barnabooth qui m'évite de réécrire une liste. Je ne pense pas que le suicide soit univoque. Chaque acte ou volonté d'acte a son propre cheminement.
Vouloir déterminer la part de liberté et de libre-arbitre impliquée par un suicide me semble absurde, ou du moins aussi absurde que vouloir définir la normalité ou la réalité.
Où que tu sois, creuse profond. En bas, c’est la source.
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Re: le suicide

Message par theudericus »

Je reste cois... aussi peu de réaction face au sujet alors que cela semble si "approprié"...
Sidéré que cela n'évoque que si peu sur ce forum.

Mettre fin à ses jours.
Je crois que c'est Sénèque qui déblatérait sur le thème de "je ne comprends pas la personne qui vit de peur de mourir mais pas plus celle qui vit de peur de mourir".
j'arrive pas à retrouver la référence exacte, sans doute parce qu'elle est éloignée (trop) de ce que j'en ai retenu...

Bref, le fantasme d'arrêter tout ça, cette attraction si pressante, le soulagement espéré.
Bien sûr on ne conçoit pas cette action dans une interaction au monde harmonieuse ou plutôt adaptée. L'enfer c'est les autres paraît-il, mais au-delà comment ne pas concevoir le suicide comme une conclusion, parfois, logique ?
Comment ne pas accepter que certains d'entre nous ont mesuré le pour et le contre, et que décidément c'est le contre qui l'emporte?
Pourquoi induire de la souffrance l'inadaptation au monde et pas celle du monde à soi?

En l'état, si on conclut que, définitivement (on a tout essayé mais rien n'y fait), ce qu'on a tenté n'apporte rien à la solution du problème, si on traîne toujours cette douleur, quel est donc l'argument rationnel qui ferait que la vie doit primer?
Peut-être que la vie ne convient pas à tout le monde?
Statistiquement, vous allez pas me faire croire que sur 7 milliards d'individus, tous devraient, obligatoirement, trouver chaussure à leur pied (ceci dit sans connotation sexuelle mais bien dans l'idée de l'adaptation), et que si ça n'est pas le cas, cela relève de la psychiatrie.
C'est du foutage de gueule.
Si l'on peut concevoir des profils de personnalités capables de s'investir dans le monde on devrait pouvoir concevoir l'opposé, sans que cela suppose la maladie, la tare, le manque.
L'injonction culturelle à aller de l'avant, toujours, sans relâche, n'est peut-être pas non plus d'un "naturel" exemplaire.

L'évolution se conçoit comme l'adaptation au milieu. Si on réalise que l'on est pas adapté, quoi de plus pertinent que de passer l'éponge et que le suivant tente sa chance? De toute évidence, l'espèce n'a aucun intérêt à voir se transmettre des caractères "problématiques" et invite peut-être ceux qui se sentent "déplacés" à sortir de l'équation...
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Re: le suicide

Message par Riffifi »

theudericus a écrit :L'évolution se conçoit comme l'adaptation au milieu. Si on réalise que l'on est pas adapté, quoi de plus pertinent que de passer l'éponge et que le suivant tente sa chance? De toute évidence, l'espèce n'a aucun intérêt à voir se transmettre des caractères "problématiques" et invite peut-être ceux qui se sentent "déplacés" à sortir de l'équation...
Si on part sur cette hypothèse, il ne faut pas oublier qu'un caractère "problématique" ne l'est donc pas dans l'absolu mais dans le cadre d'un environnement donné, un milieu comme tu dis. Et que l'évolution n'est pas linéaire, surtout si on parle d'évolution liée à l'adaptation au milieu. Au final, si on pousse le raisonnement on pourrait avoir une conclusion inverse, en considérant que la véritable logique serait de rechercher un milieu plus approprié et non de supprimer l'individu.
theudericus a écrit :Peut-être que la vie ne convient pas à tout le monde
:) c'est une drôle de phrase. Est-ce que la vie est autre chose qu'un état/un fait (désolée je ne sais pas quel mot est le mieux adapté) ?
Où que tu sois, creuse profond. En bas, c’est la source.
Laisse les hommes noirs crier : « En bas, c’est toujours l’enfer".

(merci Friedrich)

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