Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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Grabote
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Grabote »

Euthyphron a écrit :La question que je pose prend sens dans le cadre de l'éducation essentiellement, y compris l'éducation de soi par soi. Si par exemple on veut une nouvelle génération meilleure que les précédentes, sur quoi faut-il mettre le paquet, quelle doit être la priorité des priorités? En fait, c'est comme ça que je me pose (et que je pose aux autres :hai: ) cette question.
Désolée, mais je ne crois pas du tout à la possibilité "d'une nouvelle génération meilleure que les précédentes".
Je ne vois nul progrès dans le comportement de l'espèce humaine dans son ensemble : l'exploitation de l'homme par l'homme a toujours la main !
Mais je comprends qu'on puisse avoir envie, besoin, de réfléchir à un monde meilleur ;)

Comme dis plus haut, je préfère utiliser mon énergie et mes capacités à essayer modestement de me comporter avec le plus de cohérence possible dans les petits actes de la vie et d'essayer de faire du bien aux gens qui vivent autour de moi.

Alors je vous dit à bientôt sur d'autres fils :hai:
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ZeBrebis
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

A la lecture du sujet une question me vient, que je pose donc sans attendre d'avoir une participation plus mûre : sommes-nous bien d'accord que le bien ne se fait que par rapport à un Autre (ou à soi même mais vu comme un autre, un individu recevant l'effet de l'action) ? Dans ce cas, plus que l'intelligence, la capacité à théoriser, je crois qu'il s' agit d'une capacité d'écoute et d'observation des méfaits qu'on peut commettre, et ce mouvement de remise en question, d'humilité, me semble découler directement de la bonne volonté véritable.

Je ne connais pas d'être humain non malade incapable de voir la souffrance chez l'autre, les dégâts sur l'environnement...Sans doute que pour prétendre à des actions complexes l'intelligence est nécessaire (et encore, parfois le bon sens tranche mieux des débats sans fin sur le sexe des anges), mais pour être juste il me semble que cela se résume à vouloir bien faire dans ses actes et à observer les répercussions, réparer si une faute est commise et apprendre de ladite faute.

Une autre remarque, sur le fait que la volonté se base sur le bien (relatif à chacun). Je suis d'accord mais la volonté n'est pas et de loin le seul motif d'action. Le désir en est un bien plus courant, et qui n'a pas délibéré parfois entre les deux (voire n'a pas eu de volonté à opposer à un désir livré alors à lui-même ?).

Je viendrai très certainement retoucher, préciser, étoffer ma pensée, mais j'ai bien du mal à résister au désir de dire à chaud, alors même que je sais qu'il serait mieux de ne prendre la parole qu'une fois mon discours réglé. ;)

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Euthyphron
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

ZeBrebis a écrit :A la lecture du sujet une question me vient, que je pose donc sans attendre d'avoir une participation plus mûre : sommes-nous bien d'accord que le bien ne se fait que par rapport à un Autre (ou à soi même mais vu comme un autre, un individu recevant l'effet de l'action) ?
Je ne me souviens pas qu'il y ait eu un accord sur ce point. Mais ce qui est difficile, c'est que tu opposes faire le bien par rapport à un autre non pas à faire le bien par rapport à soi, que chacun attendait, mais à quelque chose que tu ne précises pas. C'est intéressant d'ailleurs, cette idée que faire du bien à soi-même implique de sortir de soi, mais je ne comprends pas bien ce que ça recoupe exactement.
ZeBrebis a écrit :Dans ce cas, plus que l'intelligence, la capacité à théoriser, je crois qu'il s' agit d'une capacité d'écoute et d'observation des méfaits qu'on peut commettre, et ce mouvement de remise en question, d'humilité, me semble découler directement de la bonne volonté véritable.
Il n'est pas sûr que l'intelligence soit la capacité à théoriser. En revanche, qu'il faille s'ouvrir au réel et à autrui pour être quelqu'un de bien, que cela implique une forme d'humilité, et que cette humilité implique à son tour une bonne volonté, là je crois que je comprends bien. Mais l'écoute n'a-t-elle pas besoin d'intelligence?
ZeBrebis a écrit :Je ne connais pas d'être humain non malade incapable de voir la souffrance chez l'autre, les dégâts sur l'environnement...
Il me semble qu'ici tu sous-estimes la capacité d'aveuglement des êtres humains.
ZeBrebis a écrit :Pour être juste il me semble que cela se résume à vouloir bien faire dans ses actes et à observer les répercussions, réparer si une faute est commise et apprendre de ladite faute.
Je suis pour ma part tout prêt à te l'accorder. Mais une chose est étonnante : cela "se résume" dis-tu, et ce que tu dis souligne en effet la simplicité de la vertu. Or, le mal n'est pas si rare! Et c'est toute la question : cela tient-il simplement à ce que la majorité des hommes aurait une volonté perverse qu'il faudrait rectifier? Jésus s'est-il trompé en disant que ses bourreaux ne savaient pas ce qu'ils faisaient? (ils avaient pourtant l'air de connaître leur métier!)
ZeBrebis a écrit :Je viendrai très certainement retoucher, préciser, étoffer ma pensée, mais j'ai bien du mal à résister au désir de dire à chaud, alors même que je sais qu'il serait mieux de ne prendre la parole qu'une fois mon discours réglé. ;)
Je ne crois pas que ce serait mieux, sinon personne ne dirait jamais rien, sauf les gens suffisamment prétentieux pour croire qu'ils ont tout compris tout de suite! Le dialogue est fait pour qu'on puisse parler sans trop savoir ce qu'on veut dire exactement, puisque l'autre est là. :-)

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ZeBrebis
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Euthyphron a écrit :
ZeBrebis a écrit :A la lecture du sujet une question me vient, que je pose donc sans attendre d'avoir une participation plus mûre : sommes-nous bien d'accord que le bien ne se fait que par rapport à un Autre (ou à soi même mais vu comme un autre, un individu recevant l'effet de l'action) ?
Je ne me souviens pas qu'il y ait eu un accord sur ce point. Mais ce qui est difficile, c'est que tu opposes faire le bien par rapport à un autre non pas à faire le bien par rapport à soi, que chacun attendait, mais à quelque chose que tu ne précises pas. C'est intéressant d'ailleurs, cette idée que faire du bien à soi-même implique de sortir de soi, mais je ne comprends pas bien ce que ça recoupe exactement.
Merci pour ta réponse Euthyphron, je vais essayer de préciser la mienne comme convenu sur les bases que tu proposes.
Je n'oppose rien au bien envers autrui, je voulais en fait vérifier qu'on était bien tous d'accord pour dire que le bien ne l'est que relativement à quelqu'un, que c'est donc fonction de cet Autre, pour introduire le fait que l'écoute/observation et l'adaptation me semblent être les capacités incontournables pour bien faire.

Je crois que faire du bien à soi comme aux autres nécessite en effet un recul par rapport aux réflexes ou aux pulsions, pour pouvoir décider en toute conscience de l'action à réaliser. Combien d'actions menées ne sont pas le fruit d'une volonté mais de dogmes, de postures, ou de pulsions irréfléchies, combien se font de manière aveugle donc ?! Il est là encore intéressant à mon sens d'observer son propre fonctionnement pour savoir débusquer ces biais et pouvoir s' en extraire si nécessaire.
Euthyphron a écrit :
ZeBrebis a écrit :Dans ce cas, plus que l'intelligence, la capacité à théoriser, je crois qu'il s' agit d'une capacité d'écoute et d'observation des méfaits qu'on peut commettre, et ce mouvement de remise en question, d'humilité, me semble découler directement de la bonne volonté véritable.
Il n'est pas sûr que l'intelligence soit la capacité à théoriser. En revanche, qu'il faille s'ouvrir au réel et à autrui pour être quelqu'un de bien, que cela implique une forme d'humilité, et que cette humilité implique à son tour une bonne volonté, là je crois que je comprends bien. Mais l'écoute n'a-t-elle pas besoin d'intelligence?
Je pense à mesure que je réponds...Je crois que pour être tout à fait conscient des influences réciproques et de l'essence des interactions l'intelligence a un grand rôle, mais qu'il n'y a pas besoin d'avoir un niveau de lecture élevé pour voir quand l'autre est mal à l'aise.
Euthyphron a écrit :
ZeBrebis a écrit :Je ne connais pas d'être humain non malade incapable de voir la souffrance chez l'autre, les dégâts sur l'environnement...
Il me semble qu'ici tu sous-estimes la capacité d'aveuglement des êtres humains.
La voyant bien chez moi même pour commencer, cela ne risque pas ! On est tous capables de voir si on prête attention, tous capables de se cacher des situations, nos motivations réelles, si on a opté pour la méthode de l'autruche. A nous de savoir pourquoi on se planque après. Chez moi c'est l'impression qu'on attend trop de moi, alors que le dialogue permettrait justement de ne pas laisser tomber l'autre en rase campagne sans explication, de trouver une entente au lieu de nourrir des incompréhensions. Mais que c'est dur de laisser ses vieilles habitudes, même néfastes.
Euthyphron a écrit :
ZeBrebis a écrit :Pour être juste il me semble que cela se résume à vouloir bien faire dans ses actes et à observer les répercussions, réparer si une faute est commise et apprendre de ladite faute.
Je suis pour ma part tout prêt à te l'accorder. Mais une chose est étonnante : cela "se résume" dis-tu, et ce que tu dis souligne en effet la simplicité de la vertu. Or, le mal n'est pas si rare! Et c'est toute la question : cela tient-il simplement à ce que la majorité des hommes aurait une volonté perverse qu'il faudrait rectifier? Jésus s'est-il trompé en disant que ses bourreaux ne savaient pas ce qu'ils faisaient? (ils avaient pourtant l'air de connaître leur métier!)
J'apprécie la plaisanterie ! Et pour le fond je pense que cela provient d'un mélange d'aveuglement (les a priori, les dogmes, en sont de beaux), d'incompréhensions que le manque de dialogue favorise, de sentiments d'injustice, d'irrespect, et de colère découlant de ces crispations.

Escalader l'Everest se résume à grimper sur la glace et les rochers jusqu'au sommet, mais il y a pas mal de défis et de chausse-trappes sur le chemin.

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Pier Kirool
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Pier Kirool »

Euthyphron a écrit :il s'agit de ce qu'il appelle des postulats de la raison pratique. Cela veut dire qu'il est hors de question de les démontrer scientifiquement
Ces postulats de la "raison" pratique conduisent à la croyance en la raison, donc en l'Idée, donc en Dieu, non ?
Euthyphron a écrit :nous ne savons pas que Dieu existe et que l'âme est immortelle, mais lorsque nous nous conduisons moralement nous faisons comme si c'était vrai. Or, puisque nous devons nous conduire moralement, nous devons croire.
Allons bon ! Je ne comprends pas. Est-ce Kant qui m'esquinte ainsi ? La "bien conduite" est-elle donc nécessairement accrochée à ces postulats ?
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Za
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Za »

Pier Kirool a écrit :
Euthyphron a écrit :nous ne savons pas que Dieu existe et que l'âme est immortelle, mais lorsque nous nous conduisons moralement nous faisons comme si c'était vrai. Or, puisque nous devons nous conduire moralement, nous devons croire.
Allons bon ! Je ne comprends pas. Est-ce Kant qui m'esquinte ainsi ? La "bien conduite" est-elle donc nécessairement accrochée à ces postulats ?
Oui, chez moi aussi ça pique - et là je me souviens pourquoi Kant me sortait un peu par les trous de nez en terminale. Il part effectivement d'un postulat très restrictif... on se rapprocherait presque des raisonnements classiques des fous de Dieu, là, qui prouvent l'existence de Dieu par le fait qu'il existe forcément (en gros).

Je pense donc que la phrase suivante était capitale :
Euthyphron a écrit :On peut transposer et dire que nous devons agir comme si un monde meilleur était possible, et donc c'est qu'un monde meilleur est possible. Ce n'est pas tout à fait fidèle à Kant, ce que je viens d'écrire, mais cela va dans son sens.
Cette façon de voir, qui à mon avis est très fidèle à l'esprit chrétien moderne (en tout cas à celui qui m'a été présenté), est effectivement plus acceptable et plus constructive. Elle revient à suivre les préceptes de Kant sans passer par la case "Dieu". Finalement, penser qu'un monde meilleur est possible, c'est croire en l'Homme, en l'Humanité.
Croire qu'il y a quelque chose qui relie ces hommes, qui fait que le tout a quelque chose en plus que la somme de ses parties. On peut appeler ce "quelque chose" comme on le veut... et notamment, "Dieu".

Je reviens quand même sur le postulat de Kant, qui en plus de nous sommer de croire en Dieu, laisse à mon avis entendre que nous sommes mauvais au plus profond de nous... En effet, si nous nous conduisons bien à cause de Dieu, du Paradis et de l'Enfer, cela sous-entend que sans ces épouvantails, sans ces bâtons et ces carottes, nous ferions le mal en toute tranquillité. C'est quand même bien mal juger la nature humaine !... ou son intelligence.
On retrouve donc l'intelligence, le raisonnement, l'analyse... chers à Platon c'est cela ? puisqu'à mon avis, un raisonnement abouti et projectif conclut généralement à la nécessité de faire le bien, comme solution la plus viable, surtout dans la durée. Et ce, sans avoir nécessairement besoin de, du ou des dieux.

Et voilà, j'ai refait une indigestion kantienne... ^^
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

ZeBrebis,
un peu à la manière de Dunkelosteus tu fournis un modèle d'homme juste en guise de réponse à la question. Pour lui, ce serait le leader charismatique, pour toi le juste est avant tout capable d'ouverture aux autres et d'empathie. Est-ce bien cela? J'avoue que pour ma part je ne me suis pas donné de modèle et si j'en ai ce n'est pas conscient, mais je reconnais que c'est une démarche parfaitement acceptable. Ton modèle, si je l'ai bien repéré, m'inspire les réflexions suivantes :
- le modèle christique, synthèse du tien et de celui de Dunkelosteus, a manifestement encore de beaux jours devant lui.
- je ne suis pas sûr que l'intelligence soit moins nécessaire à l'empathie que les qualités de coeur, j'ai même tendance à croire spontanément l'inverse.
- j'ai aussi tendance à penser qu'il y a un temps pour tout, et que si effectivement s'ouvrir à autrui est essentiel, il y a des jours où il est préférable de s'occuper plutôt de soi-même et de ses petites affaires, c'est mieux pour tout le monde.

Pier Kirool et Za,
je vous fais une réponse commune puisque vous vous intéressez l'un et l'autre à Kant et aux postulats de la raison pratique.
Tout d'abord, je précise que moi non plus je ne suis pas convaincu par ce moment de la réflexion kantienne, qui me paraît très daté (époque du déisme). Mais je vais quand même me faire l'avocat du diable, ou plutôt du rigorisme protestant et koenigsbergeois, car ce n'est pas non plus complètement idiot.
Les deux points forts sont les suivants :
1) La vie n'est pas juste, et il est vain d'espérer recoller les morceaux en faisant du bonheur la conséquence de la vertu ou pire (selon Kant) de la vertu la conséquence du bonheur. Une éducation qui promet le bonheur ou la réussite à ceux qui se seront bien conduit est tout sauf morale (à retenir quand il sera question de Dieu).
2) L'exigence morale n'est pas affectée par l'injustice de la vie, c'est-à-dire qu'elle s'impose quand bien même elle ne déboucherait sur aucune conséquence positive.
J'ai envie de dire que c'est un peu l'équivalent du livre de Job en mode philosophique : il s'agit de rompre totalement avec l'idée selon laquelle si quelqu'un est malheureux (ou heureux d'ailleurs) c'est qu'il l'a mérité quelque part.
Mais alors on peut poser une question pertinente, d'ailleurs n'est-ce pas celle que vous posez tous les deux? Cette question est la suivante : un athée peut-il être moral?
La réponse est facile en fait : oui, cela arrive qu'un athée soit honnête homme. Mais elle est difficile en droit. Qu'est-ce qui peut motiver quelqu'un qui ne croit qu'en cette vie à agir à l'encontre du "chacun pour soi' qui est la loi de cette vie? Il faut bien que l'athée, même s'il ne veut en aucun cas prononcer le nom de Dieu, fasse comme si. Il fait comme s'il y avait une justice, comme s'il était sous le regard d'un juge suprême qui connaît les âmes jusqu'en leurs tréfonds. Faire comme si, c'est postuler. L'athée moral si l'on a égard à ce qu'il fait plutôt qu'à ce qu'il dit postule l'existence de Dieu. Cela n'est pas du tout à confondre avec la crainte superstitieuse qui atteint le vieillard autrefois libertin au moment de quitter ce monde.
Je pense que Za, tu opposerais à cela l'idée que la poursuite du bien contient nécessairement sa propre récompense en elle-même, ce qui est effectivement platonicien, et même grec en général. Moi aussi. La vision que Kant donne du bien a le défaut pour moi d'être nécessairement sacrificielle.

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Pier Kirool
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Pier Kirool »

Euthyphron a écrit :il est vain d'espérer recoller les morceaux en faisant du bonheur la conséquence de la vertu ou pire (selon Kant) de la vertu la conséquence du bonheur. (...) L'exigence morale n'est pas affectée par l'injustice de la vie, c'est-à-dire qu'elle s'impose quand bien même elle ne déboucherait sur aucune conséquence positive.
D'accord.
Euthyphron a écrit : un athée peut-il être moral? Qu'est-ce qui peut motiver quelqu'un qui ne croit qu'en cette vie à agir à l'encontre du "chacun pour soi' qui est la loi de cette vie?
Pas tellement d'accord. On peut aussi considérer que si chacun améliore autour de lui la vie du maximum de personnes, la somme de ces altruismes (au contraire de la main invisible) est bien une garantie d'amélioration de "cette vie" pour le plus grand nombre.
Euthyphron a écrit : Il faut bien que l'athée, même s'il ne veut en aucun cas prononcer le nom de Dieu, fasse comme si. Il fait comme s'il y avait une justice, comme s'il était sous le regard d'un juge suprême qui connaît les âmes jusqu'en leurs tréfonds.
Pas d'accord, l'observation et la raison humaines (et même humanistes) suffisent largement à "juger" ses actes et ceux des autres en fonction d'un référentiel universel qui n'a pas besoin de Dieu, je pense.
Euthyphron a écrit : L'athée moral si l'on a égard à ce qu'il fait plutôt qu'à ce qu'il dit postule l'existence de Dieu.
Pas du tout d'accord. Cela peut presque ouvrir sur une "récupération" des athées qui me paraît limite. Je ne dis pas que ce soit ton intention, hein, mais si on regarde cette phrase hors de son contexte, on peut faire croire à n'importe qui qu'un athée croît en n'importe quoi...
Un athée moral postule l'existence de Dieu. Un homme incroyant ne peut donc pas être moral. On croirait entendre les extrémistes monothéistes...
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Euthyphron a écrit : un athée peut-il être moral? Qu'est-ce qui peut motiver quelqu'un qui ne croit qu'en cette vie à agir à l'encontre du "chacun pour soi' qui est la loi de cette vie?
Un athée peut-il réaliser des choses, avoir des projets, alors qu'il pense disparaître à sa mort et que "tout n'est que vanité" (dans le sens d'être vain) en conséquence ?
Il me semble que nombre de grands Hommes ont pu être athées, oeuvrant pour le plaisir de la réalisation et l'envie de léguer aux autres de leurs ressources. L'athée moral, humaniste, l'est pour des raisons similaires. Pour le plaisir de vivre en harmonie, l'envie de donner de soi aux autres.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Za »

Euthyphron a écrit : - je ne suis pas sûr que l'intelligence soit moins nécessaire à l'empathie que les qualités de cœur, j'ai même tendance à croire spontanément l'inverse.
Les "caractéristiques" fréquemment retrouvées chez les surdoués vont également dans ce sens...! (Ceci dit, il faut aussi apprendre à élaborer son empathie, sinon on ressent juste de plein fouet les émotions des autres sans parvenir à vraiment les identifier).
Euthyphron a écrit :Qu'est-ce qui peut motiver quelqu'un qui ne croit qu'en cette vie à agir à l'encontre du "chacun pour soi' qui est la loi de cette vie?
Curieux postulat. De la part d'un humain en tout cas, puisque nos sociétés fonctionnent avant tout sur le principe de la communauté, et qu'a priori l'évolution a privilégié chez nous les caractères favorisant l'entraide et la sociabilisation. Mais certains aiment bien, en effet, prétexter la fameuse "loi de la jungle" pour justifier leur pires actions...
Euthyphron a écrit :Il faut bien que l'athée, même s'il ne veut en aucun cas prononcer le nom de Dieu, fasse comme si. Il fait comme s'il y avait une justice, comme s'il était sous le regard d'un juge suprême qui connaît les âmes jusqu'en leurs tréfonds.
Et si le regard d'un juge suprême était notre propre conscience ? Un être doté d'empathie, s'il fait du mal ou du tort à autrui, est censé ressentir en partie ce mal. Pas besoin de Dieu pour ça.
Exemple : je postule que Dieu n'existe pas (ou plus exactement, que Dieu est un symbole, qui existe autant que tous nos symboles, donc doté d'une existence purement abstraite). Je fais ce qui me semble juste, parce que je ressens en moi le mal que mes actions peuvent faire aux autres. Agir de la façon la plus juste possible est donc pour moi la seule façon de me sentir en paix avec moi-même. C'est défendable, non ?
Et je crois qu'on en a parlé un peu plus haut, mais l'athée "juste" pourrait du coup paraître plus "moral" que le croyant, puisqu'il agit de son plein gré, sans attente d'une récompense ou crainte d'une punition... (point de vue que je ne défends pas particulièrement hein, je le trouve juste aussi acceptable que l'inverse...)
Edit : j'aime beaucoup aussi l'idée que tu présentes, ZeBrebis (on s'est croisées).
Euthyphron a écrit :La vision que Kant donne du bien a le défaut pour moi d'être nécessairement sacrificielle.
On est bien d'accord. Il m'a même l'air d'un sacré frustré. Et finalement toujours susceptible de basculer du "mauvais côté", si jamais ses pulsions reprenaient le dessus...
Heureusement que son Dieu a prévu le coup avec le pardon, le repentir, tout ça... ;)
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

*Za* a écrit :
Euthyphron a écrit : - je ne suis pas sûr que l'intelligence soit moins nécessaire à l'empathie que les qualités de cœur, j'ai même tendance à croire spontanément l'inverse.
Les "caractéristiques" fréquemment retrouvées chez les surdoués vont également dans ce sens...! (Ceci dit, il faut aussi apprendre à élaborer son empathie, sinon on ressent juste de plein fouet les émotions des autres sans parvenir à vraiment les identifier).
A y réfléchir il me semble que l'intelligence permet en effet de voir et prévoir plus de choses.
Il n'y a pas besoin que l'autre exprime un malaise pour que la personne intelligente se dise qu'elle peut en ressentir un au vu de la situation. L'intelligence permet aussi d'imaginer les malaises possibles et d'y parer avant qu'ils ne se fassent jour.

J'ai le sentiment cependant que cela ne sert pas forcément les relations humaines car étant donné que l'offense est évidente pour la personne intelligente, elle n'exprime pas sa gêne et prend l'indifférence de l'autre pour un camouflet de plus.
Mais je reste persuadée que si on explique le problème et notre ressenti à quelqu'un ne l'ayant pas perçu, cette personne sera capable autant que celle qui a capté d'elle même de rectifier le tir et de prendre en compte ce qui blesse.

Tout est affaire de communication, et dans l'histoire les deux se trompent : celui qui a blessé et le blessé qui prend le premier pour un bourreau alors qu'il n'a pas communiqué sur son malaise.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

ZeBrebis,
je crois que tu parles d'une situation particulière, celle où une personne a besoin qu'on l'aide affectivement. Mais c'est une bonne démarche que de réfléchir à partir d'exemples. Si je me place dans cette situation, du côté du souffrant, dans un premier temps je demanderai certainement d'abord qu'on fasse attention à moi. Mais pour être compris.
Donc, du côté de l'aspirant à la haute moralité, je crois que j'apprendrai à être utile dans ces cas-là plus en perfectionnant mon intelligence qu'en m'efforçant de faire mon devoir. A mon avis, la situation compassionnelle donne l'avantage à Platon, car Kant veut qu'on agisse par respect pour la loi morale et la personne qui souffre a besoin d'autre chose pendant sa souffrance.
Pier Kirool,
pas de souci, Kant ne veut pas te récupérer (et moi encore moins! :shake: ). Certes, il est croyant, fidèle à la religion de sa famille, le piétisme (variété austère de protestantisme centré sur la relation personnelle à Dieu). Mais son attitude philosophique est de penser "La religion dans les limites de la simple raison", titre d'un de ses ouvrages. Il est, ne l'oublions pas, le grand philosophe des Lumières, et le préféré sans doute (avec Auguste Comte) des républicains protestants et francs-maçons de la troisième république. Mais ce que moi je trouve intéressant c'est la possibilité de traduire en langage théologique des idées en rapport avec l'existence concrète, et réciproquement.
Za,
savoir quelle est la voie qui permet de se sentir en accord avec soi-même est le critère énoncé par Platon dans le Gorgias pour répondre à la question "qu'est-ce que bien vivre?". Ton affinité avec Platon se confirme donc à chaque intervention.
Mais quand tu demandes si le regard d'un juge suprême est notre conscience, Kant répondrait par l'affirmative. Plus précisément, notre conscience est l'autorité qui légifère en matière de morale, parce qu'elle se pense soumise à plus haut qu'elle. Et c'est bien à elle de décider (c'est plus elle qui m'en apprend sur Dieu que Dieu qui me dicte ma conduite, si tu veux).

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ZeBrebis
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par ZeBrebis »

Euthyphron a écrit : Mais quand tu demandes si le regard d'un juge suprême est notre conscience, Kant répondrait par l'affirmative. Plus précisément, notre conscience est l'autorité qui légifère en matière de morale, parce qu'elle se pense soumise à plus haut qu'elle. Et c'est bien à elle de décider (c'est plus elle qui m'en apprend sur Dieu que Dieu qui me dicte ma conduite, si tu veux).
J'ai encore très envie de réagir à chaud, décidément...Selon moi notre morale comme notre langage est une chose acquise par immersion dans la société et n'existant que par le caractère social de notre espèce. Elle dépend d'ailleurs de la société dans laquelle on naît, et certains l'apprennent mieux que d'autres selon leur entourage et les prédispositions.

Plutôt que d'être soumise à plus haut, je pense qu'il s' agit d'être soumis au contrat social, simplement. Et je le signe tous les jours en restant intégrée à la société.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Pier Kirool »

Euthyphron a écrit : ce que moi je trouve intéressant c'est la possibilité de traduire en langage théologique des idées en rapport avec l'existence concrète, et réciproquement.
D'accord, mais il faut veiller à ce que la traduction de l'athéisme ne soit pas la croyance en Dieu car il y a là à mon sens "mésinterprétation".
Euthyphron a écrit : quand tu demandes si le regard d'un juge suprême est notre conscience, Kant répondrait par l'affirmative. Plus précisément, notre conscience est l'autorité qui légifère en matière de morale, parce qu'elle se pense soumise à plus haut qu'elle. Et c'est bien à elle de décider (c'est plus elle qui m'en apprend sur Dieu que Dieu qui me dicte ma conduite, si tu veux).
Donc le juge suprême de l'athée moral n'est pas Dieu, mais sa conscience. Je pense qu'il y a là une petite contradiction avec la phrase que nous avions relevé avec Za et Zebrebis. Enfin il me semble.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Kan »

J'ai créé un topic ce matin intitulé : Égoïsme vs ignorance. *Za* m'a, à juste titre, montré l’existence de celui-ci.

Voici donc le premier post du topic que je vais demander aux gentils jardiniers d'effacer :
(En parallèle, j'ai 2 pages de lecture à rattraper)


En tant que digne représentant du signe de la balance :D il m'arrive régulièrement de peser la proportion de l'ignorance en face de la proportion d’égoïsme dans l'action qui a mené à un résultat.

Vous me direz que je suis négatif et dans la critique en présentant les choses ainsi...
En fait, je cherche à discuter de ce mécanisme car d'une analyse bien faite peut, a mon avis, découler la conclusion d'une mauvaise intention ou au contraire, d'une ignorance à combler.

La mauvaise intention étant une action trop égoïste.

Exemple d'un problème simple représentant mon questionnement : jouer au con ! Jouer au con qui est régulièrement le cheval de Troie de la paresse.

Vous constaterez que je ne parle ni des autres, ni de moi. Je parle de tout le monde. Nous pouvons autant nous appliquer cette réflexion sur chacun de nos actes que sur ceux d'autrui.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Pier Kirool a écrit : Donc le juge suprême de l'athée moral n'est pas Dieu, mais sa conscience. Je pense qu'il y a là une petite contradiction avec la phrase que nous avions relevé avec Za et Zebrebis. Enfin il me semble.
Je ne vois pas bien la contradiction. Obéir à sa conscience, c'est cela, faire comme si Dieu existait. Je trouve au contraire que c'est d'une cohérence admirable.
ZeBrebis a écrit :Plutôt que d'être soumise à plus haut, je pense qu'il s' agit d'être soumis au contrat social, simplement.
ZeBrebis caresserait-elle le désir secret d'être un mouton? ;)
Ce qui fait la valeur de l'idée de contrat social, c'est que le citoyen en est supposé le signataire, en tant qu'individu libre et responsable, et donc capable de s'opposer à ce qu'une majorité de la société semble vouloir. Si donc l'on était soumis au contrat social par principe, en étant prié de "la fermer " parce que de toutes façons les autres sont plus nombreux, il n'y aurait pas de contrat.
kan a écrit :Exemple d'un problème simple représentant mon questionnement : jouer au con !
Mais c'est quoi, jouer au con? :wasntme:

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Euthyphron a écrit : Je ne vois pas bien la contradiction. Obéir à sa conscience, c'est cela, faire comme si Dieu existait. Je trouve au contraire que c'est d'une cohérence admirable.
Pas moi.

Obéir à sa conscience c'est obéir l'Autre dans le cadre d'un contrat social à mon sens.

S'il fallait nécessairement une spiritualité développée exprimée par l'évocation d'un Dieu ou d'une instance supérieure pour 'faire le bien", alors il faudrait admettre que l'espèce humaine n'est pas la seule à être capable d'une abstraction suffisante pour développer cette spiritualité.
Euthyphron a écrit :
1) La vie n'est pas juste, et il est vain d'espérer recoller les morceaux en faisant du bonheur la conséquence de la vertu ou pire (selon Kant) de la vertu la conséquence du bonheur. Une éducation qui promet le bonheur ou la réussite à ceux qui se seront bien conduit est tout sauf morale (à retenir quand il sera question de Dieu).
2) L'exigence morale n'est pas affectée par l'injustice de la vie, c'est-à-dire qu'elle s'impose quand bien même elle ne déboucherait sur aucune conséquence positive.
La vie n'a pas être juste ou pas... Elle est. Il s'agit ici de la notion de "faire le bien"... Il s'agit donc d'actions humaines, pas de la fatalité des turpitudes de la vie. La notion de justice importe donc à mon sens dans les actes des Hommes... et là, c'est chacun qui façonne la justesse de ses actes en fonction de ses capacités de compréhension et du contrat social qui le lie aux Autres.
La vie oui est injuste souvent, mais cela n'a aucun lien avec le fait d'être soi même juste. (ou alors j'ai rien compris)
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Je suis désolé, mais je ne comprends rien à ton intervention. :( Je ne vois pas bien ce que tu rejettes exactement, ni au nom de quoi, ni ce que tu mets à la place, ni le rapport entre ce que tu dis et les citations que tu fais.
Je veux bien faire un effort, mais il faut que tu m'aides. Par exemple, veux-tu dire que la conscience morale, j'entends par là la capacité à juger moralement de façon autonome, n'existe pas, ou bien qu'elle existe? Autre exemple : que veux-tu dire quand tu dis la vie n'a pas à être injuste, mais qu'elle est souvent injuste?
Je précise un point : cohérent et vrai ne sont pas du tout synonymes. Par exemple, de nombreux délires sont cohérents. C'est pourquoi je peux sans contradiction admirer la cohérence de la pensée kantienne tout en pensant que Kant se trompe, et donc c'est ce que je fais, j'admire et je désapprouve en même temps.
Et c'est bien sincèrement que je te souhaite un bon anniversaire! :occasion15:

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Za
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Za »

Pour Kant, notre conscience serait alors la part en nous qui réfléchit au plus près des volontés de Dieu ?... En somme, il déifie en nous la part morale, celle qui réfléchit et déduit ce qu'il est juste de faire. On pourrait même dire qu'il nous dépossède de la meilleure part de nous-même pour en faire quelque chose que nous ne maîtrisons pas, la volonté de Dieu.
► Afficher le texte
En fait, à mon avis, notre incompréhension vient de ce que Kant part du postulat que Dieu existe. En ce cas, oui, c'est sûr qu'il est cohérent avec lui-même !
Et on comprend aussi à quel point son point de vue est inconciliable avec celui des athées (ou autres agnostiques, païens, tout ce que vous voulez ^^) que nous sommes pour bonne part sur ce fil.

On ne m'enlèvera pas de l'idée, si faire le bien selon lui est à ce point peu gratifiant, qu'il le fait pour gagner son paradis. Ça me semble un peu la carotte des imbéciles (j'entends par là des gens qui ne prennent pas la peine de réfléchir aux diverses conséquences de leurs actions). J'espère que sa foi était inébranlable ! ;)
J'ai mis mon képi dans la cage
et je suis sorti avec l'oiseau sur la tête...
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

*Za* a écrit :Pour Kant, notre conscience serait alors la part en nous qui réfléchit au plus près des volontés de Dieu ?...
Je préfère dire les choses dans l'autre sens. La volonté de Dieu est ce que notre conscience découvre lorsque elle est pleinement elle-même. Ce n'est pas du pinaillage, cette fois. Penser Dieu comme arbitraire c'est être un fanatique en puissance.
Et s'il n'y a pas de Dieu? Cela ne change rien quant à la valeur des décisions de notre conscience. Allons jusqu'au bout de l'idée : pour l'instant, tant qu'il s'agit de distinguer le bien du mal, pour être kantien nous n'avons absolument pas besoin d'être croyants.
J'insiste, parce que je crois que c'est le point qui génère le plus de malentendus. Pour distinguer le bien du mal, le bon sens d'un enfant suffit. Pour fonder cette distinction, la raison suffit.
*Za* a écrit :En somme, il déifie en nous la part morale, celle qui réfléchit et déduit ce qu'il est juste de faire. On pourrait même dire qu'il nous dépossède de la meilleure part de nous-même pour en faire quelque chose que nous ne maîtrisons pas, la volonté de Dieu.
J'ai déjà en partie répondu dans ce qui précède. "Déifier" me gêne un peu, pour quelque chose d'aussi rationnel, mais en un sens oui, pourquoi pas? En revanche, pas du tout d'accord pour parler de dépossession, c'est tout le contraire, c'est une quête de l'autonomie, si absolue que son austérité effraie, je veux bien l'admettre.
*Za* a écrit :En fait, à mon avis, notre incompréhension vient de ce que Kant part du postulat que Dieu existe.
Non, c'est inexact. Il ne part pas de ce postulat, il y arrive. c'est important, car cela constitue sa grande nouveauté par rapport à toutes les métaphysiques qui ont commencé par démontrer Dieu avant d'en déduire la moralité. Kant procède à une inversion. Le point de départ, c'est l'exigence morale. C'est à partir d'elle, donc de l'existence concrète, que l'on peut découvrir des vérités métaphysiques, et non à partir de la spéculation métaphysique que l'on pourrait déduire ce que doit être l'existence.
*Za* a écrit :Et on comprend aussi à quel point son point de vue est inconciliable avec celui des athées (ou autres agnostiques, païens, tout ce que vous voulez ^^) que nous sommes pour bonne part sur ce fil.
Pas tout à fait avec les athées ou agnostiques, mais avec tous ceux (c'est mon cas d'ailleurs, occasion de rappeler que je ne suis pas kantien) pour qui la question d'une vie après la mort ne se pose pas (là je pinaille, c'est vrai).

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Merci pour mon anniv :-)

J'ai pas le temps là...

Mais juste une question, comment Kant expliquerait que des animaux fassent le bien de manière gratuite? eux aussi font ils comme si dieu existait?
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Boby »

Mais juste une question, comment Kant expliquerait que des animaux fassent le bien de manière gratuite? eux aussi font ils comme si dieu existait?
J'ai un peu de mal avec cette phrase, je m'explique :
Pour moi, le "bien" (et le "mal") sont des notions tout à fait humaines alors que la notion de victoire et de défaite sont des notions naturelles (Dans le sens de la nature : Je te mange / j'ai gagné ).

Et oui je suis toujours là... :popcorn
Nous verrons cela... Destinée ... ou PAS !

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Euthyphron
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par Euthyphron »

Une petite parenthèse personnelle : ce que j'aime dans l'histoire de la philosophie (que je ne confonds pas avec la pratique de la philosophie), c'est l'exploration d'univers mentaux plus ou moins disparus. Et voilà pourquoi je m'intéresse à Kant, dont l'univers mental est presque exotique aujourd'hui, tout en ayant eu une influence capitale dans l'histoire, et en étant, je me répète, d'une cohérence admirable.
Or, la question des animaux est excellente pour faire comprendre l'univers mental kantien. Je crois qu'en fait, c'est tout simplement cela, emmanuelle47, l'univers mental kantien t'est étranger, et il t'est donc beaucoup plus difficile d'y entrer, alors que Boby a reçu (je ne sais si c'est dans ses gènes ou dans son biberon) quelque chose de l'héritage kantien, car sa réponse à la question est parfaite.
Oui, en effet, les animaux n'ont aucune moralité, ce qui ne veut pas dire, bien sûr, qu'ils soient méchants, c'est même le contraire, cela veut dire qu'ils sont innocents, ignorants du bien et du mal.
N'en concluons pas qu'ils n'ont aucune conscience. La conscience morale, qu'ils n'ont pas, n'est pas le tout de la conscience. Même s'il est impossible de se représenter correctement ce qui "se passe dans la tête" d'un animal (c'est d'ailleurs fascinant) on peut supposer sans risque de se tromper qu'ils sont sensibles au plaisir et à la douleur. On peut, si l'on veut, aller plus loin et leur reconnaître une aptitude à l'affectivité, donc aux sentiments.
Mais agir pour obtenir du plaisir (ou éviter la douleur) ne relève pas de la moralité. La motivation est purement subjective (voire égoïste), et si par exemple je viens en aide à autrui par plaisir je pourrais tout aussi bien cesser de le faire quand cela me dérange.
Il en est de même de l'affectivité. Si je suis généreux avec ceux que j'aime, très bien, mais cela n'a pas de valeur morale. Et la preuve en est que je serai alors pingre avec ceux que je n'aime pas.
Il s'ensuit que l'acte moral est accompli de façon désintéressée, par pur respect pour la loi, que je reconnais en moi comme norme de ma propre volonté.

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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Boby a écrit : Pour moi, le "bien" (et le "mal") sont des notions tout à fait humaines alors que la notion de victoire et de défaite sont des notions naturelles (Dans le sens de la nature : Je te mange / j'ai gagné ).
Comment nommerait on le fait de perdre la vie en sauvant de la noyade un jeune non apparenté? ou aider un congénère inconnu handicapé? Nourrir un congénère malade? Tenter d'aider un autre animal? Sans bénéfice, voire même du sacrifice.
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Re: Platon vs. Kant : qu'est-ce qu'être quelqu'un de bien?

Message par emmanuelle47 »

Euthyphron a écrit : Oui, en effet, les animaux n'ont aucune moralité.
Niveau de preuve?
"Dolto avait raison au fond... Le problème c'est qu'on vit en surface" C. Alévèque.

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