Voilà quelques jours que je lorgne sur le sujet en n’osant y poser ma plume, me contentant de dévorer vos échanges. J’apprécie beaucoup vos différentes visions de cette thématique, nourries par la diversité des intervenants, de leurs formations et expériences.
Il est vrai que dans vos différentes réflexions, excepté sur les premiers échanges, puis lors du dernier quiproquo, je ne vois que peu transparaitre mon domaine principal, à savoir la biologie et par extension éthologie et écologie. Avant de développer plus largement mes propos à ce sujet, j’aimerais reposer quelques termes et apporter des informations qui me semblent indispensables pour intégrer objectivement cette notion. En effet cette approche peut être qualifiée de glissante vis-à-vis de la thématique et créer rapidement des amalgames comme nous avons pu le voir précédemment, notamment car les disciplines que j’affectionne ont été détournées longtemps de ce qu’elles sont réellement, une recherche de compréhension et connaissances du monde vivant et non pas une justification voire excuse des dérives inexcusables autour de la relation de couple et la sexualité apparaissent.
Donc avant de rentrer dans le vif du sujet, allons voir de quoi nous parlons.
Qui dit biologie dans la notion de couple et de sexualité, dit reproduction, car au-delà de ce que l’Homme moderne a su créer comme relation entre les individus le composant, le fil conducteur instinctif de la sexualité reste la reproduction et que les individus perpétuent l’espèce. Seule notre espèce au sein du monde animal, de part la maitrise aujourd’hui de la contraception et le mode de pensée qu’elle a acquise au fil du temps, montre ce recul vis-à-vis de la sexualité, arrivant à l’appréhender en dehors du strict contexte reproductif. Certaines populations de grands singes montrent un rôle social de cette sexualité également, mais cela reste conditionné par l'environnement et l'évolution des relations au sein du groupe plus qu'une réflexion telle que l'humain peut en développer.
Les relations entre individus humains ne sont plus alors simplement régies par la mécanique instinctive qui nous habite mais également par notre capacité de réflexion et le recul que nous arrivons à prendre.
Ah, au milieu de tout cela apparait un terme, relié à l’éthologie, qui est l’instinct. Mais peut-être faut-il se demander ce qu’est cet instinct, surtout quand on le raccroche à la reproduction et la sexualité.
La définition que j’en ferais pour ma part est que
l’instinct est l'expression naturelle de mécanismes biologiques qui ne peuvent être changés par des facteurs extérieurs, juste initiés, stimulés ou inhibés. Tu ne sais pas comment tu fais mais tu respires, dès ta naissance par exemple. Le coucou ne sait pas pourquoi, mais il part en Afrique en septembre, personne ne lui indique la route, ses parents l'ont lâchement abandonné !
Ce sont des comportements stéréotypés d'une certaine manière, résultant à la base de notre matériel génétique et la manière dont il s'exprime s'il est activé (certains comportements instinctifs n'apparaitront pas si le stimulus ne se présente pas par exemple). Cet instinct, expression de ce que l’on peut qualifier d’inné, s’oppose alors à l’acquis.
Wiki propose plusieurs définitions, j’apprécie plus celle-ci
Instinct. Comportement automatique et inconscient des animaux, caractérisé par un ensemble d'actions déterminées, héréditaires et spécifiques, ordonnées à la conservation de l'espèce ou de l'individu (nutrition, reproduction, protection, etc.) L.-M. Morfaux
Plus concrètement, comment cet instinct va-t-il transparaitre dans ces comportements reproductifs ?
Par le déclenchement des mouvements migratoires, les parades nuptiales et rites amoureux, tous des comportements stéréotypés que reproduisent les représentants d’une même espèce, allant même jusque l’acte sexuel pour lequel il y a rarement de phase d’apprentissage. Tout du moins pour de nombreuses espèces animales, pour lesquelles la descendance n’a parfois aucun contact avec ses géniteurs et à l’exception de certaines espèces de mammifères pour lesquels le jeu semble faire office d’apprentissage des actes copulatoires (grands singes, félins, …). En conséquent, ce sont ces comportements qu’adoptent l’ensemble d’une population d’une espèce donnée, souvent de manière saisonnière. Les mouvements de migration des oiseaux se déclenchent à des dates invariables chaque printemps, le rut des Cervidés également en automne. Pour la majorité, le stimulus déclencheur dans l’environnement est la variation de la durée du jour.
Si on se penche sur la physiologie de ces espèces et que l’on cherche à comparer entre l’ensemble de ces organismes, on remarque immédiatement que le facteur commun est la variation des concentrations hormonales, qui précédent ces types de comportements et ont leur apogée avant le déclenchement du comportement instinctif.
Je mets un bémol en précisant que je ne suis pas expert de ces questions d’endocrinologie, ayant juste été imprégné par ma formation en bio animale/humaine et mes lectures relatives aux pollutions hormonales et perturbateurs endocriniens dans l’environnement.
Parmi ces hormones, la testostérone et l’oestradiol restent celles qui ont le rôle prépondérant dans cette biologie (voire endocrinologie) de la reproduction.
La testostérone, dont la présence est avérée tant chez l’homme que la femme mais en des concentrations différentes intervient tant lors du développement de l'embryon pour la différenciation sexuelle et la genèse des organes sexuels masculins qu'au moment de la puberté avec le développement des caractères sexuels secondaires et évolution des comportements. Sa production est stimulée par l’axe hypothlamo-hypophysaire sur lequel elle a elle-même un rôle de rétrocontrole négatif selon les concentrations. C’est un système de régulation très fin qui peut être influencé par son environnement, que ce soit par la réception de stimulis sensoriels que par l’exposition à des produits ayant une influence sur leur production (alcool, pesticides, …).
Elle se stabilise jusqu’au 30-35 ans pour ensuite décroitre doucement. La testostérone agit en se fixant sur les récepteurs à androgènes présents sur de nombreux organes, déclenchant des réactions biologiques relatives à la « virilisation ».
Les connaissances sur l'influence des hormones sur notre corps, nos comportements voire même notre relation au genre et à la sexualité avancent et montrent des interactions fortes, que l'on retrouve également par l'expérimentation chez l'animal de manière encore plus marquée. La testostérone notamment y a une influence marquée, tant sur le désir sexuel, la capacité érectile que sur les humeurs (état dépressif si hypo, dominance si hyper, cela reste à confirmer chez l’homme) concernant l’individu adulte.
Bref, 2 brèves à ce sujet, particulièrement bien faites :
https://www.societe-neuroendocrinologie ... et-memoire
https://www.societe-neuroendocrinologie ... n-sexuelle
https://www.science-et-vie.com/corps-et ... ance-54283
Pour l'article Sciences et Vie, je n'ai pas l'abonnement donc si certains d'entre vous y ont accès, un résumé pourrait être bienvenu !
Une petite extension sur le phénomène de dominance pour lequel il y a une convergence des résultats d’expérimentation chez les animaux et des observations réalisées chez l’humain (source Wiki, instinct et endocrinologie de la dominance) :
Diverses études ont montré que la testostérone diminue l'empathie, augmente l'agressivité, l'affirmation de soi et les comportements visant la domination d'autrui. Les hauts scores de dominance, mesurant certains traits caractéristiques de la dominance, sont associés à des concentrations élevées de testostérone chez l'homme et la femme comme chez l'animal (poules, rats ou singes). Chez l'humain, comme chez le macaque, les femelles dominantes donnent naissances à plus de garçons que de filles90. L'influence de la testostérone, in utero, affecte l'ensemble du comportement ainsi, une fille ayant un frère jumeau risque d'être plus «masculine». De même, les enfants exposés à des concentrations élevées d'androgène in utero réagissent plus agressivement que leurs frères et sœurs
Bien sur, ces études restent à prendre avec des pincettes, la science n'est pas figée et souvent biaisée, mais il y a des pistes. Une des voix dissonantes traite justement de ce biais dans une ouvrage récent, mais cette analyse n’introduit pas elle-même un biais de part le genre de l’autrice et sa culture ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cordelia_ ... terone_Rex
https://leblob.fr/archives/testosterone ... -influence
Tous ces éléments permettent de compléter le panel des facteurs pouvant influer sur notre relation à l'autre dans le cadre de ce sujet. Quid de l'importance des hormones dans la construction des comportements et relations vis à vis des autres facteurs environnementaux et sociaux à l'heure actuelle ? Et dans la construction de nos comportements sociaux au fil du temps (influence sur l'évolution) ? La recherche a encore beaucoup à nous apporter et les débats sont loin d'être clos, mais il est nécessaire d'intégrer l'ensemble de nos connaissances à ce propos pour bien appréhender le sujet.
Edit : réactualisation des liens