Réseaux sociaux et régulation de l’information

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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O'Rêve
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Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par O'Rêve »

Je lance ce sujet (suite à des interrogations réveillées par l’actualité américaine de ces jours-ci).
Nous pourrions partir de quelques questions (remises sur le devant de la scène ces derniers jours dans un certain nombre d’articles) pour échanger sur la régulation de l’information au sein des réseaux (médias) sociaux.
Les plates-formes de médias sociaux ont sous-estimé les conséquences réelles de la désinformation largement diffusée via leurs canaux depuis des années.
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Nous pouvons nous interroger sur les raisons pour lesquelles les médias sociaux mettent du temps à réagir face à la désinformation. Est-ce par idéal de liberté, pour raisons économiques, politiques… ?

Les réseaux sociaux ont tendance à mettre en avant les contenus les plus populaires.
Comment les mobiliser/inciter à la mise en avant également de contenus fiables ?

Les plates-formes de médias sociaux restent relativement floues sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre la désinformation.
Est-ce que des modifications et plus de transparence dans les conditions générales d’utilisation pourraient suffire dans la lutte contre la désinformation?

Les réseaux sociaux ont montré ces derniers jours qu’ils avaient le pouvoir de réduire au silence Donald Trump. La prise de conscience du pouvoir des plateformes des réseaux sociaux dans le débat démocratique a pu susciter un vrai malaise. D’où certains questionnements qui ont pu émerger.
Est-ce à ces entreprises privées elles-mêmes de juger de la diffamation, de l’appel à la violence…ou cela relève-t-il de la justice ? Si ce rôle est confié à la justice, comment lui donner les moyens d'être suffisamment réactive, le « "temps Internet" ne pouvant parfois pas se satisfaire des longueurs de l'appareil juridique. »?
Les « géants » privés du web (Facebook, Twitter, Google, Apple, Amazon….) doivent-ils être régulés par des entités indépendantes? Par les pouvoirs publics/administrations ?
Comment modérer les contenus et sanctionner les discours dangereux tout en conservant une liberté d’expression ?

Le rôle des grands réseaux sociaux étant devenu majeur dans le débat public, cela pose aussi la question de la démocratisation de leur gouvernance.
Faut-il réfléchir à de nouvelles modalités de gouvernance pour les réseaux rassemblant des milliards d’utilisateurs ?
Est-ce que les réseaux sociaux décentralisés (type de réseau qui ne dépend pas d’un seul acteur (entreprise, association, collectivité) mais de plusieurs) pourraient apporter des « solutions » vers une future régulation ?

Cette liste n’est pas exhaustive. C’est un point de départ pour commencer à échanger.

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enufsed
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Re: Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par enufsed »

Je copie / déplace mon message initialement posté sur le sujet consacré à l'actualité américaine, il sera plus à sa place ici, merci de prendre en compte qu'il a été rédigé dans un contexte un peu différent ;) :

Il y a un aspect concernant Twitter et Facebook que j'avais un peu évoqué en passant : quand on consulte les sources d'informations disons classiques (à gros traits la ligne France Inter), on a le sentiment d'une hégémonie de ces deux réseaux. Mais pour la génération dite Z (née entre 1997 et 2010, donc les moins de 25 ans en âge d'être pleinement autonomes sur des réseaux sociaux) ce sont des réseaux sociaux ringards, ceux de leurs parents : les quelques stats que j'ai pu consulter mettent en tête Youtube, Instagram et Snapchat. Tik Tok prend de l'ampleur et comme je l'avais évoqué, les jeux en ligne, Fortnite en tête (https://www.lemonde.fr/pixels/article/2 ... 08996.html).
À cela il faut ajouter des forums comme reddit, 4chan, 8kun (anciennement 8chan) qui sont le terreau privilégié d'une fange raciste et d'extrême droite nauséabonde qui navigue au milieu d'infos sur les jeux vidéos, et donc très fréquentés par les plus jeunes. Ces sites sont régulièrement cités dans le contexte trumpiste.

Évidemment le poids de la chose réseau social est énorme et incontestable, mais celui de Facebook et twitter n'est pas forcément celui qu'on veut bien croire. Les bataille pour cette génération Z, celle qui votera dans 4 ans, se joue à mon avis ailleurs en terme de communication et bien-sûr de lavage de cerveau, loin de l'attention des adultes.

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Holi
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Re: Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par Holi »

Selon moi, ce sujet pose deux questions :
Celle de la liberté d'expression et de ses limites éventuelles.
Et celle des moyens de régulation/modération des réseaux sociaux.

Pour ce qui est de la liberté d'expression, je vais revenir à la polémique lors de l'attentat contre Charlie Hebdo. Jusqu'où peut on défendre la liberté d'expression ?
A l'époque, je me suis revendiqué " Charlie", je ne suis et n'ai jamais été pourtant, une lectrice de Charlie, mais il me semblait important de soutenir cette liberté d'expression mise à mal. Cette phrase attribuée à tort ou à raison à Voltaire, résume assez bien mon point de vue : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire » . Il me semble important que toute idée puisse être exprimée, que toute question puisse être débattue, que l'on ne vive pas dans un monde de pensée unique.
Cependant, je crois qu'il ne faut pas confondre débat d'idées et désinformation. Les thèses complotistes, mensonges organisés, et autres théories pseudo scientifiques ne reposent pas sur une vérité, même contraire à la mienne, mais sur des inventions sans aucun fondement. Elles se répandent et plus elles sont diffusées et connues, plus elles s'érigent en "vérités".
Plus il y a de gens pour y croire, plus elles deviennent "vraies".
Le problème étant qu'une grande partie de ceux qui vont les adopter ne chercheront jamais à en déterminer la véracité.
Alors défend-on la liberté d'expression en permettant à ces mystifications de se déverser sur tous les réseaux sociaux ?

On en arrive au deuxième point, doit-on réguler l'expression sur les réseaux et plus généralement sur le net, et si oui comment ?
Il me semble qu'à minima un avertissement devrait figurer du type "attention information non vérifiable et sujette à caution".
Mais faudrait il que les réseaux sociaux soient, se sentent, responsables du contenu publié sur leur plateforme. Ce qui à ce jour ne semble pas vraiment être le cas.
Comme le rappelaient les messages précédents et les liens donnés par [mention]O'Rêve[/mention] ces géants ne sont pas européens et la législation des USA n'est pas la notre. L'Europe a tenté quelques restrictions, mais ça semble bien insuffisant au vu de la vitesse à laquelle certaines fausses informations prennent racine.
Je pense que les réseaux sociaux devraient être tenus pour responsables dans la manipulation et la tromperie produites par ces mensonges. Ils les colportent, voire même les amplifient par le jeu des algorithmes, qui sélectionnent les informations les plus populaires, les plus adaptées à tel ou tel public... La fiabilité d'une information ne rentre pas en compte, mais sa "rentabilité" si !
Le retournement très opportun des différents réseaux est assez parlant à ce sujet, la "marque" Trump n'est plus vendeuse et il vaut mieux au contraire s'en détacher très vite. Il ne s'agit donc pas là pour moi d'une prise de conscience tardive, mais d'un calcul commercial. On peut assez facilement imaginer que si une nouvelle situation identique se présente, on aura exactement le même résultat : je ferme les yeux tant que ça me rapporte, et l'éthique, voire la loi, je m'en balance tant que l'on ne me tombe pas dessus.
On ne peut qu'espérer que cette récente polémique fasse enfin bouger les choses, mais je ne suis pas très optimiste. Que pèsent l'éthique et la vérité face au poids des GAFAM ?
À force de penser à ce que les autres pensent de nous, on en oublie de se penser soi-même.
Christophe André

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O'Rêve
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Re: Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par O'Rêve »

J’ai découvert aujourd'hui la parution de cet ouvrage : Histoires des médias de Jacques Attali
https://www.fayard.fr/documents-temoign ... 2213717265
En parcourant l’introduction (extrait qui peut être consulté sur le site Fayard), on peut se faire une idée des points abordés au fil du livre.
Je le rejoins au moins sur ce constat "l’avenir des médias ne peut être imaginé et maîtrisé avec précision qu’en remontant très loin dans son histoire, ou plutôt dans ses histoires ".
Je suis aussi intéressée par la question de l’évolution de la place et du rôle des journalistes dans la régulation des informations (et les inquiétudes par rapport à leur précarisation croissante), par les aspects historiques des liens entre distribution/diffusion de l’information et activités commerciales ainsi que des liens entre pouvoir et production/collection/ d’informations.

La description m’a intéressée, certains de ses propos dans l’émission l’Instant M aussi.
https://www.franceinter.fr/livres/histo ... ues-attali
Mais je suis en partie réticente à lire ce monsieur. Je préfèrerais peut-être lire des propos un peu moins engagés et plus neutres.
Je me demandais si certains d’entre vous ont déjà lu des ouvrages de cette personnalité? En particuliers ses précédents ouvrages "Histoires de": Histoires du temps, Histoires de l’alimentation, Histoires de la mer…et si vous aviez trouvé ces lectures pertinentes et intéressantes ?
Sinon, que recommanderiez-vous comme autres ouvrages sur l’histoire des médias?

Un autre point qui me questionne, c’est notre rôle, à chacun de nous (usagers des réseaux sociaux) dans la régulation des informations. Actuellement, je n’ai plus aucun compte actif sur les grandes plates-formes de réseaux sociaux (il m'arrive d'en consulter encore quelques-uns mais sans me connecter). La question de la régulation n’est pas l’unique raison de mon souhait de ne plus participer activement à ces réseaux, mais je me demande si être "absente" de ces réseaux ne revient pas aussi à "laisser faire". Et il y a certains jours où ma manière de protester en « boycottant » ces plates-formes ne me satisfait pas.
Avez-vous l’impression, en tant qu’usagers, qu’on a un certain pouvoir de régulation de l’information ? Comment ? Par quels types d’actions ? Est-ce que les like et partages de contenus fiables contribuent vraiment à leur mise en avant? Est-ce que les signalements suffisent à limiter la diffusion des contenus dangereux ? Quels autres moyens ? Que faites-vous de votre coté ?

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Re: Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par Invité »

O'Rêve a écrit : lun. 18 janv. 2021 21:18 Je me demandais si certains d’entre vous ont déjà lu des ouvrages de cette personnalité?
Oui, moi. C'est mauvais pour ce que j'en ai lu, en bloc comme en détail. Je ne recommanderais rien, personnellement, mais mon avis est peut-être un peu excessif, d'autres le nuanceront sans doute.
O'Rêve a écrit : lun. 18 janv. 2021 21:18 Sinon, que recommanderiez-vous comme autres ouvrages sur l’histoire des médias?
Tout dépend de l'approche que tu souhaites. Pour la presse écrite, Pierre Albert aux PUF (Histoire de la presse) est très sérieux. Sur la radio et la télévision, il y a André-Jean Tudesq, ou Robert Escarpit qui sont bons (le second ne va que jusqu'aux années 80). Il faut que je retrouve quelques titres. Tudesq avait beaucoup travaillé sur le cas de l'Afrique mais je crois qu'il a écrit un ou deux bouquins généralistes.
Je resposterai un peu plus tard pour préciser.

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nemo
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Re: Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par nemo »

O'Rêve a écrit : lun. 18 janv. 2021 21:18 Sinon, que recommanderiez-vous comme autres ouvrages sur l’histoire des médias?
Ça ne touche pas à proprement parler à la régulation de l'information, mais je recommande le livre d'Eric Saddin : "L'ère de l'individu Tyran, la fin d'un monde commun". Il parle de comment s'inscrivent les réseaux sociaux dans notre construction individuelle et collective des dernières décennies, dans le contexte de l'évolution du capitalisme et du progrès. Il essaie de décrypter l'impact sur la psyché des individus et les conséquences sur la manière de faire société. Je pense que de manière un peu détournée, il est pertinent à lire dans le cadre de la problématique posée. Le titre et le sous-titre sont limpides sur son diagnostique.

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O'Rêve
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Re: Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par O'Rêve »

[mention]Judith[/mention] merci pour tes premiers retours et références bibliographiques.
Je crois que je cherche surtout à comprendre quelles problématiques rencontrées avec les grandes plateformes des réseaux sociaux sont des problématiques nouvelles, et quelles problématiques ont été constatées avec d’autres médias (presse écrite, radio, télévision) par le passé (mais aussi comment une même problématique peut se manifester différemment, selon les caractéristiques/particularités des médias et selon les époques).
Voilà par exemple le type d’informations qui peuvent m’intéresser, repérées dans un résumé du livre L'Histoire des médias, de Diderot à Internet, Frédéric Barbier et Catherine Bertho Lavenir
https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1997-01-0088-002
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[mention]nemo[/mention] : merci pour la référence du livre d’Eric Sadin
J’ai commencé à visionner cet entretien https://www.youtube.com/watch?v=suHXQfpBTxM
On y prend la température de ses analyses (et on découvre aussi sa personnalité; je ne sais pas pourquoi, mais il a un petit quelque chose qui me fait penser à Luchini.)
Je trouve que son analyse des réseaux sociaux, en particuliers sur le privilège de l'individuel sur le collectif (qui circule sur les plateformes) et la dissymétrie entre discours et actions (qui a pour conséquences un certain nombre de dérives), donne quelques éclairages et pistes de réflexions quant à notre place en tant qu’usagers des réseaux.
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Re: Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par Invité »

[mention]O'Rêve[/mention] d'accord, merci d'avoir précisé. Je n'ai pas d'idée précise de titre pour le moment mais je reposterai si je trouve quelque chose.
La notion de "réseau social" comme véhicule d'informations séditieuses, voire comme machine de guerre contre les pouvoirs politiques établis est ancienne : les auteurs du livre dont tu cites le résumé mentionnent les Encyclopédistes pour le XVIIIème siècle, mais on peut aussi pour la même époque penser à la Correspondance Littéraire de Grimm (qui en est un peu l'antithèse et diffuse une autre conception du pouvoir), aux Nouvelles Ecclésiastiques et autres Petits Journaux jansénistes, très virulents, aux bureaux de correspondance privés comme celui de Dubois du Fosseux, etc. Darnton a écrit récemment un bouquin très intéressant, Édition et sédition : l’univers de la littérature clandestine au XVIIIe siècle où il traite notamment du rôle des réseaux et du colportage.

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Re: Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par O'Rêve »

Concernant la régulation de l’information, le chercheur Dominique Boullier s’est intéressé à la problématique de « la forme » (la viralité incontrôlée) qui selon lui aurait peut-être même plus d’incidence que la problématique « du fond » (véracité des propos/fake news).
Il expose que les réseaux sociaux sont devenus totalement encombrés par la propagation accélérée d’informations non désirées (du fait des boutons retweet, like et partage). Afin de « casser » la dynamique virale sur les réseaux sociaux, l’auteur propose que l’on installe un régulateur de vitesse de réactions sur les interfaces de tous les réseaux sociaux. Cette mesure nous obligerait à choisir, à sélectionner, à hiérarchiser, ce que les mass medias et les journalistes faisaient pour nous auparavant.
https://www.huffingtonpost.fr/entry/nos ... 4a0dbe41f1
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Dans le même ordre d’idées, je ne sais pas si certains d’entre vous ont vu ce documentaire : The Social Dilemna (ou en français «Derrière nos écrans de fumée»). Je ne suis pas abonnée à Netflix, et je ne suis pas certaine d’apprécier la forme avec ses exagérations et dramatisations, mais ça m’aurait intéressée d’avoir des avis/retours.
https://www.lemonde.fr/televisions-radi ... 55027.html
https://www.refinery29.com/fr-fr/2020/0 ... ciaux-avis

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Re: Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par Holi »

Ci dessous un lien vers un article qui reprend quelques éléments concernant FB, WhatsApp, Insta. Et leurs dérives.
https://www.lesnumeriques.com/vie-du-ne ... 7.amp.html
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Re: Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par InMedio »

@O'Reve : j'ai vu "Derrière nos écrans de fumée" il y a quelques temps. Je n'ai pas tellement envie de le revoir ces jours-ci parce que je compte mon temps précieusement en ce moment, mais je peux faire un (tout) petit résumé de ce dont je me souviens (assez mal au demeurant).

Entre des interviews de patrons comme celui de Pinterest qui avoue qu'il est accroc à ...Pinterest, et des gens qui sont contre la technologie "bouh c'est le diable etc mais on passe sur Netflix" (il paraît qu'on dit néo-luddite) j'en ai retenu surtout des infos intéressantes sur le design centré sur l'attention, toutes ces petites choses auxquelles on s'est un peu tous habitués : les signaux de nos téléphones pour nous attirer vers eux (lumineux, vibrants, sonores) qu'on peut toutefois choisir d'activer ou de désactiver, toutes ces interfaces qui sont de plus en plus faciles d'utilisation, simples à comprendre grâce à des pictogrammes qui font immédiatement sens, des animations qui encouragent à cliquer ou à "swiper" (qui a un "ancien" iPhone pense à son écran d'ouverture, avec la barre qui brille et le bouton qui va de gauche à droite), même ce fameux "scroll infini" (ce mouvement si bizarre du pouce allant du bas vers le haut).

Tout cela retient l'attention, mais pour servir quelle cause ?

Dans mon souvenir, c'est pour soutenir le modèle économique adopté depuis un moment sur internet : le client ce n'est pas l'utilisateur mais l'annonceur (publicitaire) qui paye de l'espace et du temps de visionnage de l'utilisateur sur une application. Le documentaire revient (je crois me souvenir) sur des réflexions qui avaient eu lieu aux débuts d'internet : comment diable allons-nous financer tout ça ? Faire payer l'utilisateur à chaque URL tapée ? Allons-nous demander à tout le monde de sortir sa carte bleue à chaque fois qu'il va voir une page FB ou fait une recherche Gougle ? Non, ce modèle ferait fuir tout le monde avec un seul adjectif : "fastidieux". Donc l'utilisateur ne paye rien, il n'est pas client.

La conclusion que j'en tire personnellement, c'est que nous, utilisateurs non-payeurs, perdons la notion de valeur de tout ce qui se passe sur internet en n'y payant quasiment rien d'autre que l'abonnement de notre fournisseur d'accès. C'est comme si les octets ne coûtaient pas l'électricité qui les fait exister, dans des grands serveurs qui contribuent assez peu mais de plus en plus au réchauffement climatique. C'est que les publicitaires constatent que montrer de la publicité aux gens, c'est quelque chose qui fonctionne vraiment très bien pour faire augmenter le chiffre d'affaire d'une entreprise, et c'est un fait : la simple exposition répétée à une chose nous la rend potentiellement plus appréciable.
L'amélioration d'internet au fil du temps fait que nous pouvons charger sur nos ordinateurs, nos téléphones, nos montres et nos brosses à dents connectées (si, si : ça existe) énormément d'informations en peu de temps ce qui fait le bonheur d'un publicitaire qui peut caler entre deux photos insta une belle image, une vidéo (ou deux, soyons fous) et qu'on le veuille ou non, on l'a vu ce produit, on l'a entendu ce début de musique qui nous fait immédiatement penser au produit.
Alors, sur les 24h que nous vivons par jour (c'est le facteur limitant), les publicitaires se battent pour avoir une part de notre attention.
Vous ne pouvez pas prouver que quelque chose n'existe pas, mais vous pouvez conclure qu'il n'y aucune raison de penser que ce quelque chose existe.
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Re: Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par Swinn »

C'est exactement ce qu'avait dit Patrick Le Lay en son temps patron de TF1 et qui avait fait scandale : mon métier, affirmait-il est de vendre du temps de cerveau disponible aux annonceurs (internet n'existait pas encore à l'époque.). Rien n'est plus exact.

Pour reprendre ce que dit InMedio, tous ces réseaux, in fine ne sont que les vecteurs de publicités de plus en plus intrusives qui rythment la lecture des fils, il n'y a qu'à voir ce qui se passe sur Facebook où il y a une pub qui nous est destinée selon nos préférences de navigation tous les 3 posts.
(Publicité que je signale systématiquement comme sexuellement inappropriée histoire de fausser les algorithmes, ouais je sais moi tout seul contre la world compagnie..........)

Je transmets ici un article qui n'est pas tout à fait dans le sujet, mais malgré tout qu'y s'y rapproche, il s'agit d'un humoriste anglais qui a créé dans un but parodique un compte twitter parangon"woke culture" dont les tweet ont été repris en premier degré absolu par des représentant de cette culture telle Rokhaya Diallo ou des personne de sensibilité radicalement opposées; montrant ici le niveau de la profondeur de la réflexion exprimée en 140 caractères...
Bref, ce qui est intéressant dans cet article et qui fait plus sens avec le sujet ici, est la perception du danger que représente ces plateformes et ces réseaux sociaux, riches à milliards, tenues par une petite oligarchie qui ne possède aucune autre légitimité que financière, qui ne sont en aucun l'expression d'une volonté démocratique et qui, petit à petit, parce que ce sont eux qui décident en fonction de leur propre sensibilité alliée à leur objectif hégémonique, du bon goût de la pensée et de ce qui est dicible ou non.

Il est évident pour ces plateformes que l'opinion d'une star hollywoodienne progressiste est bien plus monétisable que celle d'un hillbilly au seuil de la misère vivant dans les Appalaches bien que, dans les urnes, leur voix ait le même poids.


Je rejoins totalement la conclusion de l'article que je copie-colle ici :
"Si j’étais un citoyen américain, je n’aurais voté pour aucun des deux candidats. Je n’ai pas aimé la façon dont Trump a abîmé la dignité de sa fonction. Il a eu pour effet de faire monter les tensions politiques. Mais j’ai encore plus peur des dégâts que risque de provoquer Joe Biden."
"Nous sommes tous des farceurs : nous survivons à nos problèmes"
Cioran

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O'Rêve
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Re: Réseaux sociaux et régulation de l’information

Message par O'Rêve »

J’ai écouté cette émission (il y a quelques points intéressants qui y sont développés) : les réseaux sociaux doivent ils être des éditeurs ?
Pour rebondir sur ton article @Holi , je reprends quelques points d’Olivier Babeau (un des intervenants, président-fondateur de l’Institut Sapiens). Pour lui, la vraie question, c’est comment on peut en arriver à l’éveil par le haut de la concurrence, cad par une demande qui va forcer les plates-formes à être vertueuses. On voit qu’il y a une demande réelle pour la vie privée. Y’a des gens qui sont capables de changer d’opérateurs, de faire des demandes. Y’a une demande réelle aussi pour un certain type de valeur. Donc une première réponse peut être du point de vue du consommateur.
(L’invité répondait aux idées de casser les réseaux dominants. Le problème sur la question du fait de casser ces réseaux, c’est qu’en tant qu’utilisateurs, sur ce type de services vous avez intérêt à aller là où il y a le plus de gens, parce que ça va maximiser vos chances de rencontrer/trouver les informations. Et donc le gagnant prend tout avec ces effets de monopoles. Et donc si on casse un monopole, au bout de quelque temps y’a un autre monopole qui surgit.)
Il y évoquait encore l’éducation aux médias et le renforcement du rôle des médias traditionnels : on se rend compte qu’on a besoin de retrouver cette capacité de gens qui ont le rôle des éditeurs parce qu’on a besoin que des personnes affirment le classement des informations, la hiérarchie des voix et l’accréditation des paroles. Et on doit arriver à articuler l’agora et les médias traditionnels.

@InMedio : merci pour ton retour sur le film et les questions soulevées sur le modèle économique.
Dans la même émission, il est également question de certains aspects historiques relatifs au modèle économique des grandes plates-formes.
Pour Dominique Boullier (sociologue évoqué un peu plus haut dans le fil), un tournant s’effectue en 2008/2009 : la monétisation commence à être un enjeu (car il y a eu beaucoup d’investisseurs). Basculement vers la publicité. Modification des statuts (de Facebook) à ce moment là. A la même époque, création du bouton retweet et bouton like (propagateur et accélérateur de contenus) qui ont amplifié les rôles qu’ils ont joué.
Pour Divina Frau-Meigs (troisième invité et sociologue des médias), c’est l’année 2012 qui est la bascule vers la fake news, à cause de l’entrée en bourse de Facebook et Twitter (ils doivent répondre aux actionnaires et ça précipite la monétisation). En 2013, le like est protégé par le premier amendement (c’est l’amendement sur la liberté d’expression pour empêcher que le gouvernement ne vienne empiéter l’expression des individus).

Quant à la thématique principale de l’émission, le statut d’éditeur, Divina Frau-Meigs, soulève ces aspects-là : les grands médias sociaux font de la publicité, de l’audience, ils monétisent ces audiences et ils assemblent, formatent et hiérarchisent des contenus. Donc c’est problématique, car ils font tout ce que font les éditeurs sans en avoir les responsabilités. Mais les réseaux sociaux n’ont aucune envie d’avoir le statut d’éditeur.

Y est également évoqué en début d’émission la question de la censure (avec la fermeture des comptes de Donald Trump). D’un point de vue américain, on ne peut pas parler de censure. Ils sont dans leur droit, car ils sont dans une logique de commerce libre, et ils ont répondu à toutes les règles quant aux mesures prises (suppression de contenus, fermetures de comptes…). Le statut actuel est protégé par le droit américain. Et en Europe, si on ne fait pas bouger les américains, on est en partie démunis, même si on est en train de discuter en ce moment de la modification de ces statuts.

J’ai également écouté les propos de Gérald Bronner (sociologue, et actuellement au conseil scientifique de l’éducation nationale présidé par Stanislas Dehaene) dans cette interview faite par Olivier Babeau (évoqué un peu haut).

En ce qui concerne la régulation de l’information, Gérald Bronner pointe un grand risque qui pèse sur cette volonté de régulation : aboutir à des lois, à des formes de régulation dont les intentions sont bonnes (mais n’aboutissent pas au résultat escompté et parfois même au contraire…l’enfer est pavé de bonnes intentions :devilish: ). Et donc il faut se montrer très méfiant par rapport aux différentes propositions de régulation.
Quelque part ça fait écho à l’article de @Swinn : au-delà de la question des mouvements qui deviennent dominants, l’article soulève aussi les « dangers » des mouvements « bien-pensants » et qui se présentent plein de bonnes intentions.
Sinon, elle me plait bien Swimm ton action pour essayer de fausser les algorithmes. Tu as d’autres suggestions de ce type? Et pas encore de représailles : ils ont pas encore bloqué ton compte?)

Dans les autres points évoqués de l’interview, des choses intéressantes sur le dévoilement de nos tendances intellectuelles et cognitives.
La vérité met beaucoup plus de temps à se prouver que le mensonge à se développer. Ce qui est assez bien attesté par les travaux en sciences sociales computationnelles (il mentionne un article paru dans la revue science, avec analyse de plus de 120 000 récits, respectable d’un point de vus statistique et qui vient renforcer d’autres papiers déjà parus dans ce sens) qui montrait que les fausses informations se diffusaient 6 fois plus vite que les vraies informations sur Twitter.
Y compris les fondateurs de la démocratie pensaient que la vérité pouvait se défendre elle-même, et que donc sur un libre marché des idées, ce seraient les produits les mieux argumentés qui finiraient par s’imposer. Or, ce sont bien les produits les meilleurs qui vont finir par s’imposer (mais pas les meilleurs du point de vue de la rationalité/argumentation). Ceux qui s’imposeront seront ceux qui seront le plus satisfaisants d’un point de vue de notre fonctionnement cognitif.
A l’image du sucre, le plus satisfaisant pour l’esprit n’est pas forcément le plus sain pour lui. Gérald Bronner utilise régulièrement cette image : les fakes news sont souvent des confiseries pour l’esprit. Et c’est difficile d’y résister, surtout quand ces confiseries vont dans le sens de nos attentes idéologiques. Mais y’a pas que la faux, y’a plein d’autres choses qui attirent notre attention (la conflictualité, la sexualité).

Face à la dérégulation du marché de l’information, le sociologue dit qu’il ne faut pas désespérer en matière d’éducation et qu’il y a une science qui est en train de se faire autour de la sociologie et la psychologie cognitive. Sur le développement de l’esprit critique, la chose la plus difficile est d’opérer un transfert, cad que les élèves s’approprient cette connaissance. On pourrait rajouter des cours sur les biais cognitifs, mais il n’est pas convaincu par cette idée. En revanche, au sein du conseil scientifique de l’éducation nationale, ils pensent plutôt à « saupoudrer » des considérations sur l’esprit critique et la pensée analytique partout où la connaissance, l’enseignement se heurte aux obstacles de nos intuitions naturelles (cad là où les élèves peuvent apprendre une théorie mais aussi pourquoi elle leur résiste).
Et maintenant, j'aimerais bien avoir le retour (par rapport à ces propositions) de ceux du forum qui sont au cœur de l'éducation nationale :grin: ?

Enfin, à la question est-ce que le désordre informationnel est entrain d’exploser, d’affaiblir nos régimes démocratiques, on va vers ce que Gérald Bronner a appelé la démocratie des crédules.
Selon lui les fakes news sont particulièrement dangereuses sur les problèmes de santé publique ou sur des problèmes très techniques (là où les individus n’ont pas autre chose que leur intuition, leurs peurs et leurs craintes).
En revanche, certaines études ont contesté que les intoxs et fake news auraient une influence sur les votes (ça n’aurait pas tant d’impact que ça à court terme, les fausses informations vous impacteront si vous êtes indécis ; or en politique on est rarement indécis, on a souvent un point de vue, une opinion).
Cependant les deux peuvent être liés et c’est ça le problème. Car les théories conspirationnistes alimentent les radicalités politiques (la radicalité politique se réveille à chaque controverse). Et le populisme prospère grâce à la désintermédiation des discours permise par les réseaux sociaux.
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InMedioThresh

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