L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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Fanetys
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L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Fanetys »

3 jours après le drame, je me lance enfin. Je n’ai pas l’aisance de beaucoup d’entre vous pour l’écriture et l’expression de ma pensée, soyez indulgents avec mes maladresses.

Je suis prof de maths en collège, à une douzaine de km du collège de Conflans-Sainte-Honorine où un enseignant a été sauvagement assassiné. Depuis, les infos tournent en boucle, les rassemblements et les témoignages se multiplient, les experts et les politiques parlent, parlent, parlent…
Je vous épargne toutes mes émotions. Je voudrais surtout m’interroger, et vous interroger, sur la mission de l’école, et sur les moyens d’accomplir cette mission.
Cela fait trente ans (eh oui ! :clin: ) que je suis prof dans le même collège plutôt tranquille de banlieue. Population mixte, loin de la typologie des « territoires perdus de la République ». Depuis quelques années, nous sentons un glissement… Ceux qui refusaient la minute de silence pour Charlie, ceux qui disaient à voix haute leur scepticisme quant à l’évolution… des parents qui remettent en cause l’intégrité de l’enseignant… Le communautarisme s’installe doucement… Cela concerne une minorité mais c’est nouveau pour moi.
Ensuite, il y a les enseignants. Ceux qui, comme moi, n’ont pas l’option délicatesse :huhu: , et rentrent dans le lard de tout élève qui confond foi et vérité (« tu me parles de religion, tu es dans le domaine de la croyance, ça c’est ta vie privée, moi, je te parle de science ! »). Ceux qui sont plus consensuels, qui pensent que ce n’est pas en heurtant les sensibilités que l’on pourra faire évoluer les mentalités. Ceux qui ont peur, peur des plaintes des parents, peur de ne pas être soutenus, et maintenant peur pour leur vie et celle de leurs proches. Et puis, il y a l’Institution, qui nous soutient en apparence, du bout des lèvres, prête à dire que nous avons été maladroits, et surtout adepte du « pas de vague », et ce, depuis bien longtemps.

Cet assassinat nous rappelle notre mission : nous transmettons des connaissances, mais nous devons former aussi, autant que faire se peut, des citoyens éclairés. Le premier réflexe, me semble-t-il, c’est de dire qu’il faut les aider à réfléchir. Cela paraît une évidence, mais sous quelle forme ? Soyons clairs, certains gamins sont totalement hermétiques à nos arguments, tous ne sont pas aptes à interroger les discours entendus à la maison.

Pour donner un exemple moins terrible, dans une classe de 4eme, j’ai eu droit en 5 min, à propos du covid, à :
- je ne peux pas être porteur puisque j’ai été testé négatif il y a 15 jours
- de toutes façons, Raoult a trouvé le traitement efficace
- et puis ce virus n’est pas grave, et ça ne sert à rien de porter le masque. La preuve : Trump ne portait pas de masque, il est vieux et pourtant il est guéri !

Je peux répondre à ces contre-vérités sans difficultés, je n’ai pas besoin de prendre de précautions oratoires, ni de laisser entendre que toutes les opinions se valent…
Pourquoi affirmer que la liberté d’expression est une valeur de la République non négociable ne peut pas se faire aussi simplement ?
Sur les forums professionnels, je lis mes collègues qui s’interrogent « comment en parler avec nos élèves quand nous les reverrons ? » (et certains voudraient bien se mettre la tête dans le sable pour ne pas avoir à affronter cette épreuve :roll: ).
Je suis prof de maths, je ne ferai pas un cours d’éducation civique, je n’en ai pas les compétences, mais à la rentrée, quelles que soient les consignes de l’Institution, j’affirmerai haut et fort que cet assassinat ne peut pas avoir de circonstances atténuantes (parce que j’entends déjà les « oui mais quand même, pourquoi il a montré le prophète nu ? Ca s’fait pas M’dame »). Je parlerai de lâcheté, de bêtise, de manipulation. Je dirai que ces gens font honte à la religion qu’ils disent défendre (« c’est dur d’être aimé par des cons »). Comme je l’affirmerai en mode bulldozer, je ne pense pas qu’ils moufteront en face  :devil:
Ai-je tort ? Je ne peux pas m’empêcher de penser que lorsque nous tenons un discours mesuré, tolérant, respectueux, les extrémistes de tout poil n’y voient que de la mollesse et de la peur. Cela fait des années que nous traitons ces sujets avec délicatesse, pour quels résultats ? Comment mes élèves pourraient-ils comprendre que ce qui s’est passé est inadmissible, point barre, si je ne m’exprime qu’avec des mots choisis et en douceur ? Montrer mon dégoût, mon mépris, ma révolte ne sera-t-il pas plus marquant pour eux ?
Le maire de Conflans, à la télé, parlait de dialogue… faut-il vraiment encore dialoguer ou affirmer la loi sans laisser à l’autre le droit de contester, de négocier, de se contorsionner pour passer entre les mailles ? Dans cette société où seuls se font entendre ceux qui crient le plus fort, comment puis-je passer le message à mes élèves ?
Vous le comprenez, il y a encore beaucoup d’émotions chez moi, désolée si vous trouvez que tout cela manque de profondeur. Ma question est pourtant bien réelle : certains d’entre vous sont profs, d’autres parents, et vous êtes tous citoyens, comment pensez-vous que l’école puisse agir pour lutter contre les extrémismes (et aussi, tant qu’à faire, contre le complotisme, le platisme, etc.) ?
L’école ne peut rien toute seule, il faut bien sûr traiter les problèmes économiques et sociaux qui sont le terreau de toute cette violence, mais tout de même, l’éducation n’est-elle pas le meilleur rempart contre l’obscurantisme ? Faire de l’école un sanctuaire inattaquable, pour qu’elle puisse accomplir sa mission sereinement, serait-ce choquant ? Je sais que pas mal de HP ont eu une expérience assez moyenne avec leur scolarité, s’y sont parfois senti brimés, mal accompagnés… Mais l’école peut-elle se remettre perpétuellement en cause (oh, si ! elle se remet en cause… pas toujours de façon constructive cela dit… ) et rester forte ?
Je suis perdue je crois, parce que ma vision est celle d’une quinqua passionnée par son métier de service public, et que les jeunes enseignants me semblent peu nombreux à s’interroger sur leur rôle dans l’EN, se contentant de « fonctionner » au jour le jour. Ou peut-être est-ce simplement ainsi dans mon établissement ?
Oserai-je dire, sans aucune critique, que j’ai été surprise que personne ici ne s’empare de ce sujet, qui n’est pas un simple fait divers ? Toujours impressionnée par la tenue des propos sur ce forum, je m’interroge : sujet « trop chaud » pour inciter à une vraie réflexion ? Laïcité déjà traitée (j’ai trouvé un vieux topic, mais plus axé sur le voile) donc impression de doublon ? Pas envie de parler de quelque chose d’aussi violent ? Ou bien pensez-vous que cela n’est rien qu’un crime de plus perpétré par un fou agissant seul ?

Voilà, j’ai besoin de vos lumières pour prendre un peu de recul sur un sujet qui me prend aux tripes  :)
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Troglodyte-mimi
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Troglodyte-mimi »

Merci, Fanetys de la confiance que tu nous fais en exposant ici ton malaise et ton questionnement. Personnellement, si je n’ai pas lancé de débat sur ce sujet c’est que je n’ai pas les mots, je ne sais ni quoi en dire ni quoi en penser trop prise dans l’émotion, le choc, la peur, la révolte, etc. Enfin bref une espèce de magma impossible à exprimer clairement… Je ne suis pas forcément quelqu’un qui « rentre dedans » je déteste les conflits, mais je pense qu’il est nécessaire de réagir et de dire et sans pouvoir le faire moi-même au-delà de mes enfants à qui évidemment j’explique ma vision des choses et le côté inadmissible de ce type d’actes, j’admire ceux qui y parviennent et j’avoue je me sens un peu lâche de ne pas moi réussir à le faire.

Oui, je crois que l’école doit pouvoir parler de tout (dans la limite de la loi évidemment) et aider les enfants à apprendre à raisonner et se forger leur propre opinion, je soutiens tout professeur qui va dans ce sens (même si parfois je peux ne pas être d’accord avec la manière dont ils l’ont fait : clin :) à mon niveau vis-à-vis de mes enfants. Si je ne suis pas d’accord, je dis à mes enfants : tu vois, maman n’est pas d’accord avec tel point, pour telle ou telle raison, mais tu n’es pas maman et donc tu te feras ta propre idée. Même si mon ainé n’a que 6 ans il me semble juste de procéder ainsi.

Mais ce que tu soulèves Fanetys est compliqué, c’est que ce travail n’est possible qu’avec des enfants déjà ouverts ou en tous les cas un minimum, face à des fanatiques… que faire ? Comment lutter contre des gens pour qui la mort même n’est rien, qui ne recule devant rien, n’ont aucun respect pour rien je ne sais pas.
En tous les cas sache que si je n’ai pas écrit avant ce n’est pas par désintérêt, mais simplement parce que comme tu peux le voir je n’ai pas d’argument, je suis arrivée au fond du non-sens et de la bêtise humaine et je ne sais pas du tout ce que nous pourrions y faire si ce n’est tenter d’intervenir si jamais j’étais témoin d’une attaque, mais même cela je ne sais pas si j’en aurais la possibilité ou si la peur me tétaniserait…
Voilà c’est un long texte pour te dire en fait je sais pas : blond :

PS Désolée pour le côté peut-être un peu trop personnel, mais je ne voyais pas comment l’exprimer autrement…

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Fanetys
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Fanetys »

Merci [mention]Troglodyte-mimi[/mention] , tes mots me touchent vraiment (les larmes aux yeux, moi, allons donc ! ;) )
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PointBlanc
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par PointBlanc »

Je t'avoue que je m'interroge un peu, moi aussi, sur ce que je pourrai bien leur raconter lundi 2 novembre.
Pas grand chose au fond, je pense, et pourtant je passe le premier, en tout cas pour deux de mes classes.
D'abord parce que je ne crois pas qu'il y ait mille choses à dire : il y a simplement à rappeler la loi, qui n'a pas à faire l'objet de débats, en tout cas pas dans le cadre d'un cours au collège, parce que c'est la loi, justement (et qu'il faudrait à un moment accepter l'idée que la loi existe comme elle est : on peut interroger ce qui la motive, mais il est complètement illusoire de se sentir le droit de la remettre en cause, comme ça, à douze ou treize ans, dans sa petite salle de classe au milieu de ses potes).
Ensuite parce qu'il est assez clair que la loi en question n'interdit nullement de désapprouver ce que l'autre exprime en usant de son droit à l'exprimer - au point que l'on se sent tenu, à son tour, de lui exprimer sa désapprobation. Je désapprouve personnellement ces caricatures, tout comme je désapprouve l'anticléricalisme bêlant de façon générale, et pourtant je suis brutalement matérialiste (et je ne m'en cache pas en cours, même si j'ajoute que je n'interdis à personne de croire ce qu'il veut, dans le cadre fixé par la loi).
Enfin parce que dénoncer surtout, dans ce crime, une atteinte à la liberté d'expression, me paraît réducteur : j'y vois plutôt l'effet d'un abrutissement plus général et plus pernicieux, qui dépasse largement le cadre des questions religieuses, et où les réseaux sociaux ont une responsabilité écrasante. Parce que s'il y a bien une espace qui fragilise à longueur de temps les contours pourtant nets de cette liberté (parmi toutes les choses qui s'en trouvent fragilisées), c'est bien celui-là.
Vous qui vivez qu'avez-vous fait de ces fortunes ?

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Petite Plume
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Petite Plume »

Je comprends tout à fait que le sujet te prenne aux tripes ainsi.
Je t'avoue que quand j'ai découvert l'actualité samedi au petit matin, ma première pensée a été surtout égoïste : J'ai de la famille là bas.... J'ai d'abord pensé à ma famille. Bon il se trouve que ce n'est pas leur établissement, mais un voisin.

Mais, pour répondre à une de tes dernières questions, j'ai rangé cela dans les "faits divers" sordides, mais un de plus malheureusement....

Comment répondre ?
Déjà, c'est aussi une question de caractère. Mais j'ai peur de l'escalade de la violence entre les différentes communautés et de faire le terreaux d'autres extrêmistes...
Un des problèmes majeurs ce sont les canaux de communication. De nos jours, on peut rester dans notre "communauté" (de complotistes, platistes, ou radicalistes). Je rejoins pleinement le commentaire sur le rôle des réseaux sociaux.
Alors effectivement, pour moi la meilleure arme contre le communautarisme, cela reste l'école, mais à condition d'y mettre les moyens. Ce n'est pas qu'un question de coup d'éclat à lancer des coups de filets dans les milieux concernés pour répondre ponctuellement. C'est un travail de fond pour permettre à chaque enfant, depuis le plus jeune âge, à apprendre à raisonner, à développer sa penser critique, aborder la question de zététique.
Quand je vois dans le pays voisin que dans les petites classes ils sont à 15-20, puis encore moins dans les équivalents collèges/lycée (une amie à ma fille, ils sont 8 dans un établissement public). Je me dis si eux ils le font, pourquoi nous on y arrive pas ?

Je ne t'aide pas vraiment dans ta réflexion, mais je comprends ton questionnement...

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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Fanetys »

PointBlanc a écrit : j'y vois plutôt l'effet d'un abrutissement plus général et plus pernicieux, qui dépasse largement le cadre des questions religieuses, et où les réseaux sociaux ont une responsabilité écrasante. Parce que s'il y a bien une espace qui fragilise à longueur de temps les contours pourtant nets de cette liberté (parmi toutes les choses qui s'en trouvent fragilisées), c'est bien celui-là.
Je suis parfaitement d'accord avec toi, l'un n'empêchant pas l'autre.
Petite Plume a écrit : lun. 19 oct. 2020 14:29 C'est un travail de fond pour permettre à chaque enfant, depuis le plus jeune âge, à apprendre à raisonner, à développer sa penser critique, aborder la question de zététique.
Quand je vois dans le pays voisin que dans les petites classes ils sont à 15-20, puis encore moins dans les équivalents collèges/lycée (une amie à ma fille, ils sont 8 dans un établissement public). Je me dis si eux ils le font, pourquoi nous on y arrive pas ?
Des professeurs des écoles font des ateliers philo avec leurs primaires, je trouve ça chouette si c'est bien mené. Le débat fait partie du programme d'enseignement moral et civique du collège mais j'imagine que cela doit être bien difficile d'aborder certains sujets dans certains établissements, et ça, ça me révolte. Je ne suis pas sûre que l'Education Nationale aille bien au-delà des effets d'annonce, mais je l'espère tout de même. Le chantier est de taille...

Merci à vous deux pour ces réponses, j'engrange, j'engrange...
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y a-t-il un moyen simple de citer plusieurs messages sans taper soi-même les balises ?
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Pascalita
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Pascalita »

Hors-sujet
Lorsque tu as ouvert ta fenêtre de réponse (avec l'éditeur complet), tu descends dans les messages précédents et tu sélectionnes le passage que tu veux citer puis tu cliques sur les guillemets. Le passage en question s'affiche avec toutes les balises nécessaires dans ta fenêtre de réponse. Ensuite tu tapes ton texte.
Il faut juste faire attention à l'endroit où se trouve le curseur quand tu vas sélectionner le passage à citer, il m'arrive régulièrement de me retrouver avec la citation au milieu de ce que j'avais déjà écrit...

Ai-je bien compris ta question ? :)

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Fanetys
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Fanetys »

Hors-sujet
Pascalita a écrit : lun. 19 oct. 2020 16:16 Ai-je bien compris ta question ? :)
Parfaitement, merci
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Holi »

Difficile de te répondre et difficile d'aborder ce sujet.
D'abord parce que c'est un sujet complexe, il y est question en vrac : d'éducation, de liberté d'expression, de communautarisme, de capacité de réflexion, d'école, de capacité de communication, de liberté, de religion (même si elle est dévoyée), de courage, de respect, d'évolution et de choix de société et sans doute d'autres choses encore.
Il faudrait revenir sur le rôle de l'école, qu'attentons nous de l'école ? Que peut faire l'école ? Quelles sont ses limites aujourd'hui ?
Et puis l'obscurantisme. Pourquoi ? comment ?
Je ne me sens donc pas de pouvoir te répondre vraiment.
Par contre je peux dire combien j'ai été horrifiée de cet assassinat, combien je me sens impuissante face à de tels actes et de tels individus. Je ne peux qu'enfouir cette nouvelle horreur parce que je ne sais pas quoi faire d'autre et que ça m'atteint trop fort. Il n'y a aucune justification possible pour une telle barbarie.
Je ne comprends pas comment on a pu embrigadé à ce point un gamin de 18 ans pour qu'il commette un acte pareil. Je ne comprends pas comment une soit disant religion, qui n'est qu'une excuse à des revendications communautaristes et à des violences inouïes a pu petit à petit prendre autant d'ampleur et de force.
Je ne comprends pas !
Je ne suis pas prof, mais j'ai des copains profs qui disent leur impuissance, leur découragement, leurs difficultés devant ces enfants qui ne savent et ne veulent pas réfléchir, qui sont formatés dans une idéologie abêtissante, limitante et intraitable. Tout ce qui n'entre pas dans le strict cadre de leurs convictions et rejeté.
Alors l'école, rempart contre l'obscurantisme ? Oui bien sur parce que ça reste un lieu où l'on dispense le savoir, enfin j'espère. De façon générale ce sont le savoir, la culture, l'apprentissage de la réflexion et du langage qui peuvent encore lutter contre l'ignorance et l'obscurantisme. Mais encore faut il que cet enseignement ne se heurte pas au contre pouvoir de la famille, du clan, de "la religion", des traditions etc...
Heureusement qu'il y a encore dans le service public des enseignants comme toi qui s'engage vis à vis des enfants, qui souhaitent former des citoyens éclairés et respectueux et qui osent. Mais à quel prix ? celui payé récemment et juste révoltant, je suis écœurée de vivre dans une société qui produit ça ! C'est tellement injuste et absurde !
Donc je ne suis pas prof et je n'ai pas à me poser la question de savoir comment aborder ce sujet à la rentrée, mais j'aimerais que les enseignants de mon fils en parle, avec sincérité et courage, avec émotion et lucidité, et qu'ils rappellent que nous vivons dans une république laïque ou la liberté d'expression est un droit et où le meurtre est un crime. Que la religion, la vraie, est une affaire privée que l'on porte dans sa tête et dans son cœur, pas sur la place publique et pas une arme à la main pour éliminer quelqu'un qui ne pense pas comme toi. Pas en France en tout cas ! Et que de telles horreurs ne sont absolument pas acceptables, c'est juste de la barbarie inqualifiable et que nous continuerons j'espère à être révoltés quand ça se produit.
ça n'est peut être pas la réponse que tu attendais, mais à chaud et ici, c'est trop complexe, je ne sais pas mieux faire.
À force de penser à ce que les autres pensent de nous, on en oublie de se penser soi-même.
Christophe André

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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Petite Plume »

J'ai cité la zététique car justement en primaire, j'ai eu une fois un témoignage où l'instituteur avait fait une introduction à la zététique et à l'esprit critique.
Que les élèves ne devaient pas croire absolument tout ce qu'on leur racontait, mais chercher à vérifier leur source.
Je pense qu'aussi une formation sur le biais journalistique à vouloir non pas informer, mais faire du sensationnalisme parce que cela fait vendre. Et aussi, un point sur la différence de causalité et de corrélation.

Bref, tout ce qui peut sensibiliser les enfants à relativiser un titre "putaclic" , et à développer le réflexe de l'esprit critique et à les protéger un peu d'un endoctrinement, quel qu'il soit.
Et pour moi effectivement, il serait opportun que ce soit fait dans le cadre scolaire.

Bref, je ne sais pas pourquoi, mais on attend bien longtemps en France je trouve pour les former à réfléchir par eux-mêmes et à argumenter. Au collège, on demande essentiellement (dans le système francais) d'apprendre par coeur, de prendre comme parole d'évangile l'enseignement reçu. Et au lycée, quand il y a enfin de la réflexion qui arrive, malheureusement je pense qu'il est trop tard pour ceux qui ont évolué dans des environnements toxiques...

Je suis désolée, je dévie sur une critique du système scolaire. Mais je donne quand même mon opinion sur : Oui, l'école doit être un rempart contre l'obscurantisme, au même titre que l'école doit permettre à tout un chacun de recevoir une éducation, il doit aussi former des esprits à réfléchir, et non pas seulement à ingurgiter du savoir.


Et je rajoute car je n'avais pas vu le message d'Holi : les mots justes et touchants. C'est tout à fait cela !

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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Fanetys »

Tes incompréhensions sont aussi les miennes, [mention]Holi[/mention]
Merci pour ton message, il me conforte dans ma vision de la mission d'enseignant et c'est bien utile par les temps qui courent...
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Fanetys »

Petite Plume a écrit : lun. 19 oct. 2020 17:00 on attend bien longtemps en France je trouve pour les former à réfléchir par eux-mêmes et à argumenter. Au collège, on demande essentiellement (dans le système francais) d'apprendre par coeur, de prendre comme parole d'évangile l'enseignement reçu. Et au lycée, quand il y a enfin de la réflexion qui arrive, malheureusement je pense qu'il est trop tard pour ceux qui ont évolué dans des environnements toxiques...

Je suis désolée, je dévie sur une critique du système scolaire.
Tu peux dévier, je m'attendais à lire cela, d'où ma remarque sur la vision de l'école par les HP. J'ai la chance de faire partie de ceux qui ont bien vécu leur scolarité, c'est peut-être pour ça que je suis toujours à l'école :huhu: mais j'entends les critiques, et j'en partage certaines...
Je ne crois pas quand même que la scolarité au collège demande essentiellement du par cœur, mais n'oublions pas que pour comprendre de nouvelles notions, il faut pouvoir faire le lien avec ce que l'on a déjà en magasin. D'où l'apprentissage un peu systématique de certaines bases. Les élèves les plus futés s'imprègnent de tout sans avoir besoin de par cœur, mais nous avons des gamins qui ont beaucoup, beaucoup de mal, non seulement avec les maths ou l'anglais, mais aussi tout simplement avec le "bon sens" de tous les jours. Je suis parfois stupéfaite par la vision parcellaire qu'ont certains de la réalité. Et leur manque de "culture" (il y a quelques jours, merci les nouvelles technologies, j'ai affiché au TNI des images de libellule parce que certains 4e ne savaient pas du tout de quoi il s'agissait... je veux dire : même pas que c'était un animal ). Alors la zététique, les biais, la différence causalité et corrélation, c'est pas simple ! ;) Quand, en 5e, nous découvrons que si le nombre de vols à l'arraché de leur petite ville passe de 1 à 2, on pourrait dire que la criminalité a augmenté de 100%, ou a doublé, ou simplement qu'il y a eu un acte répréhensible de plus que l'année d'avant, et que cela ne servira pas le même type de discours, c'est parfois trop subtil pour certains... Alors les faire réfléchir sur la laïcité... D'où la tentation d'asséner avec autorité plutôt que d'expliquer encore et encore... Finalement, j'imagine que je ferai les deux, comme d'hab... :)
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Troglodyte-mimi »

Bonsoir,

Ils me semble que ce lien pourrait apporter une petite pierre à la réflexion de chacun :

https://theconversation.com/lettre-aux- ... que-148315

voici le résumé porté dans la lettre d'information du journal (je ne saurais faire mieux...) :

L’horrible assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie qui avait montré à ses élèves des caricatures de Mahomet dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression, nous rappelle l’ampleur de la mission qui incombe aux enseignants. En apprenant aux élèves à débattre et accepter la contradiction pour se forger leurs propres opinions, ils sont les premiers ambassadeurs et défenseurs des valeurs de la République. C’est ce que nous rappelle l’analyse de Charles Hadji (Université Grenoble-Alpes).

Troglo

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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Fanetys »

Merci beaucoup, je vais lire à tête reposée. J'ai juste fait défiler, et j'ai cueilli la dernière phrase : "Car si, comme l’écrivait Alain, « le printemps a toujours le même hiver à vaincre », la dureté de l’hiver n’est pas de taille à empêcher le printemps d’advenir."
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arizona
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par arizona »

Bonjour Fanetys, et dans la foulée, bonjour à tous les profs, qui doivent tous les jours non seulement donner leur cours, mais aussi donner un cours de politesse, et de savoir vivre, de français alors qu'ils enseignement les maths, de philo alors qu'ils enseignent les sciences, etc.

Je pense que la France, plus que tout autre pays occidental, met la laïcité en avant. Plus que nous la Belgique, certainement plus que les Etats-Unis, par exemple, où personne ne fait rien avant de faire un petite prière commune, que ce soit la star de rock, ou l'activiste féminine, ou l'homme politique. Ou personne ne clôture un discours sans dire : God Bless You.
Le problème ( un des problèmes, je suppose que ce n'est pas le seul) je pense, c'est que justement, la France impose la laïcité.
Mais la laïcité, c'est quoi ? C'est de permettre à chacun de vivre sa conviction religieuse, de telle façon qu'elle ne perturbe pas l'ordre public.
C'est aussi la garantie que chacun puisse vivre sa conviction religieuse, tant qu'elle ne perturbe pas l'ordre public.

Ce que je veux dire : c'est que la laicité, qui était au départ le droit à chacun de pouvoir être libre de croire, ou de ne pas croire, est devenu aujourd'hui l'obligation de ne pas croire. Ou alors peut-être mais du bout des doigts, et seulement le dimanche. Et certainement pas si tu es basané. Ou alors, tu peux croire, mais que personne ne le sache.

Est-ce que cela est juste ? Et dans l'esprit réellement de ce que devrait être la laicité ? Je ne le pense pas. J'ai l'impression qu'il y a eu un glissement, entre : nous avons le droit de ne pas croire, nous avons le droit de croire en ce que nous voulons, l'état n'a pas de croyance, et : le citoyen n'a pas de croyance.

La laïcité devrait être un ensemble de lois qui organise la coexistence de TOUS en garantissant la liberté de CHACUN, sous la protection d'un état NEUTRE.
Est-ce cela la réalité ? Je ne pense pas.

Je suis bien certaine que cela n'est pas le seul problème. Il y en a beaucoup d'autres. Mais celui-ci me semble être le nôtre tout particulièrement.

La laïcité est elle-même devenue une croyance.
( Je précise de nouveau : ce n'est qu'une piste parmi d'autres ).

A tous ceux qui ont la charge d'âmes, comme on disait, bon courage !
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Fanetys »

arizona a écrit : lun. 19 oct. 2020 19:53 la laicité, qui était au départ le droit à chacun de pouvoir être libre de croire, ou de ne pas croire, est devenu aujourd'hui l'obligation de ne pas croire. Ou alors peut-être mais du bout des doigts, et seulement le dimanche. Et certainement pas si tu es basané. Ou alors, tu peux croire, mais que personne ne le sache.
Merci pour ta participation [mention]arizona[/mention] . Tu penses vraiment ce que j'ai relevé ci-dessus ? (c'est une question sincère, je ne cherche absolument pas à polémiquer). Là où j'habite, il y a une mosquée ou une salle de prière dans chaque ville (et en région parisienne, toutes les villes se touchent). Les vendredis après-midi, je croise parfois le défilé d'hommes en djellaba se rendant à la prière (les femmes doivent s'y rendre aussi, mais je n'ai pas eu l'occasion de les voir...). Je n'ai pas l'impression qu'ils rasent les murs... Il y a aussi quelques synagogues, mais moins, et divers autres lieux de culte en plus des églises (temples protestants, évangélistes, etc.) Que les musulmans, parce qu'il s'agit d'eux, ne soient pas toujours regardés avec bienveillance, c'est sûr, surtout si leur tenue vestimentaire les singularise, mais je ne suis pas sûre que ce soit nécessairement, ou uniquement, leur croyance qui est en cause...
Tu parles de la Belgique : est-ce que tu penses qu'il n'y a pas les mêmes difficultés à l'école ? moins de stigmatisation ?
Ton témoignage me surprend mais m'intéresse :) ...
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Fanetys »

Un texte sans concession de la philosophe Catherine Kintzler : https://www.mezetulle.fr/a-la-memoire-d ... rofesseur/

extrait : Si l’école est laïque, ce n’est pas seulement comme institution et parce qu’elle est un organe du dispositif républicain, c’est aussi parce qu’elle tire (ou devrait tirer) son autorité de la constitution des savoirs, laquelle échappe à toute transcendance, à toute imposition d’une parole ou d’un livre unique, et ne peut se construire qu’avec des esprits en dialogue. Voilà ce que tout professeur est chargé de travailler et de défendre, non pas dans la célébration d’un « vivre-ensemble » incantatoire et abstrait, mais avec et par le segment du savoir qu’il maîtrise et qu’on n’ose plus appeler « discipline ».
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par arizona »

Ce que j'ai vraiment voulu dire dans mon message, était la dernière phrase, à savoir : la laicité est devenue une croyance.
Or si elle est une croyance, elle ne vaut pas mieux qu'une religion.

La laicité devrait juste être le pouvoir qui permet à chacun d'être/de penser/de croire qui/ce qu' il veut. Je pense qu'aujourd'hui la laicité s'impose. Elle n'est pas synonyme de liberté, mais de croyance. Elle n'est pas synonyme de liberté, mais de loi.

Je ne veux pas polémiquer non plus, j'ai juste donné mon avis, qui possiblement peut être une piste à tes reflexions.

Je cherche aussi à savoir pourquoi ceux qui sont d'une autre couleur, sont qui sont d'une autre religion ne se sentent pas accepté. Je pense que rien n'est fait pour accepter l'autre. Nul part. Jamais. Les noirs aux Etats-Unis ne sont toujours pas chez eux. Et pourtant, ça fait quelques années qu'ils sont là.
C'est tellement facile de penser que l'on fait ce qu'il faut pour accepter l'autre, que l'on fait tout bien, et l'autre tout mal. ( Attention, je ne dis PAS que tu fais cela, et en aucune façon, que ce que nous pouvons faire mal justifie la violence de l'autre, c'est juste une possible/parmi les mutiples réponse à ta question ).

Tu vois, ta phrase est ambiguë : Que les musulmans, parce qu'il s'agit d'eux, ne soient pas toujours regardés avec bienveillance, c'est sûr, surtout si leur tenue vestimentaire les singularise, mais je ne suis pas sûre que ce soit nécessairement, ou uniquement, leur croyance qui est en cause... (désolée, je n'ai plus trouver comment faire un quote )

Alors : surtout si leur tenue vestimentaire les singularise ? Justement, c'est ça. Si on voit passer 5 nonnes, on va se dire : elles sont mignonnes. Ah, le passé . Oh, elles sont propres. On voit 5 musulmans passer, on pense quoi ? Certainement pas ça. On a un peu peur quand même.
Je ne suis pas sûre que ce soit nécessairement, ou uniquement leur croyance qui est en cause : que veux tu dire exactement ? Qu'est ce qui est en cause ? et pourquoi ?
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Holi »

arizona a écrit : lun. 19 oct. 2020 19:53 Ce que je veux dire : c'est que la laicité, qui était au départ le droit à chacun de pouvoir être libre de croire, ou de ne pas croire, est devenu aujourd'hui l'obligation de ne pas croire. Ou alors peut-être mais du bout des doigts, et seulement le dimanche. Et certainement pas si tu es basané. Ou alors, tu peux croire, mais que personne ne le sache.
arizona a écrit : lun. 19 oct. 2020 21:33 La laicité devrait juste être le pouvoir qui permet à chacun d'être/de penser/de croire qui/ce qu' il veut. Je pense qu'aujourd'hui la laicité s'impose. Elle n'est pas synonyme de liberté, mais de croyance. Elle n'est pas synonyme de liberté, mais de loi.
Je ne pense pas que la laïcité s'impose au sens ou tu le dis. Je ne ressens pas cette obligation de ne pas croire. Par contre quand un certain nombre d'actes ou de prise de position, contraires aux lois de la république se réclament d'une religion il me semble bon de rappeler ce qu'est la laïcité.

La laïcité garantit la liberté de conscience. De celle-ci découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l'ordre public. La laïcité implique la neutralité de l'Etat et impose l'égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction.
La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs croyances ou convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir. Elle garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contraint au respect de dogmes ou prescriptions religieuses.
https://www.gouvernement.fr/qu-est-ce-que-la-laicite

Quand des fanatiques commettent des atrocités au nom d'une religion et pratiquent le prosélytisme, quand ces mêmes fanatiques fustigent les règles de vie d'un pays et sèment le désordre, quand un professeur ne parvient plus à faire son métier sans trembler, quand des journalistes doivent être protégés H24, il me semble bon de rappeler que nous vivons dans un pays laïque ou la loi est celle de l'état.
Chacun est donc libre de croire, ou de ne pas croire, de vivre dans sa foi ou dans le plus parfait athéisme, mais en aucun cas son choix ne doit troubler l'ordre public, ni s'imposer à la communauté.
arizona a écrit : lun. 19 oct. 2020 21:33 Je cherche aussi à savoir pourquoi ceux qui sont d'une autre couleur, sont qui sont d'une autre religion ne se sentent pas accepté. Je pense que rien n'est fait pour accepter l'autre. Nul part. Jamais. Les noirs aux Etats-Unis ne sont toujours pas chez eux. Et pourtant, ça fait quelques années qu'ils sont là.
Je ne pense pas que l'on puisse mettre ces deux situations en parallèle. c'est un raccourci un peu trop raccourci non ?
arizona a écrit : lun. 19 oct. 2020 21:33 Tu vois, ta phrase est ambiguë : Que les musulmans, parce qu'il s'agit d'eux, ne soient pas toujours regardés avec bienveillance, c'est sûr, surtout si leur tenue vestimentaire les singularise, mais je ne suis pas sûre que ce soit nécessairement, ou uniquement, leur croyance qui est en cause... (désolée, je n'ai plus trouver comment faire un quote )

Alors : surtout si leur tenue vestimentaire les singularise ? Justement, c'est ça. Si on voit passer 5 nonnes, on va se dire : elles sont mignonnes. Ah, le passé . Oh, elles sont propres. On voit 5 musulmans passer, on pense quoi ? Certainement pas ça. On a un peu peur quand même.
Je ne suis pas sûre que ce soit nécessairement, ou uniquement leur croyance qui est en cause : que veux tu dire exactement ? Qu'est ce qui est en cause ? et pourquoi ?
Je ne peux répondre à la place de [mention]Fanetys[/mention] mais je comprends sa phrase. Il doit être bien difficile en ce moment d'être musulman, parce que les raccourcis (justement) et les amalgames sont rapidement faits. Bien sur que le regard porté sur ces signes extérieurs d'appartenance à cette religion n'est pas bienveillant, comment pourrait il l'être dans la situation actuelle ? Et ça n'est pas leur religion qui est en cause mais l'usage que certains en font, ça n'est pas d'être musulman qui pose un problème mais que l'islam soit la cause, le prétexte, la raison invoquée.
À force de penser à ce que les autres pensent de nous, on en oublie de se penser soi-même.
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Fanetys »

Je crois qu'ici, certains regardent différemment un homme en djellabah, ou une femme voilée, parce qu'ils y ressentent comme une revendication qui dérange, mais plus de l'ordre du communautarisme que de l'islamisme. Comme un refus de s'intégrer, un rejet de la société française. Je ne suis pas sûre que des nonnes ne susciteraient pas les mêmes réactions, mais pas de peur, c'est vrai. La peur, ce peut être en raison d'un raccourci (que je ne partage pas, hein !) "arabe = habitant des cités = délinquant", pas nécessairement parce qu'on les imagine terroristes (même si les terroristes ont souvent un passé de petits délinquants). La religion est remise en cause essentiellement quand on parle de la vision de la femme, pas particulièrement sur les autres aspects (sauf ces jours-ci...)
Je n'ai pas peur quand je me balade en ville, je n'ai pas peur face à mes anciens élèves qui traînent autour du collège, ni face à leurs parents. Si on me demande combien j'ai d'élèves issus de l'immigration dans ma classe, il va vraiment falloir que je réfléchisse, parce que je ne fais pas très attention à leur couleur de peau. Par contre, aujourd'hui, je réfléchissais à un message que je voulais afficher sur ma voiture, et là, la peur s'est invitée : le slogan que je choisirai le sera avec soin, et pas trop provocateur (je ne vais pas afficher une caricature de Charlie par ex). C'est la première fois que je m'auto-censure ainsi.
Bon, je crois que nous sommes un peu loin du sujet initial. Ta vision de la laïcité qui ne serait plus une liberté mais un carcan m'interpelle. Je ne la partage pas, mais cela peut m'aider à appréhender ce que d'autres peuvent penser. Merci.

PS : message croisé avec celui de Holi
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arizona
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lors certains

Message par arizona »

La laicité, c'était juste une piste. En voici une autre :

Ce truc de l'intégration, nous le vivons tous les jours dans notre pays. Nous vivons dans un pays très compliqué, parce qu'il imbrique un gouvernement fédéral, ( donc au niveau du pays censé être neutre ), avec des gouvernements régionaux, et des gouvernements linguistiques. Donc tu peux vivre dans une région X, appartenant à la communauté linguistique Y. Es-tu un X, ou un Y ? Et ceci est une vraie question, des gens la vivent tous les jours.

Alors, en tant qu'entité fédérale, faut-il laisser faire ? Réponse : oui, on laisse faire. Conclusion ? Ben... ça se vit mal, et de plus en plus mal, et notre pays est vraiment à la dérive. Je ne parle pas ici de musulmans, ni de gens d'une autre couleur de peau. Je parle juste de gens tous blancs, tous catholiques. Tous les mêmes, soit disant.
Fanetys a écrit : lun. 19 oct. 2020 22:35 Comme un refus de s'intégrer, un rejet de la société française.
Rien à voir avec ce que je viens de quote. je vous livre ici une petite perle, une parole du président d'un parti belge : Ils devront se mettre à genoux, ouvrir la bouche, et avaler tout ce qu'il faudra. ( Bart de Wever ), en parlant d'un autre parti politique belge.

Personnellement, je trouve ça très violent comme façon de s'exprimer. Très.

Laisser la place aux autres, accepter les communautés.

Je saisi très bien qu'il est dur d'accepter que des gens tuent dans nos pays au nom d'une religion. Nous l'avons vécu aussi en Belgique, dans le métro, à l'aéroport. Mais... nous faisons pareil dans d'autres pays, au nom de je ne sais quoi.

Dans ma tête, tout se mélange.
Le dégout de notre société, que bien d'entre nous connaissent. Comment peut-on, en toute conscience, cautionner le monde dans lequel nous vivons ?
Qu'a-t-il de moral, de beau, est-il vraiment un modèle ? Sérieusement ?

Alors certains, exclus de notre système, exclus de nos communautés, se manifestent comme cette personne qui a tué un prof. D'autres, sont parties en Syrie, par exemple. D'autres, se sont saisies d'un fusil et ont tué leur camarades d'école, comme aux états unis. Que se passe-t-il en Suède, en Norvège ? Qu'en est-il de tous ceux qui pensent que violer une femme, c'est juste un truc normal ? Qu'en est-il de ceux qui jugent un homme pour viol sur un bébé, oui, un bébé, et la sentence est d'un an de prison ? D'autres encore, expriment leur haine sur les réseaux sociaux, et sous couvert d'anonymat, poussent des gens à se suicider.

Alors, est-ce que j'ai peur de celui qui un jour va sortir son couteau et tuer un prof ? Non.
J'ai peur de tous les autres. De ceux qui vont voter pour le Bart de Wever dont je parlais plus haut.

Il y a moins d'1% des musulmans qui est comme ce tueur. ( et déjà, la communauté musulmane n'est pas si nombreuse ).
Il y a plus de 20% de notre société qui est extrémiste, violente, raciste, antisémite, bête, égoïste, et inculte.

De qui faut-il avoir peur ?

Après, Fanetys, comme toi, si j'étais prof, j'aurai du mal à savoir quoi dire, je serai mal à l'aise. Parce que expliquer aux jeunes NOS dysfonctionnements, n'est pas chose facile. Tu fais un métier très difficile, et j'admire tous ceux, profs ou parents, qui osent, qui essayent ou qui savent éduquer. Je ne m'en sens certainement pas capable. Je comprends tout à fait que ce sujet te prenne aux tripes, et j'espère que tu ne prends pas ma contribution comme une agression. Je trouve juste que notre société dans son ensemble est en complet dysfonctionnement, et que ce qui s'est passé là n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

Ton titre est l'école, rempart contre l'obscurantisme.
Si ton combat est le combat contre le racisme, contre la violence, contre le harcèlement, contre le viol, contre les condamnations ridiculement petites en regard du crime commis, alors, je vote pour l'école contre l'obscurantisme. Si c'est juste contre un gars qui pète les plombs et tue un prof, je ne suis pas sure que l'école puisse faire quelque chose.

Je ne suis pas sûre de m'exprimer vraiment bien, et de me faire comprendre tout à fait.
Je n'approuve en aucuns cas la violence, peu importe le passé subi, peu importe les raisons, que cela soit bien certain.
Je voulais juste donner d'autres pistes.
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par arizona »

Après, pour répondre à une de tes question initiale, que répondre à la question : peut-on tuer, en France, pare que quelqu'un a une autre opinion que la sienne ? Parce que quelqu'un fait quelque chose qui nous déplaît ?
NON.
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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Fanetys »

Je ne me sens pas agressée. Mais je ne suis pas d'accord avec ton propos.
Je ne cherche pas à expliquer nos dysfonctionnements aux jeunes, car je refuse de prendre une quelconque responsabilité dans le fanatisme de quelques uns.
Je ne pense pas que l'on puisse dire que c'était "juste un type qui pète les plombs", cette exécution était planifiée, commanditée ou pour le moins encouragée par un réseau fondamentaliste. Ce n'est pas un fait divers. Et comme tu le dis, rien ne peut la justifier. Par ailleurs, cet assassin n'avait pas été exclu de notre communauté puisqu'au contraire, il y avait trouvé refuge, loin de sa Tchétchénie d'origine. Ce que nous pouvons effectivement reconnaître, c'est que la société française a échoué à lui transmettre nos valeurs, pendant les 12 ans qu'il a passé dans ce pays.
Je me bats, bien modestement, contre l'obscurantisme, tu remarqueras que je n'ai pas dit "le radicalisme", parce que c'est bien plus large que ça. J'essaie de remplir ma mission d'enseignant qui au-delà des connaissances, transmet aussi des valeurs, et des compétences pour devenir un adulte éclairé. Je ne dis pas que l'école y parvient, mais elle essaie...
Ce que tu dis sur la situation politique de la Belgique est intéressant, mais probablement un peu hors-sujet. On ne peut pas tout mélanger, pour expliquer que la violence meurtrière de quelques uns trouverait sa cause dans la violence qu'exerce la société sur les individus, avec tous les dysfonctionnements que tu soulignes. En tout cas, cela ne me parait pas juste.
Bonne nuit ! :clin:
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Invité

Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par Invité »

Je n'ai pas beaucoup d'idées pour participer au sujet de façon constructive, donc je me contenterai de ma propre expérience : à la rentrée, je ne pense pas parler de la mort de Samuel Paty, parce que je ne serai pas en position de le faire. J'enseigne à des adultes, dans un cadre très privilégié où il n'y aura probablement pas de débordement, et je n'aurai donc pas à sortir face à eux de mon domaine d'expertise.

Pour le reste, je crois profondément à la mission de service public des enseignants et je l'estime plus que jamais nécessaire. Je travaille moi-même, en partie, dans le domaine dit "du fait religieux" et je participe à un séminaire sur des textes anciens des trois religions dites "du livre". J'ai écrit, et je réfléchis encore à l'heure actuelle, sur l'incorporation de traditions exégétiques juives et chrétiennes dans le Coran ; j'espère faire œuvre (un peu) utile, parce que la reconnaissance de la complexité et de la diversité des interactions dans l'histoire des religions me paraît un bon outil de lutte contre les intégrismes de tout poil qui rongent aujourd'hui le tissu social. C'est un travail de l'ombre, et sans les enseignants du secondaire pour en diffuser, à moyen terme, les résultats vulgarisés par d'autres que moi auprès du jeune public, il ne servirait pas à grand chose.

Par ailleurs, j'ai clairement conscience des obstacles présents dans le processus de transmission des connaissances : je les vois en amont des classes de collège et de lycée mais elles m'inquiètent. Les étudiants que je forme seront pour la plupart enseignants, et ils ne me paraissent pas très au fait de ce que sera exactement leur mission ni de la façon dont il leur faudra l'accomplir. Leur indifférence en la matière, qui va parfois jusqu'à la désinvolture, me paraît souvent de mauvais augure quand je pense aux difficultés qu'ils rencontreront inévitablement : la prise de conscience viendra plus tard, je le sais bien, mais j'espère toujours que ce ne sera pas trop tard.

Bref, je suis peut-être un peu HS, je m'en excuse, mais je partage vos interrogations, sans avoir forcément de réponses. :hug:

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Re: L’école, rempart contre l’obscurantisme ?

Message par PointBlanc »

Fanetys a écrit : mar. 20 oct. 2020 01:55 Ce que nous pouvons effectivement reconnaître, c'est que la société française a échoué à lui transmettre nos valeurs, pendant les 12 ans qu'il a passé dans ce pays.
Fanetys : je crois que les enseignants que nous sommes ont hélas souvent tendance à surestimer le poids de "nos valeurs" dans l'expérience quotidienne de nos contemporains, élèves ou non, quelle que soit leur confession ou leur statut social ; nous nous souvenons des valeurs en question dans ces moments où nous les sentons menacées, mais le reste du temps elles ne semblent pas être le compas et la boussole de grand monde.
Si bien que ne pas envisager l'éventualité de sa responsabilité individuelle (sinon comme enseignant) dans une situation globale qui aboutit à cette tragédie particulière ne me paraît pas, en fait, aller de soi.
On peut très bien refuser de le faire, afin de circonscrire des causes bien identifiables, auxquelles il sera dès lors plus simple d'imaginer s'attaquer ; dans notre cas, à nous enseignants, il s'agira par exemple de donner un cours ou un autre, sur Voltaire, la zététique ou ce que l'on voudra.

Et puis les enfants auxquels nous nous adressons quitteront notre salle pour replonger dans le grand monde anxiogène qui s'étend autour - un monde où "nos valeurs" n'ont pas l'air de porter si loin, et je ne parle pas ici de la seule sphère familiale d'un gamin tchétchène, je parle plus généralement du monde à se taper la tête contre les murs dans lequel je me plains d'avoir à vivre, et dont pourtant - c'est là le problème - je tire amplement profit. Avec des conséquences désastreuses pour d'autres que je ne vois pas souffrir. Mais qui finissent, pour certains, par atterrir ici, où les opportunités de se faire une vie décente sont a priori plus nombreuses que chez eux. Et qui, pour des raisons sur lesquelles je crois que nous préférons tirer un voile pudique, ne finissent pas toujours par adhérer à "nos valeurs".

C'est peut-être qu'on s'y prend mal pour les transmettre (on ne s'y prend probablement pas plus mal que pour le reste de ce qu'on cherche à transmettre, cela dit).
C'est plus probablement parce que quelque chose, à l'extérieur de nos salles de classe, ôte à la crédibilité de notre message, et je maintiens qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de communautarisme. Ou alors il s'agit de la grande communauté invisible à laquelle, tous, nous appartenons à des degrés divers.

Je ne dis pas que l'opprimé a forcément raison (non, il a souvent la vue bouchée par une foule de choses qui le rendent manipulable et dangereux).
Je dis que nous avons peut-être tort de croire que nous ne sommes pas responsables de ce qu'il le soit, ni de ce qu'il devienne un danger.
De même que nous avons tort de croire, selon moi, que vouloir regarder plus loin que les causes aisément identifiables, ce serait diluer la réflexion. C'est un peu comme l'histoire du type qui a perdu ses clés, qui ne sait pas où, mais qui les cherche sous un lampadaire parce que là au moins il y voit clair.

En fait, je crois que je dis beaucoup comme Arizona, que je salue, parce que ça fait longtemps :)
Ces utilisateurs ont remercié l’auteur PointBlanc pour son message :
sandrinef
Vous qui vivez qu'avez-vous fait de ces fortunes ?

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