Parce que la science dit que...

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Re: Parce que la science dit que...

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Ah oui, non, il n'y avait rien au début, juste un espace vide à la place :lol: Mais ok pas de soucis, je ferai un reply maintenant !

dani
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Re: Parce que la science dit que...

Message par dani »

Kurai a écrit : dim. 12 avr. 2020 11:33
Mais alors dans ce cas on ne pourrait jamais tester de molécules qui sauvent des vies. Si à chaque fois qu'on propose une telle molécule, on se dit qu'on ne va pas priver le groupe témoin des potentiels effet bénéfiques, et qu'on ne se permet de tester que des molécules destinées à des maladies relativement bénignes, ben à la fin les seuls médicaments à l’efficacité prouvée seraient destinés à des maladies bénignes.
Il y a une chose qu'on fait en étude clinique normale, avant les essais cliniques, c'est le test sur des souris. Fin, vous l'avez tous entendu (je n'ai pas vérifié la source), cette histoire du sang de ver marin qui a un taux de létalité de 100% chez les porcs, qu'on a proposé en essai clinique, qui avait été un temps accepté avant qu'un signalement fasse état d'un article parlant de la létalité chez les porcs. Donc, éthiquement, là on un petit problème qui va au delà de savoir s'il faut un groupe témoin pour sauver des vies (je pense, je sais pas, j'ai pas vérifié les sources là par contre). C'est cette étude sur les animaux qui rend acceptable les groupes placebo. Si on ne fait plus cette étude, le bénéfice-risque ne peut pas être calculé de manière correct.

(Le post-edit qui répondait à la première réponse de Fish : viewtopic.php?p=320165#p320165)
C'est ça !

Ensuite, on tente si la situation le permet de faire des études randomisées avec groupe placebo auprès de personnes qui ont peut-être une maladie grave mais qui peuvent, sans danger d'aggravation, attendre quelques semaines pour connaître les résultats de l'étude randomisée pour avoir le traitement testé si celui-ci marche.

Des situations, comme actuellement en période de pandémie avec des situations qui s'aggravent très très rapidement c'est plus délicat de donner un placebo, on pourrait le faire par exemple auprès de personnes qui auraient des difficultés respiratoires mais qui n'ont pas besoin d'être hospitalisées (c'est ce qui se prévoit en Suisse je crois), donc des situations intéressantes scientifiquement mais pas pas trop critiques sur le plan de la survie à court terme. Et j'imagine que si des patients du groupe placebo se péjorent massivement ils pourraient avoir droit à un des traitements prévu dans l'étude ou même sortir de l'étude et accéder au traitement proposé par l'hôpital qui les soignent
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Fish
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Fish »

Tournelune a écrit :si tu testes 4 molécules et que les 4 donnent la même chose, tu peux rien conclure mais il est fort peu probable que les 4 fonctionnent de façon égales, donc probablement qu'aucune ne fonctionne.
C'est probable. Mais peut-être que ces 4 molécules partagent certains principes d'action fondamentaux, et qu'elles sont toutes efficaces. Champagne!
Pour distinguer ces deux cas, il faut le groupe témoin.
Tournelune a écrit :Si une ou plusieurs donnent de meilleurs résultats que les autres, à quoi sert le placebo? A part à avoir donné sciemment du vide à des gens au lieu de sincèrement avoir cherché quelque chose qui peut potentiellement agir?
Dans le cas général, on peut imaginer que certaines molécules aient des performances négatives: elles dégradent l'état de santé. Il se pourrait même que toutes les molécules aient un effet négatif, certaines moins que d'autres. Bon, quand on part de produits déjà existants, les effets négatifs sont connus. J'en ai déjà parlé: c'est ce qui rend l'utilisation de produits existants si intéressante.

Ou alors, il y a des différences mesurables, mais comment juger que c'est vraiment important ?

Imagine une étude sur 2 molécules, testées chacune sur 100 patients
- molécule 1: 50 patients guérissent, 50 meurent.
- molécule 2: 52 patients guérissent, 48 meurent.

Le molécule 2 est meilleure. Mais ça aurait quand même été utile d'avoir un groupe de contrôle pour s’apercevoir qu'en l'absence de traitement, 49 patient survivent et 51 meurent. Tu peux utiliser la molécule 2 quand même, hein, c'est toujours 3% de survie en plus. M'enfin ça va pas changer la face de ta pandémie.
A l'inverse, si dans ton groupe de contrôle, tu as 10 survivants et 90 morts, tu te dis que tes deux molécules sont déjà supers. Et si par exemple la molécule 1 est bien plus facile ou moins coûteuse à produire que la 2, ou qu'elle a moins d'effets secondaires indésirables, ça vaut peut-être le coup de l'utiliser même si elle est un poil moins performante.

Le groupe témoin sert de référence, de "zéro".
dani a écrit :Il y a une chose qu'on fait en étude clinique normale, avant les essais cliniques, c'est le test sur des souris. Fin, vous l'avez tous entendu (je n'ai pas vérifié la source), cette histoire du sang de ver marin qui a un taux de létalité de 100% chez les porcs, qu'on a proposé en essai clinique, qui avait été un temps accepté avant qu'un signalement fasse état d'un article parlant de la létalité chez les porcs. Donc, éthiquement, là on un petit problème qui va au delà de savoir s'il faut un groupe témoin pour sauver des vies (je pense, je sais pas, j'ai pas vérifié les sources là par contre). C'est cette étude sur les animaux qui rend acceptable les groupes placebo. Si on ne fait plus cette étude, le bénéfice-risque ne peut pas être calculé de manière correct.
Je ne suis pas expert, mais j'ai le sentiment qu'il y a confusion entre la "recherche d'effets secondaires" et la "preuve du bénéfice thérapeutique", qui sont deux volets distincts d'un médicament (ou de tout produit médical).

Je ne suis pas sûr que les souris changent quoi que ce soit. Pour moi, elles entrent dans le cadre de la recherche d'effets secondaires indésirables. Elles ne font que compléter la chaîne progressive d'augmentation de la confiance quand on part d'un produit nouveau. Au début, on teste sur des animaux: on vérifie s'il y a des effets négatifs. Au pire, des souris de labo sont mortes. Bon ben voilà. Par ailleurs, on va tester in vitro, parce que là encore ça ne met pas en jeu de vie humaine. Jusque là, c'est "sans risques".
Si tout ça se passe bien, il y a un moment où il faut sauter le pas et appliquer à l'espèce humaine. Alors on commence par des cas désespérés. C'est ce qu'a fait Pasteur. Plus récemment, c'est aussi ce qu'a fait Carmat avec ses cœurs artificiels.
Si ça se passe toujours bien, on envisage des tests à plus grande échelle. C'est le principe des campagnes rémunérées proposées par les labos pharmaceutiques.
Et puis à la fin, le produit est validé, et tout médecin peut le prescrire, en ayant connaissance des doses, des limitations, etc.

L'histoire n'est pas totalement terminée. Il peut arriver, malheureusement, que les effets indésirables soient tardifs (genre cancer des années après), ou qu'ils entraînent des malformations des fœtus (Thalidomide), ou des incompatibilités sévères avec d'autres médicaments (on ne peut pas tester toutes les combinaisons possibles), ou simplement qu'ils soient trop rares pour être détectés en essais cliniques. Veiller sur l'absence d'effet négatif après commercialisation, c'est ce qu'on appelle la pharmacovigilance.

Mais dans tous ces cas-là, il y a un risque d'effet négatif qu'on ignore. On y va à petits pas, sur des souris, pour réduire ce risque.

Dans le cas de la chloroquine et, je crois, des autres molécules testées dans le cadre de Discovery, on n'a pas ce problème, puisque les études sur les effets négatifs ont été faites depuis fort longtemps. Ca nous sort une sacrée épine du pied! On n'a donc pas besoin de souris. Ou plutôt: on en a plus besoin, parce qu'on a fait ces tests sur les souris il y a fort longtemps. Genre: on a testé sur des souris en 1930 et ça s'est bien passé. On a utilisé sur des millions d'humains depuis et ça s'est bien passé. Qu'est-ce qu'on apprendrait de nouveau si on re-testait sur des souris en 2020 ?

Par contre, on n'a pas la preuve du bénéfice thérapeutique pour cette maladie là. On est donc bien dans une situation où, pour chaque patient, "au pire ça sert à rien, au mieux c'est bénéfique". Mon propos plus haut visait à expliquer que ça n'est pas une raison suffisante pour donner de la Choloroquine à tout patient. Pour prouver ce bénéfice thérapeutique, on a bien besoin de groupe témoin. Après, est-ce qu'on peut tirer parti des nombreux patients hospitalisés actuellement pour constituer un groupe témoin ? Là ça dépasse mes compétences. Mais visiblement, les gens qui ont programmé Discovery n'ont pas choisi de zapper le groupe témoin.

Et sur ce point là, j'éviterais de considérer que les gens qui s'occupent de Discovery sont des blaireaux qui font des groupes témoins alors que ce n'est pas nécessaire. Je ne dis pas qu'ils ont forcément raison; Je me dis juste qu'avec un peu d'humilité, si nous, néophytes, ne comprenons pas pourquoi ils le font, c'est peut-être que nous sommes trop néophytes. Le sempiternel effet "Dunning-Kruger".
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Re: Parce que la science dit que...

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Juste une précision, parce que j'ai l'impression qu'on dérive. La question n'est pas "pour ou contre les essais randomisés", ou "pour ou contre la chloroquine". Personne n'a dit non plus que les gens de Discovery étaient incompétents. C'est hyper important de le repréciser, parce que je pense que tu sur-interprètes beaucoup mes propos.

Les ECR sont indispensables, c'est une évidence, et personne n'a dit qu'il ne fallait surtout pas en faire. Mais le fait qu'un ECR soit indispensable ne remet pas en cause la pertinence des études observationnelles. L'une n'est pas "plus scientifique" que l'autre. Et autant les gens qui font passer les essais observationnelles pour de la clownerie, autant les gens qui feraient passer les études contrôlés pour de l'excès inutiles n'ont rien compris à la science. C'est juste ça. J'ai vraiment du mal avec l'argument aussi "on a besoin d'un ECR pour mesurer le bénéfice" ou "on ne connait pas le bénéfice de la chloroquine dont il ne faut pas le donner parce qu'on n'a pas fait d'ECR". C'est pas du tout vrai dans un contexte d'urgence sanitaire dans lequel on peut combiner les deux. Les ECR datent de 1948. Donc avant 1948 on ne faisait pas de médecine ni de science ? C'est absurde comme raisonnement. Les ECR ont été mis au point pour améliorer et réduire les risques, ca veut pas pour autant dire que c'est la seule manière de faire de la médecine, il est juste là mon point. Et c'est pour ça aussi que je pense qu'à un moment il faut aussi savoir dissocier la médecine en tant qu'art, et la médecine en tant que science rigoureuse. Pour parler d'un autre protocole, en roumanie, un médecin prescrit de l'hydroxychloroquine et du zinc contre le covid. Ca ne fait pas de lui un apprenti sorcier parce qu'il n'a pas commencé par un ECR. Il a un certaine connaissance scientifique, une certaine expertise, il a deux solutions: faire une étude observationnelle en essayant de sauver des gens, ou faire un ECR qui prend du temps et qui peut condamner des gens pour rien (parce qu'on n'a pas la phase pré-clinique dans l'ECR qui pourrait donner une première estimation du bénéfice et du risque, parce que la mort n'est pas un effet secondaire, mais bien un échec).

Ensuite, un véritable ECR dure plusieurs années, et comporte bien plusieurs phases dont la phase pré-clinique, y compris dans le cadre d'un repositionnement. Ce que je pointe du doigt c'est pas le fait de faire un test qui ne serait pas orthodoxe, c'est le fait de faire passer ça comme possible, alors que dans notre cas, c'est impossible. L'argument méthodologique n'est pas acceptable pour attribuer des points.

Ensuite ici, il n'est pas question que du bénéfice (dans l'argumentaire des sceptiques, mais bien du bénéfice-risque parce que si on connait les effets secondaires de la chloroquine ou de l'azithromycine, on ne connait pas les effets secondaires de l'association des 2 sur un patient atteint du COVID (même si on peut théoriquement les déduire à partir des données biologiques). Or, l'ECR ici ne peut pas permettre de détecter les effets secondaires parce qu'on n'a pas 10 ans à attendre (parce qu'il faut attendre plusieurs semaines, et on vient à peine d'avoir un article qui parle des effets secondaires de l'association à j-30 chez les patients atteints de covid, avec des développements de symptomes cardiaques qu'on n'a pas dans les 20 premiers jours après traitement; donc oui tester chez les souris, ça reste important dans un ECR même aujourd'hui pour ce traitement dans cette maladie). Donc, on se dit on fait un ECR pour mesurer plus précisément le bénéfice (puisqu'on a des observationnelles contradictoires), et en même temps on a un argument d'autorité scientifique pour dénigrer les études observationnelles en mettant l'accent sur les risques (qui sont au moins égal à ceux de la chloroquine dans le cadre de son AMM). Donc entre les lignes: ne faites pas de médecine, attendez les résultats des ECR, parce que la science c'est comme ça et pas autrement. Et c'est ça qui m'embête, dans la bouche des uns et des autres.

Enfin, personne n'a dit qu'il fallait donner la chloroquine à tout le monde, ni que la chloroquine marchait et qu'on en est sûr, c'est un raccourci de pensée trop facile qui est faite dans le milieu profane, et qui est un procédé de fast-science justement. Les hypothèses sont quand même que tu puisses supporter le traitement sans risque. Et le fait d'appuyer sur "attention, il a dit qu'il fallait donner le traitement à tout le monde" fait croire à pas mal de personnes (dont des médecins) que c'est le cas. Sauf qu'en tant que scientifique, les hypothèses de base sont déjà dans le raisonnement (faire un ECG, controler, etc.). Après c'est indéniable, il y a un vrai problème de com' chez lui, je ne l'enlève pas, et c'est un reproche qu'on peut lui faire sans aucun problème.
Je me dis juste qu'avec un peu d'humilité, si nous, néophytes, ne comprenons pas pourquoi ils le font, c'est peut-être que nous sommes trop néophytes. Le sempiternel effet "Dunning-Kruger".
Si tu préfères, ma fast-science, c'est un peu l'effet "Dunning-Kruger" appliqué à la science, auquel tu rajoute deux arguments d'autorité: "la science, c'est comme ça et pas autrement", et "la science a dit que, donc c'est vrai", et généralisé à la population profane.

Pour finir, peut-etre qu'on devrait switch d'exemple pour ne pas trop débattre sur "pour ou contre Raoult", et qu'on soit plus sur "pour ou contre la science du profane" :huhu:

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TourneLune
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Re: Parce que la science dit que...

Message par TourneLune »

Fish, si tu simplifies les propos pour en faire des extrêmes, forcément..... Je vois pas bien ce que ça apporte. Je sais pas si ça peut être considéré comme de la fast science mais sortir les choses de leur contexte pour les décrédibiliser ou en faire un version extrême un peu ridicule ne fait pas avancer grand chose. Évidemment que je comprends à quoi servent les essais avec placebo. Compte tenu du contexte, est-ce que c'est vraiment pertinent? Ce n'est pas à moi de répondre (ni à toi d'ailleurs je pense) mais la question peut être posée et on peut bien avoir un avis si tant est que ça reste un avis de néophyte qui en reconnaît les limites. J'ai un avis, pas de réponses.

Là il y a un contexte d'urgence et il change la place du curseur dans le compromis à faire entre des essais parfaits ou filer un truc à tout le monde au cas où. Je n'ai en aucun cas les compétences pour savoir où mettre le curseur. Je pense que selon la sensibilité des uns et des autres, il ne peut de toutes façons pas être au même endroit pour tout le monde même pour les gens compétents.
Mais je ne vois pas trop l'intérêt de discuter des extrêmes....

Alors je les ai peut être mal exprimés aussi...

Dans mon métier où justement, on doit décider en quelques secondes, on a la notion d'être "raisonnablement sûr"... Il y a un cadre réglementaire très précis mais de la place aussi pour les décisions d'urgence où faire ce qui est interdit pour éviter une catastrophe est considéré comme plus pertinent que ne rien faire...

dani
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Message par dani »

Hors-sujet
[mention]Kurai[/mention], il te faudrait prévoir un papier sur la "fast science" avec quelques rappels d'épistémologie et l'exemple de la chloroquine .... ça répondrait à un réel besoin aussi bien en milieu académique que dans les milieux profanes. Merci en tout cas pour tes interventions claires, précises et pondérées, c'est un régal de te lire
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Pier Kirool
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Message par Pier Kirool »

dani a écrit : dim. 12 avr. 2020 11:14 Tu peux donc cesser la discussion et prendre ces personnes pour des idiots qui ne comprennent rien à la science, c'est la réalité auxquelle le chercheur actuellement est concrètement confronté, qu'il le veuille ou non. Et d'une manière ou d'une autre il faudra bien composer avec.
dani, je ne discute pas avec ceux.celles qui ont une éthique personnelle différente de celle qu’ils.elles ont (?) pour le reste de l’humanité. Je ne vous prend pas pour une idiote, nous n’avons simplement pas la même base de réflexion.

Concernant le post de Kurai sur ce topic,
Les microbiologistes, tout médecins qu’ils sont, ne conçoivent ni ne participent à des essais cliniques sur le terrain. Ils ne parlent pas aux patients. Je vous renvoie au blog que je citais sur l’éthique des essais cliniques, on peut le réfuter, mais quand on a des arguments. Le chercheur en médecine clinique fait des essais cliniques avec une méthodologie dont il n’a pas à s’affranchir en raison de l’urgence. Je vous renvoie au dernier paragraphe du dernier avis du conseil scientifique (que je viens de retrouver comment insérer). Personnellement, j’espère, comme c’est suggéré, que DR ira en justice et répondra de ses actes.
J’explique comment on obtient un h-index élévé dans mon post de blog. Je n’y reviens pas, sauf peut-être pour ajouter que DR a créé un journal dans lequel la majorité des publications sont de lui. Il faut aller voir les références concernant la fraude scientifique, pas juste les passer par profit et pertes. DR a été interdit de publications dans certains journaux.
« comme si tous les chercheurs avaient des data clean » : essayer de jeter le discrédit sur les autres pour en défendre un, c’est bizarre comme méthode. je vous la laisse. Bien sûr que ses compétences sont remises en cause. Vous ne lisez pas la presse scientifique ?
Comme je l’ai mentionné, je cherche en premier à casser l’argument d’autorité dans lequel vous vous replongez avec délectation. Ce type d’argument (vous) empêche de juger correctement ce qui est important : les données des essais cliniques. Il n’y a aucun argument pour dire que la chloroquine est efficace. Vous dites vous-mêmes qu’il faut laisser celà aux médecins et aux chercheurs et vous faites l’inverse en reprenant le marketing de DR. Concernant votre dernier paragraphe, je pense avoir déjà mentionné que DR a fait perdre du temps à la recherche en empêchant les personnes d’accepter les protocoles bien construits, et parce que s’il avait travaillé correctement, avec ses 1500 patients (supposés), il aurait déjà pû répondre à la question. Il a expliqué pourquoi il ne faisait pas des études conformes à l’éthique, mais je ne pense pas que celà oblige tous les médecins à le suivre.
Je rajoute juste un point : un essai clinique ou l'on donne un médicament dont l'effet n'est pas connu pour l'indication considérée n'est pas une étude observationnelle. C'est ce que DR veut donner à croire, mais ce n'est pas la bonne définition.
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.
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dani
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Message par dani »

Pier Kirool a écrit : dim. 12 avr. 2020 18:02
dani a écrit : dim. 12 avr. 2020 11:14 Tu peux donc cesser la discussion et prendre ces personnes pour des idiots qui ne comprennent rien à la science, c'est la réalité auxquelle le chercheur actuellement est concrètement confronté, qu'il le veuille ou non. Et d'une manière ou d'une autre il faudra bien composer avec.
dani, je ne discute pas avec ceux.celles qui ont une éthique personnelle différente de celle qu’ils.elles ont (?) pour le reste de l’humanité. Je ne vous prend pas pour une idiote, nous n’avons simplement pas la même base de réflexion
Vous êtes d’une arrogance très désagréable. Vous avez pourtant très bien compris que j’exprimais la position du l’individu lambda qui se trouve partagé entre participer à un essai au risque de n’avoir aucun traitement ou un traitement non testé sur des humains pour cette maladie précisément et la conscience qu’il faudrait en effet « savoir » quel est le meilleur traitement.

Pour cela l’essai Discovery me heurte en effet car il s’adresse à des personnes dans un état grave. Ce n’est pas le cas avec l’essai Solidarity de l’OMS qui s’adresse à tous types de patients diagnostiqués Covid + même peu symptomatiques. Se retrouver dans le bras « soins standards » me parait en cela donc beaucoup plus acceptable et facile. On a encore le droit de choisir pour quelle étude on fait le cobaye non ? Il ne s’agit pas juste de « recherche » mais je jouer sur le fil avec la vie et la mort. Ça mérite d’y réfléchir et de se décider en toute connaissance de cause et c’est loin d’être simple .

Mais en effet cessons de discuter, vous classez trop vite les personnes dans une catégorie ou une autre, cela vous appartient, cordialement 😊
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Message par Pier Kirool »

Vous avez pourtant très bien compris que j’exprimais la position du l’individu lambda
😂
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Message par dani »

Pier Kirool a écrit : dim. 12 avr. 2020 18:45
Vous avez pourtant très bien compris que j’exprimais la position du l’individu lambda
😂
Vous avez raison de rire, dans un état grave ce ne sera pas un individu quelconque mais une personne âgée d’environ 80 ans qui fera une confiance aveugle à la personne qui lui expliquera son implication dans la recherche sans forcément vérifier qu’elle a réellement compris les conséquences de son choix . tant pis pour elle et tant mieux pour la recherche. Bref, j’arrête, ça fait longtemps que je n’avais plus eu l’occasion d’une telle non discussion, ça doit être indigeste pour les lecteurs de ce forum, désolée pour vous tous
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Message par Pataboul »

Pier, ta dernière réponse manque d'arguments. J'aimerais que tu fasses plus d'efforts pour exprimer ton point de vue ou comprendre celui des autres.

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Message par Pier Kirool »

Très juste. Je n’aime pas les procès d’intention, et qu’on me dise ce que « j’avais très bien compris » au lieu d’envisager que peut-être, on s’était mal exprimé.


D’autres arguments ? N’avoir aucun traitement peut aider, ça s’appelle l’effet placebo. On ne donne pas de traitements non testé sur des humains dans des essais de phase III.
Quand il n’y a aucun traitement identifié on essai contre l’avenir est le seul pertinent. Pour le moment le bras placebo (tous les autres traitements de la pneumopathie et tout le reste mais aucun traitement étiologique).
Il n’y a pas à changer le curseur de l’éthique des essais cliniques en situation d’urgence. DR a fait perdre du temps à tout le monde. S’il avait bien travaillé il aurait donné la réponse. Un véritable ECR peut durer très peu de temps si l’effet du traitement testé est massif et rapide. Comme les effets secondaires de l’association HC-AZ qui sont déjà démontrés.
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Message par dani »

Pier Kirool a écrit : dim. 12 avr. 2020 19:09 DR a fait perdre du temps à tout le monde. S’il avait bien travaillé il aurait donné la réponse. Un véritable ECR peut durer très peu de temps si l’effet du traitement testé est massif et rapide. Comme les effets secondaires de l’association HC-AZ qui sont déjà démontrés.
Pourquoi lui faire porter le chapeau et cette responsabilité ? Il s'est très clairement positionné dès le début, pour lui il était impossible de prévoir un essai randomisé avec un groupe qui ne recevrait pas le traitement mais n'a empêché personne de faire autrement. Il s'est battu pour que l'essai Discovery intègre l'hydrochloroquine et il a réussi. Si ensuite Discovery peine à trouver des participants ce n'est pas dû à Raoult, mais peut-être au protocole ? Si il n'est proposé qu'aux patients gravement atteints, forcément ceux-ci vont hésiter. Et les proches qui conseillent les aînés en peine à prendre une décision aussi. En même temps, quand le protocole Discovery s'est construit il était probablement difficile de le proposer à d'autres populations. L'approche était plutôt compassionnelle, aujourd'hui le protocole serait peut-être différent. Le contexte change tellement, mais tellement vite !

Je pense qu'il y aura bien plus de participants à l'étude Solidarity de l'OMS, qui s'adresse aux patients Covid + même quand leur perspective vitale n'est pas forcément en jeu. Ils ont construit leur protocole avec quelques jours de plus de recul que pour Discovery. ça fait toute la différence et peronne n'y peut rien. Mais je peux aussi me tromper dans mon analyse et ma compréhension des différents processus, si nécessaire je l''admettrai volontiers si le données à venir me montrent que j'ai tort.

Je ne porte pas Raoult aux nues, je pense aussi que sa comm laisse beaucoup à désirer et qu'elle a renforcé la controverse autour de la chloroquine. Mais sa démarche de faire des études plutôt observationnelles peut se comprendre, même si ça ne plaît pas à tous. Et les décideurs doivent pouvoir prendre du recul entre la médiatisation du personnage, ses travaux et surtout les avis d'experts chinois et sud coréens qui recommandent l'hydrochloroquine sur la base de leur propre expérience clinique. Ce n'est pas rien. Malgré les difficultés que tu soulignes l'étude Discovery a bien recruté, on en saura plus fin avril. Et mettons les forces ensemble, ces guerres de clocher sont tellement absurdes dans ce contexte complexe et dur pour tous. Je crois que nous sommes tous de bonne foi, et surtout démunis face à la virulence du phénomène
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Pier Kirool »

Quand on fait un essai sans groupe controle, on ne clame pas avoir trouvé la solution. DR n’a pas fait des études observationnelles (pour les autres, je suis désolé d’avoir à me répéter). Les experts chinois et coréens n’ont rien publié de concluant à ma connaissance (ou peut-être avez vous des données que je n’ai pas). Ce n’est pas une guerre de clocher c’est une question d’intégrité scientifique.
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Re: Parce que la science dit que...

Message par wallcreeper »

La tournure autour de ce fil me chagrine. En effet, nous étions partis sur de l'échange d'informations, cherchant à cumuler tout ce que notre diversité semble pouvoir apporter, sans avoir de parti pris évident dans le débat au regard de notre position de "profane" en la matière, juste parfois un enthousiasme nécessaire dans cette situation dramatique mais sans . Plusieurs messages avec une pédagogie bien sentie que je salue, de part et d'autre du débat tant autour de le personnalité controversée mais qualité évidente d'un chercheur qui se base sur une intuition d'un produit qu'il connait bien, dans un contexte inédit, des méthodologies de tests de molécules et protocoles de soins appliqués dans un contexte donné, de la réponse donnée par "l'administration et l'autorité" face à ces initiatives et ses propres initiatives, ... et de la querelle de clocher inhérente à cette situation déroutante...
Il est dommage que le monde de la recherche, mais cela reste à l'image des relations dans notre société, ne sache oublier ses égos, ses rancoeurs du passé, ne sache parfois oublier son "ultra protocolisation" et prenne la mesure du temps, soit capable d'être modelable au regard de l'urgence de la situation tout en restant prudent bien sur. Au même titre qu'il est dommage que les gouvernants ne sachent ou souhaitent entendre les alertes, mettre les moyens avant que le mur (à défaut un plateau ou un pic) ne se profile et soit plus actif sur le volet décisionnel quand le péril pointe son nez.
Ne reproduisons pas ici ce que l'ensemble de ce monde laisse transparaitre, continuons sur cette pédagogie, ce partage, grâce à notre ouverture d'esprit et notre souhait de nous entendre, "écouter" qu'ils disent par chez moi, le fil en perdrait de sa richesse malheureusement !
Ce serait chouette de relancer ce sujet par la passion, non pas celle qui nous éloigne par sa force de conviction, mais celle qui nous rapproche par ce partage et échange ! :blond:
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Pier Kirool
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Pier Kirool »

Je me retire. Ce dernier texte partial sous des dehors de magnanimité néglige l’éthique des essais cliniques et aussi pas mal d’éléments que je croyais avoir apporté au débat. Une fois de plus le « laisser dire » prime sur la prise en compte des informations contradictoires et la vérification des faits, y compris scientifiques. Bye.
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dani
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Re: Parce que la science dit que...

Message par dani »

Dommage [mention]Pier Kirool[/mention] , tes propos sont pourtant intéressants. Cette épidémie inédite amène à peut-être remettre en question certaines notions que tu pense indéfectibles. L'avenir nous dira si tu as raison ou non. Peut-être nous laissons nous emporter par la dimension humaine qui nous fait mettre de côté certains aspects "scientifiques". Ou peut-être qu'à certains moments d'incertitude la "science" peut-elle s'écarter un peu de certaines méthodologies rigides. On oublie que l'evidence based medicine (EBM) ce n'est pas juste soigner en fonction es résultats d'études randomisées! C'est aussi et nécessairement intégrer aux résultats de recherche un contexte, les valeurs du patients, le jugement clinique. Tu ne laisses la place qu'aux données scientifiques pures et dures. Et ça pose réellement problème, à aucun moment tu n'aborde les autres dimensions. Après, faut pas s'étonner que ça grince.
The_EBM_Triad.jpg
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Invité »

Hors-sujet
Je ne voulais pas répondre, parce qu'on s'éloigne du sujet initial (un peu par ma faute, je suppose), mais je vais le faire parce que cela me semble important (j'ai l'impression qu'on me fait deux fois ce procès, alors ca devient problématique).

Il ne me semble pas avoir présenté Raoult comme le sauveur, ni que d'avoir défendu ses résultats ardemment, ni avoir affirmé que ces articles étaient bien écrits, ni avoir dit qu'on ne devait pas faire d'ECR, donc je ne cautionne pas vraiment les accusations d'opérations marketing ni le fait que j'utiliserais un argument d'autorité. D'ailleurs, je ne vois pas en quoi dire qu'il est reconnu est un argument d'autorité ? Enfin, lorsqu'on en est à mener une enquête à charge contre un chercheur en montant un dossier qu'avec les avis négatifs uniquement, sachant que ce même type est l'une des personnes les plus détestées sur le plan humain de l'APHM, pour affirmer que "la communauté scientifique" remet en cause ses compétences, je trouve qu'on va très loin. C'est de la politique, plus de la recherche.

Ensuite, je n'ai pas non plus dit que ses résultats permettaient de dire que son traitement était la solution à tous nos problèmes, et non, tous les médecins et tous les chercheurs ne sont pas d'accord avec vous. On est tous d'accord sur un fait: son étude est très mal présenté et les chiffres fournis sont questionnables. Il y a des biais évidents. Il y a des review qui ont été publié, qui soulèvent des questions intéressantes sur les chiffres qu'ils présentent. Sa méthodologie n'est pas dans le standard scientifique, il n'y a pas de bras contrôle (il l'a dit lui-même), il y a une review post-publication en cours, mais tout ca, c'est un débat technique de fond qu'on ne peut faire en 3 phrases ni en répétant 3 éléments scientifiques. Forcément, si vous vous présentez en disant "je suis scientifique, ceci n'est pas une étude observationnelle", les non-scientifiques vont vous prendre au mot. Et quand un autre scientifique va venir vous dire "ceci est une étude observationnelle, avec des résultats très mal montrés" (et donc avec toutes les questions que ca engendre), il va y avoir polarisation du débat. Et on est plus proche de la deuxième version, que de la première. Ceci dit, comme je l'ai dit sur l'autre topic, oui on laisse ce débat aux chercheurs et aux médecins, chacun à son niveau, dans les lieux appropriés. Je ne crois pas que ce forum soit le lieu approprié pour avoir un débat méthodologique de fond, ni twitter, ni facebook, ni youtube, je pense qu'on assez de boulots dans nos laboratoires, ou sur le terrain, chacun à nos postes dans nos domaines de compétence.

J'ai seulement soulevé un point aussi concernant les h-index et les data (sans accuser ni discréditer personne), je pense qu'il y a pas mal d'analyses de la littérature scientifique qui ont été faites, qui démontrent que les expériences publiées sont très peu reproductibles dans tous les domaines, ou qu'il y avait beaucoup trop de données parcellaires qui empêchent la recherche. L'article le plus connu qui traite, c'est celui de Nature qui expliquait que plus de 70% des articles publiés n'était pas reproductibles dans le domaine de la biologie. On a mis en place des procédures d'éthique et de partage des données justement pour essayer de réduire ce problème, et je pense qu'en tant que scientifique, vous ne le nierez pas, donc sortir l'argument de manipulation de données pour discréditer quelqu'un, c'est un peu gros comme une maison. Je n'ai jamais vu de review qui ne pointait pas des biais dans les data. Pareil sur ces histoires de falsification, quand il y a 50 auteurs sur une publication, qui pense réellement que le 50ème auteur a relu l'article ? Ca relève de la bataille d'ego, pas de l'argument scientifique.

Ensuite ce n'est pas parce qu'on a un avis différent du votre ou du conseil scientifique que nous sommes des parias, ou qu'on a pris position pour l'un ou l'autre. On peut avoir une vision différente des choses, essayer de comprendre quelles sont les motivations, et ce qu'on peut faire pour améliorer les choses rapidement. Vouloir absolument nous catégoriser dans le pour ou contre, et répéter une phrase pour lui donner une valeur de vérité (qui plus est dans un lieu non scientifique) en la basant sur un élément scientifique, et en plus utiliser l'argument émotionnel, c'est exactement ce que je pointe dans ce topic comme étant de la fast-science. Savoir si c'est une étude observationnelle ou non, si c'est bien fait ou pas, ce n'est pas ici qu'on doit avoir ce genre de débat. Savoir si c'est la bonne méthodologie de médecin dans ce contexte, c'est pas ici non plus qu'on doit l'avoir. Et je ne vais pas faire ici votre travail bibliographique. C'est ce que j'essaie de dire.

Pire, parce qu'on a un avis différent, on serait des criminels. C'est exactement ce que j'essaie d'illustrer. Il n'y a pas qu'un seul chemin en science. Les méthodes et les plans de gouvernance ont été mis en place pour éviter des dérives, et éviter des accidents lourds. Ca ne veut pas forcément dire que ce sont les seuls moyens de faire le boulot, ni d'arriver à la solution. Je suis ni pour, ni contre Raoult, je suis pour le pragmatisme. Et votre dernier argument est encore une prise d'otage de la science sous couvert d'une méthode particulière. J'entends très bien l'argument qui dit qu'on ne doit pas faire tout et n'importe quoi, je le comprend, et je le plussois. Mais de là à penser qu'à Marseille on est en train de tuer des gens à tour de bras (en caricaturant), jusqu'à preuve du contraire, on n'a pas vu une surmortalité supérieur à Marseille que la moyenne nationale. Donc au pire, son traitement ne fait rien, au mieux, quelque chose dans son protocole aide vraiment (et encore une fois, je prend en compte les autres publications qui traitent de l'azithromycine ou de la chloroquine, pas uniquement celles de Marseille).

Contrairement, à ce que vous pensez, oui on est tous sceptique par rapport aux résultats présentés, je ne connais pas un chercheur qui a affirmé que l'étude était bien mené, mais on n'est pas tous bornés. Un certain nombre de mes collègues pensent qu'on devrait peut-être suivre ses préconisations en prenant des précautions et en développant en parallèle des ECR, je sais qu'il y a un certain nombre d'autres docteurs qui essaient d'autres combinaisons, pour autant, on n'est pas tous des monstres. Il n'y aurait pas d'un coté ceux qui sont les bons scientifiques aux méthodes bien rodés, et de l'autre les mauvais scientifiques. Aussi, on parle de lui comme si il était tout seul dans un garage à mener une étude. Il y a plusieurs équipes à l'IHU, et pas que des gens inconnus, donc si on vous suit, ils sont tous des criminels en puissance. C'est surréaliste comme argument. Enfin, l'APHM n'est pas totalement déconnecté de l'IHU. Oui, à l'APHM, certains médecins pensent comme vous, et d'autres pensent l'inverse.

Voila ce qui se produit lorsqu'on mélange argument scientifique et argument émotionnel. On arrive à ce genre de conclusion où tout le monde s'invective, et où tout devient inaudible, parce que vous voulez faire dire aux autres ce qu'ils n'ont pas dit, en essayant de porter la science de votre côté.

Ceci dit, pour être sur un ton plus rationnel, je comprend parfaitement la colère. C'est sur que si on a des patients qui vous réclament de la chloroquine parce qu'ils ont entendu que cela fonctionne à Marseille, et que par conséquent cela remet en question implicitement vos compétences de médecin, et que vous êtes obligé de refaire le travail de prévention de danger parce que les autres ne l'ont pas fait, c'est pas simple. J'ai jamais dit encore une fois que Raoult a été bon sur le plan communication, et pour moi, il est dans le même panier que tout le monde. Mais ca fait partie du phénomène que j'essaie de décrire dans ce post, et ce n'est pas uniquement la faute de sa faute. Je ne suis pas là pour dire qui a raison ou qui a tort, et personne n'a dit qu'il faille modifier les procédures en urgence. Je dis simplement qu'il faut arrêter de classer les chercheurs et d'utiliser un argument d'autorité particulier, parce que cela porte préjudice à tout le monde. La méthodologie scientifique évolue en fonction du contexte. Il y a une solution qui a été proposée aux décideurs, parce qu'elle semble montrer des signaux positifs. Ca ne signifie pas que c'est le remède miracle, mais si ca peut aider dans certains cas, tant mieux. Personne n'a non plus dit qu'il fallait absolument le suivre comme un messie. C'est très caricatural, et très populaire.

Enfin, vous parlez des effets secondaires prouvés de HCQ+AZ. Soit j'ai loupé de la littérature ce week-end, soit vous faites référence aux informations du CRPV et il me manque encore des data (puisqu'il me semble qu'on n'a pas le profil des patients). Et si on fait référence à l'article publié il y a 2 jours à J-30, oui, il vient à peine de sortir, et il a fallu 30 jours pour avoir une étude sur les effets secondaires chez les patients atteints de COVID. Et on n'a pas la comparaison de la mortalité dû au traitement, comparé à celle du covid. Donc à partir de là, c'est juste pour nous dire que le traitement augmente la QT chez les personnes ayant un risque cardiovasculaire et le COVID, oui, c'était prévisible. Il n'y a rien d'étonnant.

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Re: Parce que la science dit que...

Message par InMedio »

[mention]Kurai[/mention] : Ayant lu ton développement sur la fast-science, je pense au livre que j'ai commencé à lire l'an dernier Une autre science est possible ! d'Isabelle Stengers et Thierry Drumm.
L'as-tu lu aussi ? Je ne l'ai pas terminé mais l'ai trouvé très intéressant.
Vous ne pouvez pas prouver que quelque chose n'existe pas, mais vous pouvez conclure qu'il n'y aucune raison de penser que ce quelque chose existe.
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Fish »

Tournelune a écrit :Fish, si tu simplifies les propos pour en faire des extrêmes, forcément...
Ben alors là je tombe de haut! :pale:

Mon exemple était fictif, et j'ai choisi de cas francs pour mettre en évidence la "mécanique" derrière l'utilisation d'un groupe témoin. Le but est que ce soit simple et pédagogique. Et encore, mon exemple n'est pas si fictif que ça: on teste des molécules dont on a espoir qu'elles marchent. Il me semble plausible qu'on se retrouve avec des performances équivalentes ET non nulles. Dans quelle mesure est-ce différent de zéro ? Il faut le groupe témoin pour comparer.

Si tu veux expliquer la génétique et l'héritage des gênes, tu prends pour exemple la couleur des yeux, avec l'allèle "bleu" récessif. Ou le groupe sanguin A/B/O. Bref, des exemples qui marchent parfaitement, qui ne subissent pas d'exception. Des exemples "Éducation Nationale". Ensuite, une fois que c'est clair dans les esprits, tu peux t'attaquer à des exemples moins systématiques, et commencer à parler d'épigénétique, de cas où l'héritabilité est modifiée par l'environnement, etc. Mais si tu commences par ça, alors que tes interlocuteurs n'ont pas les bases, tu vas mettre un boxon pas possible dans leurs tête, avec de la fumée blanche qui sort de leurs oreilles.

Je ne sais vraiment pas sur quel pied danser là. J'avais compris que tu ne voyais pas ce qu'était un groupe de contrôle. J'essayais donc d'être simple. Mais je comprends d'après ton dernier message que tu sais ce que c'est, mais que tu ne vois pas à quoi ça sert dans le cas présent... Alors c'est moi qui ne comprend plus rien là. Qu'est ce qui te permet de penser que ça n'est pas utile dans le cas présent, si tu sais à quoi ça sert ? C'est une vraie question, pas une pirouette.

Kurai a écrit :à un moment il faut aussi savoir dissocier la médecine en tant qu'art, et la médecine en tant que science rigoureuse.
Je n'avais pas relevé, mais tu en parlais déjà dans ton premier post. Je suis mal à l'aise avec ça. Pour moi la médecine n'est pas de l'art, du tout. Je suis d'accord que la médecine a existé bien avant que certaines méthodes ou outils mathématiques soient connus. Qu'on ait fait sans rigueur par le passé, faute de connaissances suffisantes, qu'on ait quand même trouvé des trucs utiles à force d'essais-erreur, c'est indéniable. Mais c'était lent et ça générait beaucoup d'erreurs. C'est d'ailleurs ce qui est évoqué dans Mme Bovary de Flaubert.
C'est une excellente chose qu'on laisse ça au passé. C'est d'ailleurs vrai de toute science: il y a une évolution de fond, largement boostée au siècle des lumière, qui a consisté à rendre la science de plus en plus rigoureuse. Ca n'a pas été immédiat, et ça n'est pas terminé (y'a qu'à voir les guéguerres entre psychanalyse et psychologie). Mais l’argument du "on l'a fait par le passé, pourquoi on ne continuerait pas ?" ne me semble pas recevable.
Après les tremblements de terre, on a brûlé des païens pour expier nos fautes devant Dieu. En fait, ça marche pas et on ne le fait plus.
dani a écrit :Il s'est battu pour que l'essai Discovery intègre l'hydrochloroquine et il a réussi.
Je resterais là encore très prudent. La formulation trouvée dans je ne sais plus trop quel article de Libé que j'ai la flemme de retrouver (ouais...), était du genre: "Jérôme Salomon a considéré les résultats de D. Raoult intéressants et à décidé de les intégrer à Discovery, alors que ce n'était pas prévu au départ". Attention! Je n'ai pas la prétention du tout d'affirmer que Libé a plus raison. Mais puisqu'on parle de "fast-science", il me semble que cette idée du Pr. Raoult qui bataille pour faire intégrer la Chloroquine peut relever là encore du scénario de cinéma que j'évoquais plus haut.

Si ça se trouve (je propose là aussi un scénario totalement fictif): Plein de gens compétents ont de bonnes raisons de penser que la Chloroquine n'a pas d'effet notoire. Mais vu l'agitation médiatique, avec une sauce complotiste qui monte, des grands pontes sont chargés d'éteindre l'incendie. Alors on intègre la chloroquine dans l'étude, E. Macron se déplace pour rencontrer D. Raoult, etc. Mais du coup, D. Raoult se retrouve coincé: son produit miracle va être testé de façon rigoureuse et le monde entier va découvrir la supercherie. Alors en bon tacticien, il prépare le terrain, et annonce que le protocole testé dans Discovery n'a rien à voir avec le sien. En fait c'est faux, mais l'important est de semer le doute.

Je viens de faire un discours totalement à charge, là. Je n'ai absolument aucune preuve que ça se passe comme ça. J'essaie juste de mettre le doigt sur la manière de raconter les choses, et dans quelle mesure cela traduit des a priori assez forts. C'est en plein dans le sujet, il me semble.
Si ensuite Discovery peine à trouver des participants ce n'est pas dû à Raoult, mais peut-être au protocole ? Si il n'est proposé qu'aux patients gravement atteints, forcément ceux-ci vont hésiter.
Si je comprends bien le Checknews de Libé que j'ai mis en lien au début de ce fil, ce n'est pas le cas. Discovery ne teste pas que des malades gravement atteints. Ca teste bel et bien des patients à différentes étapes de la maladie, y compris des formes modérées, y compris des patients en début de maladie - n'ayant pas encore de symptômes grave - mais qui présentent des facteurs de risque vers une évolution grave.

https://www.liberation.fr/checknews/202 ... lt_1784819

J'ai aussi lu dans un autre Checknews de Libé, qui la difficulté de recruter des patients pour Discovery ne venait pas de la gravité des cas, mais de la probabilité trop faible d'être traité à la Chloroquine. Avec 4 molécules et un groupe témoin, un patient n'a que 20% de chances d'être traité à la Chloroquine. Certains ont estimés que c'était trop faible. Ils étaient venus pour recevoir de la Chloroquine, ils avaient décidé par avance que cette molécule là était efficace, et que c'était la seule à être efficace (fast-science à 100% là). Ceci dit, difficile de mettre la totalité de l’histoire sur le dos du Pr. Raoult: il a amorcé la polémique avec sa vidéo, mais ce sont les médias qui lui donnent son ampleur... "médiatique" !

Ca serait bien pour que le débat soit productif, de tenir compte de ce qu'on a écrit. J'ai pas l'impression que ça soit toujours le cas. Sincèrement, lisez ce Checknews de Libé. Ca n'est bien sûr pas une preuve, et "celui qui a raison" n'est pas "le dernier en date qu'on a lu" (effet girouette: oui puis non puis oui en fonction de l'ordre des lectures). Après avoir lu l'article, on ne peut pas plus décider qu'avant qui a raison et qui a tort. Mais ça permet de douter, et c'est un grand pas en avant.

Personnellement, je fais plus confiance à Libé, qui n'est pas partie prenante de l'histoire, qu'à D. Raoult, justement parce qu'il est concerné. Ca ne signifie pas que je crois Libé les yeux fermés. Il est possible qu'en temps de crise, Libé joue la carte de la fidélité aux instances officielles. On a vu dans l'histoire des adhésions unanimes de journalistes aux discours officiel (la Guerre du Golfe de 1991 est un excellent exemple). Mais d'un autre coté, on sait qu'Internet est truffé de fake-news, et les Checknews de Libé ont très précisément pour but de détecter ces fake-news (Le Monde fait exactement la même chose).

Té, un autre exemple qui nous sortira un peu de la Chloroquine. Au début des années 2000, on a parlé des "tournantes". Ca a été monté en épingle dans les médias, puis c'est retombé. En gros, c'était présenté comme une phénomène spécifique à certaines populations, de banlieue, de type louche genre basanée. Quelques mois plus tard, un livre est publié sur le sujet, avec une analyse plus poussée, où on découvre que le phénomène existe dans toutes les couches sociales. Ca ne rend pas les tournantes en banlieue plus acceptables, mais ça montre le cheminement suivant:
1- (à la télé, média de masse) il y a des tournantes dans les banlieues ! C'est sordide. La banlieue, c'est vraiment des racailles. La télé a bien raison de dénoncer cela. La télé défend la cause féministe.
2- (6 mois après, dans un livre à diffusion confidentielle) oui mais en fait, des tournantes il y en a dans tous les milieux. Ah mince. En fait, la télé n'a jamais défendu la cause féministe. Elle s'est servie d'un prétexte féministe pour légitimer un discours raciste et de mépris de classe, avec l'habituel dédains des journalistes pour tout ce qui est au delà du boulevard périphérique.

On retombe là sur un grand classique: dans un débat, attention à ne pas considérer qu'une seule partie, et attention à ne pas suivre ses instincts, ses émotions.
dani a écrit :les décideurs doivent pouvoir prendre du recul entre la médiatisation du personnage (...)
Oui, et j'ai l'impression que c'est ce qu'ils font. Ca rejoint mon propos sur le manager vs. les experts. Un bon manager n'est pas expert en tout. Un bon manager est capable de comprendre les tenants et aboutissants des discours des experts. Mais aussi, un bon manager a une sacrée dose de sang-froid: quand plusieurs experts se contredisent, font des attaques ad hominem les uns envers les autres, un bon manager doit se focaliser sur le fond du problème. C'est pas facile, parce qu'en proposant un compromis, le manager heurte la totalité des experts, chacun s'attendant à ce qu'on suive exactement sa théorie. Donc en général, ça se retourne contre lui.

Un bon manager sais aussi surmonter les fausses oppositions; Du genre "Raoult a une communication putaclic, donc ne faites pas confiance à ses essais". Ca n'est en fait pas contradictoire. On peut simultanément ET avoir une communication de merde avec un égo démesuré, ET proposer des choses intéressantes.
Manager: "OK, la communication est plus que discutable; Mais la vraie question est: ces fameux essais, ils ont un intérêt ou pas ?".
Chœur: "mais ce gars a complètement inventé son prestige"
Manager: "OK, admettons. Mais les essais ont-ils un intérêt ?"
Chœur: "il publie à mort, mais il récupère le travail des autres"
Manager: LES ESSAIS ONT-ILS UN INTÉRÊT ?

Avec mon point de vue de néophyte, je place D.Raoult dans le rôle de l'expert bougon qui s'attend à ce qu'on suive scrupuleusement ses propositions, et les gens de Discovery sont les managers au sang froid qui s'en prennent plein la gueule par D. Raoult, mais qui continuent malgré tout à essayer de faire avancer le schmilblick. Je me trompe peut-être, ou je simplifie beaucoup (trop), mais vu de loin:
- D. Raoult a-t il pris en compte les critiques sur ses travaux (groupe témoin) pour améliorer son protocole de test ? Non.
- Les gens qui gèrent Discovery ont-ils pris en compte les critiques pour modifier leur protocole (intégration de la Chloroquine) ? Oui.

Et c'est ça qui me rassure: au delà des guéguerres de com', d'image, il me semble que des gens, peu présents médiatiquement, essaient de faire du bon boulot.

faire un ECR qui prend du temps et qui peut condamner des gens pour rien
Il y a là encore quelque chose qui me gêne beaucoup. J'ai tenté d'en parler, mais j'ai le sentiment de pisser dans un violon. Aujourd'hui, il me semble raisonnable que la piste de la Chloroquine est connue de tout médecin. C'est pas juste un débat passionnel franco-français. D. Trump en a parlé, il y a eu une utilisation un peu massive en Suède, des études basiques en Chine, etc.

Tout médecin se retrouve dans la situation suivante:
1) il a des patients atteints de Covid-19 à traiter,
2) il a connaissance d'un traitement, la Chloroquine, qui pourrait aider mais ce n'est pas certain. Il a les connaissances suffisantes pour ne donner cette Chloroquine qu'aux patients chez qui elle ne présente pas de risques. C'est l'écrasante majorité des patients. Actuellement, il me semble que peu de médecins dans le monde donnent de la Chloroquine à leurs patients. Il y a donc chaque jour des milliers de patients à qui on ne donne pas de Chloroquine, en sachant que ça pourrait les aider mais pas sûr, et qu'en tous cas ça ne leur ferait pas de mal.

A coté de ça, il y a un essai, Discovery, qui teste 4 molécules avec un groupe témoin. Les gens qui réalisent cette étude sont dans la situation suivante:
1) ils ont des patients atteints de Covid-19 à traiter,
2) ils ont connaissance de plusieurs traitements qui pourraient aider mais ce n'est pas certain. Ils ont les connaissances suffisantes pour ne pas donner ces traitements qu'aux patients chez qui ils ne présentent pas de risques. Cela représente l'écrasante majorité des patients. Ils choisissent également de ne rien donner aux 20% des patients du groupe témoin.

Vous êtes plusieurs ici, à utiliser le terme "condamner" à propos de cette dernière pratique, en suggérant que ce n'est pas acceptable. Je ne comprends pas en quoi ne pas donner de traitement dans le cadre de Discovery, c'est "condamner", et en quoi les milliers de médecins qui font la même chose, tous les jours, c'est différent.
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dani
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Re: Parce que la science dit que...

Message par dani »

Fish a écrit : lun. 13 avr. 2020 11:59 Tout médecin se retrouve dans la situation suivante:
1) il a des patients atteints de Covid-19 à traiter,
2) il a connaissance d'un traitement, la Chloroquine, qui pourrait aider mais ce n'est pas certain. Il a les connaissances suffisantes pour ne donner cette Chloroquine qu'aux patients chez qui elle ne présente pas de risques. C'est l'écrasante majorité des patients. Actuellement, il me semble que peu de médecins dans le monde donnent de la Chloroquine à leurs patients. Il y a donc chaque jour des milliers de patients à qui on ne donne pas de Chloroquine, en sachant que ça pourrait les aider mais pas sûr, et qu'en tous cas ça ne leur ferait pas de mal.
Je ne vais pas rebondir longuement (en me faisant une tapette sur la joue car j'avais décidé de prendre un vrai recul, je vais y retourner après ce post) mais je pense que la chloroquine et/ou l'hydroxychloroquine selon les pays, est utilisée dans de nombreux endroits selon cette carte. Alors oui, elle et issue du site HIU méditerranée, donc sujette à caution. Mais l'utilisation de la chloroquine dans le monde n'est pas juste anecdotique. Ce qui ne signifie pas qu'elle soit efficace. C'est juste pour pondérer tes propos :)

https://www.mediterranee-infection.com/ ... commandee/
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Re: Parce que la science dit que...

Message par Invité »

InMedio a écrit : lun. 13 avr. 2020 11:42 @Kurai : Ayant lu ton développement sur la fast-science, je pense au livre que j'ai commencé à lire l'an dernier Une autre science est possible ! d'Isabelle Stengers et Thierry Drumm.
L'as-tu lu aussi ? Je ne l'ai pas terminé mais l'ai trouvé très intéressant.
[mention]InMedio[/mention] : Non, je ne l'ai pas lu, mais je vais regarder, merci pour la référence !

[mention]Fish[/mention] :
Pour moi la médecine n'est pas de l'art, du tout. Je suis d'accord que la médecine a existé bien avant que certaines méthodes ou outils mathématiques soient connus. Qu'on ait fait sans rigueur par le passé, faute de connaissances suffisantes, qu'on ait quand même trouvé des trucs utiles à force d'essais-erreur, c'est indéniable. Mais c'était lent et ça générait beaucoup d'erreurs.
Là tu vas rentrer dans un débat philosophique, et je suis pas certain que ce soit évident. Non seulement parce que estimer que la médecine ait été faite sans rigueur avant le 19e est très réducteur, mais surtout parce que c'est dans la nature même de la médecine d'être à la fois un art et un savoir depuis Platon. Un art est une pratique, qui peut être fondé ou non sur un savoir. Le mot médecine lui même veut dire "art de guérir" étymologiquement. Je pense qu'il y a fondamentalement une opposition trop franche entre théorie et pratique, qui est une fausse idée de la médecine (ce qui est très bien décrit dans l'article de Ian Cameron). Pour sortir un peu du cadre de la médecine, l'ingénierie est un art qui se base sur la théorie scientifique. Les deux ne sont pas incompatibles. Ce qui a évolué c'est la maîtrise méthodologique de la connaissance, qui est devenue plus rigoureuse. Mais cela n'occulte pas le fait qu'un praticien fonctionne énormément à l'instinct malgré que ce soit scientifique. D'ailleurs, il suffit de discuter avec un médecin pour te rendre compte très vite qu'il mette plus l'accent sur le côté technique que sur le côté scientifique.

Je crois qu'il y a une trop forte ségrégation entre science et art (au sens technique) dans toutes les disciplines scientifiques, et que c'est une grosse erreur justement. D'ailleurs, c'est très symptomatique. J'ai lu un truc sur twitter là: "tous les pro-Raoult sont les vieux médecins qui ont peur, les contre-Raoult sont les jeunes qui connaissent les nouvelles techniques de la médecine". D'abord, la science étant basée sur l'expérience, c'est anti-scientifique d'essayer d'expliquer que c'est mieux maintenant. Il y a tout un tas de méthodologie aujourd'hui qui ont leur limite, et qui seront remplacé demain. Est ce que ca veut dire que les gens d'aujourd'hui ne font pas de la science ?
Il y a là encore quelque chose qui me gêne beaucoup. J'ai tenté d'en parler, mais j'ai le sentiment de pisser dans un violon. Aujourd'hui, il me semble raisonnable que la piste de la Chloroquine est connue de tout médecin.
J'ai très bien compris ton point, et encore une fois, je le redis, je ne pense qui quiconque condamne les ECR. Il y a une question sur le plan méthodologique intéressante. Personne n'a dit que Discovery n'est pas intéressant, et c'est réducteur. Ce que je dis moi: c'est qu'il y a un décalage sur le plan scientifique entre ce qu'est Discovery, et la manière dont on présente Discovery. Par ailleurs, ce que je condamne, c'est la facilité de dire "Ceux qui sont pour les ECR sont de bons scientifiques, les autres, ne le sont pas et sont des charlatans." Personne n'a dit que les ECR n'étaient pas utiles d'une part, et d'autre part, la question est: dans un cadre d'urgence dans lequel ce qui pose le plus problème c'est le fait que les hopitaux sont surchargés et qu'ils ne peuvent pas accueilir tous les patients (parce qu'il n'y a pas que le COVID dans la vie), sachant qu'une méthode présente des signaux positifs et ne semblent pas toxiques sur le papier à court terme, est ce qu'on ne pourrait décharger un peu les hopitaux en attendant que les résultats des ECR sur les autres molécules se terminent correctement ? Je préfère à titre perso un ECR bien réalisé sur 3 mois, qu'un ECR réalisé à la va-vite en 2 semaines qui sera équivalent à l'étude observationnelle de Raoult sur le plan méthodologique (je caricature parce que bien évidemment Discovery est mieux fait que les études de Raoult, mais je ne comprend pas d'ailleurs qui puisse affirmer qu'un ECR peut tenir en 1 mois, quand en temps normal il faut une dizaine d'années.. Sachant qu'en plus Discovery n'est pas un en aveugle). C'est ca qui me gêne, ce n'est pas le fait qu'on fasse des ECR. C'est le fait de vouloir utiliser un argument éthique qui n'en est pas un, et un argument méthodologique qui n'en est pas un, pour discréditer des pratiques scientifiquement valables même si minoritaires. Encore une fois, en science, il y a plusieurs façons de faire que la méthode majoritaire, et je trouve ça, à titre personnel, malhonnête scientifiquement et intellectuellement de faire croire qu'il n'y a qu'une façon bonne de pratiquer la médecine (parce que dans ce cas, avant de te faire un prescrire un médicament pour une pneunomie, il faudrait systématiquement faire une prise de sang pour vérifier que c'est le bon virus ou la bonne bactérie).
Avec mon point de vue de néophyte, je place D.Raoult dans le rôle de l'expert bougon qui s'attend à ce qu'on suive scrupuleusement ses propositions, et les gens de Discovery sont les managers au sang froid qui s'en prennent plein la gueule par D. Raoult, mais qui continuent malgré tout à essayer de faire avancer le schmilblick. Je me trompe peut-être, ou je simplifie beaucoup (trop), mais vu de loin:
- D. Raoult a-t il pris en compte les critiques sur ses travaux (groupe témoin) pour améliorer son protocole de test ? Non.
- Les gens qui gèrent Discovery ont-ils pris en compte les critiques pour modifier leur protocole (intégration de la Chloroquine) ? Oui.
Surtout il y a chez Raoult un problème de com' qui pose problème. Histoire de dépersonnifier un peu le truc, on va plutôt parler de l'IHU. Les médecins de l'IHU ont décidé de tester un traitement et de vérifier s'il fonctionne. Ils ont indiqué clairement, qu'étant donné la situation sanitaire, il ne voulait pas appliquer la méthodologie des ECR parce qu'ils pensent, d'après les signaux positifs qu'ils ont, que leur protocole fonctionne, et qu'il n'y a pas de raison de condamner un groupe témoin pour en apporter la preuve (parce que la preuve serait dans le fait qu'ils obtiennent moins de mort à l'APHM que dans les autres hopitaux de France), parce que ce groupe témoin là pourrait aussi bénéficier de ce traitement. Ils sortent des résultats, et continuent leur soin. Ils font de la médecine. A charge des autres médecins, s'ils ne sont pas convaincus par ce protocole de soin, de faire un ECR sur ce même protocole. Par ailleurs, si les autres médecins veulent suivre ce protocole, ils sont libres de le faire s'ils estiment qu'ils ont les connaissances suffisantes pour le faire. S'ils estiment qu'il n'y a pas assez de preuve pour le faire, ils ne le prescrivent pas. Or là, on est tombé si tu veux dans une guerre, où les uns traitent les autres de criminels et de non-scientifique, en pensant les uns et les autres qu'ils ont la science de leur côté. Alors qu'au final, tout ce beau monde font exactement la même chose, selon des méthodologies différentes valables.

Après, je te rejoins sur le fait que l'IHU n'a pas calmé les esprits en ne faisant pas les ECR, c'est un fait indéniable. De toute façon, ils vont se rendre que ce qui marche en vrai, c'est pas HCQ, mais AZ :lol: Idem, je te rejoins un peu sur tout ce qui est manager.

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Re: Parce que la science dit que...

Message par Fish »

Je pense qu'il y a fondamentalement une opposition trop franche entre théorie et pratique
J'ai également constaté, sur Internet comme dans la vie réelle, cette opposition. L'expérience (la pratique) est un aspect absolument fondamental de la démarche scientifique. Lorsqu'il n'y a pas d'expérience, on est dans la pseudo-science, ou dans l'essai littéraire. On donne libre cours à ses idées, avec une certaine gratuité. On pense et on dit ce qu'on veut puisqu'on n'a pas à subir le couperet de la preuve par l'expérience. C'est très agréable, mais on ne prouve jamais rien. Le hic, c'est que la circulation circulaire de l'information décrite par P. Bourdieu tend à rendre les spéculations comme vraies. On a ce problème à fond avec toutes les théories de comptoir sur les zaibres.

J'ai même constaté une tendance à placer la théorie comme supérieure à la pratique. Quand la théorie ne colle pas avec l'expérience, on peut bien sûr remettre en cause l'expérience: peut-être que le protocole est foireux, ou qu'on a fait une erreur de mesure, etc. Mais si on vérifie tout, et que tout va bien coté expérience, ben à un moment donné, il faut bien remettre en cause la théorie. Et là, j'ai déjà vu des gens considérer que si la théorie dit une chose et l'expérience autre chose, c'est la théorie qui a raison. C'est ce que j'appelle "la science comme nouvelle religion".

Un exemple raconté par ma prof de physique: Michelson a inventé un appareil optique qui lui permettait de mesurer la densité de l'Ether (l'interféromètre qui porte son nom). A l'époque, on pensait que la transmission de la lumière nécessitait un support physique, comme pour le son. Michelson l'a utilisé, et a trouvé que l'Ether avait une densité nulle. Persuadé que c'était impossible, il a passé sa vie à chercher pourquoi son fichu interféromètre donnait des fausses mesures... qui étaient en fait tout à fait valides, l'Ether n'existant pas et étant du vide.

Par ailleurs, il serait faux de penser que la théorie précède toujours l'expérience. Il y a de nombreux cas où on découvre des choses en expérimentant. C'est le cas des rayons X ou de la supraconductivité. Et puis surtout, théorie et pratique sont généralement totalement enchevêtrées, dans un processus itératif.

Mais ce n'est pas du tout la même chose qu'une opposition entre rigueur et non rigueur.

Le Pr. Raoult fait des expériences, Discovery est aussi une expérience. Les deux relèvent bien de la pratique. Par contre, la rigueur n'est pas la même dans les deux cas, d'après ce que je comprends.
Encore une fois, il n'y a rien qui me choque à ce qu'un expert tente des trucs, en se basant sur une grande connaissance de son produit. On n'est pas là dans le cas d'un type qui teste des trucs au pif pour voir ce que ça donne. Sa démarche est, à priori, pas idiote. Tester sur une poignée de patients, sachant qu'il y a peu de chances qu'il y ait des effets indésirables, ça permet de dégrossir le sujet. C'est quelque chose qu'on fait couramment en ingénierie, qu'on appelle "étude de faisabilité". On fait des petits expériences mal maîtrisées, mais rapides et peu coûteuses, pour voir si ça pourrait valoir le coup d'investiguer plus loin. Ca sert à rien de mettre du pognon dans le développement d'un projet, de rassembler des équipes, de planifier tout le schmilblick, pour s'apercevoir dès le premier test qu'un obstacle énorme rend ce projet illusoire. Bien sûr, comme l'expérience est mal maîtrisée, il y a un risque important que, si ça ne marche pas, c'est pas que le projet est voué à l'échec, mais que l'expérience est foireuse. Mais si ça marche, ou au moins si ça marchotte, ou à l'inverse si ça nous pète à la gueule dès le premier test, on a un début de réponse.

Après ce genre d'expérience, la bonne attitude consiste à se lancer dans un processus plus rigoureux, qui prend plus de temps.

En fait, si D. Raoult avait simplement fait part des ses résultats préliminaires dans un mail envoyé à des gens pertinents, qui auraient pris le relais en intégrant la Chloroquine à un protocole plus lourd, et que tout le monde avait travaillé sereinement sans ni querelles d'égo ni faire d'annonce spectaculaire avant d'avoir des résultats fiables, il n'y aurait pas ce débat. Mais dans un tel monde de Bisounours, il n'y aurait pas non plus de coronavirus, D. Trump ne serait pas président des USA, Hitler et Staline seraient jockey dans des courses hippiques.
Il y a tout un tas de méthodologie aujourd'hui qui ont leur limite, et qui seront remplacé demain. Est ce que ca veut dire que les gens d'aujourd'hui ne font pas de la science ?
- Hier, les gens faisaient de la science plutôt mal. Certains trucs étaient pas mal, d'autres trucs carrément craignos. Mais on a évolué; Les trucs qu'on sait craignos aujourd'hui, on peut éviter de les refaire.
- demain, on s'améliorera encore, et il y a des trucs d'aujourd'hui qu'on trouvera craignos. On ne les pratiquera plus. L'argument est le même: c'est pas parce qu'on se le permet aujourd'hui, qu'on pourra se le permettre demain.

Qu'on fasse des trucs pas très catholiques parce qu'on n'a pas les connaissances pour faire mieux est une chose. Qu'on fasse des trucs pas très catholiques "comme avant" alors qu'on a acquis depuis les connaissances pour faire mieux, c'est bien plus discutable.
dans un cadre d'urgence dans lequel ce qui pose le plus problème c'est le fait que les hopitaux sont surchargés (...), sachant qu'une méthode présente des signaux positifs (...), est ce qu'on ne pourrait décharger un peu les hopitaux en attendant que les résultats des ECR sur les autres molécules se terminent correctement ?
Pour moi, ça dépend en partie de la vitesse à laquelle on peut obtenir des résultats plus fiables. Il semble que ça ne soit pas si long que ça.
je ne comprend pas d'ailleurs qui puisse affirmer qu'un ECR peut tenir en 1 mois, quand en temps normal il faut une dizaine d'années
D'après ce que je comprends, Discovery n'est pas une énorme batterie de test. Le principale apport est l'inclusion d'un groupe témoin, qui permet de s'assurer que l'efficacité n'est pas un simple biais statistique. Par ailleurs, l'urgence de la situation est probablement ce qui permet d'aller vite: le recrutement se fait rapidement, les organismes de santés donnent leur accord au quart de tour, etc.
La dizaine d'année dont tu parles, ça serait pas valide pour un protocole complet, sur un produit nouveau, dont on veut vérifier aussi l'absence d'effets secondaires ? Là, on part de produits connus et autorisés à la vente sur le marché.
il n'y a pas de raison de condamner un groupe témoin pour en apporter la preuve (parce que la preuve serait dans le fait qu'ils obtiennent moins de mort à l'APHM que dans les autres hopitaux de France)
Il me semble que ce n'est pas forcément une histoire de nombre de morts. D'après ce que je comprends, on espère que la Chloroquine fasse chuter le nombre de virus dans le corps. Le système immunitaire fait la même chose. Quand on donne de la Chloroquine à un patient et que sa charge virale chute, on est incapable de savoir si c'est la Chloroquine qui agit ou le système immunitaire du patient. Si tous les patients suivaient exactement le même enchaînement de dégradation de santé, avec la même gravité dans le même timing, on pourrait conclure. Mais ce n'est pas le cas. Il y a 50% des personnes contaminées, peut-être bien plus, qui ne s'en rendent même pas compte: leur système immunitaire est super efficace.

En comparant avec un groupe témoin, on peut voir si la charge virale chute plus vite dans un groupe que dans l'autre. On n'est pas obligé d'attendre qu'ils soient morts. Ma compréhension, c'est que certains patients qui ne reçoivent pas de Chloroquine vont se retrouver hospitalisés, alors qu'ils ne le seraient pas avec de la Chloroquine. Ils seraient restés chez eux, ils auraient libéré un lit d'hôpital, et c'est un autre patient, un cas bien grave celui là, qu'on aurait pu soigner à sa place. Le Chloroquine sauve des patients parce qu'elle évite la saturation des hôpitaux.

Toujours d'après ce que je comprends, dans le cadre de Discovery, les patients du groupe témoin auront de toute façon leur place dans un hôpital. Ils ne feront pas partie des gens qu'on choisit de laisser mourir parce qu'on n'a plus de respirateur et qu'il sont en compétition avec un patient 20 ans plus jeune.

Après, est-ce que certains patients qui n'ont pas reçu de Chloroquine, mais qui sont quand même traité dans un hôpital, vont mourir et ne seraient pas mort s'ils en avaient reçu ? Ca je n'en sais rien; Mais c'est une question totalement différente du cas où des patients meurent parce qu'ils ne trouvent pas de place dans les hôpitaux, alors qu'on aurait pu libérer des places en donnant de la Chloroquine à d'autres patients.

Enfin, c'est ce que j'ai compris hein, et il me semble que c'est bien l'intention du Pr. Raoult: alléger la quantité de gens nécessitant une hospitalisation.

Invité

Re: Parce que la science dit que...

Message par Invité »

D'après ce que je comprends, Discovery n'est pas une énorme batterie de test. Le principale apport est l'inclusion d'un groupe témoin, qui permet de s'assurer que l'efficacité n'est pas un simple biais statistique. Par ailleurs, l'urgence de la situation est probablement ce qui permet d'aller vite: le recrutement se fait rapidement, les organismes de santés donnent leur accord au quart de tour, etc.
La dizaine d'année dont tu parles, ça serait pas valide pour un protocole complet, sur un produit nouveau, dont on veut vérifier aussi l'absence d'effets secondaires ? Là, on part de produits connus et autorisés à la vente sur le marché.
Non, ca c'est ce qu'on essaie de vendre au grand public justement (et là je suis bien placé pour le savoir à cause de mon travail et de celui de mon frère et ma soeur, mais je n'ai pas envie de me servir de cet argument). C'est pour ça que je fais ce post sur la fast-science (parce que ce genre de chose est implicite pour les chercheurs, et pas forcément évident à savoir pour le grand public. Et aller lui dire ça, ce serait créer une panique supplémentaire pour rien). Que ce soit pour un nouveau médicament ou un repositionnement, il faut plusieurs années en temps normal. Ici, on va juste essayer d'accélérer les choses un peu. La preuve: On avait annoncé les résultats de Discovery pour début-mi avril, de l'aveu même d'Adler, ce ne sera pas avant fin avril-mi mai - et je peux te garantir que ce ne sont que des résultats préliminaires parce qu'il faut bien 4 à 6 mois pour qu'on commence à être sûr de ce qu'on avance. Ce n'est pas une question seulement d'aller vite: il y a la durée d'incubation, la durée du traitement, le fait qu'il faille demander à des commissions extérieures internationales, le suivi post-traitement, etc. Et de toute façon, aucun scientifique ne s'attend vraiment à avoir des résultats dans l'immédiat. On va avoir des résultats préliminaires qui vont orienter sur un soin, et sauf miracle pour lequel on aurait une guérison extraordinaire et marquée avec très peu d'effets secondaires à moyen terme, on va devoir continuer les tests avant de proposer un soin. Il faut bien comprendre que la maladie a démarré en décembre, on est au mois d'avril (il faut pas croire que les scientifiques ont chômés en 4 mois, mais ca en dit bien long sur la vitesse réelle de la recherche et le temps qu'il va falloir pour qu'on ait des résultats confiants dans les essais). Ce qu'on a dit par contre, si jamais les résultats préliminaires montraient de forts signes prometteuses, vu l'urgence, on réduirait le temps d'étude des effets long terme et on prendrait le risque d'administrer les molécules sur la base des effets secondaires qu'on connait.

Pour ce que tu racontes sur le protocole en question, c'est plus compliqué entre ce que Raoult veut faire et ce que les autres professeurs demandent. Les patients qui doivent être inclus pour prouver que sa solution fonctionne doivent être pris avec des symptomes modérés à 10 jours et de très fort risque de basculer vers l'état grave. C'est justement ce qu'on reproche à Raoult dans sa dernière étude pas encore publiée: d'avoir pris quasiment que des patients asymptomatiques avec très peu de risque d'après le critère NEWS (pour ces gens là, il y a de fortes chances qu'ils guérissent d'eux-mêmes donc, aucun intérêt pour un test médical, ni aucun intérêt de les traiter). Or, il y a déjà une multitude d'étude randomisée qui montre qu'une fois dans la seconde phase de la maladie, la chloroquine ne sert à rien. Ce qui signifie qu'on doit prendre implicitement des gens qu'on va faire basculer vers le deuxième état de la maladie et pour eux, on va les soigner avec les moyens du bord. C'est là où ca devient moins éthique d'après lui. Après on peut toujours argumenter mais c'est comme je l'ai dit, une chose que je laisse ça dans les endroits appropriés.

Pour ton point sur la rigueur, il y a plusieurs points qui sont mélangés. Sur le plan scientifique, ce qui est reproché, c'est la manière dont sont présentés les études. Au début, il n'y avait pas de groupe témoin. Dans la deuxième étude, il prend un groupe témoin qui n'est pas témoin (puisque pas la même population). Et dans la troisième étude qui n'est pas publié, les patients inclus ont très peu de risques à priori, d'après les indices cliniques, et malgré leur commorbidité, de passer dans le stade 2 de la maladie. A partir de là, on a dit que son protocole est au niveau 0 de la science (parce que oui méthodologiquement par rapport un ECR, c'est le néant). Sauf que si on regarde ce qu'il a proposé (à savoir faire baisser la charge virale chez tout le monde dès le début, et mesurer cette charge virale), on va avoir un peu de mal à faire autrement qu'une étude interventionnelle (puisque dans les premiers stades de la maladie, c'est compliqué de savoir qui va passer en stade 2 ou pas), qui est méthodologiquement acceptable mais avoir un degré de confiance et de précision inférieur à un ECR. La preuve, on a eu des patients très jeunes sans signe qui sont brutalement mort du Covid.

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TourneLune
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Re: Parce que la science dit que...

Message par TourneLune »

Je pense qu'il pourrait être intéressant d'ouvrir d'autres sujets, il semble très difficile de ne pas laisser celui-ci se faire polluer par cet exemple précis de la chloroquine.
Et il me semble qu'un sujet sur la recherche en médecine de façon générale et peut-être particulière aux épidémies, pour expliquer pourquoi cette méthode est importante ou pas, pourquoi on le fait, quels sont les risques à pas le faire, évoquer les problèmes éthiques évidents et moins évidents, etc etc...

Parce que ce qui semble évident quand on est dedans l'est drôlement moins quand on est dehors.

@Fish, y a quand même une exception: les maths :lol:

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