Opéra et théâtre lyrique

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Artémis
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Artémis »

Merci pour ce Post Tamiri !! Si tu as des liens pour voir certains de ces opéra en vidéos je suis preneuse !! ça me replonge dans un des moments de ma vie ou lorsque que je n'était pas sur scène je parcourais les théâtres, opéras, festival et auditorium dans une grande boulimie artistique ! Si jamais il y à des choses sympas à voir pas loin de l'allier, fait moi signe ça pourrais m’intéresser ! Et au passage à Moulin il y à le musée des costumes de scène et les expos temporaires sont géniale, si les coulisses t’intéressent autan que le spectacle je te conseil vivement une visite !
"Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde. Tu es responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé."
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Invité »

Je suis très contente qu'il y ait un sujet sur l'opéra :) J'aime beaucoup, et plus largement l'art lyrique ...
En 2019, je suis allée voir Madame Butterfly de Giacomo Puccini à l'opéra Bastille avec une amie. Je n'avais jamais vu cet opéra et j'en connaissais très peu d'airs. La mise en scène (Robert Wilson) m'a beaucoup plu : il crée des espaces avec peu de choses. Les costumes et la gestuelle des chanteurs étaient très étudiés, avec de belles lignes sobres, l'ensemble est inspiré du théâtre japonais traditionnel si j'ai bien compris. J'ai beaucoup aimé les voix entendues (j'adore Marie-Nicole Lemieux de toute façon :) ) ... et me suis sentie révoltée à la découverte de cette histoire si tragique ! J'ai trouvé le discours anti-colonialiste tellement juste ! La sobriété de la mise en scène et la qualité des voix m'ont émue ...

https://www.operadeparis.fr/saison-19-2 ... -butterfly

Artémis, le centre national du costume de scène de Moulins est un lieu que j'aimerais visiter. Derrière les costumes, on peut évoquer tellement de choses sur les productions opératiques et théâtrales ... en plus d'admirer déjà tout simplement les costumes pour eux-mêmes !

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Invité »

Depuis hier et jusqu'au 25 mai, un documentaire de J.-S. Bron sur l'Opéra de Paris (plus particulièrement sur la scène lyrique plus que sur la scène ballet) est disponible : https://www.france.tv/spectacles-et-cul ... paris.html

Pour tous ceux que cela intéresse !

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Miss souris
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Miss souris »

spectacles et cul ? ça a l'air bien...et ça va intéresser du monde.

Je sors, je sors ... :huhu:

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Invité »

J'ai mis du temps avant de comprendre :) Je n'avais pas vu que le mot "culture" avait été tronqué :)

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Tamiri
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Bon. La saison s’étant terminée de manière anticipée, nous voilà condamnés à attendre que les théâtres puissent rouvrir… Voici donc ma petite chronique 2019-2020.

Dans l'ordre anti-chronologique :
La Dame Blanche (février 2020)
Saül (janvier 2020)
Fortunio (décembre 2019)
Un américain à Paris (novembre 2019)
Les Indes galantes (octobre 2019)
La finta giardiniera (août 2019)


La Dame Blanche
Musique de François-Adrien Boieldieu, livret d'Eugène Scribe (1825)
Direction musicale : Julien Leroy
Mise en scène : Pauline Bureau
Paris, Opéra-Comique, février 2020
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J’ai attendu cette Dame Blanche avec une impatience toute particulière. C’est que l’œuvre fait partie du trio des ouvrages lyriques avec lesquels j’ai une relation obsessionnelle (aux côtés du Vaisseau fantôme et dans une moindre mesure d’Alceste). Sauf que les représentations scéniques en sont d’une extrême rareté. Cette production, salle Favart, était donc immanquable pour moi, j’en ai vu deux représentations et j’en aurais volontiers rajouté une si le calendrier et les finances l’avaient permis.
Il existe des moments que je chéris, qui m’émeuvent des années après, où un metteur en scène me donne l’impression de réaliser miraculeusement un personnage tel que je le rêve dans mon théâtre intérieur. La Senta (Vaisseau fantôme) d’Alexander Schulin, la Micaela (Carmen) de Calixto Bieito… Anna vue par Pauline Bureau en fera désormais partie. Par un effet d’identification probablement : tirer d’une extrême sensibilité le courage de faire plier le destin, c’est peut-être la force que je voudrais avoir.
En toute subjectivité donc, l’un des spectacles de ma vie (jusqu’à maintenant). Et un des meilleurs moments passés dans ce théâtre qui m’est si cher, avec la production d’Hamlet il y a quelques années (abordé dans ce topic d’ailleurs).


Saül
Musique de Georg Friedrich Händel, livret de Charles Jennens (1739)
Direction musicale : Laurence Cummings
Mise en scène : Barrie Kosky
Paris, Châtelet, janvier 2020
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Cette production venue de Glyndebourne pourrait avoir été créée pour le Châtelet, tant il semble s’inscrire dans l’ADN du lieu. Du grand spectacle, depuis l’orgie du premier acte jusqu’au champ de cadavres du dernier, tout en violents contrastes entre la pure jubilation et la l’abjection la plus noire. Une énergie folle, un foisonnement visuel, une implication permanente de la danse (dans la meilleure tradition anglo-saxonne dont le Châtelet est la vitrine parisienne), du spectaculaire dans le meilleur sens du terme, porté également par un orchestre survitaminé. On en oublie facilement que l’œuvre n’est pas la plus palpitante de la planète par manque de tension dramatique : Barrie Kosky choisit l’outrance, ses personnages seront extrêmes, instinctifs. Il fallait sans-doute cela pour que le récit biblique devienne chair, que l’expérience puisse passer sans cesse du somptueux au dérangeant. Christopher Purves incarne un Saül à la folie bestiale, terrifiante.


Fortunio
Musique d’André Messager, livret de Gaston Arman de Caillavet et Robert de Flers (1907)
Direction musicale : Louis Langrée
Mise en scène : Denis Podalydès
Paris, Opéra-Comique, décembre 2019
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Une proposition un peu trop sage de la part de Denis Podalydès, ne serait-ce que sur le plan visuel. Si la ville enneigée du premier acte, que l’on revoit par les fenêtres au second, est plastiquement belle et d’une mélancolie qui sied au personnage principal, les séquences d’intérieur semblent se complaire dans une ambiance très « vieux théâtre » purement décoratif avec un premier degré peu crédible (les personnages qui se cachent dans les armoires…). C’est ainsi que les demi-teintes finissent par se perdre au profit d’une certaine banalité. Le traitement musical est en revanche superlatif avec un orchestre aux timbres d’une extrême délicatesse. Aligner toute une distribution parfaitement rompue au style français, Anne-Catherine Gillet et Jean-Sébastien Bou en tête (non que Cyrille Dubois ne démérite, mais j’aime moins sa diction), voici un luxe auquel on s’habitue facilement d’autant qu’il est désormais la règle dans cette salle.


Un Américain à Paris
Musique de George Gershwin, livret de Craig Lucas (1928-2014)
Direction musicale : Rob Fisher
Mise en scène : Christopher Wheeldon
Paris, Châtelet, novembre 2019
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Dans l’acoustique flatteuse de la salle, Rob Fisher déploie une belle palette de timbres à la tête d’un orchestre à l’effectif pourtant modeste. Même relative sobriété dans le dispositif scénique choisi par Christopher Wheeldon, s’appuyant sur quelques éléments mobiles et un décor essentiellement fait de projections vidéo astucieuses – même si, en quelques années déjà, le principe tout entier ainsi que quelques effets de transformation numériques ont perdu leur effet de surprise. Le vaste plateau est livré tout entier à la distribution qui n’a pas de mal à occuper l’espace. Les deux rôles principalement dansés (Jerry et Lise) reviennent tout naturellement à des danseurs virtuoses, Ryan Steele et Leanne Cope, mais dont – magie de l’école anglo-saxonne ! - les interventions chantées ne déméritent jamais, loin de là. Le personnage d’Henri, l’un des deux principaux comparses principalement chantants, revient à Michael Burrell, superbe baryton qui se couvre de gloire dans son unique grand numéro vocal.
Le ballet, point culminant de la pièce, reçoit un traitement historicisant. On y sent le corps de ballet de l’Opéra, au milieu du siècle dernier, faisant peu-à-peu évoluer les lignes, conservant son lourd héritage de la danse classique, digérant les avant-gardes de la première moitié du XXe siècle (Isadora Duncan, François Malkovsky…), la danse contemporaine en germe… Superbe, et passionnant.


les Indes galantes
Musique de Jean-Philippe Rameau, livret de Louis Fuzelier (version 1736)
Direction musicale : Leonardo Garcia Alarcon
Mise en scène : Clément Cogitore, Bintou Dembélé (chorégraphie)
Paris, opéra Bastille, octobre 2019
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Clément Cogitore, avec la chorégraphe Bintou Dembélé, avait offert, sur internet ("3e scène" sur le site de l'Opéra de Paris), un très alléchant extrait chorégraphié du rondeau des "sauvages". La "grande boutique" a toutefois un peu fait un cadeau empoisonné aux deux artistes, pour leur premier opéra, car d'une part les Indes comportent une infinité de difficultés théâtrales à cause des intrigues simplistes qui s'y succèdent, d'autre-part c'est un peu l'oeuvre symbole de l'institution. L'extrait filmé initial laissait espérer un enchantement chorégraphique de tous les instants, la distribution étant fort justement renforcée d'une compagnie entière spécialisée dans le hip-hop. Malencontreusement, la longueur de l'oeuvre se venge, les moments de grâce se font souvent attendre. Ils n'en sont certes que plus magiques, mais rien ne vient gommer les effets de "tunnel", principal piège de la partition.
Par ailleurs, le duo échoue fréquemment à donner du sens au delà de la beauté plastique et prend le risque de contresens dont certains tout-à-fait fâcheux - dans la première entrée, l'allusion aux migrants en Méditerranée est d'un cynisme glaçant. Déception également quand la grande chaconne finale se trouve - exactement comme dans les productions précédentes, tribut inutile à une tradition quelque-peu stérile - transformée en une séance de saluts géants, alors qu'on aurait espéré un dernier numéro dansé. Bref, vivement que la même équipe se frotte à une œuvre un peu moins casse-gueule pour qu'elle donne toute sa mesure...
Et la musique ? Elle se porte merveilleusement bien. Le temps semble désormais loin où seule une poignée de spécialistes connaissait les arcanes du baroque français, c'est ici un chef argentin qui réussit - l'exploit n'est pas mince - à dompter la réverbération de la Bastille dans un répertoire qui ne souffre aucune imprécision. Quant au chant francophone, quelle santé ! L'oeil s'ennuie parfois mais l'oreille exulte.
Au final, un spectacle certes inégal, auquel la salle fait toutefois un accueil triomphal - peut-être pour en demander plus : un peu retravaillé, cela pourrait devenir somptueux à tous points de vue.


La finta giardiniera
Musique de W.A. Mozart, livret de Giuseppe Petrosellini (1775)
Direction musicale : William Christie
Mise en scène : Sphie Daneman
Thiré (Vendée), août 2019
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C’est ici le spectacle avec lequel les sept lauréats du « Jardin des voix » (l’académie pour jeunes chanteurs de l’ensemble Les Arts Florissants) devrait actuellement être en train de tourner en Europe, n’était le covid-19… Heureusement, après cette première en Vendée au festival des jardins de William Christie, les dates du premier semestre ont au moins pu enchanter les spectateurs.
Pour s’en sortir des invraisemblances et des complications de l’intrigue, Sophie Daneman a choisi l’ultra-lisibilité. Ainsi les personnages évoluent-ils au milieu de plantes et d’outils de jardin, dans des costumes traduisant de la manière la plus littérale possible le statut social et le caractère de chacun. Ce qui aurait pu n’être que charmant devient franchement agréable grâce à un petit grain de folie – tout pétage de plombs d’un personnage se traduisant par des vêtements déchirés, des pots de fleurs cassés et des menaces à coups de sécateur. Rien de révolutionnaire, mais pas de quoi bouder son plaisir.
Chez Mozart, William Christie cultive plus volontiers le raffinement que l’énergie pure. Les conditions de la représentation en plein-air ne permettent pas forcément de mettre en valeur toute la rhétorique du chef. Les voix peuvent également sembler étriquées dans ce contexte, mais les chanteurs se dépensent sans compter – la veille, ils avaient donné des extraits dans des conditions acoustiques plus flatteuses, au pied du corps de logis. Se dégagent notamment Mariasole Mainini (Sandrina) au timbre rond, charnu, probablement une future grande tragédienne ; le très jeune Théo Imart (Ramiro) possède une puissance qu’il doit encore dompter, contrastant avec son apparente timidité ; Moritz Kallenberg (Belfiore) possède quant-à-lui une présence théâtrale impressionnante.
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.
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Tamiri
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Invité a écrit : lun. 4 mai 2020 21:42 Je suis très contente qu'il y ait un sujet sur l'opéra :) J'aime beaucoup, et plus largement l'art lyrique ...
En 2019, je suis allée voir Madame Butterfly de Giacomo Puccini à l'opéra Bastille avec une amie. Je n'avais jamais vu cet opéra et j'en connaissais très peu d'airs. La mise en scène (Robert Wilson) m'a beaucoup plu : il crée des espaces avec peu de choses. Les costumes et la gestuelle des chanteurs étaient très étudiés, avec de belles lignes sobres, l'ensemble est inspiré du théâtre japonais traditionnel si j'ai bien compris. J'ai beaucoup aimé les voix entendues (j'adore Marie-Nicole Lemieux de toute façon :) ) ... et me suis sentie révoltée à la découverte de cette histoire si tragique ! J'ai trouvé le discours anti-colonialiste tellement juste ! La sobriété de la mise en scène et la qualité des voix m'ont émue ...

https://www.operadeparis.fr/saison-19-2 ... -butterfly

Artémis, le centre national du costume de scène de Moulins est un lieu que j'aimerais visiter. Derrière les costumes, on peut évoquer tellement de choses sur les productions opératiques et théâtrales ... en plus d'admirer déjà tout simplement les costumes pour eux-mêmes !
Je n'ai pas vu beaucoup de spectacles de Wilson, la première fois (Alceste de Gluck, un de mes opéras préférés en plus...) il y a, euh... très longtemps, ça doit bien dater de 20 ans, j'avais trouvé ça terriblement statique, visuellement beau mais très systématique. Quelques années plus tard, une tétralogie de Wagner qui m'avait fait bien meilleure impression, dans mon souvenir cette sobriété, pour le coup, était la bienvenue dans un univers théâtral où, souvent, les metteurs en scène on tendance à vouloir en faire des tonnes et à rajouter du symbolisme à la louche. Je n'ai donc pas vu cette Butterfly qui était en début de saison à Bastille pile au moment où je me débattais entre les préparatifs du déménagement. J'avais fait le déplacement pour Les Indes galantes et les finances étaient à sec.
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Invité »

Je n’avais pas remarqué ce sujet, mais il m’intéresse beaucoup.
Malheureusement, je ne peux pas me déplacer facilement, en ce moment, pour assister à des spectacles : c’est un vrai crève-cœur après des années de fréquentation passionnée des salles, mais je regarde régulièrement des opéras en ligne et j’achète des vidéos et des disques, donc je reste en lien avec le sujet et ma passion n’est pas complètement frustrée.

[mention]Tamiri[/mention] merci pour ce compte-rendu qui donne très envie de découvrir certaines productions!


Je mets un mot, pour me lancer, sur une production qui a fait couler pas mal d’encre et que j’ai regardée lors de sa diffusion sur Arte : Les Troyens donnés à Bastille début 2019, dans la mise en scène de Dmitri Tcherniakov.
Un mot tout d’abord sur Tcherniakov pour ceux qui ne le connaissent pas : c’est un metteur en scène très en vogue, mais aussi un iconoclaste dont les choix entraînent régulièrement des polémiques ; si d’autres amateurs d’opéra du forum ont un avis sur lui, je serai ravie de le lire.

La cause des prises de becs à son sujet réside dans la réappropriation souvent radicale qu’il propose des œuvres. Ainsi, en 2010, il a présenté à Munich un Dialogue des Carmélites dont le final était modifié. Il y supprimait la mort des carmélites de Compiègne : au lieu de périr sur l’échafaud, les saintes filles étaient sauvées par l’une d’entre elles qui préférait l’attentat-suicide au martyre. Un tel choix de récriture n’était pas sans poser problème, car l’œuvre de Bernanos dont est tiré le livret est un drame religieux qui célèbre le dogme catholique de la communion des saints et le mystère de la grâce. Les ayant-droit de Poulenc ont tenté de faire interdire la diffusion du DVD du spectacle, et la justice leur a donné tort après un procès à rebondissements. Une question du même ordre s’est posée pour le Carmen représenté à Aix-en-Provence, où Carmen tuait Don José. Profonde dénaturation de l’œuvre de Bizet, ou réinterprétation moderne qui en déplace les enjeux pour lui donner une vigueur nouvelle et interroger à travers elle les violences faites aux femmes ? Chacun tranchera en fonction de ses propres convictions et de ses goûts.

Personnellement, j’aime assez ce que fait Tcherniakov et je fais plutôt partie de ses défenseurs, tout en reconnaissant que ses mises en scène posent souvent des problèmes réels, pour des raisons qui peuvent être théoriques mais aussi musicales. Ses interventions dans l’économie du récit produisent parfois des décalages si énormes avec la musique que le spectateur est entièrement dérouté et que l’œuvre modifiée en profondeur pâtit de ce qu’il faut bien appeler un détournement.

Bref, je passe aux Troyens.
Le spectacle était donné à l’Opéra Bastille pour célébrer à la fois les trente ans de la salle et les cent-cinquante ans de la mort de Berlioz, il s’agissait donc d’une production particulièrement importante sur le plan symbolique.
La transposition opérée par la mise en scène de Tcherniakov reposait principalement sur le choix de faire passer l’œuvre du registre du drame épique à celui de la tragédie politique et familiale. Elle fonctionnait plutôt bien, quoique sans doute aussi éloignée des idées originales du compositeur que l’était celle du Dialogue des Carmélites mentionnée plus haut. Sur la scène de Bastille, l’épique devenait pacotille, l’héroïsme des « demi-dieux » chers au compositeur des symptômes de névroses et de traumas : la première partie prenait place dans une Troie déjà ruinée où se disloquait une famille incestueuse, la seconde partie réunissait dans un centre de soin post-traumatique Enée et Didon, survivants mentalement délabrés de deux conflits jumeaux. La mise en image s’attachait à décrire les troubles mentaux des anti-héros comme réitération de conflits inconscients : des tenues jaunes quasi-semblables faisaient de Cassandre, Créuse et Didon trois avatars d’une féminité malmenée et Enée ne cherchait, en fait de « mort glorieuse », que l’oubli d’une culpabilité ressassée dans ses hallucinations. Une poésie fragile se dégageait de l’ensemble et l’émotion y trouvait tout son compte. Le nationalisme et le pompiérisme, qui constituent les points faibles de la fresque géante (et géniale) de Berlioz, s’en trouvaient heureusement atténués. Les aspects lyriques et affectifs de l’œuvre étaient privilégiés au détriment de sa part héroïque aussi bien dans la fosse que sur la scène : la cohérence entre la mise en scène de Tcherniakov et la direction d’orchestre de Philippe Jordan était excellente.
Vocalement et dramatiquement, en revanche, j’avais été déçue : j’ai trouvé les interprètes un peu inégaux : si tous étaient très investis, Stéphanie d’Oustrac tirait Cassandre vers l’hystérie avec beaucoup de conviction mais pas toujours avec bonheur, Brandon Jovanovich échouait à rendre les fêlures intimes d’Enée faute d’une diction claire et surtout de couleurs adaptées. La performance d’Ekaterina Semenchuk, plus modeste, était finalement plus touchante malgré une nette insuffisance vocale.

On peut entendre ici de quoi se faire une idée de ces deux interprètes.

Les seconds rôles en volaient d’autant plus aisément la vedette aux stars, avec mention spéciale à Stéphane Degout pour un très beau Chorèbe, rôle souvent sacrifié. Un petit extrait ici pour conclure.

Bref, si quelqu’un d’autre l’a vu…

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Tamiri
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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Pour le coup, Les Troyens aurait nettement été dans mes choix, vu que ces derniers sont tout de même très orientés vers le répertoire francophone comme cela se voit probablement dans mes précédents commentaires. sauf qu'à ce moment là, j'avais jeté mon dévolu sur The Beggar's Opera à Versailles, or j'habitais encore en Picardie et toute venue à un spectacle, hors cas des dimanches après-midi, voyait s'ajouter une nuitée et un trajet au coût du billet. Donc j'avais pris le parti suivant : opter pour The Beggar's Opera que des dates de concours m'avaient fait manquer l'été précédent et qui approchait dangereusement de la fin de sa tournée. Pour le coup, comme les représentations étaient initialement complètes, j'avais joué la sécurité en m'inscrivant à deux listes d'attente... et au final j'ai eu deux billets, j'ai donc revu ce spectacle la semaine suivante à Reims. J'avais donc pris le parti d'attendre une reprise des Troyens en admettant que ce spectacle entre au répertoire de Bastille.

Or je n'ai pas encore eu l'occasion de "vivre" l'expérience en live, je ne connais que des spectacles vus à la télé. J'évacue la Traviata créée pour la Scala où j'avais eu l'impression que le metteur en scène n'avait pas donné toute la mesure de son habituelle originalité, ni même de sa direction d'acteurs, donc retour à Don Giovanni et surtout Carmen a Aix.

Don Giovanni avait été agréablement filmé, et la première question que cela m'avait posé était : comment ce spectacle était-il perçu au delà des premiers rangs ?
La direction d'acteurs de Tcherniakov est extrêmement soignée, et dans cette production, elle est d'un type pratiquement cinématographique. Gestuelle et expression visant le réalisme et rejettent l'emphase, or cette dernière n'est pas forcément une habitude stérile puisqu'elle vise à se faire comprendre jusqu'au dernier rang depuis lequel le détail des expressions faciales est peu visible. Le résultat est superbe à la télévision et probablement fascinant depuis les places pas trop éloignées de la scène.
Le concept, pour sa part, se heurtait aux nombreuses collisions avec le livret, ayant nécessité des explications écrites pour rester lisible (ici les personnages sont tous membres d'une même famille en état de déliquescence avancée). Le propos lui-même m'avait semblé intéressant sur le plan théâtral et Bo Skovhus (dans le rôle titre) l'avait incarné avec un degré d'investissement impressionnant : Dom Juan dépressif et fatigué, c'est une expérience fascinante. À la télé toujours, les relations entre les personnages étaient donc d'une parfaite intelligibilité pourvu que l'on ait fait attention aux introductions écrites. Une excellente soirée sous cette forme, je m'étais fait aussi la réflexion que si je devais réserver pour ce spectacle, un•e myope comme moi devrait impérativement s'assurer une place dans les premiers rangs... Sur le plan musical, dans mon souvenir, ce n'était pas forcément une immense soirée au niveau vocal, ce qui allait dans le sens de l'ensemble de la proposition - il aurait été insolite qu'un Dom Juan joué "au bout du rouleau" ait une voix éclatante de santé. La direction de Louis Langrée était pour sa part irréprochable et je m'étais réjoui•e d'entendre dans ce répertoire un de ces orchestres allemands qui abordent habituellement ce répertoire avec avec du mordant et des couleurs affirmées.

Carmen (toujours à la télé) m'avait laissé une toute autre impression, d'abord parce que le choix de la version originale avec dialogues laissait toute sa place à la réécriture voulue par Tcherniakov.
Logiquement, les dialogues parlés, qui sont des mêmes plumes que les textes chantés, font partie de la pièce. Les remplacer n'est donc pas innocent mais, s'agissant de Carmen, je ne considère pas ça comme dommageable : d'une part, la part des dialogues n'est pas énorme, et d'autre-part, ce n'est pas comme si c'était une œuvre rare. Des Carmen, il s'en donne suffisamment pour que chacun•e trouve la sienne et ne se sente pas lésé•e si la version Tcherniakov lui déplait (si vous n'aimez pas ça, n'en dégoûtez pas les autres...). Cela aurait été plus embarrassant si l'oeuvre avait été rare et si elle n'avait été disponible que sous cette forme, comme à l'époque où on ne trouvait Metropolis en vidéo que dans la version Moroder.
Pour le coup, Tcherniakov rajoute des dialogues, même beaucoup de dialogues (premier acte), quand il veut, ce que lui permet la version d'origine puisque les transitions aménagées par Guiraud ont disparu, et en plus il peut utiliser à sa guise les mélodrames prévus par Bizet. En conséquence de quoi, ici, Don José et le client d'une thérapie par le théâtre, qui se propose de réveiller son appétit sexuel en lui faisant jouer le personnage de Mérimée et en donnant la réplique à des comédiens. Ce n'est donc qu'indirectement le récit d'origine, et peu importe puisque cela fonctionne.
Au premier acte, le jeu très appuyé (les choses étant aggravées par le français laborieux du ténor anglo-saxon), le côté très démonstratif (vous avez vu mon beau concept comment qu'il est original ?) et la séquence assommante avec les CRS m'avaient donné le sentiment suivant : gros sabots...
À partir du second acte, les choses se mettent en place, le vrai-faux Don José se prend au jeu au point de ne plus savoir revenir à la réalité, l'actrice jouant Carmen hésite et alterne entre son personnage outrancier et l'empathie naissante avec le "client", dont la violence n'est que plus terrifiante. Des passages qui paraissaient initialement sur-joués dans le premier acte reviennent comme un mauvais rêve. Une vraie émotion, faite de malaise, s'installe.
Pour ma part, je n'éprouve pas spécialement le besoin qu'un spectacle porte un propos spécifique ni qu'il me fasse nécessairement réfléchir. J'aime tout simplement que l'on me raconte une histoire, et là, Tcherniakov m'a raconté une histoire. J'y ai cru, à partir du 2e acte le metteur en scène est parvenu à abattre mes "défenses" et m'a fait oublier tout le reste : mission accomplie. Contrairement au Don Giovanni précédent, cette Carmen n'est pas une simple relecture mais une pièce nouvelle qui nous parle de Carmen.
Quoique la production de Calixto Bieito, très littérale pour le coup, conserve mes faveurs, la cohérence, la puissance narrative et la palette d'émotions déployées par Tcherniakov me plaisent beaucoup dans ce spectacle.

Ceci me donne envie d'évoquer brièvement un autre spectacle (de Calixto Bieito) que j'aime beaucoup, que j'ai vu il y a sept ou huit ans et qui est toujours au répertoire de la Komische Oper de Berlin, à savoir un Freischütz de Weber tout à fait saisissant. Bieito ne touche pas un mot du livret d'origine, et réalise un contresens intégral, volontaire et assumé, d'une virtuosité folle. En gros, les vaillants chasseurs deviennent des gros viandards abrutis, leurs compagnes sont des pétasses vulgaires, et à la fin, quand arrive le "bon ermite", les louanges qu'il reçoit deviennent des moqueries par le seul jeu d'acteurs, et l'ermite finit abattu d'une balle dans la tête. L'ensemble, tout en réglant ses comptes avec la bêtise, le sexisme et le cynisme en les poussant jusqu'à l'absurde, fonctionne fabuleusement bien - contrairement à certaines relectures, le travail de Bieito n'exige aucune connaissance préalable de l'œuvre, ce qui n'est pas souvent le cas chez Tcherniakov. Bon, il faudrait que je remonte un peu dans le topic, j'aime tellement ce spectacle que je me demande si je n'en ai pas déjà parlé.

Pour finir avec Carmen, il se trouve aussi que j'aime beaucoup Stéphanie d'Oustrac, sa diction et son timbre chaleureux. Ma Carmen préférée, avec von Otter (dans un style différent et évidemment pas dans les mêmes propositions théâtrales) et loin devant les deux dernières que j'ai entendues en scène à Paris, à savoir Clémentine Margaine et Sylvie Brunet, j'ai du mal avec le timbre, les poitrinages et les ports de voix de la seconde, et toutes deux rendent le texte peu intelligible. Un truc proprement agaçant dans cette distribution d'Aix, c'était la malédiction Escamillo : une fois de plus, quelqu'un a estimé que le rôle ne demandait que de l'abattage vocal pour chanter l'air du toréador, et donc, on distribue quelqu'un qui fait n'importe-quoi avec le texte. C'est idiot, mais en live, je ne me souviens pas d'avoir entendu un Escamillo "bien dit". Ou alors c'est que je n'ai pas de chance.
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Re: Opéra et théâtre lyrique

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Merci de cette réponse nourrie.
J’espère que tu pourras voir Les Troyens en salle, ça doit valoir le coup.
Je te rejoins sur le Carmen d’Aix-en-Provence. J’avais particulièrement aimé la caractérisation du personnage de Carmen, qui gagnait en profondeur et en complexité par rapport à ses traits d’origine, que ce soit chez Mérimée ou chez Bizet. Le dispositif narratif était vraiment efficace à ce point de vue. Dans les Troyens, Tcherniakov réussit quelque chose de comparable avec Cassandre et Didon : il mine et refaçonne des mythes occidentaux de la féminité, non pour les moderniser platement mais pour les rendre plus actifs dans l’imaginaire de ses spectateurs. Sur moi, ça marche vraiment bien.

La question de la lisibilité de ses spectacles par toute la salle est intéressante et je ne me l’étais pas posée. Je ne sais pas trop quoi en penser faute d’expérience concrète, mais il me semble que le travail sur les espaces, les couleurs, les interactions gestuelles entre chanteurs doivent bien « passer » de loin : les dispositifs scéniques me paraissent avoir été pensés pour la profondeur d’une salle.
Merci d’avoir signalé le Freischütz et le Carmen de Bieito, je ne les ai pas vus, mais cette lacune sera bientôt comblée, tu m’as convaincue!
J’aime beaucoup moi aussi Stéphanie d’Oustrac, je ne voulais pas la descendre : sa performance dans les Troyens est bonne en soi et je suis persuadée qu’elle est conforme à ce que voulait le metteur en scène. Simplement, il me semble que son personnage aurait mieux porté avec un peu plus de sobriété, mais c’est subjectif. Ma formule était trop sévère.
Quant à Escamillo… Que veux-tu, le personnage est déjà mal écrit à l’origine : pas étonnant qu’il soit régulièrement sacrifié par des distributions malencontreuses. :D Celui d’Aix ne m’avait pas particulièrement dérangée mais il faudrait que je le revoie.

Edition : J'ai cherché quelle sera la prochaine production que je vais regarder sur Arte, et je me suis décidée pour le Parsifal de Palerme. C'est toujours bien de voir Parsifal mais je ne sais pas, j'ai comme un doute sur la pertinence de la mise en scène. Je ne veux préjuger de rien, mais... 8o

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Je ne sais pas si les deux spectacles de Bieito que je mentionnais sont disponibles en ligne, il y a un DVD de Carmen datant de l'époque de la création dans les années 1990 avec Alagna (juvénile !) et avec Uria-Monzon qui n'est pas vraiment ma tasse de thé (question diction notamment, j'ai horreur que l'on couvre les voyelles). Lors de la représentation parisienne que j'ai vue en 2017, à mon sens Clémentine Margaine ne faisait pas mieux, Escamillo et Zuniga étaient à la ramasse aussi au niveau du texte. J'avais beaucoup aimé le (relatif) petit format de Kurzak en Micaela qui me semblait faciliter l'identification au personnage (on admire plus facilement une voix surhumaine qu'on ne s'y identifie), avec le fait que cette lecture du personnage est jusqu'à présent la plus convaincante que je connaisse, et la façon la plus sensible d'en éviter la vocation d'origine dans le genre caution moralisatrice de la pièce. Mais je ne reviens pas trop sur le contenu, je l'avais évoqué dans la première page de ce topic. En revanche je ne me souviens pas qu'une distribution vraiment idéale ait été proposée à Bastille depuis 2017, sauf pour les gens qui aiment les grosses voix et qui ne s'intéressent pas à la déclamation. Il y a vraisemblablement ce public là à Bastille, je me souviens d'avoir été au milieu de gens qui applaudissaient à tout rompre la prestation de Neil Shikoff dans La juive qui m'avait mis dans une humeur massacrante, heureusement qu'il y avait Annick Massis dans ce spectacle. La taille de la salle n'excuse rien, Alagna ou Pretty Yende, et même Kaufmann pour ne citer que quelques protagonistes d'oeuvres francophones ces derniers temps, s'y produisent régulièrement sans massacrer le texte, pour ne pas parler de la distribution complète des Indes galantes. Mais bon, pffff Bastille... C'est malin d'avoir démoli une gare si c'est pour y construire un truc qui sonne comme un hall de gare :D
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Re: Opéra et théâtre lyrique

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J'ai commandé le DVD de Carmen, malgré Uria-Monzon que je n'aime pas trop moi non plus. Pour le Weber, apparemment, c'est plus difficile, je resterai à l'affut d'une occasion de le voir.
Tamiri a écrit : jeu. 28 mai 2020 13:06 Il y a vraisemblablement ce public là à Bastille, je me souviens d'avoir été au milieu de gens qui applaudissaient à tout rompre la prestation de Neil Shikoff dans La juive qui m'avait mis dans une humeur massacrante
Ah, là je dois plaider coupable : j'ai fait partie des misérables, des indignes qui ont applaudi Shikoff. :honte: Je ne peux qu'être d'accord avec toi, c'était très mal prononcé et son timbre était pâli par l'âge, mais il y avait tant d'autres éléments qui entraient en jeu pour moi ce soir-là que bon, c'est comme ça. Je ne suis pas musicologue ni musicienne professionnelle, donc c'est d'abord affectif, l'opéra, pour moi, comme pour plein de gens. Et puis on pourrait défendre certains aspects de la prestation de Shikoff dans ce rôle précis, dans cette mise en scène-là aussi. Mais je me souviens qu'il y avait eu pas mal de sifflets pendant l'ovation qui avait suivi "Rachel, quand du Seigneur", tu n'étais pas seul-e à râler.

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Re: Opéra et théâtre lyrique

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Certes :lol: Mais il n'a jamais dit "Rachel, quand du seigneur la grâce tutélaire", il a dit : "Rrrraheu gannndeuzanââârrrr haglrazadeudaââraah" :devilish:

Pour moi ce type de prestation était une approche d'un autre âge, reflet de cette période de quelques décennies où d'une part, après la dissolution de la plupart des troupes en France l'ensemble de l'école francophone avait été considérée comme obsolète au profit de l'idée selon laquelle faire du beau son avait la priorité absolue sur l'intelligibilité - ce qui revenait à dire que l'opéra, c'est de la musique avec un prétexte théâtral ; d'autre-part, cette période a coïncidé avec la disparition de l'affiche d'une forte part du répertoire. Les prestations de type Shikoff, à un niveau caricatural d'absence d'attention aux mots, constituent pour moi un total contresens qui reviendrait à prendre un matériau musical sans se soucier du fait que cette même écriture est un enjeu de déclamation donc de narration. Dans ces cas là, je me sens fondamentalement privé·e de la moitié du potentiel émotionnel car il n'y a plus que les notes qui bouffent le texte.

Je ne pense pas que le Freischütz auquel je pensais soit édité en vidéo. Je ne sais pas comment il rendrait, je me souviens de lumières superbes. Mon cher Vaisseau Fantôme de 2013 à Genève était passé à la télé lors de la reprise à Caen et à l'écran ce n'était vraiment pas pareil, or il se caractérisait aussi par des lumières particulièrement travaillées dans un décor monochrome.
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Re: Opéra et théâtre lyrique

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Tamiri a écrit : ven. 29 mai 2020 20:36 Pour moi ce type de prestation était une approche d'un autre âge,
C'est indéniable et je ne peux que te suivre dans la suite de ton argumentation. Restent les aspects sentimentaux et subjectifs de la chose : j'ai appris à aimer l'opéra il y a longtemps et je reste sensible à des dinosaures tels que Shicoff sans pour autant nier leurs lacunes. Dans le cas précis de La Juive donné à Bastille, il y avait aussi sa performance d'acteur : elle apportait au personnage une force émotionnelle qui, sans les compenser entièrement, pouvait aider à passer sur les défauts de prononciation.
Bref, on n'en finirait pas. :honte:

Vu le Parsifal de Palerme : j'ai moins détesté que je ne l'aurais cru au vu de la bande-annonce, mais la mise en scène pèche tout de même par son manque de cohérence et d'originalité. C'est très respectable vocalement et dramatiquement, sans génie mais solide. Beau Gurnemanz en particulier.
Je viens de m'apercevoir que les Indes Galantes passent encore, donc je vais pouvoir me faire une idée! :cheers:

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

C'est marrant comme les souvenirs jouent effectivement là-dedans. Pour ma part il s'est produit l'inverse, quand j'étais ado, il n'y avait pas toujours de surtitrage (et même pas du tout au début des années 1990) et ce genre de prestation faisait obstacle à l'empathie. Ou alors il aurait fallu lire un résumé relativement détaillé au préalable comme on le faisait pour une pièce dans une autre langue.

Pour ma part, depuis le début du confinement j'ai repéré plein de trucs sur internet... et n'en ai que très peu regardé, depuis la fermeture des salles je n'ai pas trop le goût de me replier sur l'écran - ou alors j'en reste aux disques avec lesquels je fais mon théâtre mental. J'ai même plutôt visionné des captations de spectacles vus en salle, en me disant que ça fait un souvenir à conserver mais que ce n'est pas pareil... :D Je n'ai pas encore essayé les diffusions de captations dans les salles de cinéma, mais de toutes façons en ce moment il n'y en a pas non-plus.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

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Tamiri a écrit : ven. 29 mai 2020 20:36 Pour moi ce type de prestation était une approche d'un autre âge, reflet de cette période de quelques décennies où d'une part, après la dissolution de la plupart des troupes en France l'ensemble de l'école francophone avait été considérée comme obsolète au profit de l'idée selon laquelle faire du beau son avait la priorité absolue sur l'intelligibilité - ce qui revenait à dire que l'opéra, c'est de la musique avec un prétexte théâtral ; d'autre-part, cette période a coïncidé avec la disparition de l'affiche d'une forte part du répertoire. Les prestations de type Shikoff, à un niveau caricatural d'absence d'attention aux mots, constituent pour moi un total contresens qui reviendrait à prendre un matériau musical sans se soucier du fait que cette même écriture est un enjeu de déclamation donc de narration. Dans ces cas là, je me sens fondamentalement privé·e de la moitié du potentiel émotionnel car il n'y a plus que les notes qui bouffent le texte.
Je suis bien d'accord ! De mon côté, je suis tombée dans l'opéra en allant voir "La Belle Hélène" d'Offenbach, lorsque j'étais étudiante. Ce n'est pas le grand opera seria, mais l'intelligibilité des mots était une préoccupation de la mise en scène que j'ai vue (avec Felicity Lott). Et ma prof de chant me le répète beaucoup : le chant, c'est du théâtre avec de la musique, pas l'inverse !
Judith a écrit : dim. 31 mai 2020 08:11 Je viens de m'apercevoir que les Indes Galantes passent encore, donc je vais pouvoir me faire une idée! :cheers:
Tu parles bien de cette représentation-là : https://cappellamediterranea.com/fr/pro ... -de-rameau ?

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Dans les mêmes années il y avait Platée dans la même veine, à Garnier, par Laurent Pelly et Minkowski, avec Paul Agnew. J'ai retrouvé la brochure du Châtelet, c'était 2000-2001 (ce qui ne nous rajeunit pas), cette même saison il y avait eu La ville morte de Korngold que j'avais beaucoup aimé.
Invité a écrit : dim. 31 mai 2020 16:59
Judith a écrit : dim. 31 mai 2020 08:11 Je viens de m'apercevoir que les Indes Galantes passent encore, donc je vais pouvoir me faire une idée! :cheers:
Tu parles bien de cette représentation-là : https://cappellamediterranea.com/fr/pro ... -de-rameau ?
Vous me donnez envie de jeter un coup d'oeil à la vidéo, c'est peut-être plus fluide une fois filmé que quand l'oeil se perd dans l'immense cadre de scène vide de Bastille.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Invité »

Invité a écrit : dim. 31 mai 2020 16:59 Tu parles bien de cette représentation-là : https://cappellamediterranea.com/fr/pro ... -de-rameau ?
Oui, c'est ça. On la trouve directement sur ce lien.
Tamiri a écrit : dim. 31 mai 2020 14:02 j'en reste aux disques avec lesquels je fais mon théâtre mental
C'est ce qu'il y a de mieux, je pense. Personnellement, c'est au disque que j'apprécie le plus les opéras que je ne peux pas voir en salle. Mais les représentations filmées sont parfois tentantes même si c'est un pis-aller. Enfant, j'en ai beaucoup regardé avec mes parents qui étaient tous deux amateurs d'opéra et j'en ai gardé le goût : c'est un peu pour moi une madeleine de Proust.

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Re: Opéra et théâtre lyrique

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Juste envie de partager une interprétation de "Casta diva" de Norma, avec Sonya Yoncheva. Je l'ai trouvée merveilleuse :) https://www.youtube.com/watch?v=g-6JhBYZCrw

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Un coup de coeur covidesque. Ce concert se compose des airs "alternatifs" du Barbier de Séville, très rarement joués, et réunis en appendice de l'édition critique réalisée par Alberto Zedda. On y découvre une version inusitée de la scène de la leçon de musique, un air emprunté à un autre compositeur pouvant se substituer à celui de Bartolo (A un dottor della mia sorte).

Mais mon régal, ce sont les deux principales interventions de Rosina dont l'essentiel du matériau musical est connu, l'interprète de ce concert y mettant un investissement certain. D'abord dans son air d'entrée (Une voce poco fa...) avec, ici, une version inusitée des ornements (puisque Rossini, à l'époque du Barbier, écrivait lui-même tous les ornements) qui demande à l'interprète de tout donner dès sa première apparition.
Et à la fin, le très spectaculaire "Cessa di più resistere" qui est un air attribué à Almaviva dans l'édition standard (et par ailleurs souvent coupé en raison de sa difficulté et de sa longueur), qui passe ici au rôle de Rosina, décidément pas de tout repos. Proposition par ailleurs intéressante au plan théâtral puisqu'il revient, dans ce cas, à la jeune femme de sortir de scène en maitresse de son destin - elle qui, logiquement, laissait entendre qu'elle n'était docile qu'en apparence. Cette dernière option mériterait largement d'être intégrée à une représentation scénique, évidemment, mais plus largement, le matériau de ce concert aurait à mon avis justifié un disque, en raison de l'extrême rareté de son contenu.

https://www.youtube.com/watch?v=eOceRLAOvl4

Accès direct à "Cessa di più resistere" : https://youtu.be/eOceRLAOvl4?t=2738
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Pataboul »

J'ai passé 5 minutes à regretter l’absence de sous-titre avant de capter que c'est pas chanté en français! :D
Merci pour le partage.

Sinon, vu les micros partout, c'est sûr qu'il n'y aura pas de disque? Et, en alternative, choper la piste sonore de YT ça ne suffirait pas à ton plaisir?

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Invité »

Merci pour le lien. Il y avait des lustres que je n'avais pas écouté de Rossini, ça m'a fait beaucoup de bien. :)

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Re: Opéra et théâtre lyrique

Message par Tamiri »

Je sais pas ce qu’il est prévu. Il s’agit de l’orchestre de la RTSI donc probablement pour une diffusion radio, ensuite quand je dis que ça mérite un disque, une intégrale employant ces variantes aurait commercialement plus d’intérêt. Pour l’instant j’ai écouté sur mon ordi mais je pense que pour l’écouter sur des enceintes de taille normale ou avec un bon casque, il y a vraisemblablement une compression de la bande son Youtube qui finirait par être agaçante et qui n’aurait pas lieu d’être sur un CD relativement court.

Il y a un autre « détail » intéressant, c’est le choix du chef d’avoir la guitare, le piano et le clavecin qui jouent avec les basses de l’orchestre en dehors de leurs parties « obligées ». C’est plausible dans le contexte italien du début du XIXe (en France et en Allemagne il est au contraire attesté que les claviers et les cordes pincées avaient disparu des théâtres à la même époque), ça change la couleur orchestrale et pour ce qui concerne l’ouverture, ça rappelle qu’il s’agit d’un morceau de « récupération » issu d’un « opera seria » antérieur...
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Opéra et théâtre lyrique

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Je relance un peu ce sujet qui tend à s'endormir dans les profondeurs du forum, avec une retransmission télévisée qui me paraît mériter d'être vue et éventuellement discutée : Aïda à l’Opéra Bastille, diffusé en ce moment sur Arte.

Je passe rapidement sur la distribution magnifique, avec une mention spéciale aux chanteurs chargés d’incarner les deux « monstres » de l’œuvre : Ludovic Tézier est grandiose en roi déchu obsédé de vengeance, et Dmitry Belosselskiy, par sa voix noire parfaitement articulée, donne toute la profondeur nécessaire pour rendre terrifiant son Ramfis, le grand-prêtre adepte d’une mystique sanglante de la terre sainte et des armes.
Du côté de la mise en scène, c'est à la fois ambigu et plutôt convaincant. La metteuse en scène Lotte de Beer fait le choix de focaliser entièrement le sous-texte politique de l’opéra sur les questions raciale et coloniale : c’est une décision toujours périlleuse que d’actualiser aussi explicitement une œuvre ancienne, mais le résultat fonctionne bien.
L’inscription de l’histoire dans le cadre d’une conquête coloniale de l’Afrique célébrée dans des salons bourgeois et des musées ambigus est portée par un dispositif scénique troublant et poétique : les deux personnages d’esclaves noirs sont (dé)doublés par des marionnettes, qui racontent, au côté des chanteurs, une histoire non-officielle. Aida et Amonasro deviennent ainsi des créatures composites à la sémantique très riche, dont l’esthétique dérangeante renvoie au clivage profond qui les torture : les êtres de passion amoureuse et patriotique qu’évoquent le livret et les performances des interprètes sont en même temps, comme dans une autre dimension, des pièces de musée, des cadavres en voie de décomposition et des « golems » alliant formes brutes et expressivité des visages. A l'opposé, les Égyptiens ultra-nationalistes et racistes, guindés dans les types creux de l'idéologie bonapartiste, célèbrent platement l'alliance du sabre et du goupillon sans même percevoir la profondeur du drame des vaincus qui pourtant les côtoient au quotidien.
Tout n'est pas nécessairement enthousiasmant, et une fois passé l'effet de surprise, la machine se rouille un peu, surtout lors de la fin où elle s'essouffle à suivre coûte que coûte la dramaturgie très forte de l'opéra et finit même par affaiblir ce qu'elle est censé dynamiser (la mort d'Aida tombe assez à plat). C'est néanmoins une belle façon de revitaliser et d’approfondir le chef-d’œuvre de Verdi.

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Re: Opéra et théâtre lyrique

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Oui, il y a des choses sympa qui passent en ce moment. Je ne prends pas le temps d'en profiter, hélas ... Une perte d'équilibre entre vie pro et vue privée que je vais m'efforcer de rétablir. Je n'ai jamais vu Aïda, ta présentation me donne envie de la voir !

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