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Tamiri
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Message par Tamiri »

Et puis pour ce qui est du Japon tu peux aussi résoudre le problème très rapidement avec ceci.
https://www.youtube.com/watch?v=OYerMez8q-g

Pour fondre les deux thèmes en une seule projection, tu pourrais proposer Soleil rouge mais c'est banal et c'est long.

J'ai donc la solution ultime :
https://www.youtube.com/watch?v=AKxXJOZoEwc
Ça parle d'arts martiaux avec sagesse et pertinence, et Alice Guy a fait des westerns. Voilà, c'est plié.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: Ciné-club

Message par Invité »

J'aime ce genre de message où l'on reconnaît la patte de l'enseignant revenu de tout chevronné et l'art français de la synthèse. :)

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Tamiri
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Re: Ciné-club

Message par Tamiri »

Surtout que j’ai jamais été enseignant•e alors si tu le dis ça veut dire que si que : si que j’aurais voulu j’aurais pouvu !
Mais comme je voulais pas…😸
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Message par Invité »

Tamiri a écrit : jeu. 20 janv. 2022 17:19 Mais comme je voulais pas…
C'est une honte : la faculté a perdu un élément remarquable. :rofl:

Tandis que moi, sotte que je suis, j'ai revu La rue de la honte par pur idéalisme pédagogique, et maintenant j'ai le moral à zéro. Je vais arrêter là l'auto-sabordage, et réviser le seul marxisme qui remonte le moral, celui de Groucho.

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Tamiri
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Re: Ciné-club

Message par Tamiri »

Je ne sais pas ce qu’à perdu la faculté mais j’y aurais peut-être perdu mes facultés. Étant entendu que Zeppo n’a pas grandi intérêt et Karl encore moins, on pourrait aussi débattre longtemps de qui est le meilleur entre Groucho, Harpo et Chico. Je dis ça pour que ça paraisse être un débat parce qu’en fait je pense que c’est Harpo.
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Message par Invité »

Tamiri a écrit : jeu. 20 janv. 2022 17:45 Je dis ça pour que ça paraisse être un débat parce qu’en fait je pense que c’est Harpo.
8o Tous les cinéphiles savent que le meilleur des Marx Brothers est sans conteste Margaret Dumont : c'est en tout cas mon avis, et je le partage entièrement.

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Tamiri
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Re: Ciné-club

Message par Tamiri »

Très juste. Mais j’aime bien les rôles muets.
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Rune
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Re: Ciné-club

Message par Rune »

J'ai bien noté les références pour le cinéma japonais, merci @Judith ! (...pour le western, ça va attendre, mais vous m'avez (presque) donné envie de m'y mettre :grin: )

De mon côté, je voulais juste partager une référence que je trouve très ''ciné-club'' : c'est Voyage à travers le cinéma français, de Bertrand Tavernier.
C'est un film documentaire où le réalisateur parle des films et réalisateurs qui l'ont marqué en tant que cinéphile, dans le cinéma français allant essentiellement des années 30 aux années 60.

J'ai redécouvert avec plaisir certains noms connus (Renoir, Carné, Vigo...), et d'autres que je connaissais moins (Duvivier, Gréville, Decoin...).
J'ai vu la version de 12h, classée en plusieurs épisodes (''mes cinéastes de chevet'', ''les chansons''), et malgré la longueur (non, je n'ai pas binge watché !) c'est passionnant d'entendre Tavernier commenter les différents extraits, et ré-évaluer certains réalisateurs qu'il estime injustement peu reconnus.

J'ai découvert par-là même que Tavernier s'était inspiré pour le titre de son film de Scorsese, qui a réalisé sur le même modèle : Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain, et Mon voyage en Italie.
Forcément, ça me démange de voir ceux-là aussi...reste à trouver le temps ! (...et à les trouver tout court, accessoirement.)

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Re: Ciné-club

Message par Rune »

Alice Guy, pionnière du cinéma et première femme réalisatrice.

Quand j'ai découvert Alice Guy, je me suis dit que son parcours était typique de la façon dont l'histoire, entre autres l'histoire de l'art, avait souvent invisibilisé les femmes.
Voilà donc un petit message pour lui rendre hommage, et parce qu'elle mérite bien qu'on parle d'elle au ciné club !

Alice Guy (ou Guy-Blaché, de son nom de femme mariée) a en effet un parcours qui aurait pu / dû rester davantage dans les mémoires, car il y avait largement matière à cela :

-une femme qui détonne dans son milieu : elle est née en 1873 dans une famille bourgeoise, mais des revers de fortune l'oblige à travailler, et elle est embauchée comme secrétaire par Léon Gaumont (oui, celui qu'on connait et qui a donné son nom au studio de production. À l'époque, il était peu intéressé par le fait de tourner des films et essayait juste de vendre une nouvelle invention : le phonoscope, un des ancêtres peu chanceux de la caméra. ).

-une femme visionnaire : à 23 ans, justement afin de promouvoir les ventes du phonoscope , Alice Guy demande à tourner des courtes fictions (on le lui accorde, car c'est un genre un peu déconsidéré à l'époque), qui auront très vite beaucoup de succès.

-une femme réalisatrice : en effet, elle révèle très vite avoir un sens aigu de l'image, elle devient donc la première réalisatrice de l'histoire du cinéma.
Dans les autres ''premières'' de l'histoire du cinéma qu'on peut lui attribuer, il a aussi : une des premières fictions au cinéma (La fée aux choux), le premier making off (Alice Guy tourne une phonoscène), le premier peplum (La Passion du christ), le premier film avec uniquement des acteurs noirs (les acteurs blancs ayant refusé de jouer avec eux).

-une femme d'affaires avisée : après avoir migré aux États-Unis avec son mari, elle fonde son propre studio de production, et sa propre société.

-une femme qui lutte contre les préjugés de son temps : elle a bien conscience de ce que représente être une femme à l'époque, et elle tourne plusieurs films qui dénoncent le sexisme avec beaucoup d'humour (Les résultats du féminisme, où on voit les hommes et les femmes échanger les rôles, Madame a ses envies, qui met en perspective les clichés sur le désir féminin.)

Elle se fera malgré tout rattraper par le sexisme :
-son mari, après avoir poussé son studio a la faillite et l'avoir ruinée, la quitte pour une actrice.
-elle rentre en France où elle ne réussit pas à retrouver de travail (même chez Gaumont qui lui était pourtant fort redevable).
-elle retourne aux États-Unis pour essayer de récupérer ses films, et n'en retrouve que 3 (sur la soixantaine de films que compte sa filmographie américaine !).
-elle meurt en 1968 sans avoir pu récupérer ses films, ni réussi à publier ses mémoires.

Et c'est seulement depuis une dizaine d'année qu'on (re)commence à parler d'elle, et à lui rendre la juste place qu'elle occupe dans l'histoire du cinéma, entre les frères Lumière, Gaumont, Méliès et d'autres encore...dont on n'a pas oublié le nom.

Pour approfondir : (à suivre)

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Re: Ciné-club

Message par GraineDeNana »

Grâce à @Rune , je me suis intéressée à Alice Guy-Blaché à travers un documentaire : Be Natural. The untold story of Alice Guy-Blaché.
Trailer : https://www.youtube.com/watch?v=bPUJRtrp_EE

Excellent travail (de romain), plusieurs remarques :
- ce documentaire est américain, c'est seulement 3 ans plus tard qu'un documentaire français sera produit par Arte
- c'est la chronique d'un sexisme sociétal incroyable : comment cette femme qui a réalisé plusieurs centaines de film, dès 1896, qui fut donc la première réalisatrice femme, qui a inventé le premier péplum (La vie du Christ), qui à l'égal de Méliès fait preuve d'inventivité dans les thèmes choisis et dans les effets spéciaux utilisés, qui a utilisé en pionnère des techniques innovantes (plans rapprochés, son synchronisé, colorisation manuelle) a-t-elle pu tomber dans un oubli aussi complet :^)

Le documentaire nous donne à la fois une leçon d'histoire du cinéma intéressante, et s'intéresse aux raisons de cette disparition : les recensions successives par des historiens peu scrupuleux ou mal informés de ses films (a contrario ils la créditent avec entêtement d'un film qu'elle n'a pas réalisé !), la mauvaise foi des studios Gaumont, le peu d'entrain à restaurer ses oeuvres...

Cette femme est une locomotive. Elle avance droit dans la vie.
Je note qu'en se mariant elle a choisi de garder en premier son nom de jeune fille (Alice Guy) pour y adjoindre derrière son nom marital.
Dans son domaine professionnel, elle excelle, associant créativité et professionnalisme, énergie et pragmatisme, pour maîtriser d'un bout à l'autre les différents aspects de la production d'un film et créer des studios de cinéma (qui feront faillite en 1921, en partie suite à la mauvaise gestion de son mari, en partie suite à la montée inexorable de l'industrie hollywoodienne).

Ci dessous quelques liens :

La naissance, la vie et la mort du Christ, 1906, 33 minutes : https://www.youtube.com/watch?v=1yfvMGlC5HY
Le début n'est pas très réussi (arrivée à Bethléem, nativité).
Vers 5', une jolie scénette du sommeil de Jésus avec des anges qui veillent sur lui et jouent pour lui quand sa mère s'absente.
La vie de Jésus est très résumée car la Cène apparaît à peine à 10' du film. Le film est donc essentiellement concentré sur les derniers épisodes des Evangiles. La Descente de Croix est assez réussie je trouve.
La scène de la Résurrection, vers 32', est traitée joliment avec 4 anges qui soulèvent la dalle du cercueil (en carton :huhu: ).
Ce film n'est pas passionnant mais il vaut pour la mise en scène déjà très orchestrée d'un nombre assez important de figurants, l'existence de décors soignés, un rendu tout à fait professionnel.

J'ai préféré des films plus courts, moins ambitieux mais plus vivants :
Madame a des envies, 1907, 4'30 : https://www.youtube.com/watch?v=j-B8_eDbRUQ
Les résultats du féminisme, 1906, 6'56 : https://www.youtube.com/watch?v=_MO-LgdE7hE

Il existe un podcast pour enfant (de 16 minutes) sur France Inter (à écouter dans les embouteillages !) :
https://www.franceinter.fr/emissions/le ... -du-cinema

Je complèterai comme Rune si j'ai d'autres infos...
Quand on arrive au monde, la vie est déjà commencée. C'est pour ça qu'on ne comprend rien à l'histoire.
Natacha de Pontcharra

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Tamiri
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Re: Ciné-club

Message par Tamiri »

En vrac, car je découvre ces messages juste avant d'aller au lit, je pense que j'y reviendrai :

Je trouve que l'invention lexicale de la fin du XIXe est une question aussi amusante que parfois confuse (j'imagine que les contemporains étaient loin de s'imaginer que le terme forgé comme tous les autres par les Lumière, "cinématographe", finirait par englober tous les autres à la fin...). De mémoire, il me semble que l'appellation "phonoscope" s'applique initialement à l'appareil avec lequel Georges Demenÿ enregistre le mouvement des lèvres, le destinant entre autres à l'apprentissage de la lecture labiale pour les sourds. L'appareil de prise de vue est dans ce cas un des "chronophotographes" précédemment conçus par ses soins pour faire de la chronophotographie proprement-dite, c'est l'appareil de projection qui est déposé sous le nom de "phonoscope", basé d'ailleurs non sur le défilement d'un film (puisque la pellicule du chronophotographe n'est pas perforée) mais sur un disque. Toujours sauf erreur de ma part et de mémoire, les recherches ultérieures de Demenÿ sur un système permettant l'enregistrement puis la projection en continu sur pellicule, peu de temps avant que Gaumont n'en assure la commercialisation, l'amènent aux termes de "biographe" (pour la caméra) et "bioscope" (pour le projecteur). Après quoi Gaumont commercialise ces appareils sous le le nom de "chronophotographe" - or il s'agit bien là de ce qu'on appellerait aujourd'hui des appareils cinématographiques au sens large, et non de ce qu'on nomme, toujours aujourd'hui, de la chronophotographie. De sorte que ce que Gaumont appelle "chronophotographe" vers 1896 est à distinguer du chronophotographe initial, en dehors du fait que Demenÿ est leur concepteur. Et donc à partir de ce moment là également, pour éviter toute confusion, il me semble que l'appellation "phonoscope" reste limitée à l'appareil à disque évoqué plus haut. Quand Alice Guy commence à tourner, a priori, c'est donc bien du "chronophotographe" (deuxième du nom) qu'il s'agit. D'où, d'ailleurs, les noms donnés aux procédés Gaumont développés par la suite en chrono- quelque-chose (Chronophone pour le système sonore, Chronochrome pour le procédé couleur).

Si l'on veut parler d'œuvre pionnière, je crois que la contribution au cinéma sonore est vraiment notable, mais elle résume toute l'ambiguïté des relations entre Léon Gaumont et ses réalisateurs•rices. Le tournage des phonoscènes, si intéressant qu'il soit sur le plan technique, n'est pas le lieu où va pouvoir s'exprimer l'intention narrative d'Alice Guy. Or Gaumont veut toujours plus de phonoscènes pour mettre en avant le chronophone dans lequel il a beaucoup investi, de sorte que la réalisatrice doit fréquemment se bagarrer pour obtenir les moyens nécessaires aux films de fiction (muets), même après que ces derniers ont rencontré un succès public réel. Au final, quand Gaumont envoie Guy et son époux d'alors Herbert Blaché aux Etats-Unis, c'est avant tout pour y promouvoir le chronophone, et c'est parce qu'il refuse de produire les fictions que Guy entend continuer à tourner qu'elle monte sa propre société de production (Solax).

Pionnière aussi dans la manière d'organiser et de faire fonctionner un grand studio, tout en composant encore et toujours avec l'attitude paradoxale du patron ; ce dernier, surnommé "le barbelé" par l'équipe en raison de son avarice proverbiale, veut tout de même que les films qu'il produit surpassent la concurrence, et alors qu'il fallait au début qu'Alice Guy tourne ses premiers films dans un coin du jardin sur son propre temps libre en sollicitant ses collègues aux mêmes conditions comme techniciens et comédiens, il finit par construire en 1905 ce qui est alors le plus grand et le plus moderne des studios du monde (au sein du complexe Gaumont des Buttes-Chaumont, la Cité Elgé). Dès lors, Guy n'est plus seulement la réalisatrice "maison" : après avoir été l'une des premières réalisatrices au sens actuel du terme, elle devient la première directrice d'un studio aux proportions industrielles où elle contribue largement à installer l'ensemble des méthodes et de l'organisation nécessaires tant sur le plan artistique qu'humain.
J'aurais encore envie d'ajouter que tout en cédant à l'occasion, comme la plupart des cinéastes de l'époque, à l'influence esthétique alors dominante de Méliès (art de studio pur et dur), elle tourne régulièrement en extérieurs et en décors naturels, ce que ses successeurs directs (Feuillade, Durand...) poursuivent de manière magistrale.

S'agissant de la Fée aux choux, il y a là encore une question, certes finalement assez secondaire, sur laquelle il est tentant de pinailler un peu. Alice Guy elle-même ajoute à la confusion car, dans son propre récit écrit à la fin de sa vie et que l'on sait désormais sujet à caution, elle affirme qu'il s'agit bien de sa première réalisation, mais introduit une imprécision sur la date. D'où le fait que l'on cherche encore avec précision son entrée en fonction dans des sources qui varient de 1896 à 1902... Or il y a plusieurs remakes de ce court-métrage sous au moins deux titres (La Fée aux choux et Sage-femme de première classe), et l'on a au moins la certitude que la première version actuellement conservée date de 1900. Difficile de savoir quelle est la part de responsabilité exacte dans les films qui la précèdent au catalogue Gaumont car ils ne sont pas "signés". Lors de la publication de l'autobiographie évoquée, l'historien Francis Lacassin, spécialiste notoire de la période, avait établi une filmographie ; il prenait avec des pincettes l'idée que la première "Fée aux choux" remonterait à 1896 tout en précisant que si c'est le cas, alors ce film est légèrement antérieur aux premières réalisations de Méliès et il ferait de Guy la première réalisatrice du monde au sens moderne du terme.

Et pour finir, Gaumont avait sorti en 2008 un coffret DVD intitulé "le cinéma premier" revendiquant la totalité des films d'Alice Guy préservés à cette date (soit une soixantaine) ; le reste du coffret se compose de films de Louis Feuillade et de Léonce Perret jusqu'en 1913. Il y a eu un second volume consacré à Émile Cohl, Jean Durand et un pot-pourri d'autres réalisateurs ayant travaillé pour Gaumont avant 1918.
L'intégrale revendiquée ne l'est peut-être plus autant que ça car, en 14 ans, il a pu y avoir des redécouvertes ainsi que des ré-attributions.
GraineDeNana a écrit : lun. 25 avr. 2022 07:53 ils la créditent avec entêtement d'un film qu'elle n'a pas réalisé !
Si c'est des "Méfaits d'une tête de veau" dont on parle, j'ai effectivement lu cette histoire dans un bouquin des années 1980 sur le muet français, qui disait "déjà" que c'était n'importe-quoi, attendu que cette farce pas follement subtile est due à Ferdinand Zecca (passé brièvement chez Gaumont lors d'une brouille temporaire avec Pathé). Je crois qu'outre les travaux de Lacassin, la première publication sérieuse sur Guy date effectivement des années 1980 (j'ai oublié le nom de l'auteur, je sais que j'ai la référence quelque-part mais ça doit être dans la bibliographie d'un autre livre car je ne le possède pas), mais je suis d'accord pour dire que ce sont les documentaires sortis bien plus tard qui l'ont de nouveau fait connaître à un large public.

Bon je me rends compte qu'en fait de brièveté... c'est un peu long, et il est minuit passé, donc... Au dodo.
Ces utilisateurs ont remercié l’auteur Tamiri pour son message (2 au total) :
GraineDeNanaRune
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Message par Invité »

Tamiri a écrit : lun. 25 avr. 2022 23:01 Et pour finir, Gaumont avait sorti en 2008 un coffret DVD intitulé "le cinéma premier" revendiquant la totalité des films d'Alice Guy préservés à cette date (soit une soixantaine) ; le reste du coffret se compose de films de Louis Feuillade et de Léonce Perret jusqu'en 1913. Il y a eu un second volume consacré à Émile Cohl, Jean Durand et un pot-pourri d'autres réalisateurs ayant travaillé pour Gaumont avant 1918.
Est-ce que tu le recommandes? Il m'intéresse, pas pour Alice Guy mais pour les Feuillade et les Émile Cohl.

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Message par Tamiri »

Si je recommande ? En fait il n'y a pas beaucoup d'autres choix, donc...
S'agissant de reports de 2008 ou avant, sachant qu'il a pu y avoir des restaurations et des redécouvertes entre-temps, et que certaines techniques de report, ou encore le recours au support Blu-ray, pourraient avoir un intérêt qualitatif, j'imagine que ça mériterait une actualisation, mais il ne faut pas trop compter sur des rééditions très fréquentes pour ce genre de choses malheureusement.

Pour le contenu voici ce qu'il y a dans les 2 DVD consacrés à Feuillade et dans les 2 consacrés à Cohl.
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Pour Feuillade, depuis, ce sont également les quatre serials les plus connus qui sont ressortis en DVD ou en Blu-ray, Fantômas, Judex, Les Vampires et Tih-Minh. S'il y a quelque-chose d'autre que j'ai manqué, je veux bien l'info à mon tour.

Pour Cohl, les coffrets Gaumont revendiquent là encore l'intégralité des films conservés (jusqu'en 2009) avec le bon goût d'inclure ceux réalisés pour d'autres studios. J'imagine que le rapprochement entre Gaumont et Pathé a rendu cela possible sur le plan juridique. Tandis que dans les DVD Alice Guy il n'y a qu'un seul film de la production post-Gaumont, "Making an american citizen". Mais on en trouve chez l'éditeur américain Kino-Lorber, à commander.
https://www.kinolorber.com/product/alic ... rs-blu-ray
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.
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Ah, merci. Il y a pas mal de choses que je n'ai pas vues, donc je pense que je vais le prendre, s'il est encore disponible.

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Re: Ciné-club

Message par Tamiri »

Dernier point, j'ai acheté ces DVD sous la forme des deux coffrets "Le cinéma premier" à leur sortie, il se trouve qu'un peu plus tard Gaumont a édité une collection d'énormes coffrets couvrant toute l'histoire de la société. Or le premier volume de cette nouvelle collection reprenait peu ou prou le contenu des deux coffrets de 2007-2009, et je ne sais pas si entre-temps ce même contenu a été de nouveau commercialisé sous une nouvelle présentation.
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@Judith j'ai rajouté quelques indications concernant Feuillade en rééditant le message du dessus (je jonglais avec deux appareils différents pour ajouter les photos pendant que tu répondais). Et par ailleurs, les coffrets Gaumont sont ici présentés par Eugénie et Julius car nous on regarde des films en famille, mes chatons et moi.
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.
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Re: Ciné-club

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Je vais me renseigner pour Feuillade, si je trouve des informations je les posterai.
Tamiri a écrit : mar. 26 avr. 2022 10:58 Pour Cohl, les coffrets Gaumont revendiquent là encore l'intégralité des films conservés (jusqu'en 2009) avec le bon goût d'inclure ceux réalisés pour d'autres studios.
Là j'ai un doute, je n'ai pas l'impression que la liste soit complète. Il me semble que la fondation Jérôme Seydoux-Pathé signale d'autres titres, mais c'est à vérifier. J'essaierai de le faire.
Tamiri a écrit : mar. 26 avr. 2022 11:30 Et par ailleurs, les coffrets Gaumont sont ici présentés par Eugénie et Julius car nous on regarde des films en famille, mes chatons et moi.
Je les avais reconnus. Chez nous c'est pareil, sauf pour le nombre et les noms des chats bien entendu. :)

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Re: Ciné-club

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J'ai finalement renoncé à mon propre renoncement :cheers: , et nous avons regardé les Contes des chrysanthèmes tardifs dans mon ciné-club.
C'est mon Mizoguchi préféré.

Comme j'en ai assuré la présentation, je poste ici ce que j'ai rédigé. Je coupe mon texte sur deux messages, car il est apparemment trop long, ou trop lourd, pour tenir dans un seul. :honte:

Il y a deux parties dans mon exposé. Je mets la première qui contient essentiellement des généralités sur le film. La seconde est plus technique et consiste dans des commentaires de certains passages, principalement à propos de la technique du plan-séquence et de l'imaginaire du kabuki dans le film. Je la posterai peut-être dans un second temps.

Les contes des chrysanthèmes tardifs (Zangiku Monogatari, 1939)



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Introduction

Lorsque Mizoguchi adapte le récit de Shofu Miramatsu, ou plus exactement la pièce tirée de ce récit, il a déjà tourné soixante et un films et il est à une période charnière dans son œuvre tandis que le Japon s’engage dans une période très complexe de son histoire. Pour mémoire, l’archipel a quitté la Société des Nations en 1933, face au refus international de reconnaître ses conquêtes en Chine du Nord. Les nationalistes y sont au pouvoir et depuis 1937, le pays est officiellement en guerre contre la Chine. Sous couvert de sécurité intérieure, le gouvernement renoue progressivement avec les traditions de fermeture à l’Occident et procède à des purges politiques de grande ampleur. Les films progressistes sont prohibés et la notion de cinéma national est à l’ordre du jour. En 1939, l’année de sortie du film de Mizoguchi, La grande Illusion de Renoir est frappée de censure, tandis qu’une loi sur le cinéma est votée : désormais, tous les sujets de film devront être approuvés par le gouvernement.

Mizoguchi, quant à lui, est en train de définir ce qui sera le style de ses futurs grands films. Il a tourné son premier film parlant en 1935 (Oyuki la Vierge, une adaptation de Boule de Suif de Maupassant) et depuis l’année suivante, il travaille avec Yoshikata Yoda, un scénariste qui partage ses idées féministes et socialistes ainsi que certaines de ses obsessions, notamment celle de l’asservissement et de la prostitution, ainsi qu'avec Matsutaro Kawagichu, dramaturge en vogue et adepte d'une écriture réaliste dont je reparlerai plus bas. La situation politique est défavorable à son travail, mais il va trouver des moyens de contourner la censure et de traiter ses thèmes fondamentaux par le biais de formes nouvelles et de discours métaphoriques complexes.

En 1938, il a rejoint la Sôchiku, la plus grande compagnie du Japon, encore relativement épargnée par la pression politique à la différence de la Sohô. Il doit malgré tout donner des gages : aussi tournera-t-il dans cette compagnie Le chant de la caserne, un film patriotique, pour rassurer le pouvoir en place. Il peut ensuite s’engager dans un triptyque sur l’art de l’acteur au Japon, un sujet « national », mais relativement éloigné des thèmes de la propagande gouvernementale et où retrouve en partie des coudées franches.

Un traité doloriste de l’art de l’acteur

Les Contes des chrysanthèmes tardifs constituent le premier volet de ce triptyque, qui comprendra également L’élégie de Naniwa et La Vie d’un acteur. Il raconte une histoire vraie, celle des débuts de Kikunosuke Onoe VI, un grand acteur de kabuki spécialisé dans les rôles de femmes, encore vivant à l’époque du tournage du film (On peut le voir, filmé par Yasujiro Ozû, également pour la Sôchiku, dans La danse du lion, un morceau de bravoure qui jouera un rôle important dans le film de Mizoguchi où certains plans du film d’Ozû sont cités).
Le thème de la formation de l’acteur par le travail acharné et l’abnégation absolue au service de son art constitue le premier axe thématique du film : c’est par l’intégration dans son jeu des souffrances endurées dans la vie réelle que Kikunnosuke atteint l’apogée de son talent, après une longue phase de maturation. Cette ascension sera scandée par des épreuves psychiques (rejet par sa famille et par ses amis, maltraitances symboliques, obligation de renoncer à la femme qu’il aime) et physiques (brutalités diverses, misère extrême), un peu comme un chemin de croix conduisant à l'apothéose. Il s’agit là d’un sujet essentiel chez Mizoguchi, qui cultive une conception à la fois très haute et quasiment masochiste de la condition d’artiste.


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Une charge anti-confucéenne

Le second grand thème du film est l’écrasement de l’individu par les structures sociales, famille confucéenne où règne un père despotique, public adulateur des vedettes et sans merci pour les seconds couteaux, régisseurs de théâtre implacables (le premier) ou carrément abusifs (le second). C’est là que le film, apparemment assez lisse et promoteur d’une éthique de l’art conforme à l’atmosphère pesante de l’époque, devient subversif. Tant le jeune acteur que sa compagne sont victimes d’un système qui les anéantit en niant leur être profond. Si le premier survit et devient célèbre, c’est au prix du sacrifice de ses sentiments et de l’obéissance aveugle aux règles du clan, et l’on ne sait à la fin quel sort est le pire : mourir seule comme le fait son épouse rejetée, ou saluer rituellement une foule imbécile en simulant la joie pendant que celle qu’il aime agonise comme il y est contraint. Je reviendrai (dans la seconde partie) sur les derniers plans où la colère du réalisateur est magistralement transmise par la mise en scène et le jeu des interprètes.


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Il est à noter que les êtres sacrifiés sont, dans les deux cas, du genre féminin. C’est un point important car ce n’est pas un hasard si Mizoguchi, cinéaste pour qui la condition féminine opprimée est une obsession, a choisi comme personnage principal un onnagata, c’est-à-dire un acteur traditionnel dont la vie sociale entièrement féminine lui vaut d’être aussi voué à la soumission qu’une femme, quel que soit par ailleurs son succès. Kikunosuke vient d’ailleurs, comme une phrase incidente le signalera brièvement dans le film, du milieu de la galanterie : il est à ce titre d’une caste aussi méprisée que celle de la jeune servante qui sera sa compagne d’épreuves puis sa femme. Seule la bonté des humbles ou des opprimés -la nourrice, la logeuse et son père, un autre onnagata- éclairent d’une touche de lumière ce film d’une grande noirceur, au propre (presque tout s’y passe de nuit) comme au figuré. [/alignleft]



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Le sacrifice sans emphase des cœurs purs


Le film appartient à un genre très codifié du cinéma japonais, le shinpa. A l’origine, il s’agit d’un mouvement théâtral élaboré à la fin du XIXème siècle en réaction aux outrances expressives et à l’excès de stylisation du kabuki et du bunrakû, genres traditionnels du théâtre tragique japonais. Le shinpa se compose de drames naturalistes et dénués de sentimentalisme. Le mouvement s’inscrit dans le cadre de l’ouverture à l’Occident et vise la classe moyenne éduquée, apte à apprécier les possibilités offertes à la scène par le réalisme et la sobriété à la différence des couches populaires où le kabuki puise l'essentiel de son public. Sans être à proprement parler politique, il est nettement progressiste, favorable aux opprimés et en particulier aux femmes, à la différence du kabuki où triomphe le conservatisme. A noter toutefois que les ponts ne sont pas coupés entre les deux genres, qui peuvent s’influencer mutuellement ou se combiner : le film de Mizoguchi en témoigne, puisque son acteur principal, Shôtarô Hanayagi, est un onnagata renommé qui triomphe dans des rôles féminins mélodramatiques sur les grandes scènes de Kabuki, en même temps qu’un théoricien important du jeu sobre propre au shinpa. Le film lui-même comporte deux grandes scènes « classiques » de kabuki, très importantes dans son économie et jouées par Hanayagi avec toute l’emphase propre à ce théâtre, alors que dans le corps du film il joue selon les règles du shinpa. L’acteur fut du reste blâmé dans les milieux conservateurs du Kabuki pour avoir accepté le rôle et avoir joué face à l’actrice Kakuko Mori, ce qui fut parfois considéré comme une déchéance volontaire de sa part.

Le style de jeu des deux acteurs, qui interprètent chacun à sa façon un être innocent accablé par la société, s'oppose tout au long du film d'une manière très frappante. Il y a plusieurs raisons à cela : Hanayagi, comme je l'ai dit, est un acteur de kabuki spécialisé dans les rôles féminins ainsi qu'un acteur de shinpa : il est habitué des plateaux scéniques et n'a donc aucun problème avec les exigences de Mizoguchi, qui traite l'essentiel de son récit en plans-séquences très longs, dans le but de préserver l'intensité du jeu le plus longtemps possible. Il rencontre en revanche d'autres difficultés : âgé de quarante-cinq ans au moment du tournage, il est sensé jouer un garçon de vingt ans. Au kabuki, il interprète à la perfection des adolescentes de quinze ans, mais le cinéma n'a pas les mêmes conventions que la scène : pour pallier cette difficulté, Mizoguchi le filme avec un objectif de 50 mm, et presque toujours de loin et en plans larges. Par ailleurs, son jeu est essentiellement féminin -c'est un acteur traditionnel qui suit la règle voulant que toute sa vie soit vouée à une attitude sociale et physique féminine ; s'il est idéal dans la plupart des scènes où son personnage est en position d'infériorité et fait preuve d'une extrême douceur, il est moins convaincant lorsqu'il s'agit de jouer des scènes d'alcoolisme et de brutalité. En face de lui, Kakuko Mori a moins d'expérience et son jeu est tout différent : habituée aux plans courts et aux montages rapides, elle cultive un style plus expressif et très dynamique. Mizoguchi tire un parti admirable de ce décalage entre ses deux acteurs, qu'il utilise notamment dans les plans-séquences où des alternances de rythme et une caméra tournante lui permettent de mettre en valeur le meilleur de chacun d'eux, tout en définissant les caractères des personnages : la passivité dépressive de Kikunosuke est compensée par la vitalité et l'intensité de sa compagne. Le couple qu'ils forment est finalement inoubliable, peut-être le plus bouleversant avec celui des Amants crucifiés.


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J'arrête là. S'il y a des gens intéressés, je posterai ma seconde partie mais elle sera peu intéressante si l'on a pas vu le film.

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Osia
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Re: Ciné-club

Message par Osia »

Je ne sais pas où partager cette adresse alors je vous la glisse ici:
Toc toc

Il s'agit d'une pièce de théâtre de Laurent Baffie, avec laquelle il est possible de passer un très bon moment. Beaucoup de rire et de tendresse, assorties de quelques grossièretés.
Fils a découvert l'univers du théâtre grâce à cette comédie, il l'a vu plusieurs fois et continue de rire en la regardant, en attendant la réplique suivante (ben il la connait par coeur maintenant !).
À voir en famille ou seul(e), avec le chat, le chien, ou 30 millions d'amis, avec pop-corn ou sans pop-corn, et quelle que soit la météo, c'est un régal :)
«La vie, reprit-il, serait considérablement moins bizarre sans toi !»
(Douglas Adams, H2G2 V)

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