Antoine de Saint Exupéry

Répondre
Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Bon comme certain d'entre vous le savent, je suis un grand admirateur des livres d'Antoine de Saint Exupéry, ils m'ont aider à traverser certains moments, et à réaliser pas mal de choses que j'avais déjà plus ou moins touchées du doigt. Je vais donc mettre ici quelques extraits qui m'ont particulièrement marqué. Puis il peut m'arriver de faire des références à droite à gauche.

Ici un extrait de Terre des Hommes :
Il est inutile d’avancer plus, cette tentative ne conduit nulle part. Il faut rejoindre notre avion, cette balise rouge et blanche qui, peut-être, sera repérée par les camarades. Bien que je ne fonde point d’espoir sur ces recherches, elles m'apparaissent comme la seule chance de salut. Mais surtout nous avons laissé là-bas nos dernières gouttes de liquide, et déjà il nous faut absolument les boire. Il nous faut revenir pour vivre. Nous sommes prisonniers de ce cercle de fer la courte autonomie de notre soif.

Mais qu’il est difficile de faire demi-tour quand on marcherait peut-être vers la vie ! Au-delà des mirages, l’horizon est peut-être riche de cités véritables, de canaux d’eau douce et de prairies. Je sais que j’ai raison de faire demi-tour. Et j’ai, cependant, l’impression de sombrer, quand je donne ce terrible coup de barre.

Nous nous sommes couchés auprès de l’avion. Nous avons parcouru plus de soixante kilomètres. Nous avons épuisé nos liquides.

Nous n’avons rien reconnu vers l’est et aucun camarade n’a survolé ce territoire. Combien de temps résisterons-nous ? Nous avons déjà tellement soif…

Nous avons bâti un grand bûcher, en empruntant quelques débris à l’aile pulvérisée. Nous avons préparé l’essence et les tôles de magnésium qui donnent un dur éclat blanc. Nous avons attendu que la nuit fût bien noire pour allumer notre incendie… Mais où sont les hommes ?

Maintenant la flamme monte. Religieusement nous regardons brûler notre fanal dans le désert. Nous regardons resplendir dans la nuit notre silencieux et rayonnant message. Et je pense que s'il emporte un appel déjà pathétique, il emporte aussi beaucoup d’amour. Nous demandons à boire, mais nous demandons aussi à communiquer. Qu’un autre feu s’allume dans la nuit, les hommes seuls disposent du feu, qu'ils nous répondent !

Je revois les yeux de ma femme. Je ne verrai rien de plus que ces yeux. Ils interrogent. Je revois les yeux de tous ceux qui, peut-être, tiennent à moi. Et ces yeux interrogent. Toute une assemblée de regards me reproche mon silence. Je réponds ! Je réponds ! Je réponds de toutes mes forces, je ne puis jeter, dans la nuit, de flamme plus rayonnante !

J’ai fait ce que j’ai pu. Nous avons fait ce que nous avons pu : soixante kilomètres presque sans boire. Maintenant nous ne boirons plus. Est-ce notre faute si nous ne pouvons pas attendre bien longtemps ? Nous serions restés là, si sagement, à téter nos gourdes. Mais dès la seconde où j'ai aspiré le fond du gobelet d’étain, une horloge s’est mise en marche. Dès la seconde où j’ai sucé la dernière goutte, j’ai commencé à descendre une pente. Qu’y puis-je si le temps m’emporte comme un fleuve ? Prévot pleure. Je lui tape sur l’épaule. Je lui dis, pour le consoler :

« Si on est foutus, on est foutus. »

Il me répond :

« Si vous croyez que c’est sur moi que je pleure… »

Eh ! bien sûr, j’ai déjà découvert cette évidence. Rien n’est intolérable. J’apprendrai demain, et après-demain, que rien décidément n’est intolérable. Je ne crois qu’à demi au supplice. Je me suis déjà fait cette réflexion. J’ai cru un jour me noyer, emprisonné dans une cabine, et je n’ai pas beaucoup souffert, j’ai cru parfois me casser la figure et cela ne m’a point paru un événement considérable. Ici non plus je ne connaîtrai guère l’angoisse. Demain j’apprendrai là-dessus des choses plus étranges encore. Et Dieu sait si, malgré mon grand feu, j’ai renoncé à me faire entendre des hommes !…

« Si vous croyez que c’est sur moi… » Oui, oui, voilà qui est intolérable. Chaque fois que je revois ces yeux qui attendent, je ressens une brûlure. L’envie soudaine me prend de me lever et de courir droit devant moi. Là-bas on crie au secours, on fait naufrage !

C’est un étrange renversement des rôles, mais j’ai toujours pensé qu’il en était ainsi. Cependant j’avais besoin de Prévot pour en être tout à fait assuré. Eh bien, Prévot ne connaîtra point non plus cette angoisse devant la mort dont on nous rebat les oreilles. Mais il est quelque chose qu’il ne supporte pas, ni moi non plus.

Ah ! J’accepte bien de m’endormir, de m’endormir ou pour la nuit ou pour des siècles. Si je m’endors je ne sais point la différence. Et puis quelle paix ! Mais ces cris que l’on va pousser là-bas, ces grandes flammes de désespoir… je n’en supporte pas l’image. Je ne puis pas me croiser les bras devant ces naufrages ! Chaque seconde de silence assassine un peu ceux que j’aime. Et une grande rage chemine en moi : pourquoi ces chaînes qui m’empêchent d'arriver à temps et de secourir ceux qui sombrent ? Pourquoi notre incendie ne porte-t-il pas notre cri au bout du monde ? Patience ! Nous arrivons ! Nous arrivons !… Nous sommes les sauveteurs !

Le magnésium est consumé et notre feu rougit. Il n’y a plus ici qu’un tas de braise sur lequel, penchés, nous nous réchauffons. Fini notre grand message lumineux. Qu’a-t-il mis en marche dans le monde ? Eh ! je sais bien qu’il n’a rien mis en marche. Il s’agissait là d’une prière qui na pu être entendue.

C’est bien. J’irai dormir.

Avatar de l’utilisateur
Mlle Rose
Messages : 13037
Inscription : mar. 1 févr. 2011 13:56
Présentation : viewtopic.php?f=78&t=28
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Âge : 45

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Mlle Rose »

Puréeee :lol: J'en étais sûre !!!
Je vais devoir ouvrir un topic sur Nietzsche :P
Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. E. de la Boétie
NB : Je ne réponds pas aux questions perso en mp, je manque cruellement de temps pour ça et déteste répondre aux gens à l'arrache. Donc... merci d'éviter :f:

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Ouais, carrément!!
En plus maintenant que je commence à le lire, je vais pouvoir y mettre quelques trucs aussi^^

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Un autre de Terre des Hommes :

"Il est une qualité qui n'a point de nom. Peut-être est-ce la « gravité », mais le mot ne satisfait pas. Car cette qualité peut s'accompagner de la gaieté la plus souriante. C'est la qualité même du charpentier qui s'installe d'égal à égal en face de sa pièce de bois, la palpe, la mesure et, loin de la traiter à la légère, rassemble à son propos toutes ses vertus.

J'ai lu, autrefois, Guillaumet, un récit où l'on célébrait ton aventure, et j'ai un vieux compte à régler avec cette image infidèle. On t'y voyait, lançant des boutades de « gavroche », comme si le courage consistait à s'abaisser à des railleries de collégien, au cœur des pires dangers et à l'heure de la mort. On ne te connaissait pas, Guillaumet. Tu n'éprouves pas le besoin, avant de les affronter, de tourner en dérision tes adversaires. En face d'un mauvais orage, tu juges : « Voici un mauvais orage. » Tu l'acceptes et tu le mesures. "

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Ah, je me fais plaisir avec Terre des Hommes, j'adore ce livre. Je me demande si vous n'aurez pas tout dans le désordre.
Pour planter un peu le contexte, il vient de survivre à plusieurs jours dans le désert sans eau ou presque.



Une fois de plus, j’ai côtoyé une vérité que je n’ai pas comprise. Je me suis cru perdu, j’ai cru toucher le fond du désespoir et, une fois le renoncement accepté, j’ai connu la paix. Il semble à ces heures-là que l’on se découvre soi-même et que l’on devienne son propre ami. Plus rien ne saurait prévaloir contre un sentiment de plénitude qui satisfait en nous je ne sais quel besoin essentiel que nous ne nous connaissions pas. Bonnafous, j ‘imagine, qui s’usait à courir le vent, a connu cette sérénité. Guillaumet aussi dans sa neige. Comment oublierais-je moi-même, qu’enfoui dans le sable jusqu’à la nuque, et lentement égorgé par la soif, j’ai eu si chaud au cœur sous ma pèlerine d’étoiles ?

Comment favoriser en nous cette sorte de délivrance ? Tout est paradoxal chez l’homme, on le sait bien. On assure le pain de celui-là pour lui permettre de créer et il s’endort, le conquérant victorieux s’amollit, le généreux, si on l’enrichit, devient ladre. Que nous importent les doctrines politiques qui prétendent épanouir les hommes, si nous ne connaissons d’abord quel type d’homme elles épanouiront Qui va naître ? Nous ne sommes pas un cheptel à l’engrais, et l’apparition d’un Pascal pauvre pèse plus lourd que la naissance de quelques anonymes prospères.

L’essentiel, nous ne savons pas le prévoir. Chacun de nous a connu les joies les plus chaudes là où rien ne les promettait. Elles nous ont laissé une telle nostalgie que nous regrettons jusqu’à nos misères, si nos misères les ont permises. Nous avons tous goûté, en retrouvant des camarades, l’enchantement des mauvais souvenirs.

Que savons-nous, sinon qu’il est des conditions inconnues qui nous fertilisent ? Où loge la vérité de l’homme ?

La vérité, ce n’est point ce qui se démontre. Si dans ce terrain, et non dans un autre, les orangers développent de solides racines et se chargent de fruits, ce terrain-là c’est la vérité des orangers. Si cette religion, si cette culture, si cette échelle des valeurs, si cette forme d’activité et non telles autres, favorisent dans l’homme cette plénitude, délivrent en lui un grand seigneur qui s’ignorait, c’est que cette échelle des valeurs, cette culture, cette forme d’activité, sont la vérité de l’homme. La logique ? Qu’elle se débrouille pour rendre compte de la vie.

Tout au long de ce livre j’ai cité quelques-uns de ceux qui ont obéi, semble-t-il, à une vocation souveraine, qui ont choisi le désert ou la ligne, comme d’autres eussent choisi le monastère ; mais j’ai trahi mon but si j’ai paru vous engager à admirer d’abord les hommes. Ce qui est admirable d’abord, c’est le terrain qui les a fondés.

Les vocations sans doute jouent un rôle. Les uns s’enferment dans leurs boutiques. D’autres font leur chemin, impérieusement, dans une direction nécessaire : nous retrouvons en germe dans l’histoire de leur enfance les élans qui expliqueront leur destinée. Mais l’Histoire, lue après coup, fait illusion. Ces élans-là nous les retrouverions chez presque tous. Nous avons tous connu des boutiquiers qui, au cours de quelque nuit de naufrage ou d’incendie, se sont révélés plus grands qu’eux-mêmes. Ils ne se méprennent point sur la qualité de leur plénitude cet incendie restera la nuit de leur vie. Mais, faute d’occasions nouvelles, faute de terrain favorable, faute de religion exigeante, ils se sont rendormis sans avoir cru en leur propre grandeur. Certes les vocations aident l’homme à se délivrer mais il est également nécessaire de délivrer les vocations.

Nuits aériennes, nuits du désert… ce sont là des occasions rares, qui ne s’offrent pas à tous les hommes. Et cependant, quand les circonstances les animent, ils montrent tous les mêmes besoins. Je ne m’écarte point de mon sujet si je raconte une nuit d’Espagne qui, là-dessus, m'a instruit. J’ai trop parlé de quelques-uns et j’aimerais parler de tous.

C’était sur le front de Madrid que je visitais en reporter. Je dînais ce soir-là au fond d’un abri souterrain, à la table d’un jeune capitaine.

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

déjà je mets le lien vers Wikilivres où on peut lire plusieurs oeuvres, qui sont dans le domaine public au canada :

http://wikilivres.info/wiki/Antoine_de_ ... up%C3%A9ry

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Bon un extrait de Citadelle cette fois, en lien avec les contradictions, la Création, le passé, le présent et le futur.

LVI

Et c’est le même secret que je t’enseigne. Ton passé tout entier n’est qu’une naissance, de même que, jusqu’aujourd’hui, les événements de l’empire. Et si tu regrettes quelque chose, tu es aussi absurde que celui-là qui regretterait de n’être point né à une autre époque ou petit alors qu’il est grand ou dans une autre contrée, et qui puiserait dans ses absurdes rêveries son désespoir de chaque instant. Fou celui qui se ronge les dents contre le passé qui est bloc de granit et révolu. Accepte ce jour comme il t’est donné au lieu de te heurter à l’irréparable. Irréparable n’a point de signification car c’est la marque de tout passé. Et comme il n’est point de but atteint, ni de cycle révolu, ni d’époque achevée, sinon pour les historiens qui t’inventeront ces divisions, comment saurais-tu qu’est à regretter la démarche qui n’a pas encore abouti et qui n’aboutira jamais — car le sens des choses ne réside point dans la provision une fois faite que consomment les sédentaires, mais dans la chaleur de la transformation, de la marche, ou du désir. Et celui-là qui vient d’être battu et sous le talon de son vainqueur se recompose, je le dis plus victorieux dans sa démarche que celui-là qui jouit de sa victoire d’hier comme un sédentaire de ses provisions, et s’achemine déjà vers la mort.

Alors, me diras-tu, vers quoi dois-je tendre ? Puisque les buts n’ont point de signification. Et je te répondrai ce grand secret qui se cache sous des mots vulgaires et simples et que la sagesse peu à peu au long de la vie m’a enseigné : à savoir que préparer l’avenir ce n’est que fonder le présent. Et que ceux-là s’usent dans l’utopie et les démarches de rêve, qui poursuivent des images lointaines, fruits de leur invention. Car la seule invention véritable est de déchiffrer le présent sous ses aspects incohérents et son langage contradictoire. Mais si tu te laisses aller aux balivernes que sont tes songes creux concernant l’avenir, tu es semblable à celui-là qui croit pouvoir inventer sa colonne et bâtir des temples nouveaux dans la liberté de sa plume. Car comment rencontrerait-il son ennemi et, ne rencontrant point d’ennemi, par qui serait-il fondé ? Contre qui modèlerait-il sa colonne ? La colonne se fonde, à travers les générations, de son usure contre la vie. Ne serait-ce qu’une forme, tu ne l’inventes point mais tu la polis contre l’usage. Et ainsi naissent les grandes œuvres et les empires.

Il n’est jamais que du présent à mettre en ordre. A quoi bon discuter cet héritage ? L’avenir, tu n’as point à le prévoir mais à le permettre.

Et certes tu as du travail quand le présent t’est fourni comme matériaux. Et moi, cet assemblage de moutons, de chèvres, de champs d’orge, de demeures, de montagnes qui sont dans l’instant, je le dis domaine ou empire, j’en tire quelque chose qui n’y était pas et que je dis un et simple, car qui y touchera par l’intelligence le détruira sans l’avoir connu, et ainsi je fonde le présent, de même que l’effort de mes muscles, quand j’accède à la crête, organise le paysage et me fait assister à cette douceur bleue où les villes sont comme des œufs dans les nids des campagnes, ce qui n’est ni plus vrai ni plus faux que les villes vues comme navires ou comme temples, mais autre. Et du sort des hommes il est en mon pouvoir de faire un aliment pour ma sérénité.

Sache-le donc, toute création vraie n’est point préjugé sur l’avenir, poursuite de chimère et utopie, mais visage nouveau lu dans le présent, lequel est réserve de matériaux en vrac reçus en héritage, et dont il ne s’agit pour toi ni de te réjouir ni de te plaindre, car simplement comme toi, ils sont, ayant pris naissance.

L’avenir, laisse-le donc comme l’arbre dérouler un à un ses branchages. De présent en présent l’arbre aura grandi et entrera révolu dans sa mort. Ne t’inquiète point pour mon empire. Depuis qu’ils ont reconnu ce visage dans le disparate des choses, les hommes, depuis que j’ai fait œuvre de sculpteur dans la pierre, j’ai donné, dans la majesté de ma création, un coup de barre à leur destinée. Et dès lors ils iront de victoire en victoire, et dès lors mes chanteurs auront quelque chose à chanter, puisque au lieu de glorifier des dieux morts ils célébreront simplement la vie.

Regarde mes jardins où les jardiniers vont dans l’aube pour créer le printemps, ils ne discutent point sur les pistils ni les corolles : ils sèment des graines.

Alors vous, les découragés, les malheureux et les vaincus, je vous le dis : vous êtes l’armée d’une victoire ! Car vous commencez dans cet instant et il est beau d’être aussi jeune.


Mais ne crois pas que penser le présent soit simple. Car alors te résiste la matière même dont tu dois faire usage, alors que ne résisteront jamais tes inventions sur l’avenir. Et celui-là qui se couche dans le sable aux alentours d’un puits tari et qui déjà s’évapore dans le soleil, comme il marche bien dans son rêve. Et combien lui deviennent faciles les grandes enjambées vers sa délivrance. Comme il est aisé de boire en rêve puisque tes pas t’apportent l’eau comme des esclaves bien huilés et qu’il n’est point de ronces pour te retenir.

Mais aussi cet avenir qui manque d’ennemis ne devient-il point — et tu agonises, et le sable crisse entre tes dents, et la palmeraie et le fleuve lourd et les chants des laveuses de linge chavirent lentement dans la mort.

Mais qui marche véritablement s’abîme les chevilles aux pierres, lutte contre les ronces et s’ensanglante les ongles dans les éboulis. Car ils lui sont fournis tous les échelons de son escalade dont il doit triompher, un à un. Et l’eau, il la crée lentement avec sa chair, avec ses muscles, avec les ampoules de ses paumes, avec les blessures de ses pieds. A brasser les réalités contradictoires il tire l’eau de son désert de pierres à la force de ses poignets, comme le boulanger qui pétrit la pâte la sent peu à peu se durcir, s’augmenter d’une musculature qui lui résiste, se nouer en nœuds qu’il doit rompre, et c’est qu’il commence de créer le pain. Ainsi de ce poète ou de ce sculpteur qui d’abord travaillait le poème ou la pierre dans une liberté où il se perdait, libre qu’il était de faire sourire ou pleurer son visage, se pencher à droite ou à gauche, et dans une telle liberté, ne réussissant point à devenir. Mais vient l’heure où le poisson mord et où la ligne résiste. Vient l’heure où ce que tu voulais dire, tu ne l’as point dit à cause d’un autre mot que tu voulais garder, parce que cela aussi tu voulais le dire, et qu’il se trouve que ces deux vérités te résistent. Et tu commences de raturer comme tu commences de pétrir dans ta glaise un sourire qui commence de te défier. Tu ne choisis point l’un ou l’autre, au nom d’une logique verbale, mais tu cherches la clef de voûte de tes vérités contradictoires, car rien n’est à perdre — et tu devines que ton poème se fait ou qu’un visage va surgir de la pierre, car déjà te voilà entouré d’ennemis bien-aimés.

Ainsi n’écoute jamais ceux qui te veulent servir en te conseillant de renoncer à l’une de tes aspirations. Tu la connais, ta vocation, à ce qu’elle pèse en toi. Et si tu la trahis c’est toi que tu défigures, mais sache que ta vérité se fera lentement car elle est naissance d’arbre et non trouvaille d’une formule, car c’est le temps d’abord qui joue un rôle, car il s’agit pour toi de devenir autre et de gravir une montagne difficile. Car l’être neuf qui est unité dégagée dans le disparate des choses ne s’impose point à toi comme une solution de rébus, mais comme un apaisement des litiges et une guérison des blessures. Et son pouvoir, tu ne le connaîtrais qu’une fois qu’il sera devenu. C’est pourquoi j’ai toujours honoré d’abord pour l’homme, comme des dieux trop oubliés, le silence et la lenteur.

Zebraika

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Zebraika »

Goldfinger a écrit :déjà je mets le lien vers Wikilivres où on peut lire plusieurs oeuvres, qui sont dans le domaine public au canada :

http://wikilivres.info/wiki/Antoine_de_ ... up%C3%A9ry
:cheers: MERCI ! Moi aussi, grosse fan de St Ex' ! :D1 Ma première lecture, inoubliable : Vol de nuit...

J'en profite pour signaler que ma signature sur ce forum, "L'intelligence ne vaut qu'au service de l'amour", est empruntée à Antoine de Saint-Exupéry, dans "Pilote de guerre"... :wink:

J'aurais pu tout aussi bien choisir celle-ci, extrait bien connu du Petit Prince, que je trouve très belle :

"On ne voit qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux".

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Oui, très bien aussi pilote de guerre, j'ai un peu moins aimé vol de nuit en fait.
La fin de Terre des Hommes là :


Et voici que je me souviens, dans la dernière page de ce livre, de ces bureaucrates vieillis qui nous servirent de cortège, à l’aube du premier courrier, quand nous nous préparions à muer en hommes, ayant eu la chance d’être désignés. Ils étaient pourtant semblables à nous, mais ne connaissaient point qu’ils avaient faim.

Il en est trop qu’on laisse dormir.

Il y a quelques années, au cours d’un long voyage en chemin de fer, j’ai voulu visiter la patrie en marche où je m’enfermais pour trois jours, prisonnier pour trois jours de ce bruit de galets roulés par la mer, et je me suis levé. J’ai traversé vers une heure du matin le train dans toute sa longueur. Les sleepings étaient vides.

Les voitures de première étaient vides. Mais les voitures de troisième abritaient des centaines d’ouvriers polonais congédiés de France et qui regagnaient leur Pologne. Et je remontais les couloirs en enjambant des corps. Je m’arrêtai pour regarder. Debout sous les veilleuses, j’apercevais dans ce wagon sans divisions, et qui ressemblait à une chambrée, qui sentait la caserne ou le commissariat, toute une population confuse et barattée par les mouvements du rapide. Tout un peuple enfoncé dans les mauvais songes et qui regagnait sa misère. De grosses têtes rasées roulaient sur le bois des banquettes. Hommes, femmes, enfants, tous se retournaient de droite à gauche, comme attaqués par tous ces bruits, toutes ces secousses qui les menaçaient dans leur oubli. Ils n’avaient point trouvé l’hospitalité d’un bon sommeil.

Et voici qu’ils me semblaient avoir à demi perdu qualité humaine, ballottés d’un bout de l’Europe à l’autre par les courants économiques, arrachés à la petite maison du Nord, au minuscule jardin, aux trois pots de géranium que j’avais remarqués autrefois à la fenêtre des mineurs polonais. Ils n’avaient rassemblé que les ustensiles de cuisine, les couvertures et les rideaux, dans des paquets mal ficelés et crevés de hernies. Mais tout ce qu’ils avaient caressé ou charmé, tout ce qu’ils avaient réussi à apprivoiser en quatre ou cinq années de séjour en France, le chat, le chien et le géranium, ils avaient dû les sacrifier et ils n’emportaient avec eux que ces batteries de cuisine.

Un enfant tétait une mère si lasse qu’elle paraissait endormie. La vie se transmettait dans l’absurde et le désordre de ce voyage. Je regardai le père. Un crâne pesant et nu comme une pierre. Un corps plié dans l’inconfortable sommeil, emprisonné dans les vêtements de travail, fait de bosses et de creux. L’homme était pareil à un tas de glaise. Ainsi, la nuit, des épaves qui n’ont plus de forme, pèsent sur les bancs des halles. Et je pensai le problème ne réside point dans cette misère, dans cette saleté, ni dans cette laideur. Mais ce même homme et cette même femme se sont connus un jour et l’homme a souri sans doute à la femme : il lui a, sans doute, après le travail, apporté des fleurs. Timide et gauche, il tremblait peut-être de se voir dédaigné. Mais la femme, par coquetterie naturelle, la femme sûre de sa grâce se plaisait peut-être à l’inquiéter. Et l’autre qui n’est plus aujourd’hui qu’une machine à piocher ou à cogner, éprouvait ainsi dans son cœur l’angoisse délicieuse. Le mystère, c’est qu ils soient devenus ces paquets de glaise. Dans quel moule terrible ont-ils passé, marqués par lui comme par une machine à emboutir ? Un animal vieilli conserve sa grâce. Pourquoi cette belle argile humaine est-elle abîmée ?

Et je poursuivis mon voyage parmi ce peuple dont le sommeil était trouble comme un mauvais lieu. Il flottait un bruit vague fait de ronflements rauques, de plaintes obscures, du raclement des godillots de ceux qui, brisés d’un côté, essayaient l’autre. Et toujours en sourdine cet intarissable accompagnement de galets retournés par la mer.

Je m’assis en face d’un couple. Entre l’homme et la femme, l’enfant, tant bien que mal, avait fait son creux, et il dormait. Mais il se retourna dans le sommeil, et son visage m’apparut sous la veilleuse. Ah ! quel adorable visage ! Il était né de ce couple-là une sorte de fruit doré. Il était né de ces lourdes hardes cette réussite de charme et de grâce. Je me penchai sur ce front lisse, sur cette douce moue des lèvres, et je me dis voici un visage de musicien, voici Mozart enfant, voici une belle promesse de la vie. Les petits princes des légendes n’étaient point différents de lui protégé, entouré, cultivé, que ne saurait-il devenir ! Quand il naît par mutation dans les jardins une rose nouvelle, voilà tous les jardiniers qui s’émeuvent. On isole la rose, on cultive la rose, on la favorise. Mais il n’est point de jardinier pour les hommes. Mozart enfant sera marqué comme les autres par la machine à emboutir. Mozart fera ses plus hautes joies de musique pourrie, dans la puanteur des cafés-concerts. Mozart est condamné.

Et je regagnai mon wagon. Je me disais ces gens ne souffrent guère de leur sort. Et ce n’est point la charité ici qui me tourmente. Il ne s’agit point de s’attendrir sur une plaie éternellement rouverte. Ceux qui la portent ne la sentent pas. C’est quelque chose comme l’espèce humaine et non l’individu qui est blessé ici, qui est lésé. Je ne crois guère à la pitié. Ce qui me tourmente, c’est le point de vue du jardinier. Ce qui me tourmente, ce n’est point cette misère, dans laquelle, après tout, on s’installe aussi bien que dans la paresse. Des générations d’Orientaux vivent dans la crasse et s’y plaisent. Ce qui me tourmente, les soupes populaires ne le guérissent point. Ce qui me tourmente, ce ne sont ni ces creux, ni ces bosses, ni cette laideur. C’est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné.

Seul l’Esprit, s’il souffle sur la glaise, peut créer l’Homme.

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Quelques citations :

«On n’est jamais content là où on est.»


«Etre homme, c'est précisément être responsable. C'est sentir, en posant sa pierre, que l'on contribue à bâtir le monde.»

«Une fois pris dans l'événement, les hommes ne s'en effraient plus. Seul l'inconnu épouvante les hommes.»
[ Antoine de Saint-Exupéry ] - Terre des hommes

«La grandeur de la prière réside d’abord en ce qu’il n’y est point répondu.»
[ Antoine de Saint-Exupéry ] - Citadelle

«Ce n'est point dans l'objet que réside le sens des choses, mais dans la démarche.»
[ Antoine de Saint-Exupéry ] - Citadelle


«J’ai toujours aimé le désert. On s’assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n’entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence…»
[ Antoine de Saint-Exupéry ] - Le petit prince


«Ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort.»
[ Antoine de Saint-Exupéry ]

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Hop, un extrait de la Lettre à un otage.


Je me disais donc : « L’essentiel est que demeure quelque part ce dont on a vécu. Et les coutumes. Et la fête de famille. Et la maison des souvenirs. L’essentiel est de vivre pour le retour… » Et je me sentais menacé dans ma substance même par la fragilité des pôles lointains dont je dépendais. Je risquais de connaître un désert véritable, et commençai de comprendre un mystère qui m’avait longtemps intrigué.

J’ai vécu trois années dans le Sahara. J’ai rêvé, moi aussi, après tant d’autres, sur sa magie. Quiconque a connu la vie saharienne, où tout, en apparence, n’est que solitude et dénuement, pleure cependant ces années-là comme les plus belles qu’il ait vécues. Les mots « nostalgie du sable, nostalgie de la solitude, nostalgie de l’espace » ne sont que formules littéraires, et n’expliquent rien. Or voici que, pour la première fois, à bord d’un paquebot grouillant de passagers entassés les uns sur les autres, il me semblait comprendre le désert.

Certes, le Sahara n’offre, à perte de vue, qu’un sable uniforme, ou plus exactement, car les dunes y sont rares, une grève caillouteuse. On y baigne en permanence dans les conditions mêmes de l’ennui. Et cependant d’invisibles divinités lui bâtissent un réseau de directions, de pentes et de signes, une musculature secrète et vivante. Il n’est plus d’uniformité. Tout s’oriente. Un silence même n’y ressemble pas à l’autre silence.

Il est un silence de la paix quand les tribus sont conciliées, quand le soir ramène sa fraîcheur et qu’il semble que l’on fasse halte, voiles repliées, dans un port tranquille. Il est un silence de midi quand le soleil suspend les pensées et les mouvements. Il est un faux silence, quand le vent du Nord a fléchi et que l’apparition d’insectes, arrachés comme du pollen aux oasis de l’intérieur, annonce la tempête d’Est porteuse de sable. Il est un silence de complot, quand on connaît, d’une tribu lointaine, qu’elle fermente. Il est un silence de mystère, quand se nouent entre les Arabes leurs indéchiffrables conciliabules. Il est un silence tendu quand le messager tarde à revenir. Un silence aigu quand, la nuit, on retient son souffle pour entendre. Un silence mélancolique, si l’on se souvient de qui l’on aime.

Tout se polarise. Chaque étoile fixe une direction véritable. Elles sont toutes étoiles des Mages. Elles servent toutes leur propre dieu. Celle-ci désigne la direction d’un puits lointain, dur à gagner. Et l’étendue qui vous sépare de ce puits pèse comme un rempart. Celle-là désigne la direction d’un puits tari. Et l’étoile elle-même paraît sèche. Et l’étendue qui vous sépare du puits tari n’a point de pente. Telle autre étoile sert de guide vers une oasis inconnue que les nomades vous ont chantée, mais que la dissidence vous interdit. Et le sable qui vous sépare de l’oasis est pelouse de contes de fées. Telle autre encore désigne la direction d’une ville blanche du Sud, savoureuse, semble-t-il, comme un fruit où planter les dents. Telle, de la mer.

Enfin des pôles presque irréels aimantent de très loin ce désert : une maison d’enfance, qui demeure vivante dans le souvenir. Un ami dont on ne sait rien, sinon qu’il est.

Ainsi vous sentez-vous tendu et vivifié par le champ des forces qui tirent sur vous ou vous repoussent, vous sollicitent ou vous résistent. Vous voici bien fondé, bien déterminé, bien installé au centre de directions cardinales.

Et comme le désert n’offre aucune richesse tangible, comme il n’est rien à voir ni à entendre dans le désert, on est bien contraint de reconnaître, puisque la vie intérieure loin de s’y endormir s’y fortifie, que l’homme est animé d’abord par des sollicitations invisibles. L’homme est gouverné par l’Esprit. Je vaux, dans le désert, ce que valent mes divinités.

Ainsi, si je me sentais riche, à bord de mon paquebot triste, de directions encore fertiles, si j’habitais une planète encore vivante, c’était grâce à quelques amis perdus en arrière de moi dans la nuit de France, et qui commençaient de m’être essentiels.

La France, décidément, n’était pour moi ni une déesse abstraite, ni un concept d’historien, mais bien une chair dont je dépendais, un réseau de liens qui me régissait, un ensemble de pôles qui fondait les pentes de mon cœur. J’éprouvais le besoin de sentir plus solides et plus durables que moi-même ceux dont j’avais besoin pour m’orienter. Pour connaître où revenir. Pour exister. En eux mon pays logeait tout entier et vivait par eux en moi-même. Pour qui navigue en mer un continent se résume ainsi dans le simple éclat de quelques phares. Un phare ne mesure point l’éloignement. Sa lumière est présente dans les yeux, tout simplement. Et toutes les merveilles du continent logent dans l’étoile.

Et voici qu’aujourd’hui où la France, à la suite de l’occupation totale, est entrée en bloc dans le silence avec sa cargaison, comme un navire tous feux éteints dont on ignore s’il survit ou non aux périls de mer, le sort de chacun de ceux que j’aime me tourmente plus gravement qu’une maladie installée en moi. Je me découvre menacé dans mon essence par leur fragilité.

Celui qui, cette nuit-ci, hante ma mémoire est âgé de cinquante ans. Il est malade. Et il est juif. Comment survivrait-il à la terreur allemande ? Pour imaginer qu’il respire encore j’ai besoin de le croire ignoré de l’envahisseur, abrité en secret par le beau rempart de silence des paysans de son village. Alors seulement je crois qu’il vit encore. Alors seulement, déambulant au loin dans l’empire de son amitié, lequel n’a point de frontières, il m’est permis de me sentir non émigrant, mais voyageur. Car le désert n’est pas là où l’on croit. Le Sahara est plus vivant qu’une capitale et la ville la plus grouillante se vide si les pôles essentiels de la vie sont désaimantés.

Avatar de l’utilisateur
daydream
Messages : 323
Inscription : mer. 9 févr. 2011 14:52
Présentation : http://adulte-surdoue.fr/presentations/connait-t72.html
Profil : Bilan +
Test : WAIS
Localisation : Là où la forêt regarde Paris
Contact :

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par daydream »

Juste un petit mot sur St Ex dont je suis loin de connaître toute l'oeuvre:

Pour moi, les premières pages du Petit Prince donnent la définition exacte et précise en quelques phrases de ce qu'est un petit Z.., enfin un petit surdoué.

C'est un véritable manifeste. Toutes les autres discussions tentant de définir cette notion sont de pitoyables balbutiements baveux.

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

:)
J'aime ça :)

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Quelques citations de Terre des hommes, copiées de wikiquote : http://fr.wikiquote.org/wiki/Terre_des_hommes


Adieu, vous que j'aimais. Ce n'est point ma faute si le corps humain ne peut résiter trois jours sans boire. Je ne me croyais pas prisonnier des fontaines. Je ne me soupçonnais pas une aussi courte autonomie. On croit que l'homme peut s'en aller droit devant lui. On croit que l'homme est libre... On ne voit pas la corde qui le rattache au puits, qui le rattache, comme un cordon ombilical, au ventre de la terre. S'il fait un pas de plus, il meurt.

Je ne comprends plus ces populations des trains de banlieues, ces hommes qui se croient des hommes, et qui cependant sont réduits, par une pression qu'ils ne sentent pas, comme les fourmis, à l'usage qui en est fait. De quoi remplissent-ils, quand ils sont libres, leurs absurdes petits dimanches ?

Je ne regrette rien. j'ai joué, j'ai perdu. C'est dans l'ordre de mon métier. Mais, tout de même, je l'ai respiré, le vent de la mer. Ceux qui l'ont goûté une fois n'oublient pas cette nourriture. N'est-ce pas, mes camarades ? Et il ne s'agit pas de vivre dangereusement. Cette formule est prétentieuse. Les toréadors ne me plaisent guère. Ce n'est pas le danger que j'aime. Je sais ce que j'aime. C'est la vie.

Quand on me retrouvera, les yeux brûlés, on imaginera que j'ai beaucoup appelé et beaucoup souffert. Mais les élans, mais les regrets, mais les tendres souffrances, ce sont encore des richesses. Et moi je n'ai plus de richesses. Les fraîches jeunes filles, au soir de leur premier amour, connaissent le chagrin et pleurent. Le chagrin est lié aux frémissement de la vie. Et moi je n'ai plus de chagrin…

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Tiens, un extrait de la fin du Petit Prince :

Maintenant je me suis un peu consolé. C’est à dire... pas tout à fait. Mais je sais bien qu’il est revenu à sa planète, car, au lever du jour, je n’ai pas retrouvé son corps. Ce n’était pas un corps tellement lourd... Et j’aime la nuit écouter les étoiles. C’est comme cinq cent millions de grelots...

Mais voilà qu’il se passe quelque chose d’extraordinaire. La muselière que j’ai dessinée pour le petit prince, j’ai oublié d’y ajouter la courroie de cuir ! Il n’aura jamais pu l’attacher au mouton. Alors je me demande : « Que s’est-il passé sur sa planète ? Peut-être bien que le mouton a mangé la fleur... »

Tantôt je me dis : « Sûrement non ! Le petit prince enferme sa fleur toutes les nuits sous son globe de verre, et il surveille bien son mouton... » Alors je suis heureux. Et toutes les étoiles rient doucement.

Tantôt je me dis : « On est distrait une fois ou l’autre, et ça suffit ! Il a oublié, un soir, le globe de verre, ou bien le mouton est sorti sans bruit pendant la nuit... » Alors les grelots se changent tous en larmes ! ...

C’est là un bien grand mystère. Pour vous qui aimez aussi le petit prince, comme pour moi, rien de l’univers n’est semblable si quelque part, on ne sait où, un mouton que nous ne connaissons pas a, oui ou non, mangé une rose...

Regardez le ciel. Demandez-vous : « Le mouton oui ou non a-t-il mangé la fleur ? » Et vous verrez comme tout change...

Et aucune grande personne ne comprendra jamais que ça a tellement d’importance !

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Le cinquième jour, toujours grâce au mouton, ce secret de la vie du petit prince me fut révélé. Il me demanda avec brusquerie, sans préambule, comme le fruit d’un problème longtemps médité en silence :

« Un mouton, s’il mange les arbustes, il mange aussi les fleurs ?

— Un mouton mange tout ce qu’il rencontre.

— Même les fleurs qui ont des épines ?

— Oui. Même les fleurs qui ont des épines.

— Alors les épines, à quoi servent-elles ? »

Je ne le savais pas. J’étais alors très occupé à essayer de dévisser un boulon trop serré de mon moteur. J’étais très soucieux car ma panne commençait de m’apparaître comme très grave, et l’eau à boire qui s’épuisait me faisait craindre le pire.

« Les épines, à quoi servent-elles ? »

Le petit prince ne renonçait jamais à une question, une fois qu’il l’avait posée. J’étais irrité par mon boulon et je répondis n’importe quoi :

« Les épines, ça ne sert à rien, c’est de la pure méchanceté de la part des fleurs !

— Oh ! »

Mais après un silence il me lança, avec une sorte de rancune :

« Je ne te crois pas ! Les fleurs sont faibles. Elles sont naïves. Elles se rassurent comme elles peuvent. Elles se croient terribles avec leurs épines… »

Je ne répondis rien. À cet instant-là je me disais : « Si ce boulon résiste encore, je le ferai sauter d’un coup de marteau. » Le petit prince dérangea de nouveau mes réflexions :

« Et tu crois, toi, que les fleurs…

— Mais non ! Mais non ! Je ne crois rien ! J’ai répondu n’importe quoi. Je m’occupe, moi, de choses sérieuses ! »

Il me regarda stupéfait.

« De choses sérieuses ! »

Il me voyait, mon marteau à la main, et les doigts noirs de cambouis, penché sur un objet qui lui semblait très laid.

« Tu parles comme les grandes personnes ! »

Ça me fit un peu honte. Mais, impitoyable, il ajouta :

« Tu confonds tout… tu mélanges tout ! »

Il était vraiment très irrité. Il secouait au vent des cheveux tout dorés :

« Je connais une planète où il y a un monsieur cramoisi. Il n’a jamais respiré une fleur. Il n’a jamais regardé une étoile. Il n’a jamais aimé personne. Il n’a jamais rien fait d’autre que des additions. Et toute la journée il répète comme toi : "Je suis un homme sérieux ! Je suis un homme sérieux !" et ça le fait gonfler d’orgueil. Mais ce n’est pas un homme, c’est un champignon !

— Un quoi ?

— Un champignon ! »

Le petit prince était maintenant tout pâle de colère.

« Il y a des millions d’années que les fleurs fabriquent des épines. Il y a des millions d’années que les moutons mangent quand même les fleurs. Et ce n’est pas sérieux de chercher à comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des épines qui ne servent jamais à rien ? Ce n’est pas important la guerre des moutons et des fleurs ? Ce n’est pas sérieux et plus important que les additions d’un gros monsieur rouge ? Et si je connais, moi, une fleur unique au monde, qui n’existe nulle part, sauf dans ma planète, et qu’un petit mouton peut anéantir d’un seul coup, comme ça, un matin, sans se rendre compte de ce qu’il fait, ce n’est pas important ça ! »

Il rougit, puis reprit :

« Si quelqu’un aime une fleur qui n’existe qu’à un exemplaire dans les millions et les millions d’étoiles, ça suffit pour qu’il soit heureux quand il les regarde. Il se dit : "Ma fleur est là quelque part…" Mais si le mouton mange la fleur, c’est pour lui comme si, brusquement, toutes les étoiles s’éteignaient ! Et ce n’est pas important ça ! »

Il ne put rien dire de plus. Il éclata brusquement en sanglots. La nuit était tombée. J’avais lâché mes outils. Je me moquais bien de mon marteau, de mon boulon, de la soif et de la mort. Il y avait sur une étoile, une planète, la mienne, la Terre, un petit prince à consoler ! Je le pris dans les bras. Je le berçai. Je lui disais : « La fleur que tu aimes n’est pas en danger… Je lui dessinerai une muselière, à ton mouton… Je te dessinerai une armure pour ta fleur… Je… » Je ne savais pas trop quoi dire. Je me sentais très maladroit. Je ne savais comment l’atteindre, où le rejoindre… C’est tellement mystérieux, le pays des larmes !

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

« Bonjour, dit le petit prince.

— Bonjour, dit l’aiguilleur.

— Que fais-tu ici ? dit le petit prince.

— Je trie les voyageurs, par paquets de mille, dit l’aiguilleur. J’expédie les trains qui les emportent, tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche. »

Et un rapide illuminé, grondant comme le tonnerre, fit trembler la cabine d’aiguillage.

« Ils sont bien pressés, dit le petit prince. Que cherchent-ils ?

— L’homme de la locomotive l’ignore lui-même », dit l’aiguilleur.

Et gronda, en sens inverse, un second rapide illuminé.

« Ils reviennent déjà ? demanda le petit prince...

— Ce ne sont pas les mêmes, dit l’aiguilleur. C’est un échange.

— Ils n’étaient pas contents, là où ils étaient ?

— On n’est jamais content là où l’on est », dit l’aiguilleur.

Et gronda le tonnerre d’un troisième rapide illuminé.

« Ils poursuivent les premiers voyageurs ? demanda le petit prince.

— Ils ne poursuivent rien du tout, dit l’aiguilleur. Ils dorment là-dedans, ou bien ils bâillent. Les enfants seuls écrasent leur nez contre les vitres.

— Les enfants seuls savent ce qu’ils cherchent, fit le petit prince. Ils perdent du temps pour une poupée de chiffons, et elle devient très importante, et si on la leur enlève, ils pleurent...

— Ils ont de la chance », dit l’aiguilleur.


« Bonjour, dit le petit prince.

— Bonjour », dit le marchand.

C’était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale une par semaine et l’on n’éprouve plus le besoin de boire.

« Pourquoi vends-tu ça ? dit le petit prince.

— C’est une grosse économie de temps, dit le marchand. Les experts ont fait des calculs. On épargne cinquante-trois minutes par semaine.

— Et que fait-on des cinquante-trois minutes ?

— On en fait ce que l’on veut... »

« Moi, se dit le petit prince, si j’avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine... »

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Encore un extrait de Terre des Hommes

« Ce qui sauve, c’est de faire un pas. Encore un pas. C’est toujours le même pas que l’on recommence… »
« Ce que j’ai fait, je le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait. » Cette phrase, la plus noble que je connaisse, cette phrase qui situe l’homme, qui l’honore, qui rétablit les hiérarchies vraies, me revenait à la mémoire. Tu t’endormais enfin, ta conscience était abolie, mais de ce corps démantelé, fripé, brûlé, elle allait renaître au réveil ; et de nouveau le dominer. Le corps, alors, n’est plus qu’un bon outil, le corps n’est plus qu’un serviteur. Et, cet orgueil du bon outil, tu savais l’exprimer aussi, Guillaumet :
« Privé de nourriture, tu t’imagines bien qu’au troisième jour de marche… mon cœur, ça n’allait plus très fort… Eh bien ! le long d’une pente verticale, sur laquelle je progressais, suspendu au-dessus du vide, creusant des trous pour loger mes poings, voilà que mon cœur tombe en panne. Ça hésite, ça repart. Ça bat de travers. Je sens que s’il hésite une seconde de trop, je lâche. Je ne bouge plus et j’écoute en moi. Jamais, tu m’entends ? Jamais en avion je ne me suis senti accroché d’aussi près à mon moteur, que je ne me suis senti, pendant ces quelques minutes-là, suspendu à mon cœur. Je lui disais : « Allons, un effort ! Tâche de battre « encore… » Mais c’était un cœur de bonne qualité ! Il hésitait, puis repartait toujours… Si tu savais combien j’étais fier de ce cœur ! »
Dans la chambre de Mendoza où je te veillais, tu t’endormais enfin d’un sommeil essoufflé. Et je pensais : « Si on lui parlait de son courage, Guillaumet hausserait les épaules. Mais on le trahirait aussi en célébrant sa modestie. Il se situe bien au-delà de cette qualité médiocre. S’il hausse les épaules, c’est par sagesse. Il sait qu’une fois pris dans l’événement, les hommes ne s’en effraient plus. Seul l’inconnu épouvante les hommes. Mais, pour quiconque l’affronte, il n’est déjà plus l’inconnu. Surtout si on l’observe avec cette gravité lucide. Le courage de Guillaumet, avant tout, est un effet de sa droiture. »
Sa véritable qualité n’est point là. Sa grandeur, c’est de se sentir responsable. Responsable de lui, du courrier et des camarades qui espèrent. Il tient dans ses mains leur peine ou leur joie. Responsable de ce qui se bâtit de neuf, là-bas ; chez les vivants, à quoi il doit participer. Responsable un peu du destin des hommes, dans la mesure de son travail.
Il fait partie des êtres larges qui acceptent de couvrir de larges horizons de leur feuillage. Être homme, c’est précisément être responsable. C'est connaître la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C’est être fier d’une victoire que les camarades ont remportée. C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde.
On veut confondre de tels hommes avec les toréadors ou les joueurs. On vante leur mépris de la mort. Mais je me moque bien du mépris de la mort. S’il ne tire pas ses racines d’une responsabilité acceptée, il n’est que signe de pauvreté ou d’excès de jeunesse. J’ai connu un suicidé jeune. Je ne sais plus quel chagrin d’amour lavait poussé à se tirer soigneusement une balle dans le cœur. Je ne sais à quelle tentation littéraire il avait cédé en habillant ses mains de gants blancs, mais je me souviens d’avoir ressenti en face de cette triste parade une impression non de noblesse mais de misère. Ainsi, derrière ce visage aimable, sous ce crâne d’homme, il n’y avait rien eu, rien. Sinon l’image de quelque sotte petite fille semblable à d’autres.
Face à cette destinée maigre, je me rappelai une vraie mort d’homme. Celle d’un jardinier, qui me disait « Vous savez.., parfois je suais quand je bêchais. Mon rhumatisme me tirait la jambe, et je pestais contre cet esclavage. Eh bien, aujourd’hui, je voudrais bêcher, bêcher dans la terre. Bêcher ça me paraît tellement beau ! On est tellement libre quand on bêche ! Et puis, qui va tailler aussi mes arbres ? » Il laissait une terre en friche. Il laissait une planète en friche. Il était lié d’amour à toutes les terres et à tous les arbres de la terre. C’était lui le généreux, le prodigue, le grand seigneur !
C’était lui, comme Guillaumet, l’homme courageux, quand il luttait au nom de sa Création, contre la mort.

Avatar de l’utilisateur
humain
Messages : 458
Inscription : jeu. 3 févr. 2011 23:52
Âge : 69

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par humain »

Je passe sur la pointe des pieds te redire : merci...

(Pour m'avoir fait redécouvrir cet auteur que j'aime, et de l'aimer toi autant... :))
Un problème sans solution est un problème mal posé. Einstein

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

:cheers: bah, avec plaisir ;)

D'ailleurs, ça fait un petit moment que je n'ai rien mis ici.
Un petit tour par Citadelle !

LVII
Car il est beau d’être aussi jeunes, vous les déshérités, les malheureux et les vaincus qui ne saviez lire dans votre héritage que la part de la mauvaise journée d’hier. Mais si je bâtis un temple et que vous y veniez composer la foule des croyants, si j’ai en vous jeté mes graines et vous réunis là dans la majesté du silence afin que vous soyez moisson lente et miraculeuse, où voyez-vous qu’il y ait lieu de désespérer ? Vous les avez connues, les aubes de victoire où les mourants sur leurs grabats et les cancéreux dans leur pestilence et les béquillards sur leurs béquilles et les endettés parmi leurs huissiers et les prisonniers parmi leurs gendarmes, tous, dans leurs divisions et leurs douleurs, se retrouvaient dans la victoire comme dans une clef de voûte, apportée à leur communauté, et ces matins-là, cette foule disparate devenait basilique pour le cantique de la victoire.
Tu l’as vu ainsi, l’amour, prendre, comme s’établissent des racines, avec retentissement soudain des âmes les unes sur les autres, peut-être même sous le coup du malheur qui tout à coup se fait structure et divine clef de voûte pour tirer de tous la même part, la même face qui collabore — et la joie vient alors de partager son pain, ou d’offrir une place auprès de son feu. Tu faisais bien le dégoûté, comme le podagre, avec ta maison minuscule que n’eussent même pas remplie tes amis, et tout à coup s’ouvre le temple où seul l’ami entre, mais innombrable.
Où voyez-vous qu’il y ait lieu de désespérer ? Il n’est jamais que perpétuelle naissance. Et certes il existe, l’irréparable, mais il n’y a rien là qui soit triste ou gai, c’est l’essence même de ce qui fut. Est irréparable ma naissance puisque me voici. Le passé est irréparable, mais le présent vous est fourni comme matériaux en vrac aux pieds du bâtisseur et c’est à vous d’en forger l’avenir.

Avatar de l’utilisateur
humain
Messages : 458
Inscription : jeu. 3 févr. 2011 23:52
Âge : 69

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par humain »

Un grand auteur...qui est le narrateur dans cette oeuvre ? :) (Qui est-ce qui parle à ces jeunes ? )
Un problème sans solution est un problème mal posé. Einstein

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Le narrateur est en fait le chef d'un empire, qui a hérité du trône suite à la mort de son père. Et souvent en fait il partage des visions de l'homme. Citadelle est aussi une oeuvre posthume, pas finie.

Avatar de l’utilisateur
humain
Messages : 458
Inscription : jeu. 3 févr. 2011 23:52
Âge : 69

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par humain »

Ah c'est pour ça que je trouvais pas ça très pertinent....ce qu'il disait... ;)
Un problème sans solution est un problème mal posé. Einstein

Paille à son
Messages : 444
Inscription : ven. 4 févr. 2011 22:38
Présentation : [url=http://adulte-surdoue.fr/presentations/topic10.html]C'est ici qu'elle est ma prèz à mettre à jour![/url]
Profil : En questionnement
Test : MENSA
Âge : 39

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par Paille à son »

Bah, il y a eu de nombreuses controverses sur ce livre, notamment de la part de personnes ayant aimé les précédents. A titre personnel, je l'aime beaucoup, il y affine les choses au fur et a mesure des chapitres. Je mets juste des extraits qui m'ont particulièrement marqués, mais l'intérêt est je trouve dans l'articulation des divers chapitres, dans une sorte de contextualisation des multiples réflexions qui à mon sens leur donne beaucoup plus de valeurs. Un certain relativisme, une certaine mise à distance de ce qui est a priori considéré comme "Bien", mais qui n'empêche pas non plus de savoir garder une ligne directrice, de ne pas oublier "vers où l'on pèse". Enfin, je ne vais pas trop développer là.

Avatar de l’utilisateur
humain
Messages : 458
Inscription : jeu. 3 févr. 2011 23:52
Âge : 69

Re: Antoine de Saint Exupéry

Message par humain »

Qui ça "il", l'auteur ? Ou bien le narrateur ? ;)

Tu parles de la diégèse ou de l'extradiégèse ? ;)

(du temps intérieur au récit donc des personnages ou bien du temps extérieur au récit, donc de l'auteur) ?
Un problème sans solution est un problème mal posé. Einstein

Répondre