Déterminisme et libre arbitre

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Kliban
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Deux choses peut-être, mais qui sont de l'ordre du détail, probablement, par rapport à l'élaboration en cours :

Sur la conscience : comment fais-tu la différence entre les processus dits inconscients (par exemple la préparation de l'action en amont de la décision) et les processus dits conscients ? Il me semble que la définition que tu proposes de la conscience (que je résume (un peu vite ?) à l'existence de représentations) ne permet pas de distinguer l'une de l'autre.
Yves a écrit :C'est quand on souffre que la dualité devient manifeste : nous ne sommes plus que volonté d'échapper... Il y a soi et il y a quelque chose à quoi on veut s'arracher. J'ai pris la souffrance mais j'aurais aussi prendre la jouissance : nous ne sommes plus que volonté de rechercher... Il y a soi et il y a quelque chose à quoi on veut adhérer.
Et là je ne pense pas qu'on puisse défendre l'idée qu'il s'agisse d'une construction mentale.
Je ne comprends pas bien cette remarque sur l'impossibilité d'une "construction mentale". Je ne vois pas trop ce qui pourrait faire ou non l'objet d'une construction mentale. Ni même, au fond, ce que tu entends exactement par là (tout est construction mentale, d'un certain point de vue : je ne peux percevoir un monde sans organe pour le percevoir - et ce, que je sois réaliste ou pas). Est-il possible de préciser (si ça a un intérêt, inutile de trop partir dans le off-topic) ?
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Yves

Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Yves »

Sur la conscience, à vrai dire, c'est la première fois que je développe cette conception comme ça. Aussi je n'en ai pas une vue précise et détaillée.

Ce qui m'importe, c'est le point de vue de la généricité : les domaines ou les types de fonctionnement qui partagent un ensemble de structures doivent être rapprochés et cet ensemble porter le même nom, de façon à disposer de catégories qu'on peut distinguer ensuite selon des modalités ou des constituants propres (plutôt qu'une série de catégories juxtaposées, où l'on se perd dans le jeu des comparaisons).
Ici, il me paraît préférable d'appeler conscience la fenêtre de plus grande visibilité de fonctionnement, qu'elle concerne les hommes, les groupes humains, les animaux ou les machines, là où les perceptions arrivent et où les décisions sont prises (partiellement, dans les deux cas, mais visiblement).

Par ailleurs, je me représente les processus neuronaux à la façon de ceux d'un ordinateur : il y a des processus de bas niveau, des tâches qui sont composées, des couches propres au système d'exploitation et aux logiciels... enfin je n'en connais pas bien l'architecture mais c'est le principe. Aussi entre processus conscients et processus inconscients, je ne vois pas de différence de nature ni de frontière nette. Si on considère la conscience à la fois comme une fenêtre et comme une boîte, il y a ce qui y entre par construction pourrait-on dire et ce qu'on peut y amener, plus ou moins. Une interface logicielle fonctionne sans qu'on en voie tous les rouages, mais elle n'a pas accès directement aux processus de bas niveau qui en définitive la conditionnent.
Est-ce si différent après tout que de ne pas connaître exactement la structure de ses organes, réalité qui peut troubler : nous sommes au monde en sachant tellement peu sur nous-mêmes !

Concernant les processus inconscients juste en amont de la décision, je serais forcément tenté d'y voir déjà la volonté de l'individu, tant ils doivent être conditionnés par l'expérience accumulée, telle qu'elle a été représentée et jugée dans la conscience. Mais on peut difficilement y reconnaître l'expression du libre arbitre. Cela pose la question des limites de soi. Est-ce qu'on est le même, quant à l'esprit, quand on a perdu ses jambes ? Est-ce qu'on serait le même si on ne gardait que les structures neuronales qui correspondent à la conscience et qu'on remplaçait le reste par un mécanisme qui assurerait les mêmes fonctions ? Autrement dit : est-ce que l'essentiel en nous, c'est ce qui permet l'expression du libre arbitre ?


Quant à mon petit développement sur les sensations élémentaires, il s'agit là d'une conception que je reprends fréquemment.
C'est même l'objet de ma première réflexion qu'on pourrait qualifier de philosophique. Je devais avoir moins de dix ans. Pourquoi, lorsqu'on souffre, c'est nous et pas un autre ? Pourquoi ne peut-on pas faire comprendre exactement, voire compatir exactement ? Pourquoi est-on enchaîné ainsi aux sensations du corps ? Pourquoi ne peut-on pas prévoir, et échapper ? Enfin, c'était quelque chose comme ça.
Sans être croyant je ne suis pas matérialiste, je veux dire que je suis plus spiritualiste que matérialiste. C'est une position parfois difficile à tenir, mais elle est motivée pour moi par trois considérations : celle du libre arbitre, celle de la sensation brute et celle de la pensée pure, trois réalités dont l'origine serait comme en dehors du temps, de ce temps où les phénomènes sont représentés. Je veux dire que pour moi ce sont des événements qui se présentent avant de donner lieu à des représentations, comme la nature se présente à nous et que nous la représentons en œuvres de la science ou de l'art.

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madeleine
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par madeleine »

Est-ce que tu pourrais élaborer un peu ta conception de la conscience ? Rentrer dans les détails ?

J'ai trouvé par ailleurs cette conférence fort bien faite sur la question de la conscience, voici le lien pour la première partie http://www.youtube.com/watch?v=gCTF1J2bG54

Et je ne comprends pas très bien comment tu fais le lien entre le cadre sujet/objet et ceci
Yves a écrit :Là où le rapport sujet/objet existe, c'est d'une façon différente me semble-t-il. Lorsqu'il s'agit de trouver une racine, un fondement de ce qui existe, c'est qu'il y a une volonté qui est à l'œuvre pour ce faire, c'est-à-dire qu'on part de nous-mêmes. Qu'y a-t-il de plus immédiat alors ? C'est la sensation qui est première, notamment dans le cas de la souffrance. C'est quand on souffre que la dualité devient manifeste : nous ne sommes plus que volonté d'échapper... Il y a soi et il y a quelque chose à quoi on veut s'arracher. J'ai pris la souffrance mais j'aurais aussi prendre la jouissance : nous ne sommes plus que volonté de rechercher... Il y a soi et il y a quelque chose à quoi on veut adhérer.
Et là je ne pense pas qu'on puisse défendre l'idée qu'il s'agisse d'une construction mentale.
En fait je crois que bêtement je ne comprends pas ce dont tu parles. Tu veux bien m'éclairer ?
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Givré
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Givré »

Il n'y a guère, j'avais applaudi Aïnoa pour sa méthode dans le topic qu'elle a créé « La vocation ? »
( http://adulte-surdoue.fr/societe-vous/v ... A%C3%AFnoa ) ,
à savoir le fait de commencer par définir ce dont elle voulait parler, je cite, « Commençons par la définition de la "vocation" ».

Dans le présent topic, dont les deux termes du titre, "déterminisme" et "libre arbitre" méritent plus que bien d'autres que l'on définisse leurs concepts, à cause de l'immensité de ce qu'ils recouvrent, et de ce sur quoi ils débouchent ... en arborescence, si je peux me permettre ... :rofl: ... à mon grand étonnement, je n'ai rien vu de tel. Aucune définition de ce dont on veut parler alors que ces termes font partie des classiques de la philosophie ...

C'est ton post du 16 Fév 2014, 22:05, Yves, abordant la question de la conscience, qui m'a finalement décidé à poster, à cause de ce que tu y développes, ... Car non seulement, tu ne donnes pas non plus la moindre définition de cette « conscience », mais de plus, tu accordes à ce terme, des significations auxquelles il est complètement étranger à mon avis ... En toute franchise, Yves, à mon humble avis, dans l'état actuel des techniques, parler de conscience pour un robot, c'est dénué de sens, et cela quel que soit le nombre de ses capteurs ...

Et mettre sur un pied équivalent « conscience de l'homme », « conscience de classe », et « conscience professionnelle », c'est un épouvantable amalgame qui empêche définitivement de parler de la chose avec quelque clarté que ce soit ... Tu glisses sur les mots, au mépris de la différence des concepts qu'ils peuvent recouvrir, par leur polysémie, ou par l'adjonction de déterminatifs particuliers ...

Désolé d'être autant à l'opposé de tes vues, Yves, mais sois certain que c'est en toute convivialité que je te fais part de mon point de vue, et nos divergences ne m'empêcheraient pas le moins du monde de te payer un godet (verre) ( on dit ça en France, ou bien serait-ce un argot « belgiciste » ? ) si nous nous retrouvions à un même comptoir !


Je suis peut-être con comme un ballon, mais j'ai l'habitude de me référer à une autorité bien plus compétente que moi pour savoir ce que parler veut dire, le CNRTL [ Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, créé par le CNRS ] , dont voici quelques extraits, auxquels il ne faut surtout pas s'arrêter, pour aller voir la totalité de l'article >>>

http://cnrtl.fr/definition/conscience >>>

(cet article, à cause du nombre incroyable de concepts auquel ce mot se rattache, est d'une longueur sidérante ... il doit bien faire de l'ordre de 8 ou 9 pages si on le copiait ... qui valent bien la peine d'être au moins parcourues ... Perso, j'ai toujours adoré lire les dictionnaires ... )

[Chez l'homme, à la différence des autres êtres animés] Organisation de son psychisme qui, en lui permettant d'avoir connaissance de ses états, de ses actes et de leur valeur morale, lui permet de se sentir exister, d'être présent à lui-même; p. méton., connaissance qu'a l'homme de ses états, de ses actes et de leur valeur morale :

4. SOCIOL. Conscience de classe. Connaissance claire qu'ont les membres d'une classe sociale du statut qu'occupe leur classe dans l'échelle de la société différenciée dont elle fait partie, et les sentiments que suscite cette connaissance :

D.− [La conscience morale du point de vue de son application dans des domaines particuliers]
1. [La conscience morale appliquée aux obligations professionnelles] Conscience (professionnelle). Scrupuleuse honnêteté que l'on apporte à l'exécution de son travail, inspirée par le sens des exigences de sa profession accompagné de la volonté de s'en acquitter au mieux quelles que soient les difficultés.

_________________________

Du coup j'ai été voir aussi ce que ce site racontait pour déterminisme et libre arbitre >>>

http://cnrtl.fr/definition/déterminisme >>>

Spéc., PHILOS. Doctrine d'après laquelle les actions des hommes sont, comme les phénomènes de la nature, soumises à un ensemble de causes extérieures.
_________________________

http://cnrtl.fr/definition/liberté >>>

( Le CNRTL ne donne pas d'entrée pour « libre arbitre », car ce n'est même pas un mot composé, c'est une expression. Mais il la mentionne explicitement dans son article « liberté » )

II. − PHILOS., PSYCHOL. [Spécifiquement à propos de l'homme considéré comme être doué de volonté] État de celui qui n'est pas soumis à des forces intérieures d'ordre irrationnel.
A. − [P. oppos. à déterminisme] État de celui qui peut choisir souverainement entre deux possibilités contraires, sans avoir de motif relatif au contenu de l'acte à accomplir. Synon. libre-arbitre.

_________________________

Voilà de quoi je nourris mes réflexions, étant entendu que je ne suis en rien opposé à de nouveaux concepts, à de nouveaux paradigmes, mais alors en en définissant, leur signification propre, très explicitement ...

Copernic a battu en brèche Ptolémée, Galilée a réduit à néant le concept aristotélicien du mouvement, Einstein a élargi plus que considérablement la notion de gravité newtonienne ... mais ces chers hommes explicitaient clairement les raisons de leur nouvelle conception ... et en quoi elle se différenciait de l'ancienne ... définition, définition, quand tu nous tiens ...
« Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement,
et les mots pour le dire arrivent aisément »
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Yves

Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Yves »

Madeleine, quand j'indique que c'est la première fois que je développe cette conception, c'est à prendre au sens littéral. J'ai rassemblé avant-hier quelques éléments qui se rapportaient à la comparaison entre l'homme et la machine, et je les ai liés avec un certain point de vue concernant les facultés humaines, mais il ne s'agissait pas de réfléchir plus que cela à la question, sur laquelle je n'ai pas de lumières particulières.

Bon, j'ai pris l'exemple de l'ordinateur, je peux essayer celui d'un groupe d'individus. Admettons que certaines personnes aient un projet secret, cela au point de ne pouvoir communiquer qu'en se réunissant physiquement. Considérons le groupe comme une personne morale en un sens plus large que celui de personne juridique, disons un groupe de personnes qui a des droits et des devoirs en tant que groupe.
Eh bien on retrouve les fonctions principales qui nous ont occupées : la perception (recherche d'informations de la part des membres, informations qui peuvent être interprétées par le groupe comme favorables ou non au projet – c'est comparable au plaisir et à la douleur venant des sens), la délibération (chaque membre est comme un processus neuronal ou un ensemble de processus dans la conscience que tous constituent au sein du lieu de réunion) et la décision (qui se traduit par des directives que chacun aura relativement à des actions à mener).

Maintenant, quand j'envisage qu'on puisse appeler cela conscience, la terminologie n'est pas si importante. Il s'agit d'un cadre de conscience, ou d'une enveloppe de conscience si l'on veut, ou toute expression qu'on pourra trouver. Simplement il me semble important de rapprocher des fonctionnements similaires et pour cela de disposer d'un nom commun.

Mais ce n'était pas le sujet principal, alors il vaut peut-être mieux que j'en ouvre un autre spécifiquement sur la conscience, à moins qu'il n'existe déjà. Je verrai cela un peu plus tard.


Quant à la conception que j'ai esquissé de la sensation brute, il est vrai que c'était un peu elliptique, mais là encore je débordais. Bon, je vais juste développer un peu plus, et je chercherai là aussi où l'on peut détailler vraiment.

Concernant le cadre sujet/objet, je ne le considère pas exactement dans l'opposition entre point de vue subjectif et point de vue objectif.
Je choisis de considérer ce cadre du côté du sujet, en l'occurrence l'être humain. Ce n'est pas qu'on puisse le considérer d'un autre côté, puisqu'il faut bien quelqu'un pour considérer. Mais c'est qu'on aurait tendance à regarder une autre personne que nous jouer le rôle du sujet, c'est-à-dire que sujet et objet seraient tous deux des objets pour nous, ce qui fausserait la perspective.

Aussi je me place au niveau d'abstraction le plus bas quant à la constitution et à la position d'un sujet et d'un objet, ou disons d'une conscience et d'une présentation de la matière à cette conscience. Il s'agit d'un homme qui touche un arbre par exemple, au point de contact entre la main et l'arbre. Mais ne s'agit-il pas plutôt du lieu entre le bras et le cerveau où l'influx nerveux va correspondre à une impression sensible ?

Si je considère que l'impression, ou l'affection correspondant à la sensation (le fait d'être affecté) réside dans la conscience, j'essaie de me placer au point d'articulation physiologique où l'on est affecté.
Autrement dit, j'essaie de me replacer dans les conditions du doute hyperbolique selon Descartes, à un point où je fais abstraction de tout ce qui ne me paraît pas certain. Descartes identifie la première appréhension de soi à la pensée. C'est le cogito. Cela a été beaucoup contesté depuis. Personnellement, je pense en effet que c'est la sensation qui est première, en cette réalité d'être affecté par le plaisir ou la douleur notamment (le fait qu'il y ait transmission d'information dans la perception n'étant pas aussi sensible). La pensée se développe avec des représentations qui nous viennent, pourrait-on dire. La perception est aussi construite sans doute. Mais le fait d'être affecté me semble premier, qui nous fait prendre conscience avec certitude et de notre existence et de l'existence du monde qui nous affecte.

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madeleine
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par madeleine »

Je voudrais répondre d'abord à Givré :
givré a écrit :Dans le présent topic, dont les deux termes du titre, "déterminisme" et "libre arbitre" méritent plus que bien d'autres que l'on définisse leurs concepts, à cause de l'immensité de ce qu'ils recouvrent, et de ce sur quoi ils débouchent ... en arborescence, si je peux me permettre ... :rofl: ... à mon grand étonnement je n'ai rien vu de tel. Aucune définition de ce dont on veut parler alors que ces termes font partie des classiques de la philosophie ...
Cette absence de définition préalable s'explique, à mon sens, tout bonnement et sans snobisme par le fait que justement les personnes qui ont pris la parole dans ce débat possèdent une culture philosophique suffisante pour avoir tenu implicitement pour acquis que ces définitions étaient intégrées ; mais aussi peut-être, et là je ne parle que de moi, parce qu'en évitant de tracer trop définitivement les frontières conceptuelles, on peut faire évoluer un débat vers des directions novatrices. J'ai eu moi aussi à un moment cette tentation de sabrer dans le vif de ce qui paraissait tournoyer un peu, et puis je me suis dit que c'était peut-être une démarche de maïeutique socratique, et qu'il y avait une probabilité intéressante qu'en émerge un sens bien plus riche que d'un débat d'opinion auquel les définitions bien ficelées finissent souvent par conduire. Donc je me suis dit "posons un peu ces valises, et voyons voir ce qu'on arrive à faire en partant de zéro".

Après, c'est une explication et pas une justification !

Quand le but du topic est d'échanger autour d'une notion, comme la vocation que tu citais plus haut, une définition préalable s'impose bien sûr, elle fait gagner du temps à tout le monde. Mais ici, on s'aperçoit très vite que ni le concept du libre arbitre ni celui du déterminisme ne sont si facile à définir, et que c'est même en tentant de les définir que ce sont passé une grande partie de nos échanges. Donc on pourrait dire que ce bel esprit d'indépendance face aux dictats du dico nous a fait réfléchir et comprendre de l'intérieur - et ce n'est pas fini !

Je trouve intéressant cette démarche que tu qualifies de "point de vue de la généricité", Yves. C'est tentant. Dangereux, mais tentant :-) . Et c'est vrai que lancer un débat sur ce qu'est la conscience ailleurs serait chouette, mais ... il me semble que le "problème difficile" de la conscience chemine parallèlement à celui du libre arbitre : corrélés seulement, pour l'instant. Par exemple, tu dis
yves a écrit :Aussi entre processus conscients et processus inconscients, je ne vois pas de différence de nature ni de frontière nette. (...) Concernant les processus inconscients juste en amont de la décision, je serais forcément tenté d'y voir déjà la volonté de l'individu, tant ils doivent être conditionnés par l'expérience accumulée, telle qu'elle a été représentée et jugée dans la conscience.
Donc il me semble comprendre que tu considères les processus inconscients du choix comme déterminés ? Et donc s'ils ne sont pas différents en nature des processus conscients, ceux-ci sont déterminés également ? Alors d'où émerge le libre arbitre au moment de la décision ? Je ne vois pas l'enchaînement logique (mais la logique ce n'est pas ma qualité première, hein !)
yves a écrit : Mais le fait d'être affecté me semble premier, qui nous fait prendre conscience avec certitude de notre existence et de l'existence du monde qui nous affecte.
Ta liaison entre perception et conscience me questionne un peu parce qu'un organisme peut percevoir et même traiter de l'information sans qu'on puisse avec certitude le qualifier de conscient, et encore moins capable de faire un choix libre. Je ne suis même pas sûre qu'on puisse affirmer qu'une perception permette à celui qui l'éprouve de se concevoir comme séparé de ce qui la cause. Cela finit souvent par arriver bien sûr, il semble que ce soit le processus normal chez les humains, mais d'autres recherches sur les bébés tendent à démontrer qu'une sorte de cadre génétique de conscience de soi séparé préexiste. La sensation seule et son traitement fonctionnel ne suffiraient pas à faire émerger la conscience.

Tu dis par ailleurs, et c'est une conception qui ne peut être posée de façon si péremptoire :hai:
yves a écrit :Ce qu'on peut montrer, c'est que le monde, aussi bien extérieur qu'intérieur à l'individu, est constitué à la façon d'un gigantesque labyrinthe, où certains déplacement (actes de volonté) se heurtent à des murs.
Euh ... Ben en fait j'aimerais bien que justement tu en fasses la démonstration, parce que tout de même, si c'était si évident, il n'y aurais pas de débat :-) Parce que, à mon sens, ça voudrait dire que toutes les réponses sont écrites avant les questions, ce qui n'arrive que quand on est mort :rofl: Et du coup d'où sort le libre arbitre ?
le chemin est long et la pente est rude, oui, mais le mieux, c'est le chemin, parce que l'arrivée, c'est la même pour tout le monde... Aooouuuh yeaah...
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Yves

Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Yves »

Sur la question de la définition soulevée par Givré, je dis juste un mot. J'ai passé la moitié de ma contribution du 14 février à définir le déterminisme. Excusez du peu ! Quant au libre arbitre, j'ai clairement indiqué que ce que la science pouvait enfermer dans une définition n'était pas ce qui m'intéressait au premier chef. À mon sens le libre arbitre n'est pas définissable. Il s'agit donc d'en donner une idée en creux, notamment en disant ce qu'il n'est pas. Et puis, pour la conscience, j'ai indiqué précisément trois critères qui correspondraient tout au moins à un cadre de conscience.

Par ailleurs, vous le verrez par la suite avec plus de netteté encore, je suis un maniaque de la définition, ce qui est somme toute naturel pour un logicien. Je m'intéresse à la définition depuis ma thèse et avant cela. Sur les forums, j'ai bien dû en proposer, peut-être pas cent, mais pas loin. Et bien sûr j'ai souvent commencé par une analyse serrée des définitions des dictionnaires, notamment le TLF.

Maintenant je me trompe peut-être quant aux intentions. Si c'est juste du bizutage, encore, je trouve cela un peu lourd. La première fois que je suis arrivé sur un forum de discussion, j'y ai pris ma place d'emblée, et par la suite de même. Ici j'ai bien compris qu'il y avait un esprit plus important de communauté. Mais je ne suis pas quelqu'un qui prétend imposer un sens. Mes textes sont parsemés de précautions du genre « je pense que », « je crois que », « il me semble », etc. et si je les omets parfois, c'est que le contexte de l'énonciation est clair et que je ne souhaite pas alourdir l'expression. (Oui, il y a un peu de moquerie, mais ce n'est qu'une réponse du berger à la bergère.)
madeleine a écrit :Donc il me semble comprendre que tu considères les processus inconscients du choix comme déterminés ? Et donc s'ils ne sont pas différents en nature des processus conscients, ceux-ci sont déterminés également ? Alors d'où émerge le libre arbitre au moment de la décision ? Je ne vois pas l'enchaînement logique (mais la logique ce n'est pas ma qualité première, hein !)
Bah, tout ce qu'on peut observer est forcément soumis à la physique. Et il n'y a qu'en envisageant l'incidence d'événements quantiques (selon la théorie de l'esprit quantique telle que défendue par Roger Penrose par exemple) qu'on pourrait échapper au déterminisme absolu. Aussi ma perspective ne nie pas une forte détermination de notre fonctionnement au niveau de ce que l'on peut observer. Mais je considère que le libre arbitre correspond à une sorte de dimension surplombante, un peu de la même façon que les théories mathématiques surplombent la réalité à laquelle on les applique, sauf que, du côté du libre arbitre, il s'agit d'existence et non simplement d'essence (avec une définition personnelle de ce terme). Plus précisément, je considère que le libre arbitre se manifeste dans la conscience, en modifiant les processus qui y viennent, ou qui y émergent. Mais ce n'est pas observable, sinon ce serait déterminé. Le seul indice qu'on en aurait, c'est qu'aucune théorie ne saurait expliquer tout ce qui se passe dans la conscience.
madeleine a écrit :Je ne suis même pas sûre qu'on puisse affirmer qu'une perception permette à celui qui l'éprouve de se concevoir comme séparé de ce qui la cause. Cela finit souvent par arriver bien sûr, il semble que ce soit le processus normal chez les humains, mais d'autres recherches sur les bébés tendent à démontrer qu'une sorte de cadre génétique de conscience de soi séparé préexiste.
Oui, c'est ce qu'on m'a déjà objecté. La distinction entre conscience du monde et conscience de soi se construit au fil du développement, certes. Et de mon côté, je ne distingue pas en fonction de l'âge, puisque je considère que l'appréhension simultanée de ces deux réalités, soi et non-soi, est constitutive de l'individu humain.
Mais ce n'est pas contradictoire, parce qu'on ne se situe pas au même niveau de conscience. Chez le bébé, on peut envisager que cette double appréhension est déjà présente mais qu'elle n'est pas réfléchie, ou à peine, et de même qu'elle n'est pas tellement reliée à la fonction motrice. C'est-à-dire que le bébé pourrait ne pas distinguer clairement son bras et son jouet par exemple. Mais, justement, je considère que c'est le plaisir et la douleur (indicateurs de soi et de non-soi), en liaison avec le déroulement programmé de son développement, qui progressivement permettent que se développent la conscience réfléchie et la coordination motrice, d'où une conscience de soi et une conscience du monde bien distinguées.
madeleine a écrit :
Yves a écrit :Ce qu'on peut montrer, c'est que le monde, aussi bien extérieur qu'intérieur à l'individu, est constitué à la façon d'un gigantesque labyrinthe, où certains déplacement (actes de volonté) se heurtent à des murs.
Euh ... Ben en fait j'aimerais bien que justement tu en fasses la démonstration, parce que tout de même, si c'était si évident, il n'y aurais pas de débat
J'ai écrit ça, moi ? Ah, oui... mais il ne s'agissait que d'une forme indirecte : je me plaçais dans la perspective d'une personne qui voudrait prouver que le libre arbitre n'existe pas (ou plutôt qui voudrait réfuter une conception prétendant la prouver, puisque prouver que quelque chose n'existe pas, ce n'est pas bien clair). Alors je me disais qu'elle pourrait tout au plus construire une théorie telle que le monde se présente comme une structure où l'on peut aller ici et pas là (il suffit de transposer la structure d'une ville à notre monde intérieur : on peut s'engager dans une rue mais pas passer à travers un bâtiment).
C'était juste pour récuser la validité de ces pseudo-démonstrations du genre : ah, mais nous sommes déterminés par notre génome à avoir telles ou telles tendances... et puis nous sommes conditionnés par les médias, la publicité, etc. Tout cela ne prouve rien : tant qu'il reste quelques passages ouverts dans le labyrinthe, on peut bien les prendre. C'est juste qu'on passera plus de temps à les trouver s'il y a beaucoup de murs, et même que certaines personnes renonceront à en chercher.

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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Givré »

Yves – le 19 Fév 2014 à 18:28 a écrit : Sur la question de la définition soulevée par Givré, je dis juste un mot. J'ai passé la moitié de ma contribution du 14 février à définir le déterminisme. Excusez du peu ! Quant au libre arbitre, j'ai clairement indiqué que ce que la science pouvait enfermer dans une définition n'était pas ce qui m'intéressait au premier chef. À mon sens le libre arbitre n'est pas définissable. Il s'agit donc d'en donner une idée en creux, notamment en disant ce qu'il n'est pas.
C'est tout à fait exact ! Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'avais activé la fameuse étoile jaune pour ton post, Yves, exprimant ainsi mon intérêt, ce que montre toujours la mention y relative en dessous du texte. J'avais d'ailleurs été le premier à le faire, quelques heures à peine après sa publication.

« Errare humanum est, perseverare diabolicum » ...

Comme je tiens beaucoup à ne pas perdre mon humanité, et à éviter à tout prix l'enfer, je m'empresse donc de faire amende honorable et de rectifier l'erreur factuelle qui a fait rester dans ma plume mon clavier la réserve que j'avais pourtant bien eue présente à l'esprit lorsque j'ai écrit mon post du 18 Fév 2014, 00:15, en l'incluant en rouge dans la copie ci-après de mon paragraphe concerné :violent1: =

« Dans le présent topic, dont les deux termes du titre, "déterminisme" et "libre arbitre" méritent plus que bien d'autres que l'on définisse leurs concepts, à cause de l'immensité de ce qu'ils recouvrent, et de ce sur quoi ils débouchent ... en arborescence, si je peux me permettre ... ... à mon grand étonnement, je n'ai rien vu de tel, avant le post d'Yves du 14 février à 18:35. Avant lui, aucune définition de ce dont on veut parler alors que ces termes font partie des classiques de la philosophie ... »
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Kliban
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Yves, pour que je puisse suivre sans me faire des noeuds, j'aurais quelques questions rapides concernant tes engagements ontologiques.

Si je comprends bien, tu admets l'existence de processus déterministes jusque dans la conscience, tout en supposant que le libre arbitre, tout en ayant un pouvoir d'action sur "les processus qui y viennent, ou qui y émergent" n'en relève pas - si bien "qu'aucune théorie ne saurait expliquer tout ce qui se passe dans la conscience".

(Etant entendu que tu définis conscience comme un pouvoir de représentation interne, et ne produis pas, pour le moment, de théorie qui rendrait compte de ce qu'on appelle ailleurs "l'expérience" : ce qu'il en est, pour moi, d'être moi (en paraphrasant le "what is it like to be a bat?" de Nagel).)

Est-ce que cela signifie qu'il y a pour toi un x qui n'est pas réductible à ce dont les théories scientifiques sont à même de rendre compte, et qu'on appellerait "libre-arbitre" - dans la ligne de ce qu'exposait autrement le renard, peut-être ?

Si oui, de quel type de discours relève ce X - puisque ce n'est pas de celui des sciences -, sur quel mode pouvons-nous en parler ?

Si non, comment faut-il comprendre l'introduction d'un libre arbitre qui échappe à tout déterminisme et au discours de la science ?
Hors-sujet
(sinon, mais c'est un autre sujet, peut-être pas à creuser tout de suite, je ne peux pas te suivre quand tu limites soi/non-soi à plaisir/douleur : neurones miroirs et encodages de la reconnaissance de l'action d'autrui militent pour des mécanismes beaucoup plus complexes de la différenciation soi/monde - il semblerait par exemple que le cerveau soit en mesure de distinguer une représentation motrice issue d'un ordre qu'il émet lui-même de la même représentation motrice (même zones activées) qui reproduit - non-consciemment - une action d' autrui effectuée en face de lui. Mais il y a là je crois de très nombreux sujets de discussions, qui ne sont pas dans le scope exact de ce topic pour le moment.)
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Yves

Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Yves »

Givré a écrit :« Errare humanum est, perseverare diabolicum » ...
Ah ! mais c'est formidable ça ! Merci, je n'en demandais pas tant...

Eh bien cela prouve que tu n'es pas un mécanisme perfectionné, c'est-à-dire que tu es doté du libre arbitre. Enfin... non, ça ne prouve rien, si l'on ne peut pas prouver. Mais c'en est un fort indice !

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Kliban
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Je trouve la réponse à mes questions dans ton premier, en fait (je souligne) :
Yves a écrit :Je crois au libre arbitre parce que je l'expérimente, parce qu'il est pour moi une évidence. Je n'ai pas d'argument scientifique, puisqu'il ne saurait en être question. Je peux juste tenter de faire partager ce que je perçois, en supposant que les autres le perçoivent aussi.
[...] toute ma conscience est volonté, de penser, d'agir... Sinon je ne me distingue pas d'un automate.

[...] je considère que le libre arbitre échappe à tous les déterminismes, y compris le chaos déterministe et le déterminisme probabiliste quantique, c'est-à-dire que l'être humain est transcendant à chaque instant de son existence au monde physique, parce qu'en chaque instant il choisit.
Il y a donc bien dans ta conception un X, qui n'appartient pas au pouvoir des sciences, et dont on ne peut parler que 1. parce qu'on en fait l'expérience et 2. en espérant que le langage employé trouvera résonance chez qui en fait aussi l'expérience.

J'aurais encore quelques questions, donc ! :)
  • Expérimentes-tu vraiment qu'en tout instant de ton existence, tu choisis - ce n'est pas de mon expérience, c'est pour ça que je demande ?
    .
  • Que le libre arbitre échappe à tout déterminisme est-il une opinion personnelle, qui comme telle n'a pas à être discutée, ou une thèse (forte) que tu pourrais défendre rationnellement en face de quelqu'un qui, soit est sceptique, soit d'avis contraire ?
    .
  • La transcendance de l'être humain que tu évoques marque-t-elle une limite de la science - dit autrement : il serait alors des phénomènes que l'approche scientifique ne pourrait pas expliquer, sur lesquels elle buterait explicitement, un inexplicable définitf faisant pour elle comme un trou dans le réel - ou est-elle compatible avec elle - celle-ci ne trouvant alors aucune limite à son exercice, la transcendance de l'être humain n'étant pas un phénomène et donc restant essentiellement invisible à l'activité scientifique, qui avancerait sans rencontrer de barrière ?

    Dans le second cas, il me semble que je pourrais être (pour la science) un automate-à-sensation-de-transcendance, sans que cela change aux vues que tu proposes, non ?
De main gauche à main droite, le flux des savoirs - en mes nuits, le règne du sans-sommeil - en mon coeur, ah, if only!, le sans-pourquoi des roses.

Yves

Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Yves »

Kliban a écrit :Si je comprends bien, tu admets l'existence de processus déterministes jusque dans la conscience, tout en supposant que le libre arbitre, tout en ayant un pouvoir d'action sur "les processus qui y viennent, ou qui y émergent" n'en relève pas - si bien "qu'aucune théorie ne saurait expliquer tout ce qui se passe dans la conscience".

(Etant entendu que tu définis conscience comme un pouvoir de représentation interne, et ne produis pas, pour le moment, de théorie qui rendrait compte de ce qu'on appelle ailleurs "l'expérience" : ce qu'il en est, pour moi, d'être moi (en paraphrasant le "what is it like to be a bat?" de Nagel).)
Il y a toujours une ambiguïté entre nous concernant l'emploi du terme de conscience. Pour le moment je m'en tiens à une posture qu'on pourrait qualifier de scientifiquement naïve, comme on dit qu'il y a des entiers naïfs, par opposition à une construction plus logiquement fondée. C'est-à-dire que je fais abstraction de toutes les considérations que je ne peux pas caractériser précisément, en ne conservant que quelques aspects qui me paraissent évidents, d'où un modèle certes très réduit de la conscience, mais qu'il est possible malgré tout de comparer avec tout ce que l'on peut comprendre en évoquant ce terme.
Enfin c'est simplement une démarche où la phase d'analyse est restreinte; aussi une première synthèse est possible sans la conditionner au préalable par une vision globale de la question (vision qui, entre science, philosophie et même poésie, risquerait de me faire errer). On reproche souvent à une telle démarche d'être réductionniste. Certes elle l'est, mais de façon assumée. Elle se constitue de bas en haut, en intégrant par la suite d'autres aspects qui correspondent à des analyses de plus en plus profondes, d'où des synthèses de plus en plus complexes, et de plus en plus ressemblantes.

La raison de cela (mais je m'en rends compte seulement maintenant), c'est que je ne crois pas qu'il existe de définitions ou de démonstrations rationnelles autres que logiques, c'est-à-dire mathématiques. Autrement dit il n'y a pas de discours rationnel qui soit propre à la philosophie. La philosophie, c'est la démarche qui permet de constituer les sciences. Ses concepts et son discours sont pré-scientifiques. Ils sont énoncés par-dessus la science en quelque sorte. Mais, quand ils sont précisés, c'est par en-dessous, et alors ils deviennent scientifiques.

Sur le fond, est-ce que tenir compte de la conscience réflexive ou la conscience morale est nécessaire pour introduire le libre arbitre dans mon modèle réduit ? Je n'en suis pas sûr. Mais il est vrai que, de la façon dont je le fait intervenir, il semble n'être relié à rien.
Kliban a écrit :Est-ce que cela signifie qu'il y a pour toi un x qui n'est pas réductible à ce dont les théories scientifiques sont à même de rendre compte, et qu'on appellerait "libre-arbitre" - dans la ligne de ce qu'exposait autrement le renard, peut-être ?

Si oui, de quel type de discours relève ce X - puisque ce n'est pas de celui des sciences -, sur quel mode pouvons-nous en parler ?

Si non, comment faut-il comprendre l'introduction d'un libre arbitre qui échappe à tout déterminisme et au discours de la science ?
Je crois qu'une analogie peut être éclairante, celle de l'ordinateur encore une fois, ou plutôt celle du logiciel. Comparons la conscience au fonctionnement d'un logiciel (le reste de la machine serait alors l'analogue du corps), ou même simplement à celui de l'interface (le reste du logiciel correspondant la part inconsciente). Pour un observateur extérieur, même n'ayant accès qu'à cette interface, le logiciel semble répondre à des lois déterminés; en l'observant bien, cet observateur pourrait prévoir son évolution. Installons maintenant le logiciel chez un hébergeur, de sorte que son fonctionnement soit visible à distance de tous, notamment de notre observateur. Qu'est-ce qui pourrait faire que cet observateur soit perdu, qu'il ne puisse plus prévoir l'évolution de ce qui se passe sur son écran ? La complexité, éventuellement une sensibilité aux phénomènes quantiques ? Certes, mais surtout l'intervention dans l'interface (par une saisie au clavier ou à la souris) de celui qui a placé en ligne le logiciel en cours d'exécution. Le libre arbitre, le X, c'est cet opérateur, invisible de l'observateur.
Alors, ce n'est pour moi qu'une analogie, mais elle a toute l'apparence d'une situation réelle entre deux personnes, l'une paraissant imprévisible mais pourtant pas irrationnelle à l'autre.

Bon, on l'aura compris, c'est reporter le problème à un niveau supérieur : que peut-on dire du libre arbitre de cet X qui est considéré lui-même comme libre arbitre au niveau apparent ? Mais à partir de cela, on peut envisager rationnellement une réalité invisible, surplombant la réalité ordinaire, qui permettrait d'étendre le modèle restreint de la conscience.

Ce n'est pas satisfaisant pour moi malgré tout. Le modèle étendu serait encore scientifique, au moins dans la forme (il ne serait pas réfutable si l'on ne peut pas effectuer d'observations dans la réalité étendue), mais il serait toujours incomplet. Il faudrait donc évacuer toute référence à ce X comme individualité, même transcendante. Je proposerais bien une régression à l'infini, au moyen de degrés de transcendance successifs en nombre indéterminé... Mais je ne suis pas sûr que cela convaincrait grand-monde.
Kliban a écrit :(sinon, mais c'est un autre sujet, peut-être pas à creuser tout de suite, je ne peux pas te suivre quand tu limites soi/non-soi à plaisir/douleur : neurones miroirs et encodages de la reconnaissance de l'action d'autrui militent pour des mécanismes beaucoup plus complexes de la différenciation soi/monde - il semblerait par exemple que le cerveau soit en mesure de distinguer une représentation motrice issue d'un ordre qu'il émet lui-même de la même représentation motrice (même zones activées) qui reproduit - non-consciemment - une action d' autrui effectuée en face de lui. Mais il y a là je crois de très nombreux sujets de discussions, qui ne sont pas dans le scope exact de ce topic pour le moment.)
Bon, eh bien merci. Je note. Il faudrait étudier cela en effet en vue de traiter pleinement de la conscience.

Voici pour une première réponse. Je vois que tu as posté depuis, mais je lance quand même. On verra pour la suite !

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Kliban
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Merci, Yves. Mes questions suivantes, courent donc toujours.

Pour celui-ci, je t'avoue ne pas être convaincu par ton analogie, à la base - l'argument du troisième homme est vieux comme Aristote :D .Une regression à l'infini dans ce domaine serait la modélisation qui me dérangerait le moins, à condition de déterminer soit une condition de convergence ( à la manière d'une suite dans un espace topologique), soit de la définir comme l'effet "optique" d'une tentative de saisie scientifique sur ce qui ne le peut pas - une forme de conséquence épistémique liée à l'utilisation d'un outil inadéquat.

Mais quand bien même on bâtirait ce type de modèle, la question de la transcendance resterait ici de l'ordre d'une pétition de principe : on y adhère ou pas. Et je retombe donc sur une de mes questions : est-il possible d'en parler d'une autre façon que par voix de l'analogie expressive, du poème ou de l'émotion ? Je ne ressens pas à ce stade que tu y aies répondu - faut me pointer du doigt mon erreur, sinon :P

L'autre soucis reste réellement le mode d'action d'un tel X sur les événements - sujet aussi vieux que celui du dualisme âme/corps. Comment quelque chose de transcendant peut-il avoir une action sur ce qu'il transcende ?
  • Ou bien l'on trouve un point de contact entre les deux, et la nature de ce point de contact reste à expliciter,
  • ou bien il faut admettre que ce contact est lui aussi un mystère inexplicable (qui échappe donc à la modélisation logico-mathématique en laquelle tu vois la pierre de touche du rationnel - un point que je ne partage qu'en partie, mais je ne trouve pas que ce soit essentiel de le discuter à ce stade),
  • ou bien il faut admettre que pareille transcendance n'est pas incompatible avec une explication de part en part scientifique- et donc qu'il y a erreur de catégorie à mélanger les deux, que l'on peut expliquer tout l'homme avec la science sans que l'on puisse rendre compte de sa transcendance par ce biais, parce qu'elle ne serait pas un phénomène,
  • ou bien il reste à faire de cette transcendance une illusion ou un concept mal formé,
  • ou bien... un truc que je ne vois pas :P
Ton avis là-dessus ?
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Yves

Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Yves »

Kliban a écrit :Expérimentes-tu vraiment qu'en tout instant de ton existence, tu choisis - ce n'est pas de mon expérience, c'est pour ça que je demande ?
Eh bien je ne sais pas... savoir pleinement ce serait trop rationnel. D'ailleurs même quand il y a un choix crucial à faire et que je pèse le pour et le contre je ne sais pas pleinement si je choisis à la fin. J'en ai l'impression... Est-ce à dire que je le sens ? Pas vraiment non plus, et pourtant, durant la délibération, si je suis tendu intellectuellement, c'est vrai aussi physiquement dans une certaine mesure. Choisir, je crois que je le fais – je crois puisqu'il n'y aurait jamais que de la croyance. Mais cette croyance n'est pas une confusion du savoir; c'est plutôt une évidence, on pourrait dire un acte de foi s'il n'y avait une part trop importante de volonté dans cette idée.
Pour moi c'est le souffle même de l'existence que vivre avec cette évidence. Et pourtant j'ai beaucoup de mal à me décider, y compris pour réaliser des tâches ordinaires. Mais au moins, penser, c'est déjà choisir.

Bon, j'ai pensé à une expérience particulière en réfléchissant à ce sujet. Imaginons que je bascule dans le vide. Ma trajectoire est déterminée. Je n'ai pas forcément la présence d'esprit d'y réfléchir, mais je sens bien que je n'y peux rien... Et pourtant je serais sans doute dans une extrême agitation mentale, comme si je pouvais faire quelque chose malgré tout. À ce moment le libre arbitre me paraît presque plus évident que dans le cas où je me laisse aller à la rêverie ou même dans celui où je dois me déterminer entre deux options. C'est un peu comme lorsque Sartre déclare : « Jamais nous n'avons été plus libres que sous l'occupation allemande. »
Kliban a écrit :Que le libre arbitre échappe à tout déterminisme est-il une opinion personnelle, qui comme telle n'a pas à être discutée, ou une thèse (forte) que tu pourrais défendre rationnellement en face de quelqu'un qui, soit est sceptique, soit d'avis contraire ?
Eh bien c'est un peu des deux. Fondamentalement c'est une conviction, ou une certitude, enfin plutôt une évidence, ai-je dit. Mais le seul fait de considérer cette évidence me conduit à me la représenter, et en imaginer des formes, des raisons peut-être... Aussi je pourrais défendre cette thèse, bien sûr. D'ailleurs, en ce moment, n'est-ce pas que ce que je fais ? Le fait de situer le libre arbitre au delà de la réalité ordinaire n'est pas si satisfaisant. Ce serait plutôt selon une autre dimension de la même réalité, ou selon un espace tangent au nôtre. Il y a donc bien quelque chose à en dire : ce qu'il n'est pas, le type de ses manifestations, leur site d'apparition possible en notre cerveau, que sais-je ? enfin ce sur quoi on peut argumenter malgré tout.

D'ailleurs c'est comme cela pour tout. Quand une œuvre me d'art me plaît, je peux argumenter sur l'œuvre, mais aussi sur mon goût. Aussi je suis étonné quand on me dit qu'on aime sans raison, voire qu'il ne faut pas chercher de raisons. Et même en amour... « On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualités » nous dit Pascal. Non, je ne vais pas jusque là, mais il m'est facile de trouver chez une femme des qualités qui m'intéressent, d'un point de vue rationnel. Cela ne m'a jamais empêché d'estimer qu'il y avait aussi une part de transcendance dans l'émotion artistique et dans le sentiment amoureux.
Kliban a écrit :La transcendance de l'être humain que tu évoques marque-t-elle une limite de la science - dit autrement : il serait alors des phénomènes que l'approche scientifique ne pourrait pas expliquer, sur lesquels elle buterait explicitement, un inexplicable définitif faisant pour elle comme un trou dans le réel - ou est-elle compatible avec elle - celle-ci ne trouvant alors aucune limite à son exercice, la transcendance de l'être humain n'étant pas un phénomène et donc restant essentiellement invisible à l'activité scientifique, qui avancerait sans rencontrer de barrière ?

Dans le second cas, il me semble que je pourrais être (pour la science) un automate-à-sensation-de-transcendance, sans que cela change aux vues que tu proposes, non ?
Je pense que tout ce qui se manifeste est mesurable, ou tout au moins qu'on peut en rendre compte par une construction rationnelle. Rapporté à l'individu à partir duquel ces manifestations viennent, ce serait : tout ce qui apparaît extérieurement, potentiellement aux yeux de tous (ses actes, ses paroles), et tout ce qui apparaît dans le corps de cet individu (y compris son cerveau, comme siège des pensées) qui serait observable par des moyens scientifiques (donc indirectement aux yeux de tous aussi).
Mais n'a-t-on pas l'impression que quelque chose d'autre se manifeste à nous qui n'apparaît pas, lorsqu'on choisit, lorsqu'on ressent, lorsqu'on conçoit, lorsqu'on crée, lorsqu'on aime ? Ou seulement pour certaines de ces actions / passions ?

En fait, tes deux cas me posent problème, le premier en raison de l'absence de relation entre inexplicable radical et expliqué rationnellement, le second parce tout passerait alors selon moi du côté de la rationalité, ce que tu exprimes bien en prenant un point de vue extérieur à l'individu.


Mais on va avancer avec tes questions suivantes !

Alors, oui, mes arguments et mes conceptions dans leur ensemble ne font que reprendre ce qui a déjà été exprimé par d'autres avant moi. J'ai souvent ce défaut d'exposer ce que je pense par écrit comme si je l'apprenais aux autres (déformation professionnelle oblige, et même pas : avant d'enseigner c'était le cas aussi). C'est que c'est plus facile pour moi; c'est comme raconter des histoires, et il faut que je me prenne au jeu... Ce que je veux dire, c'est que le style, et même le ton me paraissent essentiels pour rendre compte de ce qu'on voudrait mettre entre les mots. Plus je m'approche d'une expression rationnelle y compris dans le langage commun, plus j'ai l'impression que l'on aperçoit en creux ce qui n'est pas rationnel (et que je m'en aperçois moi-même).
Kliban a écrit :Une régression à l'infini dans ce domaine serait la modélisation qui me dérangerait le moins, à condition de déterminer soit une condition de convergence ( à la manière d'une suite dans un espace topologique), soit de la définir comme l'effet "optique" d'une tentative de saisie scientifique sur ce qui ne le peut pas - une forme de conséquence épistémique liée à l'utilisation d'un outil inadéquat.
Une convergence (rationnelle donc) de valeurs définies (des degrés de transcendances rationalisés) n'assurerait pas forcément que la limite soit rationnelle. En effet, si l'ensemble des degrés de transcendance relative n'est pas fermé, la limite n'appartient pas forcément à cet ensemble, autrement dit pourrait être transcendante absolument (toute en étant adhérente à l'ensemble relatif). Bon, c'est un argument de matheux, pour le plaisir, mais je ne sais pas si cela nous amène bien loin.

Quant à ce que tu envisages ensuite, c'est peut-être plus intéressant. Encore faudrait-il pouvoir trouver l'outil adéquat. Mais est-il question d'une sorte d'illusion d'optique ou bien d'une image virtuelle qui donne à voir un objet là où il n'est pas ? Dans le premier cas, c'est que nous voyons mal, en raison d'une constitution physiologique défaillante; dans le second, c'est qu'il y a une structure là où l'on ne la cherche pas... Bon, c'est bien spéculatif tout ça.
Kliban a écrit :Mais quand bien même on bâtirait ce type de modèle, la question de la transcendance resterait ici de l'ordre d'une pétition de principe : on y adhère ou pas. Et je retombe donc sur une de mes questions : est-il possible d'en parler d'une autre façon que par voix de l'analogie expressive, du poème ou de l'émotion ?
A priori j'aurais dit qu'on ne pouvait pas. Mais ce n'est pas uniquement pour me préserver de l'ennui de devoir argumenter en vain. C'est aussi suffisant pour que, de l'adhésion de l'autre à ce qu'on cherche montrer (et non démontrer), la nôtre soit renforcée.
Et au fond, qu'est-ce d'autre que l'observation scientifique : on adhère au fait que la mesure correspond à la réalité. Et, quand un autre observateur trouve la même, on commence à parler d'objectivité. Mais on ne comprend pas pour autant la réalité quand on ne fait qu'en rendre compte par la mesure. Bon, il est vrai que, dans notre cas, on n'a pas de mesure; pour le libre arbitre on a juste un acte, celui de choisir, qui peut être reconnu libre par autrui, mais qui peut aussi ne pas l'être (et patatras pour l'universalité ! à cause des matérialistes).

Alors, à ta question « Comment quelque chose de transcendant peut-il avoir une action sur ce qu'il transcende ? » je réplique : Comment la matière peut-elle donner lieu à un nombre en notre esprit lorsqu'on lit la mesure ?
C'est trois sortes de réalités que je postulerais en fait : soi, non-soi (matière, énergie, champ ?) et, disons faute de mieux, hors-soi (nombre, ensemble, d'où objet mathématique). C'est-à-dire que je place toute la part de transcendance en nous, même si nous ne savons en rendre compte sinon par des œuvres de l'art ou de la science (c'est-à-dire entre non-soi et hors-soi). Il me semble qu'aucun des passages d'une forme en une autre n'est clairement défini.

Dans les réponses que tu me proposes, ce qui m'intéresse c'est le point de contact, évidemment. Mais, quand on fait une mesure, où le point de contact est-il situé ? Selon moi c'est comme pour le libre arbitre, mais du côté de la perception plutôt que du côté de l'action (selon la dualité passion / action, si l'on veut). Le point de contact, il se trouve selon moi dans la conscience, au point où la sensation brute correspond à une affection (le fait qu'on soit affecté), c'est-à-dire qu'une part, même minime, de plaisir ou de douleur, nous indique que c'est bien réel. L'adéquation se fait alors entre ce non-soi reconnu et du hors-soi, le résultat de la mesure.

Bon, c'est la première fois que je parle de hors-soi pour le type de réalité que constitueraient les structures mathématiques. Ça fait un peu discours abscons, comme il y a l'en-soi, le pour-soi et l'en-soi-pour-soi sartrien... Je dois m'en excuser, mais c'est trop tentant de rapprocher les termes ainsi !

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Pier Kirool
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Pier Kirool »

Bon.
Comment dire ?
Bien que très intéressé par "l'opposition" (je marche sur des oeufs...) entre déterminisme et libre arbitre, je n'arrive pas à rentrer dans et suivre vos échanges.
C'est dommage car j'ai l'impression qu'il y a beaucoup d'informations, mais je pense qu'il y aurait intérêt à ce que les concepts soient simplifiés ou mieux expliqués ou ...
Bref... Je ne vais pas piocher ici ou là car je ne veux pas pointer du clavier, donc comme Robespierre en son temps, je risque de me mettre tout le monde à dos, mais voilà, c'est dit.
Quand les débats deviennent trop ésotériques, il faut utiliser d'autres outils qu'un forum, il me semble...
Désolé de cette intrusion...mais, bon, étais-je vraiment libre de ne pas la faire ?
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Kliban
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Tout le monde à dos ? :) Ça m'étonnerait beaucoup ! Si tu interviens ainsi - suite à Givré, d'ailleurs - c'est que tu n'es certainement pas seul :P

Ces conversations manquent de structure pour l'instant. On s'échange des architectures d'opinions et c'est probablement abscons. Ça gagnerait en clarté, sans doute, si on se focalisait sur une question précise. Je n'en ai pas, pour ma part, du moins pas qui me tienne à cœur - sur ce sujet, mes interventions sont essentiellement formelles.

Je peux juste tenter ça (propositions) :

Si l'on définit le déterminisme comme cette doctrine qui veut qu'à un état de choses donné à un instant t, il n'y ait à tout autre instant du temps qu'un seul autre état de choses qui lui soit compatible ;

Si on fait du libre arbitre la capacité de l'être qui en est doté de se décider de façon totalement indéterminée pour l'un quelconque des deux termes d'une alternative et d'en motiver son action ;

On a une incompatibilité. Qu'en faire ? Mystère et boule gomme : je ne pense pas qu'on puisse aller bien loin si on ne la rattache pas à un problème, si possible concret, que l'on puisse creuser (sauf à se montrer rapidement assez abstrait - cartographie d'un champ conceptuel, par exemple, à partir des positions spontanées des uns et des autres dans le domaine - ça demande une coordination complexe si on veut le faire à plusieurs, et ça ne convient pas à tout le monde - les cartes cachent le paysage :) ).

Juste en matière d'exemples - ce n'est pas très bon :
Qu'est-ce qu'exercer mon libre arbitre, suis-je alors réellement libre, quelles sont les conditions qui font que je l'exerce et celles que je ne l'exerce pas dans telles ou telles situations ; etc., surtout etc. ;)
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Pier Kirool »

C'est cool ta réaction. J'appréhendais un peu...
Kliban a écrit : Si l'on définit le déterminisme comme cette doctrine qui veut qu'à un état de choses donné à un instant t, il n'y ait à tout autre instant du temps qu'un seul autre état de choses qui lui soit compatible
Compatible c'est à dire en tant que suite obligée ?
Moi c'est l'histoire des choix qui me travaille dans cette question.
Moi je vois le déterminisme comme une absence de choix possible. Mais c'est peut-être totalement compatible avec ta définition.
Kliban a écrit :Si on fait du libre arbitre la capacité de l'être qui en est doté de se décider de façon totalement indéterminée pour l'un quelconque des deux termes d'une alternative et d'en motiver son action
Là je (com)prends. Mais j'en profite pour glisser une autre question : est-ce que c'est binaire ? Ce qui revient à dire "est-ce vraiment incompatible ?".
Moi ça m'arroANgerait qu'on puisse raisonner en pensant que libre-arbitre et déterminisme co-existent et que chacun en a sa part (et non pas "tous l'ont tout entier", comme l'amour d'un mère), genre comme un curseur, 80/20 ou 50/50...
Car en fait le déterminisme, on est sûr qu'il existe (non ?), enfin j'ensuit sûr parce que je crois aux lois de la génétique juste... En plus, je pense qu'il y a d'autres déterministes : socio-éducatif notamment...bref...
Donc la seule question qui resterait, c'est est-ce que le libre-arbitre existe ? (Spinoza à peu près : on se croit libre parce qu'on ignore ce qui nous détermine). Bien que le libre-arbitre soit le principal ressort de la culpabilité (tu pouvais ne pas faire çà donc tu es coupable), je préférerais qu'on puisse raisonner avec un petit peu de liberté quand même...
Kliban a écrit : cartographie d'un champ conceptuel, par exemple, à partir des positions spontanées des uns et des autres dans le domaine - ça demande une coordination complexe si on veut le faire à plusieurs, et ça ne convient pas à tout le monde - les cartes cachent le paysage :) ).
Par exemple, là, je ne sais pas de quoi tu parles...
Kliban a écrit : Qu'est-ce qu'exercer mon libre arbitre, suis-je alors réellement libre, quelles sont les conditions qui font que je l'exerce et celles que je ne l'exerce pas dans telles ou telles situations ; etc., surtout etc. ;)
Ca, déjà, çà (pré)suppose que le L-A existe...et en plus qu'on a des déterminants (conditions) du fait de l'exercer ou non...

Pour reprendre la direction de Spinoza : quelles raisons cachées peuvent être à l'oeuvre quand on croit agir librement ?
On peut aussi essayer par l'absurde : que se passerait il en l'absence totale de L-A ?
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Zyghna »

La question qui ressort en filigrane de tout cela c'est "sommes-nous responsables de nos actes". Les tenants du libre arbitre pensent que oui, ceux du déterminisme penseraient plutôt que non.

Pour rajouter aux questions de PKR :
Comment assumer nos choix si tout est déterminé et agir de façon responsable?
Et question subsidiaire: gagne-t-on en liberté quand on croit être libre? ('J'emploie le verbe croire intentionnellement, nous sommes toujours dans le domaine de la croyance).
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par TourneLune »

Personnellement, j'ai du mal à comprendre pourquoi tout est devenu si compliqué sur ce sujet que j'ai lâché depuis un moment également...
Le déterminisme existe à une échelle locale et dans un cadre limité donné, c'est effectivement plutôt certain, mais ça n'a pas grand chose à voir avec un déterminisme total qui lui, s'oppose totalement au libre arbitre.

En dehors des modèles mathématiques dont parle Le Renard qui sont difficiles voire impossibles à conceptualiser de façon intuitive, on ne fait que blablater dans le vide. On cause en fait croyances et on peut juste se rapproche de notre rapport à notre responsabilité individuelle ou au mystique. Mais ça reste plus ou moins dans le vide et ne peut aboutir à rien de plus que des mots posés les uns à la suite des autres ...

Un peu comme ceux qui pensent faire de l'astrophysique en imaginant des formes à l'Univers...

Après, ça peut être drôle de manier des concepts et de s'amuser avec, chacun son truc ^^ Mais c'est vrai que vous arrivez là à un truc qui fait un peu ésotérique et imbitable de l'extérieur, huhu!

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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Pier Kirool »

Tournesol a écrit : déterminisme total
Oui, mon sujet, c'est à l'échelon d'un individu. D'une communauté, d'une civilisation, du rapport entre les hommes et de nous à nous, aussi.
Tournesol a écrit : Un peu comme ceux qui pensent faire de l'astrophysique en imaginant des formes à l'Univers...
Les Bogdanov ? Par ce que me concernant, comme il tourne autour de moi, je me fous un peu de sa forme... :2deg
Tournesol a écrit : En dehors des modèles mathématiques dont parle Le Renard qui sont difficiles voire impossibles à conceptualiser de façon intuitive, on ne fait que blablater dans le vide. (...) On cause en fait croyances et on peut juste se rapproche de notre rapport à notre responsabilité individuelle (...) Mais ça reste plus ou moins dans le vide et ne peut aboutir à rien de plus que des mots posés les uns à la suite des autres ...
Peut-être si on cause déterminisme "total" comme tu dis, mais ces questions de responsabilité et culpabilité débouchent sur des vraies questions de société dont les réponses peuvent plus ou moins directement et consciemment venir de ce qu'on pense de la liberté.
En plus, je pense qu'on aura peut-être un jour, entre biologie et imagerie des informations plus précises sur ce qui se passe dans le cerveau aussi par rapport à ce type de questionnement.
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Givré »

Tout d'abord, je ne résiste pas à l'envie d'applaudir Tournesol, qui comme son nom l'indique, se tourne automatiquement vers le Soleil, et ce faisant, rencontre Apollon, le dieu de la Raison ...Lequel, tel l'Oracle de Delphes exprime par sa bouche son clavier, cette voix de la Raison qu'est le Bon Sens.
Kliban – le 21 Fév 2014, 03:11 a écrit : Si on fait du libre arbitre la capacité de l'être qui en est doté de se décider de façon totalement indéterminée pour l'un quelconque des deux termes d'une alternative et d'en motiver son action

Heu ... Kliban, la passion t'as égaré, me semble-t-il .... C'est avec regret, et surtout beaucoup d'appréhension, qu'à nouveau je viens audacieusement pousser la porte de ce lieu pour le moins impressionnant ... A regret, car je préférerais m'en tenir prudemment éloigné, par crainte d'être pris à partie et de ne pouvoir en sortir indemne ... Et avec appréhension, car quelque chose en moi me pousse irrésistiblement à vouloir user de mon ... heu ... libre arbitre, pour malgré tout y pénétrer, et passer outre à ce que me dicte la prudence ... Serait-ce qu'un irrésistible déterminisme s'impose à moi et me dicte mes actes , m'enlevant à jamais toute illusion quant à mon libre arbitre ?

Si mon audace doit entraîner mon trépas, je suis ... déterminé à l'accepter sans frémir ... Mais de grâce, épargnez-moi le goudron, les plumes et la corde ... Je préfère mourir rapidement ... Faites-moi l'aumône d'une balle en pleine tête et de face, dans le front, sans bandeau sur les yeux, que je voie de face le canon d'où elle sortira ..

Mais j'arrête de tergiverser, dans le vain espoir de reculer à l'infini le tragique instant où je me dois de te dire que ce que tu dis-là à propos du libre arbitre est à l'opposé même de ce que signifie cette expression ...

Le propre du concept de « libre arbitre », est de ne pas être motivé, de quelque façon que ce soit, de ne pas être justifié, de ne pas être argumenté.

Je ne puis rien faire d'autre que de te redonner la définition du CNRTL, qui précise le plus explicitement du monde l'essence même du concept de « libre arbitre », à savoir que c'est justement le fait d'avoir la liberté de décider sans avoir aucun motif à donner à qui que ce soit, sans en avoir la moindre raison, le moindre motif présent à son propre esprit. C'est ce qu'on appelle « le fait du prince » cher à Machiavel ...

http://cnrtl.fr/definition/liberté >>>

( Le CNRTL ne donne pas d'entrée pour « libre arbitre », car ce n'est même pas un mot composé, c'est une expression. Mais il la mentionne explicitement dans son article « liberté » )

II. − PHILOS., PSYCHOL. [Spécifiquement à propos de l'homme considéré comme être doué de volonté] État de celui qui n'est pas soumis à des forces intérieures d'ordre irrationnel.

A. − [P. oppos. à déterminisme] État de celui qui peut choisir souverainement entre deux possibilités contraires, sans avoir de motif relatif au contenu de l'acte à accomplir. Synon. libre-arbitre.


En googlant sur les mots "libre arbitre", on retrouve partout cette notion d'absence totale de motif dans le choix de l'action, qui est décidée de façon purement « arbitraire », autrement dit de façon « souveraine ». Voici d'autres sources, parmi l'infinité de ce que donne google >>>

http://philo.pourtous.free.fr/Atelier/T ... rbitre.htm >>>

La notion de libre arbitre, synonyme de liberté, désigne le pouvoir de choisir de façon absolue, c’est à dire d’être à l’origine de ses actes. Autrement dit un sujet libre est sensé pouvoir choisir de lui-même ce qu’il choisit, sans être poussé à l’avance d’un coté ou d’un autre par quelque influence ou cause que ce soit.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Libre_arbitre >>>

Le libre arbitre est la faculté qu’aurait l'être humain de se déterminer librement et par lui seul, à agir et à penser, par opposition au déterminisme ou au fatalisme, qui affirment que la volonté est déterminée dans chacun de ses actes par des « forces » qui l’y nécessitent.
..........................
L’expression française de « libre arbitre » rend insuffisamment compte du lien indissoluble qui l’unit à la notion de volonté, lien apparaissant plus clairement dans les expressions anglaise (Free will) et allemande (Willensfreiheit), qui présentent cependant le désavantage de dissoudre la notion d’arbitre ou de choix, essentielle au concept. « Libre arbitre » (liberum arbitrium en latin) est le plus souvent utilisé comme la contraction de l’expression technique : « libre arbitre de la volonté »


http://philosophie.philisto.fr/cours-52 ... bitre.html >>>

Le libre-arbitre pose en premier lieu que les actions humaines sont contingentes. Le contingent s'oppose au nécessaire: je peux faire une chose mais je peux très bien ne pas la faire. La thèse de la liberté d'indifférence défend l'idée d'une contingence au niveau des actions humaines. René Descartes (1596-1650) définit l’indifférence comme « l’état dans lequel est la volonté lorsqu’elle n’est pas poussée d’un côté plutôt que de l’autre par la perception du vrai et du bien ». Cette liberté relève de la pure volonté, sans autre motif rationnel ou sentimental. Ainsi, Bossuet (1627-1704) écrit que « Le libre arbitre est la puissance que nous avons de faire ou de ne pas faire quelque chose ».

Et l'on pourrait muliplier à l'infini les sources de définition du concept de "libre arbitre", on retrouve toujours la même notion qui lui est spécifique, à savoir l'absence de motivation, qui est le propre d'une liberté "totale", qui nous est en fait assez étrangère dans la vie quotidienne, où nous avons toujours tendance à motiver nos actes, à leur trouver de "bonnes raisons", ne fût-ce que pour nous-mêmes ...

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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Pier Kirool »

Je dirais que vous êtes d'accord,
Kliban – le 21 Fév 2014, 03:11 a écrit : Si on fait du libre arbitre la capacité de l'être qui en est doté de se décider de façon totalement indéterminée pour l'un quelconque des deux termes d'une alternative et d'en motiver son action


Pour moi "de manière indéterminée" (au sens sans y être forcé, obligé) c'est pareil que "de manière souveraine", cependant pas tout à fait pareil que "sans motif", "sans être soumis à des forces intérieures", "absolue", "sans influence" ou "sans cause". Donc le libre arbitre ne se définit pas tout à fait (pour moi, hein) par l'absence de motivation ou de cause, mais par l'absence de possibilité de la volonté de s'y soustraire.

Tout est dans la résistance aux forces et à la nécessité. SI les forces sont irrésistibles, c'est du déterminisme.
Si elles sont "résistibles" (?, papa d'Albert Camus : "un homme, ça s'empêche"), on arrive au libre arbitre (à quel prix parfois...).

; enfin j'en sais plus rien à vrai dire...si vous êtes d'accord. :rock:
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kliban »

Givré :) Je pense en effet, avec Pierre Kirool, qu'on est d'accord :).

Je proposais ça :
Kliban a écrit : Si on fait du libre arbitre la capacité de l'être qui en est doté de se décider de façon totalement indéterminée pour l'un quelconque des deux termes d'une alternative et d'en motiver son action


Que je rapproche de cette définition que tu nous fournis, hop :
Givré a écrit :A. − [P. oppos. à déterminisme] État de celui qui peut choisir souverainement entre deux possibilités contraires, sans avoir de motif relatif au contenu de l'acte à accomplir. Synon. libre-arbitre.
Ca se joue à des pouièmes, je dirais :P (tétracapilectomie diptérosodomite du genre "état" c'est pas comme "capacité" et que "termes d'une alternative", c'est pas "possibilité contraire" :D ).

Peut-être la confusion se joue dans la collision entre les deux usages de motivation ? Celle que tu évoques est en amont du choix, le choix n'est pas motivé, le contenu de l'acte ne dicte rien au choix (par exemple si je dois choisir entre "manger une banane" et "manger une pomme", je n'ai aucune motivation à faire l'un plus que l'autre).

Celle que j'évoque est en aval du choix, elle en découle et est donc motivée par lui (par exemple : j'ai usé de mon libre arbitre et choisi "manger une banane" et cela me détermine à manger la banane).

Il n'y a pas de contradiction entre l'un et l'autre, donc, en tout cas je ne vois pas. Tu me dis si tu vois qu'il y a un truc qui te chiffonnes ?

Voilou voilou. Juste des définitions conceptuelles. Après, on en fait ce qu'on veut. Le concept, ça n'est intéressant que quand on a un problème - de type conceptuel en général ! - à résoudre, ou qu'on en a le goût. Sinon en effet, c'est une perte de temps - et souvent de bonne humeur ! - que de s'en aller perdre dans ce genre de navigations labyrinthiques et en effet, pour soi, stérile !

D'où la proposition de nous trouver une question, pour causer de trucs plus concrets. J'aime bien celles de Zyghna :)
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Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Zyghna »

Il y a tout un monde entre manger une banane et manger une pomme. Quid des besoins de ton corps qui ont besoin de la vitamine de la pomme ou de celle de la banane? Quelle est vraiment ta part de choix non déterminé dans une décision si bénigne?
Mais au final, on fera quand même un choix, celui d'écouter notre corps, ou de ne pas le faire,ou le choix de ne choisir ni la pomme ni la banane. Perso je me fiche de savoir si mon choix est déterminé ou totalement libre, par contre je savoure totalement mon fruit!
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Kerzu

Re: Déterminisme et libre arbitre

Message par Kerzu »

La liberté est un sujet qui m'a longtemps fasciné.

J'ai parcouru les threads, je n'ai pas vu beaucoup de définitions, ce qui n'aide pas toujours à y voir clair. Rien ne vaut les définitions par compréhension (par opposition aux définitions par extension), car la liberté de Descartes n'est pas la même que celle de Platon, de Spinoza ou de Kant. D'ailleurs, cela fonctionne pareil en politique...

Pour avoir analysé bon nombre de concepts tels que le temps, la conscience, l'esprit, l'espace, le choix, le déterminisme, la morale, (etc.), beaucoup se sont réduits en peau de chagrin, car tous étaient liés à des idéologies reposant sur des dogmes. Par exemple, la notion du choix est bel et bien liée aux idéologies morales manichéennes (Christianisme, Mazdéisme, Manichéisme, Mithraïsme, etc.). Il suffit souvent de remettre en cause les idéologies sous-jacentes, pour s'apercevoir que le problème initial est mal posé.

Ainsi, je me permets de rebondir sur ce message, car c'est finalement celui-ci qui m'a le plus interpellé :
Tournesol a écrit :Personnellement, j'ai du mal à comprendre pourquoi tout est devenu si compliqué sur ce sujet que j'ai lâché depuis un moment également...
Le déterminisme existe à une échelle locale et dans un cadre limité donné, c'est effectivement plutôt certain, mais ça n'a pas grand chose à voir avec un déterminisme total qui lui, s'oppose totalement au libre arbitre.

En dehors des modèles mathématiques dont parle Le Renard qui sont difficiles voire impossibles à conceptualiser de façon intuitive, on ne fait que blablater dans le vide. On cause en fait croyances et on peut juste se rapproche de notre rapport à notre responsabilité individuelle ou au mystique. Mais ça reste plus ou moins dans le vide et ne peut aboutir à rien de plus que des mots posés les uns à la suite des autres ...

Un peu comme ceux qui pensent faire de l'astrophysique en imaginant des formes à l'Univers...

Après, ça peut être drôle de manier des concepts et de s'amuser avec, chacun son truc ^^ Mais c'est vrai que vous arrivez là à un truc qui fait un peu ésotérique et imbitable de l'extérieur, huhu!
Cela illustre mon propos. Quand on utilise les mathématiques pour modéliser une réflexion lambda, aussi intéressante que soit la démarche, elle ne demeure pas moins idéaliste. Et il suffit de casser le socle idéaliste pour tout remettre en question, par exemple avec kant, quand il démontre que notre connaissance se calque sur notre perception sensible, et qu'il est donc impossible de connaître ce qui se cachent au-delà, c'est-à-dire, les noumènes. C'était juste pour l'apparté, car ce n'est pas la première fois que je vois des idéalistes qui s'ignorent (souvent des mathématiciens), et qui exposent des démonstrations comme si ça allait de soi ;-)

Pour revenir au sujet, je n'ai pas la prétention de détenir une quelconque vérité, mais je suis quelqu'un de simple, et je pense qu'on peut présenter les choses simplement. Du moins, démontrer les contradictions qu'il y a dans certains arguments. L'intérêt est bien sûr de débattre, d'argumenter, de combattre sur le tamis philosophique, et de faire cogiter ^_^ Setu...

Qu'est-ce que le choix ? C'est l'un des fruits de l'ignorance. Imaginez-vous - perdu en pleine forêt - en train de galérer pendant des heures pour retrouver le chemin. Là, vous arrivez à une intersection. Vous avez le choix de tourner à droite, à gauche, ou d'aller tout droit, pourquoi ? Car vous êtes perdus. Si vous connaissiez la route, vous auriez tourné à gauche sans même vous poser la question du choix.

Vous êtes dans un restaurant, et vous lisez le menu. Vous avez le choix car - dans l'instant T - vous ne savez pas ce qui est préférable pour vous. Quant à la politique, le choix est souvent théorique, car une personne de sensibilité de gauche votera à gauche sans se soucier du choix (quoi que...). Le choix implique toujours une donnée qui nous manque, sinon il n'est que théorique.

Qu'est-ce que le déterminisme ? C'est l'une des conditions sine qua non de tout apprentissage. Quand on apprend à marcher, à parler, à lire, ou même à conduire, on galère toujours au début car nos actions ne sont pas encore conditionnées. Une fois que tout est machinal, on peut lire n'importe quoi sans se dire que "A" et "B" font le son "BA", et on peut s'arrêter à un stop en voiture sans se dire qu'il faut rétrograder, freiner, etc. Imaginons une personne dénuée de tout déterminisme : elle devra réapprendre tout ce qu'elle sait, chaque jour de sa vie, c'est juste impensable.

NB : je ne fais pas de distinction entre le conditionnement et le déterminisme, bien que cela gagnerait à être fait un peu plus tard.

Qu'est-ce que la liberté ? Si nous partons de l'idée que la liberté est une absence de contrainte, force est de constater que plus une personne a de choix, et plus elle est bloquée, et que plus une personne est déterminée, et plus elle aura de facilités. Bien entendu, il ne s'agit pas ici de "liberté" à proprement parlé, mais de confort. La distinction est nécessaire car l'idée d'une liberté absolue (comprendre "confort absolu") nous mène à un paradoxe. Imaginez que vous possédiez une liberté d'action absolue. Cela implique que vous puissiez voler. Cela implique que vous puissiez vous déplacer sans avoir d'obstacles. Cela implique de retirer les immeubles, puis les arbres, puis finalement tous les objets qui piétinent sur votre confort absolu de mouvement, et puis retirer le sol qui vous empêche de vous déplacer de haut en bas, et... Vous vous retrouvez emprisonné dans le vide absolu. Voilà ce qu'est la liberté (confort) absolue : une prison. Principe de non-contradiction non respecté, il ne s'agit donc pas de "liberté" ici.

Le confort est une satisfaction personnelle (très bonne, tout est une question de mesure), tandis que la liberté est une satisfaction collective. La liberté est donc politique, elle représente l'ensemble de nos droits et de nos devoirs. Ce dernier point est aisé à comprendre : si nous sommes libres de vivre chez dans le calme, cela implique de ne pas faire de bruit pour ne pas déranger vos voisins ^^ En ce sens, la liberté intérieure ne doit pas être vu comme une réelle liberté (au sens politique), mais plus comme un confort. Je suis conscient que nos sociétés actuelles ont vécu la vague des philosophies orientales, mais cela me pose un sérieux problème. En effet, ces idées de "liberté intérieure" et de "libération intérieure" et de "différents degrés" impliquent que mon voisin puisse avoir une liberté différente de la mienne. Cela paraît logique jusqu'à ce qu'on s'aperçoive que la frontière qui nous mène à la discrimination est très légère. Une personne qui a naturellement moins de liberté qu'une autre, techniquement, on appelle ça un esclave. C'est un peu comme la fameuse phrase "ma liberté s'arrête où celle d'autrui commence", cela implique que nos libertés sont incompatibles, ce qui est insensé. Nous avons la même liberté, c'est-à-dire, tout citoyen peut jouir de conforts qui ont été jugé d'intérêt commun, et bien entendu, cette liberté doit être défendue et doit progresser. Bon, ça, c'est mon côté "il faut se battre !" :)

Je m'arrête car j'ai déjà écrit un gros pavé. J'ai voulu apporter un éclairement simple, avec une vision relativement spinoziste. Nombre de questions restent en suspens sur l'auto-détermination, sur la causalité (notion indépendante du déterminisme) et du temps (car pas de causalité sans le temps), sur la morale, la responsabilité, la justice, etc.

Et si on remonte la pelote de laine dans l'autre sens, on peut s'interroger sur la raison, ses mécanismes, sur les questions phénoménologiques, mais qu'on se rassure, si ces mots effraient (comme la chouette ha-ha, ok je sors =>), cela n'implique pas nécessairement des discours hermétiques, il faut que les individus pensent par eux-mêmes ;)

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