Le poète Jacques Roubaud, l'inventeur de cette forme fixe, souffre depuis plusieurs années de troubles affectant sa mémoire de travail et par conséquent sa capacité à s'atteler à des compositions de longue haleine ; je crois avoir lu que le trident était désormais la seule forme poétique qu'il pratiquait.
Qu'est-ce que le trident ?
L'intégralité de l'article dont j'ai tiré cette définition est lisible ici. J'ajouterai à cette définition que le trident est normalement précédé d'un titre et constitue une phrase unique. L'article en question est parfois éclairant, souvent destiné à des lecteurs plus familiers que je ne le suis de l’œuvre de Roubaud et de l'état de la poésie contemporaine.Le trident est une forme poétique ultra-brève inventée par Jacques Roubaud, qui se compose de trois vers de 5, 3 et 5 syllabes respectivement, le vers numéro 2 étant marqué du signe ⊗ et mis en avant par rapport aux deux autres.
Pour moi, la grande différence entre le trident et le haïku (outre le fait que quatre syllabes de moins, quand il s'agit de formes brèves, ça n'est pas rien, même si la présence d'un titre autorise un peu de confort) tient au fait que le second est imprégné d'une longue pratique poétique dont on ne se sent pas le droit de se déprendre : un haïku, c'est a priori l'évocation du monde concret, soumis au passage du temps, le grand dans le petit. Le trident est trop jeune pour être déjà associé à des thèmes privilégiés : on peut, je crois, en écrire sur n'importe quoi, et n'importe comment, dans la limite de ces treize syllabes faisant phrase.
Il y a quand même la question du ⊗ : dans l'article que je citais plus haut, on en dit :
Ce qui laisse, je crois, une marge appréciable à l'interprétation.La graphie particulière que Jacques Roubaud a fixée pour le trident (avec le vers 2 sorti du rang et marqué ⊗) signifie qu'il accorde une attention particulière à ce vers numéro deux : c'est lui qui doit faire la bascule entre le premier vers et le troisième, qui sont, eux, des vers réguliers ou majeurs, des vers-oui (ils affirment (oui) une certaine poéticité du vers) ; alors que le vers 2 est un vers glissant, un entre-vers.
Voilà, ça me semble suffisant pour commencer. J'ouvre donc avec un premier trident :
Commencer rien n'abaissera ⊗ ma prétention à parler de neuf