libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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Euthyphron
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Euthyphron »

Kailiana a écrit :
Euthyphron a écrit :Le libre arbitre se définit comme la faculté de prendre soi-même ses propres décisions. Le déterminisme est le nom que l'on donne à la théorie qui dit que le libre arbitre n'est qu'une illusion.
retour aux définitions : justement, je ne suis pas d'accord :D
Eh bien il fallait le dire. Voyons cela.
Kailiana a écrit :J'insiste, mais la définition du déterminisme c'est "principe scientifique d'après lequel tout phénomène est régi par une (ou plusieurs) loi(s) nécessaire(s) telle(s) que les mêmes causes entraînent dans les mêmes conditions ou circonstances, les mêmes effets. "
Ce n'est pas la définition, mais une définition. Voyons ce que cela donne.
Kailiana a écrit :Le libre arbitre est moins clair, mais Givré avait fait un très bon résumé sur l'autre post, que j'ai repris sur mon message précédent.
Ce n'est pas d'un résumé que nous avons besoin, mais d'une définition, tu l'as dit toi-même. Quelle est ta définition?
Kailiana a écrit :Donc oui, je me répète, mais si on ne parle pas avec les mêmes définitions ni avec les mêmes degrés, je ne vois pas comment on peut se comprendre.
C'est bien pour cela que j'ai commencé par donner des définitions claires. Désormais tout lecteur sait ce que je veux dire quand je parle de libre arbitre et de déterminisme. Alors que nous attendons ta définition du libre arbitre!
Kailiana a écrit :On n'a pas besoin de pouvoir connaitre l'état d'un système pour qu'il soit déterministe.
(donc on n'a pas d'implication déterminisme => entité toute puissante)
C'est exact, je te suis.
Kailiana a écrit :Je vais encore faire ma chieuse : les scientifiques ne savent pas vraiment si l'aléatoire existe vraiment dans la nature, tous ne sont pas d'accord :mrgreen:
C'est leur problème! Il y a de l'aléatoire au niveau évident, concret, qui est celui de la discussion. Mais je reconnais, si tu l'exiges, que ce pourrait être une illusion, comme je l'ai écrit juste après : "un déterministe strict est quelqu'un pour qui la différence entre ces trois processus est illusoire".
Kailiana a écrit :Tous les aléatoires qu'on connait, c'est pas du "vrai" aléatoire, c'est "juste" qu'on ne connait pas tous les paramètres. Quand on lance un dé, le nombre n'est pas vraiment aléatoire : il va dépendre du dé, de comment on le lance...
Es-tu allée de l'autre côté des phénomènes pour te prononcer avec tant d'assurance? Il est clair que tu n'en sais rien, puisque, tu viens de le dire, les plus grands scientifiques n'en savent rien.
En ce qui concerne la question de Boby je suis d'accord avec ta réponse.
Un mot quand même pour que tu comprennes de quel type de discussion il s'agit : je n'ai rien à faire croire, mon rôle est d'animer une réflexion, en veillant à ce qu'elle soit interactive et rigoureuse. Si tu sais ce qu'il faut penser de la question, instruis-nous. Si tu ne le sais pas, fais l'effort de comprendre ce que chacun dit et coopère avec nous dans la quête de la vérité.

helix

Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par helix »

Je reposte ce que j'avais dit hier quant à la question de la morale évoquée par Pier Kirool :

"Chez Spinoza, ce que j'avais trouvé enthousiasmant et paradoxal (ou enthousiasmant parce que paradoxal) c'est que sa réfutation radicale du libre-arbitre, qui est à la base de la morale judéo-chrétienne (j'avais lu juste avant lui la Comédie de Dante), le conduise quand même ou par là-même à développer une éthique de très haut niveau (dans le livre du même nom). "

Ensuite, le déterminisme de Spinoza ne l'empêche pas de parler de liberté au contraire, et même de la donner comme horizon (inatteignable mais comme un but). Il propose l'accroissement de cette liberté par la connaissance de nos contraintes, c'est à dire en réduisant (le plus possible, jamais à zéro) nos illusions. J'aime beaucoup en particulier ces phrases du chapitre IV de l'Ethique (des servitudes humaines :

"Une affection ne peut être réduite ni ôtée sinon par une affection contraire, et plus forte que l'affection à réduire."

"La connaissance du bon et du mauvais n'est rien d'autre que l'affection de la Joie ou de la Tristesse, en tant que nous en avons conscience."

"La connaissance vraie du bon et du mauvais ne peut, en tant que vraie, réduire aucune affection, mais seulement en tant qu'elle est considérée comme une affection."

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Euthyphron
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Euthyphron »

Effectivement pour Spinoza ce n'est pas parce que le libre arbitre n'existe pas qu'il n'y a pas de liberté (c'est pourquoi j'ai soigneusement distingué les deux expressions, parfois prises l'une pour l'autre). Il m'a semblé qu'Ucralo voulait dire quelque chose en ce sens, je lui en ai fait la remarque.
Il n'en reste pas moins que c'est une position difficile à soutenir si on veut la respecter telle qu'elle est, et ne pas atténuer le paradoxe en réintroduisant subrepticement le libre arbitre. Sans ce dernier, comment décider de s'améliorer et de progresser sur le chemin de la connaissance? Plus délicat encore : si tout est déterminé, ma parole qui dit que tout est déterminé l'est aussi, comme la parole d'un robot. Comment faire crédit à la parole d'un automate?
Je ne sais si toi, ou un autre, peut répondre à ces objections. Pour ma part j'en suis incapable, sinon par des arguties qui ne me convainquent pas.

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Pier Kirool
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Pier Kirool »

Ucralo a écrit :Si le libre arbitre n'existe pas alors, moralement, il faut supprimer la responsabilité : si quelqu'un fait une connerie, ce n'est pas à lui de payer.
Pour moi c'est de dire que c'est "faire payer" qui est bizarre. Réparer, oui, empêcher que celà recommence, oui, mais "faire payer", c'est la loi du Talion, l'absence de civilisation.
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Ucralo »

Pier Kirool a écrit :
Ucralo a écrit :Si le libre arbitre n'existe pas alors, moralement, il faut supprimer la responsabilité : si quelqu'un fait une connerie, ce n'est pas à lui de payer.
Pour moi c'est de dire que c'est "faire payer" qui est bizarre. Réparer, oui, empêcher que celà recommence, oui, mais "faire payer", c'est la loi du Talion, l'absence de civilisation.
J'ai hésité sur le verbe à utiliser puis, en pensant à l'exemple "qui casse paye", j'ai utilisé le verbe payer. Je ne pensais pas à la loi du Talion.

(A part ça, au cas où un lecteur lise ma citation hors contexte, je précise que j'ai affirmé que la proposition "Si le libre arbitre n'existe pas alors, moralement, il faut supprimer la responsabilité" est fausse.)

helix

Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par helix »

je pense que c'est à chercher dans la nature de chacun, puisque pour Spinoza elle nous détermine. On pourrait presque voir en lui un précurseur de la psychanalyse ;-). Une chose centrale que j'aime beaucoup chez Spinoza, c'est la notion de Joie, la joie d'augmenter sa puissance d'être. Il y a plus de joie (pour moi) dans le paradoxe de Spinoza que dans la mise en abyme du déterminisme que tu décris, que je trouve triste. Bon je sais que c'est plus une affection qu'un argument, mais comme dit Spinoza :

"Un Désir qui naît de la Joie est plus fort, toutes choses égales d'ailleurs, qu'un Désir qui naît de la Tristesse."

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Boby
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Boby »

"Un Désir qui naît de la Joie est plus fort, toutes choses égales d'ailleurs, qu'un Désir qui naît de la Tristesse."
C'est joli, j'aime bien.
Je suis d'accord intérieurement mais est-ce qu'il y a un raisonnement qui abouti a cette réflexion ?
Nous verrons cela... Destinée ... ou PAS !

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ZeBrebis
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par ZeBrebis »

Cela pourrait-il tenir au fait que la joie a vocation à se communiquer aux autres, à l'extérieur, qu'elle est élan vers le monde...Quand la tristesse pousse au repli.

helix

Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par helix »

Ça vient de ses définitions mêmes de la Joie et de la tristesse :

"La Joie est le passage de l'homme d'une moindre à une plus grande perfection."

"La Tristesse est le passage de l'homme d'une plus grande à une moindre perfection."

"Je dis passage. Car la Joie n'est pas la perfection elle-même. Si en effet l'homme naissait avec la perfection à laquelle il passe, il la posséderait sans affection de Joie ; cela se voit plus clairement dans l'affection de la Tristesse qui lui est opposée. Que la Tristesse en effet consiste dans un passage à une perfection moindre et non dans la perfection moindre elle-même, nul ne peut le nier, puisque l'homme ne peut être contristé en tant qu'il a part à quelque perfection. Et nous ne pouvons pas dire que la Tristesse consiste dans la privation d'une perfection plus grande, car une privation n'est rien. L'affection de Tristesse est un acte et cet acte ne peut, en conséquence, être autre chose que celui par lequel on passe à une perfection moindre, c'est-à-dire l'acte par lequel est diminuée ou réduite la puissance d'agir de l'homme."

helix

Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par helix »

@Zebrebis : oui aussi, parce que comme le dit Spinoza, il n'y a que dans les passions de la tristesse que les hommes peuvent être contraires les uns aux autres

Tiens, j'ai trouvé dans l'autre fil sur le sujet une référence qui semble intéressante, donnée par Kliban :

La nature de la volonté par Joëlle Proust.

Le même intervenant (Kliban) y fait aussi une représentation que je trouve intéressante en 3 dimensions :
► Afficher le texte
(Je pense qu'il faut considérer les huit positions énoncées comme une simplification, huit pôles dans un continuum des conceptions entre les extrêmes 0/1 de chaque axe).

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Euthyphron
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Euthyphron »

Ucralo a écrit :(A part ça, au cas où un lecteur lise ma citation hors contexte, je précise que j'ai affirmé que la proposition "Si le libre arbitre n'existe pas alors, moralement, il faut supprimer la responsabilité" est fausse.)
Tu fais bien de le préciser, mais comment est-ce possible? Comment penser la responsabilité morale de quelqu'un qui ne pouvait pas faire autrement que ce qu'il a fait? Je conçois bien, dans l'hypothèse déterministe, une responsabilité pénale. On punira pour l'exemple, pas parce que le puni l'a mérité par sa méchanceté. Mais une responsabilité morale? En quoi consiste-t-elle?
helix a écrit :je pense que c'est à chercher dans la nature de chacun, puisque pour Spinoza elle nous détermine. On pourrait presque voir en lui un précurseur de la psychanalyse ;-). Une chose centrale que j'aime beaucoup chez Spinoza, c'est la notion de Joie, la joie d'augmenter sa puissance d'être. Il y a plus de joie (pour moi) dans le paradoxe de Spinoza que dans la mise en abyme du déterminisme que tu décris, que je trouve triste
Ceci, j'espère ne pas me tromper, est ta réponse à mes deux objections : 1) comment faire effort pour accroître sa connaissance si l'on est déterminé? (remarquons que si nous sommes libres il n'y a pas de problème, et que nous pouvons partir si tel est notre choix à la quête de la joie par la connaissance). 2) quelle valeur de vérité accorder à la parole d'un automate? Ta réponse, si je l'ai correctement interprétée, dit que je pourrais faire les mêmes objections à Freud. Eh bien d'accord, si tu veux j'accepte de faire les mêmes objections à Freud. Mais je ne suis pas plus avancé! :-)
Quant à l'argument dont tu reconnais toi-même qu'il n'en est pas un, il n'est pas si mauvais, surtout si on prend bien garde aux "toutes choses égales d'ailleurs". S'il faut faire une petite confession afin de compenser le fait que je livre assez peu mon opinion sur ce fil, je dirai que Spinoza est un génie avec qui j'ai définitivement rompu (après l'avoir adoré) à l'âge de 20 ans. Ce n'est pas tout à fait pareil, pour moi, qu'un imbécile! Donc cet argument a de l'intérêt, pourvu qu'on n'en fasse pas une preuve, et j'apprécie que tu l'aies signalé à son exacte valeur. Mais il n'est pas nécessaire d'être déterministe pour être du parti de la joie. :rofl:
J'ai lu ton lien. Bon, j'essaie de trouver un équilibre sur ces fils que je lance, entre faire le chef d'orchestre et ne pas être trop intrusif. Je ne sais pas si l'étude critique de ce texte (de Kliban, c'est ça? ou de Joëlle Proust?) serait une bonne idée, j'ai peur que cela ne bloque la discussion, mais à tout hasard au cas où tu te sentirais la vocation de le défendre j'avoue que j'ai un certain nombre de critiques à lui faire, même si j'aime bien la méthode.

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ZeBrebis
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par ZeBrebis »

Euthyphron a écrit :1) comment faire effort pour accroître sa connaissance si l'on est déterminé? (remarquons que si nous sommes libres il n'y a pas de problème, et que nous pouvons partir si tel est notre choix à la quête de la joie par la connaissance). 2) quelle valeur de vérité accorder à la parole d'un automate? Ta réponse, si je l'ai correctement interprétée, dit que je pourrais faire les mêmes objections à Freud. Eh bien d'accord, si tu veux j'accepte de faire les mêmes objections à Freud. Mais je ne suis pas plus avancé!
Pour le 1) il me semble avoir compris que c'est de la même manière que le nourrisson va chercher le lait au sein. Il produit un effort, de recherche, sans savoir ce qui le guide pour cela et que ce soit une décision. Il y aurait en nous cette impulsion vers l'amélioration, qui fournit la satisfaction lorsqu'on la réalise. Cette démarche n'est pas libre, elle dépend de la nature humaine.
2) Si rien de transcendant n'est en l'Homme, je ne vois pas de différence impliquée par le déterminisme au niveau de la vérité. Qu'on soit libre ou non, ce qu'on produit est une vision des choses.
Pourrais-tu m'expliquer le coeur du problème si je l'ai raté ?

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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Ucralo »

Euthyphron a écrit :Il n'en reste pas moins que c'est une position difficile à soutenir si on veut la respecter telle qu'elle est, et ne pas atténuer le paradoxe en réintroduisant subrepticement le libre arbitre. Sans ce dernier, comment décider de s'améliorer et de progresser sur le chemin de la connaissance?
J'ai un peu de mal à répondre à cette question car je ne vois pas sur quel aspect de la prise de décision tu penses qu'on a besoin de croire que le libre arbitre est vrai et donc que le déterminisme est faux.

Du coup, je propose que j'essaie de décrire un exemple fictif de prise de décision tout en prenant en compte que le déterminisme est vrai. Comme ça, tu pourras dire où tu penses qu'il y a un problème.

Dans les instants qui suivent, tous mes choix sont déterminés, mais je ne les connais pas encore.
Soudain, la question "Qu'est-ce que je vais faire dans peu de temps ?" jaillit dans mon esprit.
Cette question me détermine à réfléchir à ce que je vais faire dans peu de temps.
Mes valeurs, mes goûts et mes motivations interviennent dans la construction des idées qui passeront par ma tête.
"Voyons, il se peut que je décide de regarder telle vidéo pour me distraire. Mais il se peut aussi que, à la place, je décide de lire tel livre. Ma décision est déterminée, mais je ne la connais pas encore. Je vais réfléchir encore un peu, comme ça, la décision va apparaître consciemment."
Peu après, la décision arrive dans mon esprit : "Je décide de regarder telle vidéo. Je lirai le livre juste après."

En pratique, dans la vie de tous les jours, je ne m'embête pas à penser consciemment "mon choix est déterminé" chaque fois que je prends une décision, mais ça ne veut pas dire que, d'habitude, je pense que mon choix ne serait pas déterminé. C'est seulement parce que le fait que mon choix soit déterminé est un ajout d'information qui ne m'aide pas à savoir quelle décision je vais prendre.
Euthyphron a écrit :Plus délicat encore : si tout est déterminé, ma parole qui dit que tout est déterminé l'est aussi, comme la parole d'un robot. Comment faire crédit à la parole d'un automate?
Je ne vois pas où est le problème. Si certains arguments sont pertinents alors, qu'ils soient dits par un automate ou non, ils restent pertinents, non ?
Euthyphron a écrit :
Ucralo a écrit :(A part ça, au cas où un lecteur lise ma citation hors contexte, je précise que j'ai affirmé que la proposition "Si le libre arbitre n'existe pas alors, moralement, il faut supprimer la responsabilité" est fausse.)
Tu fais bien de le préciser, mais comment est-ce possible? Comment penser la responsabilité morale de quelqu'un qui ne pouvait pas faire autrement que ce qu'il a fait? Je conçois bien, dans l'hypothèse déterministe, une responsabilité pénale. On punira pour l'exemple, pas parce que le puni l'a mérité par sa méchanceté. Mais une responsabilité morale? En quoi consiste-t-elle?
Tout repose sur la frontière entre le moi et le non-moi.

Admettons que l'on se représente chaque personne comme une entité immatérielle passive dont les pensées, les joies, les souffrances, etc sont reliées à un corps humain matériel entièrement déterminé par le monde matériel. En gros, chaque personne serait un peu comme un spectateur passif face à un film entièrement déterminé. Dans ce cas, effectivement, il n'y a pas de raison de responsabiliser moralement ceux qui ont eu la malchance de regarder le mauvais film.

Il s'agit d'une représentation dans laquelle les personnes ne sont pas une cause de leur choix. Tout est déterminé par un monde matériel indépendant de ces personnes. Le problème de cette représentation, c'est que les personnes sont dépossédées d'elles-même. On leur a retiré de leur identité leurs valeurs, leurs motivation, etc.

Une autre manière de se représenter les personnes dans un monde déterministe, c'est que ces personnes sont des parties de ce monde déterministe et font partie des chaînes causales.

Par exemple, si quelqu'un décide de brûler des voitures d'honnêtes citoyens parce qu'il veut se défouler et parce qu'il se fiche des malheurs qu'il occasionne, c'est lui qui fait ce choix. C'est lui qui fait le choix dans le sens où, s'il avait eu une autre personnalité, il aurait fait un autre choix. Que cette personnalité soit déterminée ou soit le fruit du hasard, ça ne change rien. Avec cette représentation, je trouve normal de responsabiliser moralement les gens.

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Euthyphron
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Euthyphron »

ZeBrebis,
C'est très simple, peut-être trop, mais j'ai tendance à exiger d'un philosophe qu'il puisse répondre aux objections de bon sens.
1) Mais nous ne sommes pas des nourrissons! Le lait est une métaphore connue de la connaissance je veux bien, mais ce n'est qu'une image. La différence, c'est qu'un adulte peut se poser la question "que dois-je faire?". Et agir en fonction de la réponse qui lui aura semblé la meilleure. Supposons un adulte borné, qui soit par une nécessité de sa nature condamné à ne pas être convaincu par Spinoza, moi par exemple, quel conseil lui donnerais-tu? Aucun, a priori, puisque c'est sa nature qui en décidera. Et impossible pour lui de faire voeu de préférer en tout la vérité, puisque nous ne sommes en rien responsables de nos affections. Pas cool. :(
2) Un automate qui dit "je suis un automate" n'est pas plus dans le vrai qu'un automate qui dit "je suis un être humain", c'est cela que je veux dire. Et un automate qui comprend ce qu'il dit et peut le nuancer ou le corriger en cours de conversation n'est plus un automate.
Je pense que tes réponses sont en effet celles qu'il faut faire quand on veut être déterministe, mais comment peut-on vouloir être déterministe?
Mais mes objections ne sont pas des preuves non plus : la construction de l'esprit "tout est déterminé" peut être imaginée, et tout ce que l'on dira pour manifester son doute se heurtera à "mais c'est parce que tu es déterminé à douter". Je me demande simplement si ceux qui se disent déterministes sont vraiment convaincus de l'être et vivent en conséquence, et si quand ils parlent ou écrivent ils estiment que ce qu'ils disent n'est que le résultat nécessaire de forces conscientes et inconscientes.
ucralo a écrit : Du coup, je propose que j'essaie de décrire un exemple prise de décision tout en prenant en compte que le déterminisme est vrai. Comme ça, tu pourras dire où tu penses qu'il y a un problème.

Dans les instants qui suivent, tous mes choix sont déterminés, mais je ne les connais pas encore.
Soudain, la question "Qu'est-ce que je vais faire dans peu de temps ?" jaillit dans mon esprit.
Cette question me détermine à réfléchir à ce que je vais faire dans peu de temps.
Mes valeurs, mes goûts et mes motivations interviennent dans la construction des idées qui passeront par ma tête.
"Voyons, il se peut que je décide de regarder telle vidéo pour me distraire. Mais il se peut aussi que, à la place, je décide de lire tel livre. Ma décision est déterminée, mais je ne la connais pas encore. Je vais réfléchir encore un peu, comme ça, la décision va apparaître consciemment."
Peu après, la décision arrive dans mon esprit : "Je décide de regarder telle vidéo. Je lirai le livre juste après."
Je me permets de te dire que j'apprécie beaucoup la façon dont tu utilises des exemples. Cela évite à la réflexion de se perdre dans l'énoncé de grands principes métaphysiques.
Ce que tu décris est un exemple standard d'exercice du libre arbitre. Face à une question, tu portes ton attention sur elle, tu évalues les différentes possibilités, et tu choisis. Mais cinq minutes avant sa mort La Palice n'était pas mort! Tes choix ne sont pas déterminés tant qu'ils n'ont pas eu lieu.
Je réponds un peu rapidement à la suite, tant pis si ça me fait dire des bêtises (c'est pas moi c'est ma nature :D !). Sur le problème de l'automate, voir plus haut. Il ne sait pas ce qu'il dit. Donc ce n'est pas vrai pour lui. La parole de l'automate n'est pas plus vraie que ses gestes.
La fin de ton message est capitale, et témoigne de ce que le problème est bien un problème de définition (ce que je n'ai jamais nié). Seul un être disposant du libre arbitre peut se déterminer librement. Il y a effectivement une différence entre celui qui choisit de brûler une voiture et le bidon d'essence qu'il utilise. Seul le premier est responsable, parce qu'il a choisi de le faire, nous sommes d'accord, et c'est cela que j'appelle user de son libre arbitre.

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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par ZeBrebis »

Euthyphron a écrit :ZeBrebis,
C'est très simple, peut-être trop, mais j'ai tendance à exiger d'un philosophe qu'il puisse répondre aux objections de bon sens
1) Mais nous ne sommes pas des nourrissons! Le lait est une métaphore connue de la connaissance je veux bien, mais ce n'est qu'une image. La différence, c'est qu'un adulte peut se poser la question "que dois-je faire?". Et agir en fonction de la réponse qui lui aura semblé la meilleure.

Il me semble que Spinoza voit l'Homme comme un champ de bataille entre ses passions (erreurs) et sa raison (son être véritable, sa nature, à réaliser pleinement). Et il aurait non pas un libre arbitre mais une liberté consistant à avantager le camp qui lui offre la joie en modifiant le terrain de la bataille par la connaissance de cet être à réaliser. Mais ce n'est pas lui qui se bat pour autant et il est toujours théâtre de ces deux camps opposés.

L'image du lait est de lui, pas de moi, sinon ;)
Et c'est ce que j'ai compris en lisant quelques extraits, rien de très consistant. Je le dis parce que cela semble plus ou moins se tenir mais je peux me tromper.

2) Un automate qui dit "je suis un automate" n'est pas plus dans le vrai qu'un automate qui dit "je suis un être humain", c'est cela que je veux dire. Et un automate qui comprend ce qu'il dit et peut le nuancer ou le corriger en cours de conversation n'est plus un automate.
Je pense que tes réponses sont en effet celles qu'il faut faire quand on veut être déterministe, mais comment peut-on vouloir être déterministe?
Mais mes objections ne sont pas des preuves non plus : la construction de l'esprit "tout est déterminé" peut être imaginée, et tout ce que l'on dira pour manifester son doute se heurtera à "mais c'est parce que tu es déterminé à douter". Je me demande simplement si ceux qui se disent déterministes sont vraiment convaincus de l'être et vivent en conséquence, et si quand ils parlent ou écrivent ils estiment que ce qu'ils disent n'est que le résultat nécessaire de forces conscientes et inconscientes.
.
A vrai dire je pense que je n'ai pas bien compris ce que tu attribuais à l'automate. Si pour toi il n'a pas de pensée, alors nous ne sommes pas des automates, qu'on soit ou non déterminés à penser telle chose. On le pense bel et bien, ce ne sont pas des paroles vides de sens pour nous. Simplement, la manière dont on comprend et on pense se fait selon un schéma préétabli.
Est-ce qu'on se comprend mieux ainsi ?

Mais je ne suis pas déterministe, enfin je pense que tout cela est un problème d'identité (ce qui est moi et ce qui ne l'est pas) et qu'il existe bien une forme de liberté permise par la conscience de soi.

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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Boby »

Pour le coup de l'automate, je le traduis par : tout est écrit.
Le souci étant que même si on remonte le temps un jour pour modifier le passé, on peut aussi bien dire que c'est écrit.
On tourne en circuit fermé...
Le libre arbitre, c'est pareil (selon moi).
C'est la raison pour laquelle je disais plus haut que la vérité a ce sujet n'est pas importante.
Comme on ne peut que rester dans l'ignorance, autant croire ce qui nous arrange :-)
Mais je trouve ça intéressant.
Nous verrons cela... Destinée ... ou PAS !

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Euthyphron
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Euthyphron »

Il s'est passé un drôle de truc aujourd'hui. J'ai fait, involontairement bien sûr, l'expérience décisive. La preuve que le libre arbitre existe, c'est qu'on peut en être privé, et ce n'est pas du tout la même chose que d'en disposer. J'ai mal toléré mon traitement, et j'ai connu une demie-heure de délire complet, pendant laquelle j'ai parlé sans être conscient, et bien sûr je n'en ai aucun souvenir. Il paraît que ça fait un peu peur.
J'ai encore un peu le cerveau en capilotade mais ça va mieux. Je reprendrai la discussion quand je serai redevenu tout à fait normal. :-)

helix

Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par helix »

Houla ! t'es pas obligé (enfin si libre-arbitre il y a, c'est pas tout à fait pareil que la conscience d'ailleurs) d'expérimenter sur ta personne. ;)

Je reviendrai plus tard alors, remets-toi bien.

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Boby
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Boby »

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ZeBrebis
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par ZeBrebis »

Navrée d'apprendre ton bad trip Euthyphron...Et voilà, le prof de philo est absent. Il n'y a bien que les "intellos" pour le regretter, et ici c'en est bourré jusqu'à la gueule :lol:

J'ai tenté de mon côté l'expérience de lire Spinoza dans le texte avec mes deux enfants dans les pattes cet aprem, parce que j'ai eu l'affreux sentiment d'avoir répondu n'importe quoi sur sa pensée.
Je pense qu'en effet j'ai du faire un beau contresens, mais je n'ai pas eu l'occasion d'étudier le texte vu les circonstances.
J'ai tout de même été sur le cul de trouver une forme de cours de mathématiques avec propositions et démonstrations.

Une remarque cependant : j'y ai croisé un "donc Dieu existe, CQFD", sur quoi il base le reste de la théorie et je suis ébahie de trouver un tel raffinement dans le travail assorti d'un tel manque de rigueur qu'on prouve l'esprit créateur du monde (avec volonté, ayant fait le monde selon sa volonté).

Quel dommage, j'ai lu des choses vraiment très recherchées. ...

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Boby
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Boby »

Une remarque cependant : j'y ai croisé un "donc Dieu existe, CQFD", sur quoi il base le reste de la théorie et je suis ébahie de trouver un tel raffinement dans le travail assorti d'un tel manque de rigueur qu'on prouve l'esprit créateur du monde (avec volonté, ayant fait le monde selon sa volonté).
Je connais pas mais je suppose qu'il y a avait un raisonnement derrière.
Faudra que je trouve le temps de lire tout ça.
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par ZeBrebis »

Propos. XI. Dieu, c'est-à dire une substance constituée par une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie, existe nécessairement.

Démonstr. Si vous niez Dieu, concevez, s'il est possible, que Dieu n'existe pas. Son essence n'envelopperait donc pas l'existence (par l'Ax. VII). Mais cela est absurde (par la Propos. 17/). Donc Dieu existe nécessairement. C. Q. F. D.

Source

Je ne sais plus où il le dote d'une volonté mais plus loin c'est le cas.

Ah, on me dit dans l'oreillette que le terme "volonté" n'y a pas la définition courante. Il s' agit non d'une volonté libre mais d'une nécessité. Et il n'a pas de volonté hors du monde tel qu'il l'a formé.
Je vais arrêter de lire en diagonale, c'est plus rapide mais peu rentable :roll:

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Kailiana
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Kailiana »

Euthyphron a écrit :Ce n'est pas d'un résumé que nous avons besoin, mais d'une définition, tu l'as dit toi-même. Quelle est ta définition?
(à propos du libre arbitre)
Justement, j'ai du mal à donner une définition, d'autant que, même avec UNE définition, selon la signification exacte qu'on donne aux termes, le résultat n'est pas identique ^^ En fait, je peux même reprendre ta définition à toi : "Le libre arbitre se définit comme la faculté de prendre soi-même ses propres décisions.". Ok. Dans ce cas, effectivement, il y a libre arbitre.
La difficulté est au niveau du "soi-même", et de si on l'inclut dans le déterminisme ou pas.
Si on parle d'un déterminisme extérieur, très matériel, qui n'inclut pas les pensées des gens, alors les deux sont incompatibles et je ne pense pas que le monde soit déterministe.
Si on parle d'un déterminisme réellement universel, qui prend en compte le système de pensée, c'est là que le débat est intéressant, car c'est là que c'est beaucoup moins clair :
- on peut penser que la pensée humaine n'est pas déterminisme, mais dans ce cas, nos décisions viennent d'où ? décision aléatoire (ce que je trouve bien déprimant :D ) ? Machin extérieur au monde ? (ça ne me semble pas si différent que lorsqu'on pense qu'on est le centre du monde :P )
- ou alors, le "soi-même" fonctionne effectivement de manière logique (je veux dire, avec sa propre logique : si on a envie de manger du chocolat, c'est parce qu'on l'a déjà fait avant et que notre corps nous a envoyé des signaux en nous disant que c'est bon).
Le "problème" c'est que, si on considère qu'on a un "machin" qui nous permet de prendre des décisions "librement", il suffit d'intégrer ce mystérieux "machin" dans l'univers considéré.

Je vais essayer de donner une illustration pour faire comprendre ce que je veux dire, mais je sais pas si ce sera plus clair :$

Imaginons un aquarium. C'est notre univers. Des poissons y vivent leur vie. On va dire que ce sont des poissons très bêtes, ou plutôt des poissons artificiels, ce sont des robots-poissons, comme ça tout le monde est d'accord, l'univers de l'aquarium est déterministe (les plantes sont fausses également) et ils n'ont pas besoin de manger (ils ont énergie infinie).
Et puis un jour, une feuille tombe dans l'eau.
Au niveau de l'aquarium, c'était imprévisible : la feuille vient de l'extérieur. Pourtant, si l'univers considéré était la pièce où se trouve l’aquarium (et tout ce qu'il y a dedans), on aurait vu la plante, et la feuille, et la feuille qui fane à cause du temps qui passe, et on aurait pu déterminer que, oui, la feuille allait tomber dans l'eau.

De manière volontaire, je n'ai inclus aucun objet pensant dans l'exemple ; mais je considère que quand on parle de déterminisme universel, on y inclus notre cerveau.
En fait, pour pouvoir répondre à la question, faudrait savoir comment on pense.

Mais de toute façon, comme je le disais (enfin je crois, la conversation a suivi son cours depuis ^^) : le déterminisme, il s'en fou complètement qu'on puisse stocker les données nécessaires à prédire la situation suivante ou pas ; il s'en fiche également si quelqu'un ou pas connait les lois qui "dirigent" tout. Du coup, à notre échelle, ça ne change absolument rien que le monde soit déterminisme : autant faire comme si on était libre, car ça y ressemble sacrément
(ce qui n'enlève rien à l'intérêt de la discussion, hein !)


Pour l'automate, j'ai la même réaction que Ucralo.
Ucralo a écrit :Une autre manière de se représenter les personnes dans un monde déterministe, c'est que ces personnes sont des parties de ce monde déterministe et font partie des chaînes causales.
C'est ce que j'essaie de dire mais là c'est résumé de manière sans doute plus claire ^^ sachant que dans mon cas, par "personne", j'entends aussi bien la personne matérielle que... le truc qui fait qu'on pense, où c'est beaucoup plus flou (pensées, les joies, les souffrances, etc) ; je ne sais absolument pas si c'est matériel ou immatériel, mais, quel qu'il soit, la "manière dont il est stocké" n'a pas de rapport avec savoir si ce "truc" est déterministe ou pas.

Euthyphron a écrit : Un automate qui dit "je suis un automate" n'est pas plus dans le vrai qu'un automate qui dit "je suis un être humain", c'est cela que je veux dire. Et un automate qui comprend ce qu'il dit et peut le nuancer ou le corriger en cours de conversation n'est plus un automate.
Là je ne te suis plus du tout :$ Tu définis quoi par automate exactement ?
Petite aparté d'ailleurs, puisque qu'on parle d'automate : y'a des robots qui apprennent. Si, si ! Genre, un robot qui ne sait pas marcher, au départ il sait juste qu'il peut envoyer telle ou telle impulsion. Il va apprendre ce que permettent les impulsions, puis apprendre à marcher. Tout seul. Si on lui casse une patte, il peut réapprendre à marcher (avec une patte en moins).
Je sais qu'il y a également des expériences de communications qui sont faites, avec des robots qui apprennent à communiquer entre eux, qui "créent un langage", mais c'en est encore au stade de recherche expérimentale, ce sont les tous débuts. Mais tout ça pour dire qu'un robot muni d'une intelligence artificielle pourrait parfaitement nuancer et corriger ses propos en fonction de la réaction de son interlocuteur ; on en est encore très loin de manière pratique, mais c'est imaginable (et par imaginable, j'entends par là que dans x années, si y'a les financements et les intérêts commerciaux, ce sera vraiment faisable en vrai ^^)
Je me demande simplement si ceux qui se disent déterministes sont vraiment convaincus de l'être et vivent en conséquence, et si quand ils parlent ou écrivent ils estiment que ce qu'ils disent n'est que le résultat nécessaire de forces conscientes et inconscientes.
cf plus haut dans mon message : dans la vie de tous les jours, que le monde soit déterministe ou pas, ça change rien, car on ne peut pas prévoir ce qui va arriver. Donc autant faire comme si on était libre de faire ce que l'on souhaite :D
Seul un être disposant du libre arbitre peut se déterminer librement.
là c'est pareil, sur le "déterminer librement", je ne suis absolument pas ce que tu veux dire :$

Récupère bien, le sujet ne va pas s'envoler pendant ce temps :D

helix

Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par helix »

Euthyphron a écrit : Quant à l'argument dont tu reconnais toi-même qu'il n'en est pas un, il n'est pas si mauvais, surtout si on prend bien garde aux "toutes choses égales d'ailleurs". S'il faut faire une petite confession afin de compenser le fait que je livre assez peu mon opinion sur ce fil, je dirai que Spinoza est un génie avec qui j'ai définitivement rompu (après l'avoir adoré) à l'âge de 20 ans. Ce n'est pas tout à fait pareil, pour moi, qu'un imbécile! Donc cet argument a de l'intérêt, pourvu qu'on n'en fasse pas une preuve, et j'apprécie que tu l'aies signalé à son exacte valeur. Mais il n'est pas nécessaire d'être déterministe pour être du parti de la joie. :rofl:
Oui, c'était bien ma tentative de réponse à tes objections. Et quand on y pense, ça se rapproche pas mal de la réponse de Socrate quant à la vertu dans Ménon, ou quant au meilleur rôle d'Eros (ou à peu près) dans le Banquet, qu'il va demander à Diotime. Pas de Sophia sans affection ;)
Euthyphron a écrit : J'ai lu ton lien. Bon, j'essaie de trouver un équilibre sur ces fils que je lance, entre faire le chef d'orchestre et ne pas être trop intrusif. Je ne sais pas si l'étude critique de ce texte (de Kliban, c'est ça? ou de Joëlle Proust?) serait une bonne idée, j'ai peur que cela ne bloque la discussion, mais à tout hasard au cas où tu te sentirais la vocation de le défendre j'avoue que j'ai un certain nombre de critiques à lui faire, même si j'aime bien la méthode.
Oui, je trouve que c'est toujours intéressant de regarder un problème sur plusieurs dimensions. Bon, l'objection que je lui ferais par contre, c'est que ces 3 variables (les trois axes : ça-eux-lemonde, je-sujet, et tu-nous) ne sont pas indépendantes. Je est une part du monde, sans transcendance si on est d'accord avec le monisme de Spinoza, et par ailleurs il n'y a pas de je, aucun esprit possible ni conscience, sans relation aux autres et au monde. Alors c'est difficile de penser que toutes les combinaisons soient possibles et indépendantes d'un axe à l'autre.

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Euthyphron
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Re: libre arbitre ou déterminisme? Sartre vs.Spinoza

Message par Euthyphron »

Kailiana a écrit :Justement, j'ai du mal à donner une définition, d'autant que, même avec UNE définition, selon la signification exacte qu'on donne aux termes, le résultat n'est pas identique ^^ En fait, je peux même reprendre ta définition à toi : "Le libre arbitre se définit comme la faculté de prendre soi-même ses propres décisions.". Ok. Dans ce cas, effectivement, il y a libre arbitre.
Je repars d'ici, parce que je crois que le temps est venu maintenant d'expliquer un peu mes arrière-pensées quant aux problèmes de définition.
Dans ce cas il y a libre arbitre, dis-tu. Je te remercie de le signaler, cela fait gagner du temps. Il faut donc juste savoir si ma définition est la bonne. Or, il circule un peu partout une définition totalement différente. Elle dit que le libre arbitre est le pouvoir de décider d'agir sans cause ni motif. Appelons-la défA, et la mienne défB.
Il est agaçant de voir que tout dépend du choix de définition préalable, car si on admet défA, le libre arbitre est quelque chose de totalement irrationnel. Comment agir sans cause ni motif? Quand bien même on le pourrait, ce serait pour le motif d'agir sans motif, donc il y a toujours un motif. C'est évident. Et c'est pour cela que défA n'est pas valable :
1) aucun partisan du libre arbitre ne défend défA (je laisse de côté quelques cas de discussions scolastiques qui en traite comme d'un cas limite, souvent appelé liberté d'indifférence, et que Descartes, partisan du libre arbitre, nomme "le plus bas degré de liberté")
2) on est plus libre quant on agit en ayant de bonnes raisons de le faire que quand on agit en étant démotivé
3) le rejet du libre arbitre suivant défA n'entraîne pas la vérité du déterminisme, puisque il existe la possibilité que le libre arbitre existe selon défB
Voici les raisons pour lesquelles je réclame le droit de partir de défB. Mais défB, cette fois, n'a-t-elle pas le défaut symétrique de donner forcément raison aux partisans du libre arbitre? DfB a le mérite de renvoyer à l'expérience ordinaire. Mais il se pourrait que certains traitent celle-ci comme une illusion.
Voici donc ce que devient la question. Qu'est-ce que ça veut dire de considérer l'expérience ordinaire de la décision libre comme une illusion?
Cela veut dire que aux yeux de quelqu'un qui saurait tout, qui connaîtrait les moindres détails de ce qui a conduit à telle décision, celle-ci apparaîtrait comme étant la seule possible, comme résultant nécessairement de tout ce qui l'a précédé et que connaît l'observateur omniscient. Il s'ensuit que :
1) défB laisse sa chance au déterminisme, alors que défA ne laissait pas sa chance au libre arbitre
2) il n'y a pas à s'étonner de voir Dieu dans cette affaire, car seul Dieu est Omniscient, par définition. Mais ceci dit être divisé en deux épisodes : le dieu des monothéismes d'abord, puis sa subversion totale par Spinoza, pour qui Dieu devient la Nature, ou le grand Tout.
Premier épisode : les hommes sont libres, sans quoi il ne servirait à rien de les exhorter à bien se conduire, et les punitions seraient injustes. Mais Dieu sait tout, sinon il n'est pas Dieu. Donc, Dieu sait tout ce que je vais faire, même librement, et avant même que je sois, a déterminé pour moi ma destinée. Libre arbitre et prédestination sont comme les deux bouts de la chaîne qu'il faut tenir en même temps (je crois que cette image est de Bossuet). Bon, disons pour n'offenser personne qu'il y a là un mystère. C'est bien ainsi qu'un croyant l'envisage, d'ailleurs.
Donc, ma liberté n'échappe pas au savoir absolu. Mais comme elle existe, je suis bien libre. La manière dont Dieu connaît ce que l'homme ne peut connaître, par définition, nous échappe.
Deuxième épisode : remplaçons Dieu par un être sans libre arbitre, sans caprice possible, sans hésitation, formons une idée totalement rationnelle de Dieu et démontrons tout à partir de là, afin d'atteindre au savoir absolu, seul horizon légitime de la connaissance. Vous reconnaissez Spinoza. Dieu est la nécessité universelle, à laquelle nous concourrons y compris par nos décisions, qui ne sont donc des choix entre plusieurs possibles qu'en apparence.
Ainsi notre question peut s'écrire sous cette nouvelle alternative : ou bien le libre arbitre est une illusion, ou bien c'est l'horizon du savoir absolu qui en est une.
Il faudrait savoir comment l'on pense, dis-tu. Mais d'une certaine manière nous savons, je veux dire que nous en faisons régulièrement l'expérience! et nous expérimentons ainsi notre capacité à décider.
Mais peut-être attends-tu autre chose, une sorte de plongée dans le cerveau, montrant non seulement tout ce qui s'y passe, mais aussi pourquoi ce qui s'y passe est lié à telle décision, mais aussi quelle est la nature de ce lien, mais aussi quelle décision aurait été prise si autre chose s'était passé dans le cerveau, etc. Je crois que nous retrouvons là l'illusion du savoir absolu, dont on dit (un peu vite) que les sciences l'abandonnent depuis Gödel et Heisenberg (je ne m'y connais pas assez pour garantir que ce soit une bonne interprétation de leur oeuvre respectif). Et si nous renoncions à vouloir regarder les choses du regard de l'Omniscient?

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