La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
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La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
La proto-histoire me fascine prodigieusement ces derniers temps et j'ai développé une forme profonde d'amour pour la civilisation mégalithique, cette grande inconnue. Je souhaite ici synthétiser et partager mes explorations et découvertes voir avec vous si cet intérêt peut progresser
De qui parlons-nous ? D'une civilisation tellement mystérieuse qu'elle n'a pas de nom, d'une culture de tradition orale dont aucun des récits fondateurs ne sont parvenus jusqu'à nous sinon sous des formes altérées par les civilisations postérieures. Elle a été baptisée selon sa plus grande réalisation : l'élévation de menhirs et de dolmens un peu partout en Europe de l'Ouest.
Oubliez l'image d'Épinal d'Obélix portant son menhir, à aucun instant les Celtes n'ont érigés de menhirs ce ne sont pas eux. Lorsque les Celtes sont apparus, toutes les grandes pierres avaient déjà été dressées et ils n'avaient aucune idée du pourquoi ni du comment. Les Celtes ont réutilisé les cromlechs et les autres pierres comme des lieux sacrés mais simplement par opportunisme, les Druides n'ont laissé transparaître aucune forme de connaissance sur une civilisation précédente. Et personne après la civilisation mégalithique n'a recommencé à dresser des pierres en Europe.
Un point sémantique pour commencer : mégalithique est un terme parlant, méga "grande taille" et lithos "la pierre" en grec. "Ceux des grandes pierres". Un point proto-historique/historique ensuite, pour situer la temporalité. La séquence suivante correspond à l'état de l'art de la connaissance actuelle, il peut y avoir des erreurs dont nous n'avons pas encore conscience.
Sapiens est apparu il y a environ 300.000 ans, en Afrique, et il a cohabité longtemps avec d'autres espèces d'Homo, notamment avec Homo Erectus, avec l'Homme de Néanderthal (très présent en Europe) et avec l'Homme de Denisova (très présent en Asie). Toutes les autres espèces d'Hommes se sont éteintes et Sapiens s'est étendu peu à peu dans tous les continents.
En aparté très rapide, l'histoire des amérindiens est passionnante. L'Amérique est le dernier continent à avoir été colonisé par Sapiens et il s'agit d'une branche des steppes chinoises qui est montée vers le Nord, à découvert le détroit de Béring puis a été surprise par une glaciation qui les a isolés pendant près d'un millénaire en Béringie (comme c'était une terre, elle porte un nom). Puis lors du dégel se sont-ils avancés en Amérique et une partie est allée explorer le Nord, formant les Inuits, tandis que l'autre a descendu la côte ouest américaine jusqu'en Californie. Là, ils se sont séparés de nouveau pour former les amérindiens (partisans de rester par là) et les sudaméricains (partisans d'explorer encore la côte ouest). Ces derniers ont continué leur descente et se sont ensuite séparés également entre Incas, Mayas, Aztèques etc. Mais tous sont descendants de ce peuple resté isolé un millénaire en Béringie. La proto-histoire.
Mais revenons à nos moutons. Vers -45.000 les Sapiens entrent en Europe et ce sont des chasseurs-cueilleurs, ceux que l'on désigne habituellement par le nom EEMH (Early Europeans Modern Humans). Nous sommes au Paléolithique ("la pierre ancienne") et il est frappant de constater les ponts entre le Jardin d'Eden et la vie des chasseurs-cueilleurs. La vie était courte et dangereuse certes, mais la nourriture était abondante et les chasseurs-cueilleurs "travaillaient" deux ou trois heures par jour pour nourrir tout le monde, puis passaient le reste de leur temps à profiter de la vie collective et des nuits étoilées. En moyenne, les chasseurs-cueilleurs sont plus grands et en meilleure santé que les agriculteurs du Néolithique ("la pierre nouvelle") qui vont bientôt arriver. Le groupe des chasseurs-cueilleurs européens a eu une extension spatiale centrée autour des Alpes, du Bosphore aux Colonnes d'Hercule globalement. Des groupes sont montés vers la Scandinavie et ont divergés.
La dernière carte représente l'Europe environ entre -115.000 et -12.000. Il s'agit de la glaciation de Würms. La proto-histoire s'articule autour du climat, des espèces présentes identifiées via la génétique et de l'expression culturelle retrouvée par l'archéologie, c'est un domaine pluridisciplinaire par nécessité.
Les chasseurs-cueilleurs européens sont souvent appelées "cro-magnons" mais il s'agit d'un terme abusif sans fondement scientifique, comme "légumes". Ce sont des Sapiens. Le Sud-Ouest de la France a eu une importance particulière pour les chasseurs-cueilleurs européens puisque c'est ici que nous avons retrouvé les premières traces culturelles d'importance et avant tout la Dame de Brassempouy. Voici la première représentation connue d'un visage humain par Sapiens, vers -25.000.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dame_de_Brassempouy
Ce sont ensuite ces mêmes chasseurs-cueilleurs qui vont peindre la grotte de Lascaux vers -20.000 et la qualité des dessins permet un aperçu de l'esprit de leurs créateurs.
Puis apparaît au Moyen-Orient la Révolution Néolithique, l'agriculture est découverte vers -9.000 et le concept s'étend rapidement alentours. A noter ici une idée qui m'a toujours amusée : et si nous avions été domestiqués par le blé ? Puisque nous avons fondé nos sociétés sur la façon de choyer, de protéger et de répandre cette plante. Au fond, c'est elle qui a gagné. Surtout que les animaux domestiques sont toujours plus petits et en moins bonne santé que les animaux sauvages et c'est exactement ce que nous observons entre les chasseurs-cueilleurs "sauvages" et les fermiers du néolithique "domestiqués". Peu importe.
En Anatolie (actuelle Turquie) des Sapiens maîtrisant l'agriculture sont partis en masse vers l'ouest, le groupe EEF ("Early European Farmers"). Il s'agissait initialement de chasseurs-cueilleurs européens ayant subi une dérive génétique vers -10.000 et ils se sont implantés en Grèce vers -7.000 avant de continuer leur expansion pacifique, jusqu'à toucher le Sud-Ouest Français vers -5.000. L'histoire de la Grèce mériterait un aparté rapide également, la Grèce a connu un premier âge d'or à cet instant : l'époque mythologique d'Agamemnon, du Roi Minos et sans doute du mythe de l'Atlantide qui connaîtra un regain de vigueur à l'époque historique du IVe siècle a.v J.C. L'arrivée de l'agriculture dans les sociétés européennes de chasseurs-cueilleurs a provoquée des âges d'or antiques. Il est important de comprendre que l'histoire des Grecs antiques est scindée en deux parties. Une première période sans écriture, vers -7.000 qui a donné naissance aux légendes que nous connaissons, par leur second âge d'or vers -400. Entre les deux périodes se trouve l'invasion violente des indo-européens.
Les fermiers anatoliens s'étendent vers l'Europe de l'Ouest et s'installent surtout autour des Alpes et au pied du Massif Central. Mais leur influence et l'agriculture se transmettent culturellement aux chasseurs-cueilleurs européens et les gènes se mélangent. Et c'est ainsi que naît la civilisation mégalithique.
De qui parlons-nous ? D'une civilisation tellement mystérieuse qu'elle n'a pas de nom, d'une culture de tradition orale dont aucun des récits fondateurs ne sont parvenus jusqu'à nous sinon sous des formes altérées par les civilisations postérieures. Elle a été baptisée selon sa plus grande réalisation : l'élévation de menhirs et de dolmens un peu partout en Europe de l'Ouest.
Oubliez l'image d'Épinal d'Obélix portant son menhir, à aucun instant les Celtes n'ont érigés de menhirs ce ne sont pas eux. Lorsque les Celtes sont apparus, toutes les grandes pierres avaient déjà été dressées et ils n'avaient aucune idée du pourquoi ni du comment. Les Celtes ont réutilisé les cromlechs et les autres pierres comme des lieux sacrés mais simplement par opportunisme, les Druides n'ont laissé transparaître aucune forme de connaissance sur une civilisation précédente. Et personne après la civilisation mégalithique n'a recommencé à dresser des pierres en Europe.
Un point sémantique pour commencer : mégalithique est un terme parlant, méga "grande taille" et lithos "la pierre" en grec. "Ceux des grandes pierres". Un point proto-historique/historique ensuite, pour situer la temporalité. La séquence suivante correspond à l'état de l'art de la connaissance actuelle, il peut y avoir des erreurs dont nous n'avons pas encore conscience.
Sapiens est apparu il y a environ 300.000 ans, en Afrique, et il a cohabité longtemps avec d'autres espèces d'Homo, notamment avec Homo Erectus, avec l'Homme de Néanderthal (très présent en Europe) et avec l'Homme de Denisova (très présent en Asie). Toutes les autres espèces d'Hommes se sont éteintes et Sapiens s'est étendu peu à peu dans tous les continents.
En aparté très rapide, l'histoire des amérindiens est passionnante. L'Amérique est le dernier continent à avoir été colonisé par Sapiens et il s'agit d'une branche des steppes chinoises qui est montée vers le Nord, à découvert le détroit de Béring puis a été surprise par une glaciation qui les a isolés pendant près d'un millénaire en Béringie (comme c'était une terre, elle porte un nom). Puis lors du dégel se sont-ils avancés en Amérique et une partie est allée explorer le Nord, formant les Inuits, tandis que l'autre a descendu la côte ouest américaine jusqu'en Californie. Là, ils se sont séparés de nouveau pour former les amérindiens (partisans de rester par là) et les sudaméricains (partisans d'explorer encore la côte ouest). Ces derniers ont continué leur descente et se sont ensuite séparés également entre Incas, Mayas, Aztèques etc. Mais tous sont descendants de ce peuple resté isolé un millénaire en Béringie. La proto-histoire.
Mais revenons à nos moutons. Vers -45.000 les Sapiens entrent en Europe et ce sont des chasseurs-cueilleurs, ceux que l'on désigne habituellement par le nom EEMH (Early Europeans Modern Humans). Nous sommes au Paléolithique ("la pierre ancienne") et il est frappant de constater les ponts entre le Jardin d'Eden et la vie des chasseurs-cueilleurs. La vie était courte et dangereuse certes, mais la nourriture était abondante et les chasseurs-cueilleurs "travaillaient" deux ou trois heures par jour pour nourrir tout le monde, puis passaient le reste de leur temps à profiter de la vie collective et des nuits étoilées. En moyenne, les chasseurs-cueilleurs sont plus grands et en meilleure santé que les agriculteurs du Néolithique ("la pierre nouvelle") qui vont bientôt arriver. Le groupe des chasseurs-cueilleurs européens a eu une extension spatiale centrée autour des Alpes, du Bosphore aux Colonnes d'Hercule globalement. Des groupes sont montés vers la Scandinavie et ont divergés.
La dernière carte représente l'Europe environ entre -115.000 et -12.000. Il s'agit de la glaciation de Würms. La proto-histoire s'articule autour du climat, des espèces présentes identifiées via la génétique et de l'expression culturelle retrouvée par l'archéologie, c'est un domaine pluridisciplinaire par nécessité.
Les chasseurs-cueilleurs européens sont souvent appelées "cro-magnons" mais il s'agit d'un terme abusif sans fondement scientifique, comme "légumes". Ce sont des Sapiens. Le Sud-Ouest de la France a eu une importance particulière pour les chasseurs-cueilleurs européens puisque c'est ici que nous avons retrouvé les premières traces culturelles d'importance et avant tout la Dame de Brassempouy. Voici la première représentation connue d'un visage humain par Sapiens, vers -25.000.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dame_de_Brassempouy
Ce sont ensuite ces mêmes chasseurs-cueilleurs qui vont peindre la grotte de Lascaux vers -20.000 et la qualité des dessins permet un aperçu de l'esprit de leurs créateurs.
Puis apparaît au Moyen-Orient la Révolution Néolithique, l'agriculture est découverte vers -9.000 et le concept s'étend rapidement alentours. A noter ici une idée qui m'a toujours amusée : et si nous avions été domestiqués par le blé ? Puisque nous avons fondé nos sociétés sur la façon de choyer, de protéger et de répandre cette plante. Au fond, c'est elle qui a gagné. Surtout que les animaux domestiques sont toujours plus petits et en moins bonne santé que les animaux sauvages et c'est exactement ce que nous observons entre les chasseurs-cueilleurs "sauvages" et les fermiers du néolithique "domestiqués". Peu importe.
En Anatolie (actuelle Turquie) des Sapiens maîtrisant l'agriculture sont partis en masse vers l'ouest, le groupe EEF ("Early European Farmers"). Il s'agissait initialement de chasseurs-cueilleurs européens ayant subi une dérive génétique vers -10.000 et ils se sont implantés en Grèce vers -7.000 avant de continuer leur expansion pacifique, jusqu'à toucher le Sud-Ouest Français vers -5.000. L'histoire de la Grèce mériterait un aparté rapide également, la Grèce a connu un premier âge d'or à cet instant : l'époque mythologique d'Agamemnon, du Roi Minos et sans doute du mythe de l'Atlantide qui connaîtra un regain de vigueur à l'époque historique du IVe siècle a.v J.C. L'arrivée de l'agriculture dans les sociétés européennes de chasseurs-cueilleurs a provoquée des âges d'or antiques. Il est important de comprendre que l'histoire des Grecs antiques est scindée en deux parties. Une première période sans écriture, vers -7.000 qui a donné naissance aux légendes que nous connaissons, par leur second âge d'or vers -400. Entre les deux périodes se trouve l'invasion violente des indo-européens.
Les fermiers anatoliens s'étendent vers l'Europe de l'Ouest et s'installent surtout autour des Alpes et au pied du Massif Central. Mais leur influence et l'agriculture se transmettent culturellement aux chasseurs-cueilleurs européens et les gènes se mélangent. Et c'est ainsi que naît la civilisation mégalithique.
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
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Le Palais de Mycènes :
Les Peuples de la Mer sont également une grande inconnue et il est possible qu'ils soient liés à la civilisation mégalithique, puisque provenant de l'endroit où celle-ci était implantée et venait de disparaître (les Peuples de la Mer se sont déplacés avec femmes et enfants). Mais tout cela est encore très mystérieux pour nos chercheurs et nous avons peu de certitudes. Si le sujet vous intéresse, c'est un bon point d'entrée : https://fr.wikipedia.org/wiki/Peuples_de_la_mer
En tout cas cette invasion maritime de 1200 av. J.C a marqué un point d'arrêt entre la Grèce archaïque et la Grèce classique, le début d'une sorte d'âge sombre de deux siècles durant lequel les savoirs ont été perdus et les histoires sont devenues des mythologies jusqu'au retour de la civilisation et l'apparition de la langue grecque telle que nous la connaissons, vers le premier millénaire av. J.C. Il y a bien eu une coupure franche dans l'histoire de la Grèce antique et l'existence des Peuples de la Mer pourrait faire partie de notre corpus historique classique, au même titre que les Grecs, les Hittites et les Egyptiens.
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Mais revenons en Europe de l'Ouest, bien avant l'existence des indo-européens. Le monde connu est encore en paix et vers le cinquième millénaire av. J.C la révolution néolithique touche pacifiquement les chasseurs-cueilleurs européens, ceux-ci se mélangent puis se sédentarisent. Et... Nous avons très peu d'informations. De l'aveu même d'un archéologue interrogé, la fin du néolithique n'intéresse pas grand monde. Les chercheurs adorent le paléolithique, l'origine de l'espèce ainsi que l'âge du bronze et les débuts de l'Histoire concrète mais une civilisation intermédiaire de tradition orale, comme la civilisation mégalithique, ça ne soulève pas les financements. S'il existe un spécialiste parmi vous et si vous connaissez des papiers ou des études de qualité, je suis plus que preneur. Je n'ai que quelques mois de recul sur une recherche amatrice.
Une seule vraie certitude : la civilisation mégalithique disposait d'une connaissance astronomique de haute volée. Il s'agit d'un caractère que l'on retrouve souvent dans les civilisations proto-historiques et sans trop m'avancer je pense que cela vient des dizaines de millénaires d'observation hérités des chasseurs-cueilleurs. Si l'on considère cinq générations humaines par siècle et par exemple pour l'Europe quarante-mille ans d'existence avant la sédentarisation. Cela veut dire deux-mille générations d'être humains disposant d'assez de temps libre pour observer les étoiles et les saisons. Et il n'y pas de différence génétique fondamentale entre les Sapiens d'il y a 40.000 ans et nous. Ils avaient peu ou prou les mêmes cerveaux, simplement leur socle de connaissance initiale était beaucoup plus réduit. Mais il y a fort à parier qu'ils ont eu leurs Léonard de Vinci et leurs Albert Einstein autant que nous et sur une période beaucoup plus prolongée. Cf les peintures de Lascaux pour imaginer leurs consciences.
Et nous observons aujourd'hui une adhérence très forte entre la disposition des monuments mégalithiques et l'astronomie. Stonehenge est l'apogée de cette civilisation, la réalisation la plus aboutie mais j'y reviendrai plus tard. Dans l'ensemble il ne semble pas y avoir réellement d'unité d'ensemble entre les différents monuments. Les Dolmens et les Tumulus peuvent être des tombes mais ils ne sont pas toujours des tombes et parfois, ce sont des tombes mais plus tardives, postérieures à la construction de l'édifice. Réutilisés par d'autres. Aujourd'hui en Inde existe encore une tradition mégalithique et celle-ci consiste à dresser un Menhir lors d'un évènement particulier, surtout lors des mariages. En règle générale, les Menhirs anciens en Europe n'ont pas vraiment de sens même astronomique. Tandis que très souvent, lorsqu'un Dolmen est construit celui-ci obéit à des règles astronomiques précises. Ils sont orientés selon la course du Soleil et ont tendance à marquer d'un phénomène physique les solstices. Lors du solstice d'été ou du solstice d'hiver, le Soleil pénètre l'édifice pour éclairer l'intérieur ou un endroit particulier.
Et chaque fois que je lis ça, je ne peux m'empêcher d'imaginer un prêtre ou une prêtresse de l'époque au fait des phénomènes astronomiques, qui annonce à sa tribu qu'il ou elle va réaliser un miracle : l'incantation du Soleil. Puisque les monuments ont été construits spécifiquement pour être orientés vers les solstices, chaque année au même instant la lumière va tomber au même endroit et ça ne dépend de personne sinon du génie des créateurs initiaux. Alors, exactement au même instant chaque année, une personne initiée peut convier tout le monde à observer son rituel d'incantation et constater de leurs propres yeux le résultat de sa magie : la lumière apparaît à l'endroit prédit. Le miracle est en fait un phénomène physique répétable d'années en années et qui permet de pérenniser le pouvoir d'une élite religieuse douée d'astronomie. J'ai ça dans la tête, en ce moment.
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Cependant, s'il n'y a pas d'unité parfaite et de logique exacte entre tous les monuments mégalithiques d'Europe, tous ont un air de famille. Le terme de "civilisation mégalithique" est peut-être abusif et d'ailleurs, si vous ouvrez la page wikipédia de n'importe quel monument mégalithique vous n'aurez jamais de lien vers la description de ses bâtisseurs. Il est possible qu'il s'agisse d'une aire culturelle plus que d'une civilisation unique, un ensemble de peuples distincts reliés par une unité religieuse et/ou culturelle. L'existence des Peuples de la Mer par exemple, pourrait plaider pour une coalition de peuples. La survivance des Basques en tant que peuple unique et cohérent est également un argument. Les Basques sont un élément important, en tant que survivants de la proto-histoire. La notion d'un possible matriarcat mégalithique sera étudiée un peu plus loin et les Basques en sont une piste, ce sont quasiment les seuls en Europe a avoir conservés une langue et des légendes antérieures aux indo-européens. Un témoignage précieux.
En attendant, les monuments mégalithiques se retrouvent un peu partout en Europe de l'Ouest, surtout sur les côtes et tous construits à la même période, entre -5.000 et -2.000.
Je vais continuer d'utiliser le terme de "civilisation mégalithique" comme s'il s'agissait d'une seule civilisation unique mais je pense qu'il s'agit probablement d'une aire culturelle unifiée par une religion ou des croyances communes et surtout, par le commerce. En soi ce sont tous les descendants des mêmes chasseurs-cueilleurs qui étaient en contact auparavant, déjà, au paléolithique se trouvait entre eux un commerce significatif avec des lieux d'extractions du silex et des routes permettant de les exporter vers les lieux de vie lointains. Il n'y pas de consensus sur "civilisation" ou "aire culturelle".
La dernière carte est très intéressante parce qu'elle donne les dates d'apparitions des monuments. Autant le Sud-Ouest de la France était la référence culturelle du monde paléolithique européen, autant cette fois c'est la Bretagne néolithique qui est le nouvel épicentre culturel. Les mégalithes les plus anciens d'Europe sont bretons et le site de Carnac a tous les atours de la démesure antique propre à fonder un centre de référence mythologique.
Il reste 3.000 menhirs environ sur place, mais on estime le nombre initial à 10.000 et aucun autre endroit sur Terre ne peut rivaliser, ni de près, ni de loin avec une telle concentration. Des structures uniques et massives seront construites ailleurs, en Angleterre surtout mais plus tard et dans un contexte différent. A l'origine de la civilisation mégalithique se trouve la Bretagne et il est possible que le phénomène d'indépendantisme breton qui traverse les âges trouve sa justification ici. La Bretagne n'est pas une région ordinaire, elle fut centrale dans l'histoire du continent. Surtout, autour de Carnac se trouvaient des sites d'exploitation de sel marin, une technique néolithique différente des marais-salants que l'on connaît, primitive mais efficace. Et quand l'on sait l'importance du sel dans le monde antique (en Français moderne nous parlons toujours de "payer en sel" lorsque nous utilisons le terme de "salaire") il n'est pas surprenant que le commerce ait pu être un atout local de choix. Le sel permet la conservation et c'est à l'époque l'unique moyen de conserver la viande et le poisson. Et la Bretagne était un centre de production majeur de sel.
Puis, si l'on part de la Bretagne comme épicentre des constructions de mégalithes vers -4.700 alors pouvons nous observer une expansion culturelle selon deux axes : via la navigation, avec le nord de l'Espagne, le Portugal puis l'Andalousie, la Corse, la Sardaigne et la Sicile (et en parallèle les iles anglo-normandes) puis via les routes commerciales terrestres, vers le bassin culturel du Sud-Ouest jusqu'au nord de l'Italie. Le monde scandinave aura une influence plus tardive mais significative. Ce qui veut dire que la civilisation mégalithique était versée dans la navigation puisque sa route maritime est plus rapide que sa route terrestre. Et de nouveau, cela coïncide avec la notion des Peuples de la Mer. Une civilisation de navigateurs.
Nous avons donc maintenant, entre -5.000 et -2.000, une aire culturelle pacifique ayant des aspects d'unification puisque nous retrouvons la même logique architecturale un peu partout en Europe de l'Ouest, minorée par des différences locales sur l'orientation des monuments et la façon de les construire. Un commerce existait entre tous ces sites, puisque des artefacts portugais ou alpins se retrouvent en Bretagne (nous sommes toujours à l'époque de la pierre polie, nous parlons ici surtout de jade et de pierres volcaniques). Je vous le certifie, c'est une civilisation passionnante et je suis stupéfait d'être passé à côté toute mon enfance et mon adolescence. Je n'ai pas trouvé de récit unifié de son histoire pour l'instant.
Un point sémantique rapide, avant d'étudier en détails quelques monuments particuliers :
Menhir : une pierre dressée.
Alignement : plusieurs menhirs alignés.
Dolmen : une pierre horizontale posée sur des menhirs.
Allée couverte : plusieurs dolmens alignés.
Tumulus : terme générique pour désigner un dolmen ou une allée couverte dissimulés sous de la matière (Tertre ou Cairn).
— Tertre : un tumulus recouvert de terre.
— Cairn : un tumulus recouvert de pierre.
Cromlech : un cercle de menhirs.
En attendant, les monuments mégalithiques se retrouvent un peu partout en Europe de l'Ouest, surtout sur les côtes et tous construits à la même période, entre -5.000 et -2.000.
Je vais continuer d'utiliser le terme de "civilisation mégalithique" comme s'il s'agissait d'une seule civilisation unique mais je pense qu'il s'agit probablement d'une aire culturelle unifiée par une religion ou des croyances communes et surtout, par le commerce. En soi ce sont tous les descendants des mêmes chasseurs-cueilleurs qui étaient en contact auparavant, déjà, au paléolithique se trouvait entre eux un commerce significatif avec des lieux d'extractions du silex et des routes permettant de les exporter vers les lieux de vie lointains. Il n'y pas de consensus sur "civilisation" ou "aire culturelle".
La dernière carte est très intéressante parce qu'elle donne les dates d'apparitions des monuments. Autant le Sud-Ouest de la France était la référence culturelle du monde paléolithique européen, autant cette fois c'est la Bretagne néolithique qui est le nouvel épicentre culturel. Les mégalithes les plus anciens d'Europe sont bretons et le site de Carnac a tous les atours de la démesure antique propre à fonder un centre de référence mythologique.
Il reste 3.000 menhirs environ sur place, mais on estime le nombre initial à 10.000 et aucun autre endroit sur Terre ne peut rivaliser, ni de près, ni de loin avec une telle concentration. Des structures uniques et massives seront construites ailleurs, en Angleterre surtout mais plus tard et dans un contexte différent. A l'origine de la civilisation mégalithique se trouve la Bretagne et il est possible que le phénomène d'indépendantisme breton qui traverse les âges trouve sa justification ici. La Bretagne n'est pas une région ordinaire, elle fut centrale dans l'histoire du continent. Surtout, autour de Carnac se trouvaient des sites d'exploitation de sel marin, une technique néolithique différente des marais-salants que l'on connaît, primitive mais efficace. Et quand l'on sait l'importance du sel dans le monde antique (en Français moderne nous parlons toujours de "payer en sel" lorsque nous utilisons le terme de "salaire") il n'est pas surprenant que le commerce ait pu être un atout local de choix. Le sel permet la conservation et c'est à l'époque l'unique moyen de conserver la viande et le poisson. Et la Bretagne était un centre de production majeur de sel.
Puis, si l'on part de la Bretagne comme épicentre des constructions de mégalithes vers -4.700 alors pouvons nous observer une expansion culturelle selon deux axes : via la navigation, avec le nord de l'Espagne, le Portugal puis l'Andalousie, la Corse, la Sardaigne et la Sicile (et en parallèle les iles anglo-normandes) puis via les routes commerciales terrestres, vers le bassin culturel du Sud-Ouest jusqu'au nord de l'Italie. Le monde scandinave aura une influence plus tardive mais significative. Ce qui veut dire que la civilisation mégalithique était versée dans la navigation puisque sa route maritime est plus rapide que sa route terrestre. Et de nouveau, cela coïncide avec la notion des Peuples de la Mer. Une civilisation de navigateurs.
Nous avons donc maintenant, entre -5.000 et -2.000, une aire culturelle pacifique ayant des aspects d'unification puisque nous retrouvons la même logique architecturale un peu partout en Europe de l'Ouest, minorée par des différences locales sur l'orientation des monuments et la façon de les construire. Un commerce existait entre tous ces sites, puisque des artefacts portugais ou alpins se retrouvent en Bretagne (nous sommes toujours à l'époque de la pierre polie, nous parlons ici surtout de jade et de pierres volcaniques). Je vous le certifie, c'est une civilisation passionnante et je suis stupéfait d'être passé à côté toute mon enfance et mon adolescence. Je n'ai pas trouvé de récit unifié de son histoire pour l'instant.
Un point sémantique rapide, avant d'étudier en détails quelques monuments particuliers :
Menhir : une pierre dressée.
Alignement : plusieurs menhirs alignés.
Dolmen : une pierre horizontale posée sur des menhirs.
Allée couverte : plusieurs dolmens alignés.
Tumulus : terme générique pour désigner un dolmen ou une allée couverte dissimulés sous de la matière (Tertre ou Cairn).
— Tertre : un tumulus recouvert de terre.
— Cairn : un tumulus recouvert de pierre.
Cromlech : un cercle de menhirs.
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- Présentation : [url=https://adulte-surdoue.fr/viewtopic.php?f=9&p=279551#p279551]Tel Monsieur Jourdain...[/url]
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Passionnant tout cela @fugace.
Merci du partage
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Cioran
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Merci Swinn, le sujet me tient à cœur la découverte est récente pour moi mais tellement incroyable que je me dois de la partager. Je ne maîtrise pas tout encore et de l'écrire m'oblige à sécuriser la qualité des informations, sinon mon côté romantique s'emporte et je peux tout miser sur une idée et une seule simplement parce qu'elle est belle. Il y'a beaucoup d'incertitudes dans cette grande inconnue et je vous fais confiance pour saisir les probabilités derrière les possibilités que je présente.
Pour la façon néolithique d'extraire du sel de l'eau de mer, il s'agit de la technique dite du "sel chauffé" qui aboutit à la formation de petits pains de sel solides, petits pains dont la forme finale et raffinée porte la signature du lieu de production et qui sert de monnaie d'échange antique et de valeur reconnaissables le long des routes commerciales. En Nouvelle-Guinée la technique existe toujours et la méthode probablement utilisée dans le golfe du Morbihan est la suivante :
- installer de grandes vasques étanches en argile sur un lieu propice, comme un golfe océanique ;
- les vasques se remplissent d'eau salée à la marée montante ;
- les vasques sèchent au soleil et l'eau s'évapore ;
- la saumure est récupérée ;
- des tissus ou des végétaux sont trempés dans la saumure ;
- les fibres salées sont entourées sur des bâtons qui sont ensuite brûlés en combustion lente ;
- le résultat de la combustion lente donne des pains de sel.
Un exemple de vasque à sel néolithique, retrouvée en Gironde :
En extrait, ce site est assez pertinent sur le sujet : https://neolithiqueblog.wordpress.com/2 ... olithique/
Où l'on apprend ceci :
Deux raisons sont habituellement avancées pour expliquer le déclin de la civilisation mégalithique. La première concerne Carnac, une hausse du niveau de la mer aurait submergé les exploitations salines et conduit peu à peu à la ruine économique de la région. Et comme plusieurs variations du niveau des eaux ont eu lieu au cours des millénaires (nous parlons de variations de plusieurs mètres d'amplitude) cela justifierait par exemple l'habitude de construire les mégalithes en hauteur sur les collines, comme des talismans. Mais une élévation finale du niveau des eaux est une explication trop locale, a priori avérée mais néanmoins trop locale pour être décisive. Pour conclure ici sur la temporalité de la civilisation mégalithique et la situer dans l'Histoire, l'explication la plus probable de leur extinction est l'invasion des indo-européens et faut-il bien parler d'eux avant de poursuivre.
Il n'y pas de consensus définitif sur les indo-européens, je vous laisse faire vos propres recherches puisque c'est l'élément-clef de la proto-histoire en Europe, le verrou décisif. Dès l'instant de leur invasion tous les autres peuples semblent être devenus guerriers et c'est un caractère qui ne disparaîtra plus.
De ce que j'ai pu saisir l'hypothèse la plus probable est celle des Yamnayas et à très grands traits s'agit-il de l'archétype des invasions mongoles qui va se répéter plusieurs fois ensuite dans l'Histoire, d'Attila à Genghis Khan. Les indo-européens seraient venus des plaines de l'Ukraine. Ils auraient été les premiers Sapiens à réussir à domestiquer les chevaux et auraient eu connaissance rapidement de la construction des chars et du travail du bronze. Vers 3.500 av. J.C. Avec des chars, des chevaux et des armes en bronze, ils ont littéralement dévasté l'ensemble des peuples néolithiques qu'ils ont rencontrés, la civilisation mégalithique incluse. Encore aujourd'hui, à l'exception des Basques et des Finlandais (et des Roumains aussi mais parce qu'ils sont arrivés après) toutes les langues européennes ont une origine commune, des racines similaires pour désigner les mots et une parenté qui remonte à ce même peuple indo-européen. Un peuple impérialiste et guerrier. L'Histoire en Europe commence habituellement après leur invasion. Les Grecs, les Romains, les Celtes, sont des peuples indo-européens.
Pour la façon néolithique d'extraire du sel de l'eau de mer, il s'agit de la technique dite du "sel chauffé" qui aboutit à la formation de petits pains de sel solides, petits pains dont la forme finale et raffinée porte la signature du lieu de production et qui sert de monnaie d'échange antique et de valeur reconnaissables le long des routes commerciales. En Nouvelle-Guinée la technique existe toujours et la méthode probablement utilisée dans le golfe du Morbihan est la suivante :
- installer de grandes vasques étanches en argile sur un lieu propice, comme un golfe océanique ;
- les vasques se remplissent d'eau salée à la marée montante ;
- les vasques sèchent au soleil et l'eau s'évapore ;
- la saumure est récupérée ;
- des tissus ou des végétaux sont trempés dans la saumure ;
- les fibres salées sont entourées sur des bâtons qui sont ensuite brûlés en combustion lente ;
- le résultat de la combustion lente donne des pains de sel.
Un exemple de vasque à sel néolithique, retrouvée en Gironde :
En extrait, ce site est assez pertinent sur le sujet : https://neolithiqueblog.wordpress.com/2 ... olithique/
Où l'on apprend ceci :
Deux raisons sont habituellement avancées pour expliquer le déclin de la civilisation mégalithique. La première concerne Carnac, une hausse du niveau de la mer aurait submergé les exploitations salines et conduit peu à peu à la ruine économique de la région. Et comme plusieurs variations du niveau des eaux ont eu lieu au cours des millénaires (nous parlons de variations de plusieurs mètres d'amplitude) cela justifierait par exemple l'habitude de construire les mégalithes en hauteur sur les collines, comme des talismans. Mais une élévation finale du niveau des eaux est une explication trop locale, a priori avérée mais néanmoins trop locale pour être décisive. Pour conclure ici sur la temporalité de la civilisation mégalithique et la situer dans l'Histoire, l'explication la plus probable de leur extinction est l'invasion des indo-européens et faut-il bien parler d'eux avant de poursuivre.
Il n'y pas de consensus définitif sur les indo-européens, je vous laisse faire vos propres recherches puisque c'est l'élément-clef de la proto-histoire en Europe, le verrou décisif. Dès l'instant de leur invasion tous les autres peuples semblent être devenus guerriers et c'est un caractère qui ne disparaîtra plus.
De ce que j'ai pu saisir l'hypothèse la plus probable est celle des Yamnayas et à très grands traits s'agit-il de l'archétype des invasions mongoles qui va se répéter plusieurs fois ensuite dans l'Histoire, d'Attila à Genghis Khan. Les indo-européens seraient venus des plaines de l'Ukraine. Ils auraient été les premiers Sapiens à réussir à domestiquer les chevaux et auraient eu connaissance rapidement de la construction des chars et du travail du bronze. Vers 3.500 av. J.C. Avec des chars, des chevaux et des armes en bronze, ils ont littéralement dévasté l'ensemble des peuples néolithiques qu'ils ont rencontrés, la civilisation mégalithique incluse. Encore aujourd'hui, à l'exception des Basques et des Finlandais (et des Roumains aussi mais parce qu'ils sont arrivés après) toutes les langues européennes ont une origine commune, des racines similaires pour désigner les mots et une parenté qui remonte à ce même peuple indo-européen. Un peuple impérialiste et guerrier. L'Histoire en Europe commence habituellement après leur invasion. Les Grecs, les Romains, les Celtes, sont des peuples indo-européens.
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Merci pour ce sujet intéressant @Fugace . Je ne pourrai pas y apporter grand chose, mais je le lis avec plaisir.
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Je disais plus haut n'avoir jamais trouvé de récit unifié autour de cette civilisation mais en fait, le lien donné plus haut sur le sel est une mine d'or :
https://neolithiqueblog.wordpress.com/
Un lecteur curieux et pressé y trouvera son compte, c'est un autre passionné mais beaucoup plus ancien et avec d'autres angles d'approche. Ce qui me permet de prendre le temps pour écrire les autres messages
https://neolithiqueblog.wordpress.com/
Un lecteur curieux et pressé y trouvera son compte, c'est un autre passionné mais beaucoup plus ancien et avec d'autres angles d'approche. Ce qui me permet de prendre le temps pour écrire les autres messages
Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Très beau fil, magnifiquement illustré!
En effet, et les débats sont encore très vifs à ce sujet. Si tu es d'accord, je pourrais intervenir brièvement pour apporter quelques précisions (expliquer l'histoire de la notion même d'"indo-européen" et résumer les grandes lignes des controverses sur ce point, l'un des plus fascinants de l'historiographie européenne). Mais je ne veux pas m'immiscer, dis-moi si ça t'intéresse.
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Je suis plus que d'accord Judith, c'est avec grand plaisir ! Et nul besoin de brièveté, un tour d'horizon complet serait fortement intéressant.
De ce que j'ai pu remarquer à mon niveau, en découvrant l'histoire des peuples autour de cette période est cela : sans connaître précisément la nature des indo-européens, force est de constater deux phénomènes européens après leur passage : la disparition de la connaissance astronomique évoluée et l'apparition d'un caractère commun belliqueux qui se traduit par des peuples prompts à pratiquer la guerre. Au niveau de la civilisation mégalithique par exemple, si l'on retrouve bien des armes (surtout des haches et des casses-têtes, en silex, bois de rennes ou pierre polie) je n'ai pas trouvé trace d'un art de la guerre, de squelettes "tués" ou de conflits marquants. Tandis que dès que l'on bascule chez les peuples suivants, on tombe sur les Celtes ou les Mycéniens et là, la guerre devient un élément culturel central. L'évolution technologique (âge de bronze et du fer) y est peut-être aussi pour quelque chose.
Armes/outils de la civilisation mégalithique :
Casse-tête en bois de rennes
Têtes de haches en pierre polie
Les indo-européens semblent vraiment être la notion centrale de la proto-histoire européenne, il y a un avant et un après. Au niveau de l'astronomie, aucune civilisation postérieure ne fera montre d'un génie comparable à Stonehenge et consorts. Pour l'anecdote, voici la première représentation connue de la voûte céleste, estimée entre 1.000 et 2.000 av. J.C et trouvée en Allemagne (2kg, 32 cm de diamètre) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Disque_c% ... e_de_Nebra
De ce que j'ai pu remarquer à mon niveau, en découvrant l'histoire des peuples autour de cette période est cela : sans connaître précisément la nature des indo-européens, force est de constater deux phénomènes européens après leur passage : la disparition de la connaissance astronomique évoluée et l'apparition d'un caractère commun belliqueux qui se traduit par des peuples prompts à pratiquer la guerre. Au niveau de la civilisation mégalithique par exemple, si l'on retrouve bien des armes (surtout des haches et des casses-têtes, en silex, bois de rennes ou pierre polie) je n'ai pas trouvé trace d'un art de la guerre, de squelettes "tués" ou de conflits marquants. Tandis que dès que l'on bascule chez les peuples suivants, on tombe sur les Celtes ou les Mycéniens et là, la guerre devient un élément culturel central. L'évolution technologique (âge de bronze et du fer) y est peut-être aussi pour quelque chose.
Armes/outils de la civilisation mégalithique :
Casse-tête en bois de rennes
Têtes de haches en pierre polie
Les indo-européens semblent vraiment être la notion centrale de la proto-histoire européenne, il y a un avant et un après. Au niveau de l'astronomie, aucune civilisation postérieure ne fera montre d'un génie comparable à Stonehenge et consorts. Pour l'anecdote, voici la première représentation connue de la voûte céleste, estimée entre 1.000 et 2.000 av. J.C et trouvée en Allemagne (2kg, 32 cm de diamètre) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Disque_c% ... e_de_Nebra
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
En première intention ce disque de bronze semble plutôt archaïque et très imprécis, en dehors des Pléiades les étoiles sont réparties de façon uniforme comme pour remplir l'espace. Cela ressemble à un travail de néophyte à peine qualifié et pourtant, du point de vue astronomique ce disque est l'équivalent de la dame de Brassempouy ou de Lascaux. La première expression culturelle conservée au monde d'une idée. Ce résultat est issu des indo-européens.
Vers 3.000 av. J.C. dans un des temples de l'ile de Malte une inscription fut retrouvée sur une dalle en calcaire (sic) la fameuse tablette stellaire de Tal-Qadi
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tal-Qadi
Cf : https://www.um.edu.mt/library/oar/bitst ... %20Map.pdf
Si l'on reconstruit le schéma initial, cela donne ceci :
Entre -3.000 et -1.000 le savoir astronomique s'est perdu.
Vers 3.000 av. J.C. dans un des temples de l'ile de Malte une inscription fut retrouvée sur une dalle en calcaire (sic) la fameuse tablette stellaire de Tal-Qadi
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tal-Qadi
Cf : https://www.um.edu.mt/library/oar/bitst ... %20Map.pdf
Si l'on reconstruit le schéma initial, cela donne ceci :
Entre -3.000 et -1.000 le savoir astronomique s'est perdu.
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Lever de soleil lors du solstice d'hiver à la Pierre-aux-Fées (Haute-Savoie, circa 3.000 av. JC)
► Afficher le texte
https://fr.wikipedia.org/wiki/Newgrange
Et aux alentours se trouve un tertre secondaire, celui de Knowth de "seulement" 67 mètres diamètres. Le site est réputé pour son art rupestre, puisqu'environ 200 pierres gravées y ont été retrouvées.
Et parmi toutes ces pierres semblant être à vocation artistiques ou religieuses, deux en particulier ont retenu l'attention des chercheurs : la Kerbstone-15 et la Kerbstone-52.
Les deux images proviennent de cette page, vous y trouverez plus d'informations sur le site et les photos des autres pierres d'intérêt : https://scathcraft.wordpress.com/2016/04/21/knowth/
La K-15 est surnommée "le cadran solaire" ou la "pierre calendaire" et si le sens exact ne nous est pas parfaitement connu, il y a très peu de doutes sur sa fonction de calendrier. Le chercheur Neil Thomas identifie le schéma suivant :
Un calendrier fondé sur seize mois et la pierre aurait permis de calculer les jours intercalaires pour conserver l'adhérence entre les durées physiques et théoriques. Son aspect pourrait suggérer un matériel "scolaire" plus qu'utilitaire, ce qui coïnciderait avec la tradition orale. La voûte céleste aurait été dessinée au-dessus la Lune et du Soleil.
Martin Brennan, lui, identifie la pierre également comme un gnomon :
Voir ici pour plus d'informations : http://iseultandbloom.org/articles/anci ... omers.html
Mais plus intéressante encore est la pierre K52. Cette vidéo de deux minutes montre son fonctionnement possible (et ça vaut le détour) : https://www.youtube.com/watch?v=64jj111a9mo&t=128s
Ainsi cette pierre aurait servie à figurer les cycles métoniques. En simplifié, un cycle métonique est celui de la synchronisation entre les calendriers lunaires et les calendriers solaires. Toutes les 235 lunaisons ou toutes les 19 années solaires, les deux calendriers sont synchronisés à une ou deux heures près. Un décalage d'un jour se forme tous les 300 ans environ. Le cycle a été nommé selon l'astronome grec Méton, en -432 mais si l'on en croit la pierre K52, son existence était déjà connue en -3.200.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cycle_m%C3%A9tonique
Et... tout cela est un puit sans fond. Je pourrais y passer des heures, je viens de le faire d'ailleurs et, je ne peux pas esquiver le Cercle de Goseck. Il a été découvert grâce à une vue aérienne en 1991.
https://www.techno-science.net/glossair ... oseck.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cercle_de_Goseck
Reconstitution du cercle de Goseck
Daté de 4.800 av. JC donc au début du mégalithisme et situé en Allemagne, il ressemble à une version primitive de Stonehenge. Les ouvertures dans les palissades sont orientées vers le lever et le coucher du soleil lors des deux solstices. Et l'importance des solstices semble être liée à l'agriculture. Autant la connaissance des étoiles pouvait servir au déplacement des populations nomades de chasseurs-cueilleurs, autant les saisons ont une importance décisive pour les agriculteurs et de connaître avec précision les dates des solstices et des équinoxes permettait de savoir avec précision quand devaient se faire les semailles et les récoltes. A noter que le disque de Nebra a été découvert à une dizaine de kilomètres seulement du cercle de Goseck, trois mille ans plus tard.
Voilà, ce message-ci est un peu brouillon mais cela correspond à la masse d'informations existante sur le sujet. En conclusion sommaire : savoir astronomique élevé dans la civilisation mégalithique.
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Oh la la, ça le fait super ! Merci @Fugace !
C'est un type qui rentre dans un bar et qui dit "salut c'est moi !"; et en fait c'était pas lui.
Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Super, merci! Je posterai quelque chose demain, je pense.
J'aurai aussi peut-être quelques questions à propos des points d'archéologie que tu mentionnes. Pour la Pierre aux Fées par exemple, tu signales un probable usage astronomique mais il me semble que d'autres hypothèses ont été avancées, ai-je tort? Par ailleurs, le site a été plusieurs fois modifié depuis sa découverte au XIXème siècle, et je crois me souvenir que la structure est considérée comme très lacunaire. Pourrais-tu nous en dire davantage? Merci d'avance!
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Toutes les questions sont les bienvenues Judith, mon but ici est de partager le bouillonnement qui m'anime en ce moment (j'en rêve) et de susciter pourquoi pas un intérêt similaire chez d'autres. Après, faut-il le dire, par principe et par habitude de la philosophie je vais toujours chercher la vérité ou à m'orienter le plus possible vers elle, mais pour autant je ne peux réfréner cette pointe d'affolement idéal qui me laisse songeur et voudrait déjà extraire d'un seul coup et d'un bloc l'œuvre toute entière. Tout ce que je dis n'est pas à prendre pour argent comptant, il y a beaucoup de pistes.
Mais particulièrement les faits sourcés doivent l'être réellement. D'après les éléments trouvés, la Pierre-aux-Fées faisait partie d'un ensemble de sept dolmens haut-savoyards dont il ne reste qu'elle et le dolmen de Saint-Cergues, à quinze kilomètres d'écart, dolmen de Saint-Cergues qui fut bien-nommé : la Cave-aux-Fées.
Je n'ai pas trouvé d'informations concernant son orientation astronomique. Ce qui semble sûr est que les cinq autres dolmens du coin ont été répertoriés au XVIIIème-XIXème siècle et qu'ils ont été détruits entre temps. La Pierre-aux-Fées aurait été dégradée également, visible aux nombreux mégalithes tombés à l'horizontale autour. A l'origine cela devait être un ensemble fermé avec une seule ouverture, celle orientée vers l'est. Et il n'y avait pas « d'autel en pierre » initialement à l'intérieur. Il n'y a jamais d'autel en pierre posé sur le sol à l'intérieur d'un dolmen ou d'une allée couverte, c'est un ajout postérieur. Et donc, nous trouvons deux styles de dolmens ici : la Cave-aux-Fées qui est un espace sombre et clos enfoui dans la terre et la Pierre-aux-Fées qui était un espace sombre et clos posé en surface. Je serais très curieux de connaître la nature exacte des cinq autres dolmens détruits. Quelles sont les autres hypothèses avancées pour l'usage de la Pierre-aux-Fées que tu évoques ?
Ceci étant, cette façon de bâtir des espaces sombres et clos est caractéristique du style mégalithique : tumulus, dolmens, allées couvertes. Il est possible que plusieurs des dolmens qui nous semblent « aériens » aujourd'hui, comme le dolmen de Poulnabrone en Irlande (circa. 3.500 av. JC) aient été enterrés à l'origine, comme la Cave-aux-Fées ou comme un tumulus. Et que ce soit le temps et l'érosion qui les aient révélés à l'air libre.
Cela nous renvoie directement aux religions chtoniennes et au panthéon des Basques, j'ai prévu d'en parler plus tard. Si je poursuis mon idée initiale : si la civilisation mégalithique est la résultante d'une ancienne population de chasseurs-cueilleurs qui s'est sédentarisée, alors cette symbolique récurrente de création volontaire d'espaces sombres et clos pourrait être une résurgence des millénaires passés dans les grottes, un rappel de l'ancien mode de vie. Parce qu'en soi ces constructions mégalithiques ne sont bien souvent rien d'autre que des grottes. Des grottes nouvelles, créées par Sapiens et en règle plus que générale, les dolmens et les tumulus ne sont jamais construit autour des lieux de vie. Ils sont toujours un peu distants. Jamais un dolmen n'est construit au milieu d'un village sédentaire. Comme si... comme si pour retourner à la grotte des origines, comme si pour un chasseur-cueilleur sédentarisé qui voulait revenir à un lieu d'attache du passé un petit chemin nomade était nécessaire. Et peut-être que l'on cueillait quelques fruits ou des plantes en passant, ou d'autres rituels. Avant d'arriver pour se ressourcer dans ce lieu sacré.
Pour l'orientation astronomique de la Pierre-aux-Fées, la question est plus que pertinente. Cela parce qu'il existe un phénomène appelé « la précession des équinoxes ». L'influence de la Lune et du Soleil sur les marées provoque un très léger changement constant de l'axe de rotation de la Terre, un décalage à peine perceptible de siècles en siècles entre la position des étoiles et celle des observateurs terrestres. Cela veut dire qu'une orientation parfaite réalisée en -3.000 et plus encore en -6.000 ne l'est plus aujourd'hui et tout cela parce qu'il y a de l'eau sur la Terre.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9c ... A9quinoxes
Ainsi, le tumulus de Newgrange a été restauré dans les années 70 et c'est pour ça que sa façade extérieure sonne un peu étrangement, la réalité historique n'était pas la priorité à l'époque et l'ensemble a été réinterprété. Et je subodore très fortement que les restaurateurs ont pris la peine de réaligner le monument sur le bon axe du solstice. Ici, les pierres devant sont d'origine, pas celles de derrière. Et le phénomène lumineux se produit par l'ouverture du haut, et ça depuis sa construction.
Et c'est un phénomène absolument admirable. Le monument est plongé dans le noir toute l'année et puis, une fois par an lors du solstice d'hiver, un rayon entre illuminer la chambre funéraire.
L'instant est prodigieux. Vous avez une vidéo du phénomène ici : https://www.youtube.com/watch?v=Gl9_mi6Nj0c
Le site officiel de Newgrange est de qualité: https://boynevalleytours.com/newgrange-solstice/
Et il est très probable que le site ait été réaligné. De quelques degrés seulement, pas plus, pour compenser la précession naturelle des équinoxes. Dans un monde parfait d'ailleurs et s'il n'y avait pas d'autres priorités, prendre le temps de réaligner tous les monuments mégalithiques pourrait être une grande idée, un achèvement de civilisation. Maintenant, pourquoi le solstice d'hiver. Ce qui va suivre est sans doute trivial pour beaucoup d'entre vous mais ça ne l'était pour moi donc je me permets.
Définir l'endroit précis des solstices n'est vraiment pas compliqué : vous avez seulement besoin d'un bout de bois assez long et de vous lever tôt chaque matin. L'idée est de fixer solidement le bout de bois orienté plein sud puis de faire une entaille chaque matin à l'endroit où le soleil se lève et chaque soir à l'endroit où il se couche et ce, sur une durée d'un an. Sur une année complète, la course du soleil fait un mouvement pendulaire inversé dans le ciel : elle descend dans le ciel, perd de la vitesse, s'arrête à un point bas et fixe avant de remonter rapidement vers le centre puis de redescendre et s'arrêter au même endroit de l'autre côté (schématiquement).
Version vidéo plus exacte (dans le bon sens) : https://www.youtube.com/watch?v=7AS0Aj7b_XA
« Solstice » veut dire sol statum : « le soleil est immobile ». Chacun des solstices représente l'instant où le pendule est au maximum de son mouvement angulaire, l'instant où sa vitesse s'arrête avant de repartir dans l'autre sens et entre deux solstices, à chaque cycle, le pendule passe par le point central où la vitesse est maximale, l'équinoxe (« la durée de la nuit est égale à la durée du jour »). Sur la planche de bois, les deux solstices sont les deux entailles les plus éloignées des autres de chaque côté et l'équinoxe est l'endroit central où les entailles sont les plus profondes.
Maintenant, la question se pose toujours. Pourquoi privilégier le solstice d'hiver et pas le solstice d'été ? Surtout pour des monuments funéraires. Parce que l'hiver est la saison la plus dure, celle où les gens meurent. Passer l'hiver est une épreuve et chez les chasseurs-cueilleurs l'espérance de vie était autour de 30-40 ans. Chaque année le solstice d'hiver marque la fin du déplacement saisonnier vers le froid, il s'agit de l'instant précis où le renouveau commence, le solstice d'hiver est l'apogée de l'épreuve. A partir de cet instant les saisons retournent vers le soleil. Et pour un monument funéraire cela veut dire la possibilité d'une renaissance. Puisqu'à partir de la mort, à partir du solstice d'hiver subjectif d'un individu, la possibilité d'un retour à la vie apparaît. Le retour du printemps, le retour de la vie. Et l'on marque physiquement chaque année cet instant pour espérer l'invoquer spirituellement.
Enfin, c'est une possibilité. A noter que la date de Noël a possiblement été choisie précisément pour cela. Le solstice d'hiver est actuellement le 21 décembre et la (re)naissance de Jésus a lieu trois jours après. La symbolique est très forte, celle du Sol Invictus mais elle aussi est sujette à la précession des équinoxes et un jour ou l'autre, le solstice d'hiver aura lieu le 20 décembre. Je suis curieux de savoir si la date de Noël sera ajustée en conséquence.
edit : après vérification c'est un peu plus compliqué, le choix de minuit le 24 décembre pour la date de la Noël fait par le Concile de Nicée (325 ap. J.C.) semble bien être en lien direct avec le solstice d'Hiver mais le décalage de trois jours serait dû à une erreur astronomique dans le calendrier Julien, erreur qui n'a pas été corrigée lors du passage au calendrier Grégorien.
https://eglise.catholique.fr/approfondi ... questions/
Pour finir, mon côté romantique encore mais j'imagine que les petits dolmens servaient aussi de calendriers, de refuge ! Des lieux de culte certes mais aussi de chute : si pour une raison quelconque vous étiez séparé du groupe ou si vous étiez responsable du calendrier mais que vous avez perdu le compte alors suffisait-il de trouver un dolmen orienté vers l'est. Au plus fort de l'hiver, au plus fort de l'épreuve à force de dormir dans le dolmen vous finissiez par voir un matin le soleil du solstice se lever entre les pierres et à cet instant, à cet instant précis vous saviez précisément où vous étiez dans le temps et vous saviez que l'hiver était fini. Vraiment, nous devrions réaligner tous les dolmens de ce pays.
Mais particulièrement les faits sourcés doivent l'être réellement. D'après les éléments trouvés, la Pierre-aux-Fées faisait partie d'un ensemble de sept dolmens haut-savoyards dont il ne reste qu'elle et le dolmen de Saint-Cergues, à quinze kilomètres d'écart, dolmen de Saint-Cergues qui fut bien-nommé : la Cave-aux-Fées.
Je n'ai pas trouvé d'informations concernant son orientation astronomique. Ce qui semble sûr est que les cinq autres dolmens du coin ont été répertoriés au XVIIIème-XIXème siècle et qu'ils ont été détruits entre temps. La Pierre-aux-Fées aurait été dégradée également, visible aux nombreux mégalithes tombés à l'horizontale autour. A l'origine cela devait être un ensemble fermé avec une seule ouverture, celle orientée vers l'est. Et il n'y avait pas « d'autel en pierre » initialement à l'intérieur. Il n'y a jamais d'autel en pierre posé sur le sol à l'intérieur d'un dolmen ou d'une allée couverte, c'est un ajout postérieur. Et donc, nous trouvons deux styles de dolmens ici : la Cave-aux-Fées qui est un espace sombre et clos enfoui dans la terre et la Pierre-aux-Fées qui était un espace sombre et clos posé en surface. Je serais très curieux de connaître la nature exacte des cinq autres dolmens détruits. Quelles sont les autres hypothèses avancées pour l'usage de la Pierre-aux-Fées que tu évoques ?
Ceci étant, cette façon de bâtir des espaces sombres et clos est caractéristique du style mégalithique : tumulus, dolmens, allées couvertes. Il est possible que plusieurs des dolmens qui nous semblent « aériens » aujourd'hui, comme le dolmen de Poulnabrone en Irlande (circa. 3.500 av. JC) aient été enterrés à l'origine, comme la Cave-aux-Fées ou comme un tumulus. Et que ce soit le temps et l'érosion qui les aient révélés à l'air libre.
Cela nous renvoie directement aux religions chtoniennes et au panthéon des Basques, j'ai prévu d'en parler plus tard. Si je poursuis mon idée initiale : si la civilisation mégalithique est la résultante d'une ancienne population de chasseurs-cueilleurs qui s'est sédentarisée, alors cette symbolique récurrente de création volontaire d'espaces sombres et clos pourrait être une résurgence des millénaires passés dans les grottes, un rappel de l'ancien mode de vie. Parce qu'en soi ces constructions mégalithiques ne sont bien souvent rien d'autre que des grottes. Des grottes nouvelles, créées par Sapiens et en règle plus que générale, les dolmens et les tumulus ne sont jamais construit autour des lieux de vie. Ils sont toujours un peu distants. Jamais un dolmen n'est construit au milieu d'un village sédentaire. Comme si... comme si pour retourner à la grotte des origines, comme si pour un chasseur-cueilleur sédentarisé qui voulait revenir à un lieu d'attache du passé un petit chemin nomade était nécessaire. Et peut-être que l'on cueillait quelques fruits ou des plantes en passant, ou d'autres rituels. Avant d'arriver pour se ressourcer dans ce lieu sacré.
Pour l'orientation astronomique de la Pierre-aux-Fées, la question est plus que pertinente. Cela parce qu'il existe un phénomène appelé « la précession des équinoxes ». L'influence de la Lune et du Soleil sur les marées provoque un très léger changement constant de l'axe de rotation de la Terre, un décalage à peine perceptible de siècles en siècles entre la position des étoiles et celle des observateurs terrestres. Cela veut dire qu'une orientation parfaite réalisée en -3.000 et plus encore en -6.000 ne l'est plus aujourd'hui et tout cela parce qu'il y a de l'eau sur la Terre.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9c ... A9quinoxes
Ainsi, le tumulus de Newgrange a été restauré dans les années 70 et c'est pour ça que sa façade extérieure sonne un peu étrangement, la réalité historique n'était pas la priorité à l'époque et l'ensemble a été réinterprété. Et je subodore très fortement que les restaurateurs ont pris la peine de réaligner le monument sur le bon axe du solstice. Ici, les pierres devant sont d'origine, pas celles de derrière. Et le phénomène lumineux se produit par l'ouverture du haut, et ça depuis sa construction.
Et c'est un phénomène absolument admirable. Le monument est plongé dans le noir toute l'année et puis, une fois par an lors du solstice d'hiver, un rayon entre illuminer la chambre funéraire.
L'instant est prodigieux. Vous avez une vidéo du phénomène ici : https://www.youtube.com/watch?v=Gl9_mi6Nj0c
Le site officiel de Newgrange est de qualité: https://boynevalleytours.com/newgrange-solstice/
Et il est très probable que le site ait été réaligné. De quelques degrés seulement, pas plus, pour compenser la précession naturelle des équinoxes. Dans un monde parfait d'ailleurs et s'il n'y avait pas d'autres priorités, prendre le temps de réaligner tous les monuments mégalithiques pourrait être une grande idée, un achèvement de civilisation. Maintenant, pourquoi le solstice d'hiver. Ce qui va suivre est sans doute trivial pour beaucoup d'entre vous mais ça ne l'était pour moi donc je me permets.
Définir l'endroit précis des solstices n'est vraiment pas compliqué : vous avez seulement besoin d'un bout de bois assez long et de vous lever tôt chaque matin. L'idée est de fixer solidement le bout de bois orienté plein sud puis de faire une entaille chaque matin à l'endroit où le soleil se lève et chaque soir à l'endroit où il se couche et ce, sur une durée d'un an. Sur une année complète, la course du soleil fait un mouvement pendulaire inversé dans le ciel : elle descend dans le ciel, perd de la vitesse, s'arrête à un point bas et fixe avant de remonter rapidement vers le centre puis de redescendre et s'arrêter au même endroit de l'autre côté (schématiquement).
Version vidéo plus exacte (dans le bon sens) : https://www.youtube.com/watch?v=7AS0Aj7b_XA
« Solstice » veut dire sol statum : « le soleil est immobile ». Chacun des solstices représente l'instant où le pendule est au maximum de son mouvement angulaire, l'instant où sa vitesse s'arrête avant de repartir dans l'autre sens et entre deux solstices, à chaque cycle, le pendule passe par le point central où la vitesse est maximale, l'équinoxe (« la durée de la nuit est égale à la durée du jour »). Sur la planche de bois, les deux solstices sont les deux entailles les plus éloignées des autres de chaque côté et l'équinoxe est l'endroit central où les entailles sont les plus profondes.
Maintenant, la question se pose toujours. Pourquoi privilégier le solstice d'hiver et pas le solstice d'été ? Surtout pour des monuments funéraires. Parce que l'hiver est la saison la plus dure, celle où les gens meurent. Passer l'hiver est une épreuve et chez les chasseurs-cueilleurs l'espérance de vie était autour de 30-40 ans. Chaque année le solstice d'hiver marque la fin du déplacement saisonnier vers le froid, il s'agit de l'instant précis où le renouveau commence, le solstice d'hiver est l'apogée de l'épreuve. A partir de cet instant les saisons retournent vers le soleil. Et pour un monument funéraire cela veut dire la possibilité d'une renaissance. Puisqu'à partir de la mort, à partir du solstice d'hiver subjectif d'un individu, la possibilité d'un retour à la vie apparaît. Le retour du printemps, le retour de la vie. Et l'on marque physiquement chaque année cet instant pour espérer l'invoquer spirituellement.
Enfin, c'est une possibilité. A noter que la date de Noël a possiblement été choisie précisément pour cela. Le solstice d'hiver est actuellement le 21 décembre et la (re)naissance de Jésus a lieu trois jours après. La symbolique est très forte, celle du Sol Invictus mais elle aussi est sujette à la précession des équinoxes et un jour ou l'autre, le solstice d'hiver aura lieu le 20 décembre. Je suis curieux de savoir si la date de Noël sera ajustée en conséquence.
edit : après vérification c'est un peu plus compliqué, le choix de minuit le 24 décembre pour la date de la Noël fait par le Concile de Nicée (325 ap. J.C.) semble bien être en lien direct avec le solstice d'Hiver mais le décalage de trois jours serait dû à une erreur astronomique dans le calendrier Julien, erreur qui n'a pas été corrigée lors du passage au calendrier Grégorien.
https://eglise.catholique.fr/approfondi ... questions/
Pour finir, mon côté romantique encore mais j'imagine que les petits dolmens servaient aussi de calendriers, de refuge ! Des lieux de culte certes mais aussi de chute : si pour une raison quelconque vous étiez séparé du groupe ou si vous étiez responsable du calendrier mais que vous avez perdu le compte alors suffisait-il de trouver un dolmen orienté vers l'est. Au plus fort de l'hiver, au plus fort de l'épreuve à force de dormir dans le dolmen vous finissiez par voir un matin le soleil du solstice se lever entre les pierres et à cet instant, à cet instant précis vous saviez précisément où vous étiez dans le temps et vous saviez que l'hiver était fini. Vraiment, nous devrions réaligner tous les dolmens de ce pays.
Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Merci pour ces réponses passionnantes.
A mon tour, mais sans les belles illustrations...
Je vais couper mon exposé en deux parties, pour ne pas surcharger les messages et pour plus de clarté. Aujourd’hui, je résumerai la naissance du concept d’« Indo-Européens » et les développements des études à ce sujet jusqu’aux années soixante. Je traiterai la suite, des années soixante-dix jusqu’à nos jours, dans un message ultérieur.
1. Un concept linguistique issu de la science du XIXème siècle
La notion d’« Indo-européen(s) » est d’abord une découverte des linguistes qui, au début du XIXème siècle, ont constaté des ressemblances entre plusieurs langues inégalement réparties entre l’Europe et l’Asie. Cette observation les conduisit à la postulation d’une « langue originelle » (Ursprache) dont la diffusion aurait entraîné la multiplication de langues dérivées, rapidement suivie de celle d’un « peuple originel » (Urvolk) issu d’un « berceau originel » (Urheimat).
Une science nouvelle fut ainsi créée : la paléolinguistique, qui visait à identifier, classer et situer les points de convergence entre les langues. Croisant ses découvertes aux données de l’archéologie, de l’anthropologie physique et plus tard à celles de la génétique, cette science a lentement conduit à forger de multiples hypothèses sur la situation géographique, la culture et les particularités qui seraient celle de ce peuple « indo-européen », ou des peuples anciens qui en dérivaient.
De quoi s’agit-il ? L’inventeur de la paléolinguistique est le Suisse Adolphe Pictet : dans Les Origines indo-européennes et les Aryas primitifs (1859-1863), il supposait que le recensement des termes communs aux langues indo-européennes (par la suite IE) permettrait de se faire une idée assez précise d’une civilisation originelle : les exemples les plus connus de ce raisonnement sont ceux du mouton et du fer. Dans la plupart des langues IE, l’animal que nous appelons le « mouton » est désigné par des termes proches : ovis (latin), aue (allemand), ewe (anglais), ois (grec), ovtsa (russe), etc. Ces termes procèderaient d’une racine commune *howis et indiqueraient que les premiers locuteurs de la langue « originelle » avaient domestiqué les ovins. Au contraire, le fer est exprimé par des termes très différents dans les langues IE : ferum (latin), sideros (grec), eisen (allemand), iron (anglais) etc. La civilisation originelle serait donc antérieure à l’invention de ce métal. Simple et logique.
Néanmoins très vite, cette technique a été critiquée : en effet, elle pose des problèmes de méthode et conduit à des contradictions. Stuart Piggott a exprimé le second problème avec humour : « Les Indo-Européens connaissaient le beurre mais pas le lait, la neige et les pieds mais ni la pluie ni les mains ! ». Les difficultés méthodologiques, sur lesquelles je ne m’étendrai pas, tiennent à la grande difficulté qu’il y a à établir le sens de nombreux mots véhiculés dans des corpus parfois très restreints et aux incertitudes sur la position chronologique, dans l’histoire des langues, des termes recensés.
Bref, ça ne marche pas. Les tentatives de définir une langue première et un peuple premier n’étaient pourtant pas près de disparaître.
2. Un berceau très mobile, mais toujours d’Est en Ouest
Comme dit plus haut, un peu plus tôt au XIXème siècle, plusieurs linguistes avaient mis en évidence des ressemblances entre langues européennes, persan et sanscrit. Je ne mentionneraii que le plus connu, l’allemand Franz Bopp dont le maître ouvrage de 1816, Le Système de conjugaison du sanscrit comparé avec celui des langues grecque, latine, persane et germanique (Über das Konjugationssystem der Sanskritsprache in Vergleichung mit jenem der griechischen, lateinischen, persischen und germanischen Sprache), eut une influence sur tout le XIXème siècle. L’extraordinaire complexité du sanscrit, admirée en Europe à l’égal de celles du grec ancien et du chinois classique, jointe à l’idéalisation de l’Inde antique par les savants issus des Lumières, conduisit à y voir la « mère des langues IE » et à chercher en Inde le lieu originel des peuples IE. Sans succès, faute de données archéologiques convaincantes.
Plus tard, on envisagea l’Asie Centrale, avec l’école d’Otto Schrader. Le grand représentant en France de cette idée fut Salomon Reinach : son monumental Dictionnaire des antiquités indo-européennes (1901) demeure aujourd’hui encore, même si la théorie qui le sous-tend est très contestée (mais non abandonnée car elle a été reprise avec des arguments nouveaux soixante-dix ans plus tard), une référence absolument incontournable pour quiconque s’intéresse de près ou de loin à la question IE. Reinach et Schrader sont à l’origine de la représentation selon laquelle le peuple IE originel aurait été guerrier : ils croyaient pouvoir reconnaître en lui et en ses descendants les principaux acteurs des vagues d’invasions dont témoignent de nombreux mythes et des récits historiques répartis dans toute l’Europe orientale et occidentale entre la Haute Antiquité et le début du Moyen-Âge.
Dernière hypothèse, la seule aujourd’hui totalement démonétisée tant sur le plan scientifique que sur le plan moral : la Scandinavie et l’Allemagne Septentrionale. A la différence des théories antérieures, qui convoquaient la linguistique, l’archéologie (embryonnaire en la matière, rien de probant n’ayant jamais été découvert à cette époque), les mythes et l’histoire, l’école qui la défendit appela à la rescousse l’anthropologie physique, dite à l’époque « étude scientifique des races humaines ». Je passerai les détails, mais on inventa pour l’occasion les Indo-Germains, peuple blond et dolichocéphale, aguerri par des conditions de vie difficiles et créateur d’une civilisation avancée fondée sur un mélange de chasse et d’élevage. Le principal représentant de cette thèse est l’allemand Gustav Kossina, qui voyait dans les dolmens les ouvrages de ce peuple et les traces glorieuses de sa conquête de l’Eurasie depuis la Baltique. Kossina était un ultra-nationaliste, partisan du racisme systématique et des théories de la dégénérescence humaine alors à la mode (à la différence d’un Bopp ou d’un Reinach), mais c’était aussi un archéologue de très grande qualité. Il attira l’attention d’Alfred Rosenberg, et ses théories furent instrumentalisées par le régime nazi dans un sens trop connu pour que j’y revienne.
3. Les théories structurales
Après la seconde guerre mondiale, la question des IE fut reprise à nouveaux frais par des savants qui ne s’appuyèrent plus que sur des corpus de textes : l’archéologie s’était révélée peu fructueuse et l’anthropologie s’était déshonorée par ses compromissions politiques. Ce fut le temps de l’école française, avec les ouvrages d’Émile Benveniste, dont le célèbre Vocabulaire des Institutions Indo-Européennes (1969), et les travaux de George Dumézil sur la mythologie comparée. Benveniste obtint des résultats considérables, demeurés valables pour l'essentiel, par le rapprochement d’éléments linguistiques établissant des ressemblances entre les domaines latin, grec, indien et iranien au niveau des structures de parenté et des institutions politiques. Il refusa toujours, à juste titre, d’avancer la moindre théorie sur un éventuel peuple indo-européen originel, la notion d’« indo-européen » devant demeurer selon lui purement linguistique et sémiotique : il connaissait les échecs précédents, et il était conscient que les cultures qu’il comparait étaient trop éloignées entre elles dans le temps et dans l’espace pour permettre une telle démarche. Il était par ailleurs opposé à toute notion de hiérarchisation entre les cultures ou les groupes humains, pour des raisons faciles à comprendre : c’était le plus grand linguiste européen de son époque, sans conteste, et Vichy l’avait radié du Collège de France pour des raisons raciales.
De son côté, Dumézil procéda différemment : il étudia les mythes des aires culturelles grecque, latine, germanique et indienne (entre autres) et y repéra des homologies structurelles fortes, qui le conduisirent à élaborer sa fameuse théorie de la tripartition IE des fonctions entre souveraineté (politique et religieuse), guerre et production. Cette théorie, très admirée en son temps, est aujourd’hui abandonnée même si nombre des homologies qui la sous-tendent demeurent pertinentes et utiles. Pour prendre un exemple célèbre, le mythe romain de Mater Matuta, connu par un rituel incompréhensible où les matrones enfermaient une esclave dans le temple de la déesse puis l'en chassaient, est bien expliqué par son rapprochement avec le mythe d'Usas transmis dans le Rig Veda : la version indienne est un mythe de l'Aurore en tant que passage des ténèbres à la lumière. L'esclave romaine représentait sans doute ces ténèbres, accueillies puis expulsées par une déesse maternelle liée au petit jour. La principale faiblesse de la pensée dumézilienne réside dans son incapacité à intégrer les mythologies grecque et celtique (les Celtes seront plus tard la pierre d’achoppement des nouvelles théories linguistiques et génétiques développées dans les années quatre-vingt, j’y reviendrai) et à expliquer des homologies importantes entre les structures relevées et certains éléments de mythologie extra-européenne, notamment japonaise. S’y ajoutait un net manque de rigueur dans les formulations, parfois extravagantes. Dumézil resta prudent sur la question d’un peuple ou d’une culture IE primitifs, même s’il ne rejetait pas entièrement l’hypothèse, sans pouvoir pour autant l’étayer.
A suivre
A mon tour, mais sans les belles illustrations...
Le monde indo-européen, mythe ou réalité ?
Je vais couper mon exposé en deux parties, pour ne pas surcharger les messages et pour plus de clarté. Aujourd’hui, je résumerai la naissance du concept d’« Indo-Européens » et les développements des études à ce sujet jusqu’aux années soixante. Je traiterai la suite, des années soixante-dix jusqu’à nos jours, dans un message ultérieur.
1. Un concept linguistique issu de la science du XIXème siècle
La notion d’« Indo-européen(s) » est d’abord une découverte des linguistes qui, au début du XIXème siècle, ont constaté des ressemblances entre plusieurs langues inégalement réparties entre l’Europe et l’Asie. Cette observation les conduisit à la postulation d’une « langue originelle » (Ursprache) dont la diffusion aurait entraîné la multiplication de langues dérivées, rapidement suivie de celle d’un « peuple originel » (Urvolk) issu d’un « berceau originel » (Urheimat).
Une science nouvelle fut ainsi créée : la paléolinguistique, qui visait à identifier, classer et situer les points de convergence entre les langues. Croisant ses découvertes aux données de l’archéologie, de l’anthropologie physique et plus tard à celles de la génétique, cette science a lentement conduit à forger de multiples hypothèses sur la situation géographique, la culture et les particularités qui seraient celle de ce peuple « indo-européen », ou des peuples anciens qui en dérivaient.
De quoi s’agit-il ? L’inventeur de la paléolinguistique est le Suisse Adolphe Pictet : dans Les Origines indo-européennes et les Aryas primitifs (1859-1863), il supposait que le recensement des termes communs aux langues indo-européennes (par la suite IE) permettrait de se faire une idée assez précise d’une civilisation originelle : les exemples les plus connus de ce raisonnement sont ceux du mouton et du fer. Dans la plupart des langues IE, l’animal que nous appelons le « mouton » est désigné par des termes proches : ovis (latin), aue (allemand), ewe (anglais), ois (grec), ovtsa (russe), etc. Ces termes procèderaient d’une racine commune *howis et indiqueraient que les premiers locuteurs de la langue « originelle » avaient domestiqué les ovins. Au contraire, le fer est exprimé par des termes très différents dans les langues IE : ferum (latin), sideros (grec), eisen (allemand), iron (anglais) etc. La civilisation originelle serait donc antérieure à l’invention de ce métal. Simple et logique.
Néanmoins très vite, cette technique a été critiquée : en effet, elle pose des problèmes de méthode et conduit à des contradictions. Stuart Piggott a exprimé le second problème avec humour : « Les Indo-Européens connaissaient le beurre mais pas le lait, la neige et les pieds mais ni la pluie ni les mains ! ». Les difficultés méthodologiques, sur lesquelles je ne m’étendrai pas, tiennent à la grande difficulté qu’il y a à établir le sens de nombreux mots véhiculés dans des corpus parfois très restreints et aux incertitudes sur la position chronologique, dans l’histoire des langues, des termes recensés.
Bref, ça ne marche pas. Les tentatives de définir une langue première et un peuple premier n’étaient pourtant pas près de disparaître.
2. Un berceau très mobile, mais toujours d’Est en Ouest
Comme dit plus haut, un peu plus tôt au XIXème siècle, plusieurs linguistes avaient mis en évidence des ressemblances entre langues européennes, persan et sanscrit. Je ne mentionneraii que le plus connu, l’allemand Franz Bopp dont le maître ouvrage de 1816, Le Système de conjugaison du sanscrit comparé avec celui des langues grecque, latine, persane et germanique (Über das Konjugationssystem der Sanskritsprache in Vergleichung mit jenem der griechischen, lateinischen, persischen und germanischen Sprache), eut une influence sur tout le XIXème siècle. L’extraordinaire complexité du sanscrit, admirée en Europe à l’égal de celles du grec ancien et du chinois classique, jointe à l’idéalisation de l’Inde antique par les savants issus des Lumières, conduisit à y voir la « mère des langues IE » et à chercher en Inde le lieu originel des peuples IE. Sans succès, faute de données archéologiques convaincantes.
Plus tard, on envisagea l’Asie Centrale, avec l’école d’Otto Schrader. Le grand représentant en France de cette idée fut Salomon Reinach : son monumental Dictionnaire des antiquités indo-européennes (1901) demeure aujourd’hui encore, même si la théorie qui le sous-tend est très contestée (mais non abandonnée car elle a été reprise avec des arguments nouveaux soixante-dix ans plus tard), une référence absolument incontournable pour quiconque s’intéresse de près ou de loin à la question IE. Reinach et Schrader sont à l’origine de la représentation selon laquelle le peuple IE originel aurait été guerrier : ils croyaient pouvoir reconnaître en lui et en ses descendants les principaux acteurs des vagues d’invasions dont témoignent de nombreux mythes et des récits historiques répartis dans toute l’Europe orientale et occidentale entre la Haute Antiquité et le début du Moyen-Âge.
Dernière hypothèse, la seule aujourd’hui totalement démonétisée tant sur le plan scientifique que sur le plan moral : la Scandinavie et l’Allemagne Septentrionale. A la différence des théories antérieures, qui convoquaient la linguistique, l’archéologie (embryonnaire en la matière, rien de probant n’ayant jamais été découvert à cette époque), les mythes et l’histoire, l’école qui la défendit appela à la rescousse l’anthropologie physique, dite à l’époque « étude scientifique des races humaines ». Je passerai les détails, mais on inventa pour l’occasion les Indo-Germains, peuple blond et dolichocéphale, aguerri par des conditions de vie difficiles et créateur d’une civilisation avancée fondée sur un mélange de chasse et d’élevage. Le principal représentant de cette thèse est l’allemand Gustav Kossina, qui voyait dans les dolmens les ouvrages de ce peuple et les traces glorieuses de sa conquête de l’Eurasie depuis la Baltique. Kossina était un ultra-nationaliste, partisan du racisme systématique et des théories de la dégénérescence humaine alors à la mode (à la différence d’un Bopp ou d’un Reinach), mais c’était aussi un archéologue de très grande qualité. Il attira l’attention d’Alfred Rosenberg, et ses théories furent instrumentalisées par le régime nazi dans un sens trop connu pour que j’y revienne.
3. Les théories structurales
Après la seconde guerre mondiale, la question des IE fut reprise à nouveaux frais par des savants qui ne s’appuyèrent plus que sur des corpus de textes : l’archéologie s’était révélée peu fructueuse et l’anthropologie s’était déshonorée par ses compromissions politiques. Ce fut le temps de l’école française, avec les ouvrages d’Émile Benveniste, dont le célèbre Vocabulaire des Institutions Indo-Européennes (1969), et les travaux de George Dumézil sur la mythologie comparée. Benveniste obtint des résultats considérables, demeurés valables pour l'essentiel, par le rapprochement d’éléments linguistiques établissant des ressemblances entre les domaines latin, grec, indien et iranien au niveau des structures de parenté et des institutions politiques. Il refusa toujours, à juste titre, d’avancer la moindre théorie sur un éventuel peuple indo-européen originel, la notion d’« indo-européen » devant demeurer selon lui purement linguistique et sémiotique : il connaissait les échecs précédents, et il était conscient que les cultures qu’il comparait étaient trop éloignées entre elles dans le temps et dans l’espace pour permettre une telle démarche. Il était par ailleurs opposé à toute notion de hiérarchisation entre les cultures ou les groupes humains, pour des raisons faciles à comprendre : c’était le plus grand linguiste européen de son époque, sans conteste, et Vichy l’avait radié du Collège de France pour des raisons raciales.
De son côté, Dumézil procéda différemment : il étudia les mythes des aires culturelles grecque, latine, germanique et indienne (entre autres) et y repéra des homologies structurelles fortes, qui le conduisirent à élaborer sa fameuse théorie de la tripartition IE des fonctions entre souveraineté (politique et religieuse), guerre et production. Cette théorie, très admirée en son temps, est aujourd’hui abandonnée même si nombre des homologies qui la sous-tendent demeurent pertinentes et utiles. Pour prendre un exemple célèbre, le mythe romain de Mater Matuta, connu par un rituel incompréhensible où les matrones enfermaient une esclave dans le temple de la déesse puis l'en chassaient, est bien expliqué par son rapprochement avec le mythe d'Usas transmis dans le Rig Veda : la version indienne est un mythe de l'Aurore en tant que passage des ténèbres à la lumière. L'esclave romaine représentait sans doute ces ténèbres, accueillies puis expulsées par une déesse maternelle liée au petit jour. La principale faiblesse de la pensée dumézilienne réside dans son incapacité à intégrer les mythologies grecque et celtique (les Celtes seront plus tard la pierre d’achoppement des nouvelles théories linguistiques et génétiques développées dans les années quatre-vingt, j’y reviendrai) et à expliquer des homologies importantes entre les structures relevées et certains éléments de mythologie extra-européenne, notamment japonaise. S’y ajoutait un net manque de rigueur dans les formulations, parfois extravagantes. Dumézil resta prudent sur la question d’un peuple ou d’une culture IE primitifs, même s’il ne rejetait pas entièrement l’hypothèse, sans pouvoir pour autant l’étayer.
A suivre
Le renard sait beaucoup de choses, le hérisson n’en sait qu’une grande. (Archiloque)
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Ce fil c'est comme une glace à la vanille/caramel au beurre salé/fraise/parfum que vous voulez, merci à vous @Fugace et @Judith
C'est un type qui rentre dans un bar et qui dit "salut c'est moi !"; et en fait c'était pas lui.
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Avec grand plaisir ! Judith tout ce qui concerne Dumézil m'intéresse, je ne l'ai pas lu encore mais il est brûlant sur ma liste. Son ordre tripartite semble se retrouver dans toutes les mythologies indo-européennes ou environ, puis dans la structure sociale même des sociétés ensuite. Le panthéon indo-européen est centré sur le ciel, sur l'air, l'élévation et en première intention cela pourrait sembler normal pour des peuples venus des steppes. Il n'y a pas de relief dans les steppes, aucune grotte. Seulement le soleil et l'horizon. Qu'un peuple des steppes fonde ses légendes sur des tours et des guetteurs semble naturel. Si je ne m'avance pas trop, quasiment toutes les mythologies européennes sont centrées sur ce schéma. Je propose de faire un point comparatif sur les mythologies à la suite de ton prochain message, il y a un intérêt. Hâte de lire la suite et de pouvoir clarifier l'existence ou la tangibilité des indo-européens.
Mais surtout, Dumézil m'intéresse pour un autre sujet. Son ordre tripartite s'est retrouvé flagrant en France durant l'Ancien Régime, le vieux schéma Noblesse—Clergé et Tiers-Etat est une forme historique dérivée de la structure des mythes indo-européens ou l'inverse. Et la bascule significative de notre société moderne se situe autour de 1871, l'instant où le Tiers-Etat se sépare en deux, où nous sortons de ce schéma de société ancestral.
Pour Newgrange je modère mes propos, il n'est pas certain que le monument ait été réaligné. J'imaginais cela comme une simple modification de la fenêtre d'ouverture mais en fait, cela ne fonctionne pas et réaligner un tumulus est quasiment impossible. Et cette absence de réalignement était visible :
Il n'est pas normal que le rayon de lumière touche la roche, le tumulus s'est décalé par rapport aux solstices. L'angle de décalage est mesurable sur la seconde image et cet angle correspond environ à -3.200 ans (donc 5.200 ans). Cet angle correspond au résultat de cinq millénaires de précession des équinoxes.
Note : puisque le monument est orienté vers le solstice donc vers la position la plus septentrionale du soleil, il n'existe aucune chance pour qu'un rayon autre que celui du solstice puisse un jour pénétrer l'édifice. Ce qui est un avantage par rapport aux équinoxes.
Mais surtout, Dumézil m'intéresse pour un autre sujet. Son ordre tripartite s'est retrouvé flagrant en France durant l'Ancien Régime, le vieux schéma Noblesse—Clergé et Tiers-Etat est une forme historique dérivée de la structure des mythes indo-européens ou l'inverse. Et la bascule significative de notre société moderne se situe autour de 1871, l'instant où le Tiers-Etat se sépare en deux, où nous sortons de ce schéma de société ancestral.
Pour Newgrange je modère mes propos, il n'est pas certain que le monument ait été réaligné. J'imaginais cela comme une simple modification de la fenêtre d'ouverture mais en fait, cela ne fonctionne pas et réaligner un tumulus est quasiment impossible. Et cette absence de réalignement était visible :
Il n'est pas normal que le rayon de lumière touche la roche, le tumulus s'est décalé par rapport aux solstices. L'angle de décalage est mesurable sur la seconde image et cet angle correspond environ à -3.200 ans (donc 5.200 ans). Cet angle correspond au résultat de cinq millénaires de précession des équinoxes.
Note : puisque le monument est orienté vers le solstice donc vers la position la plus septentrionale du soleil, il n'existe aucune chance pour qu'un rayon autre que celui du solstice puisse un jour pénétrer l'édifice. Ce qui est un avantage par rapport aux équinoxes.
Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Pour info (on ne sait jamais ) mon parfum de glace préféré est le chocolat.
Merci d'apprécier mon intervention en tout cas.
C'est ce qu'a affirmé Dumézil, qui voyait dans la Révolution Française une catastrophe au sens étymologique, avec le renversement d'une structure fondamentale des sociétés européennes. Les historiens du Moyen-Âge, surtout Duby et Le Goff, ont en partie utilisé ses thèses, mais avec recul et pour s'en détacher progressivement. C'est toujours délicat de faire la part, chez un chercheur, entre les travaux proprement savants et les biais cognitifs, notamment ceux induits par les orientations politiques, et Dumézil était un homme d'extrême-droite très affirmé. Il a eu le courage de se désolidariser des milieux douteux qui ont voulu utiliser ses livres (ce n'était pas Mircea Eliade, autre grand comparatiste doublé d'un raciste délirant), et c'est à son honneur. Mais il n'en demeurait pas moins un ultra-conservateur en politique. Sur le point que tu cites, je suggèrerais donc de le lire avec précaution.Fugace a écrit : ↑jeu. 19 sept. 2024 20:43 Mais surtout, Dumézil m'intéresse pour un autre sujet. Son ordre tripartite s'est retrouvé flagrant en France durant l'Ancien Régime, le vieux schéma Noblesse—Clergé et Tiers-Etat est une forme historique dérivée de la structure des mythes indo-européens ou l'inverse
Ceci dit, c'est un chercheur absolument fascinant : il faut savoir toutefois qu'il n'a pas convaincu tout le monde et qu'aujourd'hui encore, pas mal de scientifiques pensent que les structures qu'il a cru dégager n'étaient que des illusions. Il y aurait beaucoup à dire sur ce point.
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
J'ai commencé à produire une théorie à ce propos il y a quelque temps (incluse nécessairement dans un ensemble plus vaste) et effectivement le début de la séquence se trouve en 1789 mais je date son achèvement en 1871 à l'instant où les Versaillais font tirer l'armée sur la Commune, pour moi la bourgeoisie s'émancipe véritablement du peuple à cet instant précis. Jusque là pouvait-on imaginer une forme d'intérêt commun un peu diaphane mais en 1871 plus aucun doute n'est possible et dès lors, la structure de la société évolue durablement. Avec en rebond l'apparition du Matérialisme philosophique et la disparition du Clergé comme régulateur « absolu » des dérives inhérentes à l'Humain — et peu importe la nature exacte du clergé, l'important était d'avoir un contrepoids efficace face à la logique séculière qu'elle soit marchande ou de pouvoir — ou pire, des deux. Il me semble qu'un nexus de notre société actuelle se trouve quelque part aux alentours de 1871. Ce n'est pas l'endroit pour en parler, l'ouverture d'un autre fil pourrait être pertinent, plus tard. Je prends tes remarques en compte !
Maintenant à mon grand regret mais cela est nécessaire, faut-il bien remettre un peu de rigueur dans le flou artistique. Il n'est pas possible de généraliser une orientation astronomique à partir de quelques exemples choisis et il existe une étude sérieuse sur la question, produite par la Société Préhistorique Française en 2009.
L'étude complète se trouve ici : https://www.persee.fr/doc/bspf_0249-763 ... 06_3_13874
Et voici son abstract :
L'orientation vers les solstices concerne environ 17% des mégalithes étudiés, et 34% sont orientés vers une position dite « trégoroise » selon un angle de ±72°. Toutes les autres orientations sont inférieures à 15%. Mais, la répartition n'est pas uniforme sur le cercle des possibles. Si les choix des orientations étaient fait au hasard pur, l'ensemble du cercle serait concerné et ce n'est pas le cas. A priori tous les sites mégalithiques funéraires sont orientés selon dix positions et dix positions seulement, que les auteurs appellent « canoniques » et qui n'ont pas variées au cours des millénaires. Cela est visible sur les graphiques suivants :
Désolé pour le point technique mais cela est nécessaire, l'axe AzN représente l'orientation spatiale. Vous avez le détail dans l'article.
Maintenant à mon grand regret mais cela est nécessaire, faut-il bien remettre un peu de rigueur dans le flou artistique. Il n'est pas possible de généraliser une orientation astronomique à partir de quelques exemples choisis et il existe une étude sérieuse sur la question, produite par la Société Préhistorique Française en 2009.
L'étude complète se trouve ici : https://www.persee.fr/doc/bspf_0249-763 ... 06_3_13874
Et voici son abstract :
L'orientation vers les solstices concerne environ 17% des mégalithes étudiés, et 34% sont orientés vers une position dite « trégoroise » selon un angle de ±72°. Toutes les autres orientations sont inférieures à 15%. Mais, la répartition n'est pas uniforme sur le cercle des possibles. Si les choix des orientations étaient fait au hasard pur, l'ensemble du cercle serait concerné et ce n'est pas le cas. A priori tous les sites mégalithiques funéraires sont orientés selon dix positions et dix positions seulement, que les auteurs appellent « canoniques » et qui n'ont pas variées au cours des millénaires. Cela est visible sur les graphiques suivants :
Désolé pour le point technique mais cela est nécessaire, l'axe AzN représente l'orientation spatiale. Vous avez le détail dans l'article.
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Avant de poursuivre sur les mythologies et en attendant ton second message Judith, je souhaite faire un dernier tour sur la civilisation en elle-même. Voilà une vue d'artiste de ce qu'étaient leurs habitations, selon les éléments archéologiques retrouvés.
De longues maisons rectangulaires bâties sur des pilots et probablement, des maisons communales. Le site de Charavines est emblématique, enfoui vers -2.700 et on peut l'appeler la Pompéi du Néolithique toutes proportions gardées puisqu'il ne s'agissait que d'un village et de quelques familles. Mais la catastrophe naturelle locale a préservé l'ensemble. Le site était bâti au bord du lac de Paladru dans les Terres Froides, entre Grenoble et Lyon.
Les habitants sont partis avant la montée des eaux mais leurs habitations et les outils ont été préservés. De nouveau l'auteur du site NéolithiqueBlog a déjà fait le travail, le plus simple est de consulter ce qu'il en dit.
https://neolithiqueblog.wordpress.com/2 ... olithique/
La préservation de Charavines permet de connaître avec une bonne qualité le mode de vie du peuple mégalithique de cet endroit, vers -2.700. Si vous souhaitez vous immerger dans l'époque vous pouvez trouver ici une analyse de tous les résultats des fouilles archéologies, par sujets (maisons, outils, vases, alimentation, etc.) et c'est époustouflant : https://aimebocquet.com/index1.htm
Note : si l'on trouve des pollens de garance sur les peignes à tisser, il est possible que beaucoup d'habits aient été d'un rouge vif (rouge garance).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Garance_des_teinturiers
Et de nouveau se pose la question des armes de guerre de la civilisation mégalithique. Il est important ici de préciser que l'épée est la première des armes qui ait été conçu expressément pour tuer d'autres Humains. L'épée est une arme spécifique à bien des niveaux mais surtout pour cela : sa seule fonction est de tuer Sapiens. Toutes les autres armes ont d'abord été conçues pour la chasse ou pour l'artisanat. L'épieu, la lance et l'arc sont des armes de chasse. Le marteau et la hache sont des outils d'artisans. L'épée est l'outil des guerriers.
Et il n'y a pas d'épées dans la civilisation mégalithique. Mais il y a des haches et il y a beaucoup de haches. Et dans les monuments funéraires, des haches particulières ont été trouvées. Ainsi, Carnac est le centre historique et culturel de cette civilisation et à Carnac se trouve le tumulus dit de « Saint-Michel »
La Chapelle et la Porte sont postérieures et oui, c'est une question de degré. 125 mètres de long, 65 mètres de large et 12 mètres de haut le monument est construit sept siècles avant Newgrange et mille deux-cents ans avant les Pyramides. Il s'agit d'un des premiers monuments mégalithiques vraiment d'importance et c'est, comme la Pyramide de Gizeh, le modèle des autres sites aux alentours.
http://www.archeologie-aerienne.culture ... cartum.htm
La dernière vue est de Bougon, pas de Saint-Michel. Cela est très ennuyant lorsque l'on veut travailler sur les tumulus, le nombre de vues extérieures explosent mais il est très difficile d'avoir des vues intérieures. Je suppose que c'est lié à la lumière mais je ne comprends pas vraiment pourquoi cet pan de notre histoire est délaissé. En attendant le tumulus Saint-Michel est une mine d'or archéologique... et furent découvertes 11 grandes lames de haches polies (de 37 à 19 cm de long et une autre plus modeste de 9,7 cm en pyroxénite), 25 haches en fibrolite, 97 perles discoïdes et 10 pendeloques piriformes en variscite, ainsi qu'une quarantaine de petites perles discoïdes en os.
Nous sommes à l'époque de la pierre polie et les plus étonnantes de ces haches étaient en jade. Ci-dessous un collier breton néolithique :
De longues maisons rectangulaires bâties sur des pilots et probablement, des maisons communales. Le site de Charavines est emblématique, enfoui vers -2.700 et on peut l'appeler la Pompéi du Néolithique toutes proportions gardées puisqu'il ne s'agissait que d'un village et de quelques familles. Mais la catastrophe naturelle locale a préservé l'ensemble. Le site était bâti au bord du lac de Paladru dans les Terres Froides, entre Grenoble et Lyon.
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Les habitants sont partis avant la montée des eaux mais leurs habitations et les outils ont été préservés. De nouveau l'auteur du site NéolithiqueBlog a déjà fait le travail, le plus simple est de consulter ce qu'il en dit.
https://neolithiqueblog.wordpress.com/2 ... olithique/
La préservation de Charavines permet de connaître avec une bonne qualité le mode de vie du peuple mégalithique de cet endroit, vers -2.700. Si vous souhaitez vous immerger dans l'époque vous pouvez trouver ici une analyse de tous les résultats des fouilles archéologies, par sujets (maisons, outils, vases, alimentation, etc.) et c'est époustouflant : https://aimebocquet.com/index1.htm
Note : si l'on trouve des pollens de garance sur les peignes à tisser, il est possible que beaucoup d'habits aient été d'un rouge vif (rouge garance).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Garance_des_teinturiers
Et de nouveau se pose la question des armes de guerre de la civilisation mégalithique. Il est important ici de préciser que l'épée est la première des armes qui ait été conçu expressément pour tuer d'autres Humains. L'épée est une arme spécifique à bien des niveaux mais surtout pour cela : sa seule fonction est de tuer Sapiens. Toutes les autres armes ont d'abord été conçues pour la chasse ou pour l'artisanat. L'épieu, la lance et l'arc sont des armes de chasse. Le marteau et la hache sont des outils d'artisans. L'épée est l'outil des guerriers.
Et il n'y a pas d'épées dans la civilisation mégalithique. Mais il y a des haches et il y a beaucoup de haches. Et dans les monuments funéraires, des haches particulières ont été trouvées. Ainsi, Carnac est le centre historique et culturel de cette civilisation et à Carnac se trouve le tumulus dit de « Saint-Michel »
La Chapelle et la Porte sont postérieures et oui, c'est une question de degré. 125 mètres de long, 65 mètres de large et 12 mètres de haut le monument est construit sept siècles avant Newgrange et mille deux-cents ans avant les Pyramides. Il s'agit d'un des premiers monuments mégalithiques vraiment d'importance et c'est, comme la Pyramide de Gizeh, le modèle des autres sites aux alentours.
http://www.archeologie-aerienne.culture ... cartum.htm
La dernière vue est de Bougon, pas de Saint-Michel. Cela est très ennuyant lorsque l'on veut travailler sur les tumulus, le nombre de vues extérieures explosent mais il est très difficile d'avoir des vues intérieures. Je suppose que c'est lié à la lumière mais je ne comprends pas vraiment pourquoi cet pan de notre histoire est délaissé. En attendant le tumulus Saint-Michel est une mine d'or archéologique... et furent découvertes 11 grandes lames de haches polies (de 37 à 19 cm de long et une autre plus modeste de 9,7 cm en pyroxénite), 25 haches en fibrolite, 97 perles discoïdes et 10 pendeloques piriformes en variscite, ainsi qu'une quarantaine de petites perles discoïdes en os.
Nous sommes à l'époque de la pierre polie et les plus étonnantes de ces haches étaient en jade. Ci-dessous un collier breton néolithique :
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Un bon article de Ouest-France à propos de Saint-Michel et de Carnac : https://www.ouest-france.fr/culture/pat ... 1d49175b81
Explorer les travaux de Serge Cassen pourrait être une bonne idée ultérieure. Et donc, dans la tombe du tumulus Saint-Michel avons-nous retrouvé une dizaine de haches en jade. Les manches ont disparu, a priori les sols de Bretagne sont acides et conservent mal les dépôts. Mais voici l'exemple d'une tête de hache en jade de l'époque :
Et normalement la question qui vient immédiatement en tête est celle-là... Du jade ? En Europe ? Le jade est habituellement associé soit à la civilisation chinoise, soit aux civilisations sudaméricaines mais pas aux européens, le jade n'est pas un élément culturel d'importance chez nous. Et pourtant... Pourtant il l'a été. Les haches en jade du néolithique ne sont pas véritablement fonctionnelles, il n'est pas certain qu'elles aient servies ni à travailler ni à se battre. Celles retrouvées n'ont pas de trace marquées d'une quelconque utilisation : ce sont des objets de prestige et d'apparat, parfois les têtes ont été trouées pour pouvoir être accrochées par une corde sur un mur ou un poteau. Le jade est une pierre un peu particulière, qui semble avoir fascinés nos ancêtres sur tous les continents. Très solide, d'un bel aspect une fois polie allant jusqu'à un effet miroir, la pierre de jade est réputée pour apaiser les maladies rénales. L'étymologie de "néphrite" dans le nom d'une des variétés de jade, le jade néphrite est directement liée aux reins. Les européens du Moyen-âge accordaient cette propriété à la pierre, de même que les civilisations sudaméricaines.
Et s'il n'y a pas de tradition apparente du jade en Europe la raison en est très simple : il n'existe qu'une et une seule source naturelle de jade à proximité régionale, dans les Alpes et plus précisément dans les hauteurs du Mont Viso. En 2006, la découverte de ce gisement unique a provoqué la tenue d'une mission scientifique spéciale, sobrement baptisée JADE et dont Serge Cassen faisait partie.
Si quelqu'un dispose de 120€ ttc, les ouvrages issus de cette mission scientifique sont disponibles : https://jade.univ-fcomte.fr/documents/BC-Jade-CRAVA.pdf
Comme je ne les ai pas dans l'immédiat, je vais poursuivre avec les connaissances glanées ici et là. Le gisement de jade du mont Viso était à une hauteur impropre à l'édification d'un village, l'exploitation s'est donc faite via des expéditions de plusieurs semaines. La méthode pour extraire la roche (le jade est naturellement très solide) semble être celle du choc thermique. D'abord, repérer une faille naturelle, un plan de clivage dans la roche puis allumer un feu contre la fissure et utiliser des leviers pour faire jouer la pierre. Si cela ne suffit pas, insérer des coins en bois, les enfoncer au marteau puis les mouiller. L'eau dilate le bois et la roche éclate. Il s'agit de la même méthode ayant servi à extraire les menhirs dans le granit, un site d'extraction "inachevé" a été trouvé à Carnac explicitant cela.
Et c'est justement à Carnac que l'on retrouve les haches en jade extraites dans les Alpes. Mieux que ça, des haches taillées selon le style carnacéen de l'époque. Et mieux encore, ces haches de prestige vont se répandre un peu partout en Europe, signes de la vitalité de la civilisation mégalithique, de son influence et de son commerce.
Cette carte montre l'ensemble des sites néolithiques où des haches de jade venues du mont Viso ont été retrouvées, avec bien sûr Carnac à l'honneur. L'existence d'un objet de prestige suppose une organisation sociale, l'extension spatiale suggère une aire culturelle commune ou des relations diplomatiques.
L'importance culturelle et cultuelle de ces haches en jade est sublimée par le fait que plusieurs d'entre elles ont été retrouvées "brisées" dans les tombes, d'une façon semble-t-il cérémonielle. Les haches de moyenne qualité. Les meilleures, elles, semblent avoir été "sacrifiées" aux Dieux et disposées d'une façon rituelle à des endroits naturels de haute valeur symbolique.
Voilà les vraies haches retrouvées au tumulus Saint-Michel dont deux brisées rituellement.
Pour aller plus loin : https://neolithiqueblog.wordpress.com/2 ... es-polies/
https://neolithiqueblog.wordpress.com/2 ... t-de-jade/
https://neolithiqueblog.wordpress.com/2 ... lithiques/
En dernière idée, le besoin de polir les pierres permettait de s'affranchir des silex. Polir une pierre est un processus très long et répétitif, consistant à passer une matière abrasive sur la pierre jusqu'au résultat final. Et je reste encore stupéfait de voir l'intérêt que nous portons aujourd'hui aux civilisations disparues du mésolithique et du néolithique sud-américaines, leurs connaissances astronomiques (calendrier Maya), leur art de la sculpture de la pierre et du jade, leurs armes antiques en pierres polies alors qu'en définitive nous avons eu exactement la même période en Europe, une civilisation très équivalente sur tous les plans à côté de laquelle tout le monde passe sans se retourner et c'est très étonnant. Cela semble arranger tout le monde de croire que l'élan ancestral qui porte les bretons et les irlandais provient des Celtes alors que ceux-ci n'ont fait que se réapproprier les vestiges d'une civilisation possiblement grandiose et oubliée. Si vous avez remarqué, dans le tumulus de Newgrange apparaît déjà le Triskell. Cela symbolisait alors trois soleils dont la taille varie. Et ainsi, arrivons-nous tranquillement jusqu'aux indo-européens qui vont balayer cette civilisation comme Cortès et Pissaro ont balayé les civilisations pré-colombiennes et j'attends avec intérêt de connaître la suite de l'histoire conceptuelle des indo-européens !
Explorer les travaux de Serge Cassen pourrait être une bonne idée ultérieure. Et donc, dans la tombe du tumulus Saint-Michel avons-nous retrouvé une dizaine de haches en jade. Les manches ont disparu, a priori les sols de Bretagne sont acides et conservent mal les dépôts. Mais voici l'exemple d'une tête de hache en jade de l'époque :
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Et s'il n'y a pas de tradition apparente du jade en Europe la raison en est très simple : il n'existe qu'une et une seule source naturelle de jade à proximité régionale, dans les Alpes et plus précisément dans les hauteurs du Mont Viso. En 2006, la découverte de ce gisement unique a provoqué la tenue d'une mission scientifique spéciale, sobrement baptisée JADE et dont Serge Cassen faisait partie.
Si quelqu'un dispose de 120€ ttc, les ouvrages issus de cette mission scientifique sont disponibles : https://jade.univ-fcomte.fr/documents/BC-Jade-CRAVA.pdf
Comme je ne les ai pas dans l'immédiat, je vais poursuivre avec les connaissances glanées ici et là. Le gisement de jade du mont Viso était à une hauteur impropre à l'édification d'un village, l'exploitation s'est donc faite via des expéditions de plusieurs semaines. La méthode pour extraire la roche (le jade est naturellement très solide) semble être celle du choc thermique. D'abord, repérer une faille naturelle, un plan de clivage dans la roche puis allumer un feu contre la fissure et utiliser des leviers pour faire jouer la pierre. Si cela ne suffit pas, insérer des coins en bois, les enfoncer au marteau puis les mouiller. L'eau dilate le bois et la roche éclate. Il s'agit de la même méthode ayant servi à extraire les menhirs dans le granit, un site d'extraction "inachevé" a été trouvé à Carnac explicitant cela.
Et c'est justement à Carnac que l'on retrouve les haches en jade extraites dans les Alpes. Mieux que ça, des haches taillées selon le style carnacéen de l'époque. Et mieux encore, ces haches de prestige vont se répandre un peu partout en Europe, signes de la vitalité de la civilisation mégalithique, de son influence et de son commerce.
Cette carte montre l'ensemble des sites néolithiques où des haches de jade venues du mont Viso ont été retrouvées, avec bien sûr Carnac à l'honneur. L'existence d'un objet de prestige suppose une organisation sociale, l'extension spatiale suggère une aire culturelle commune ou des relations diplomatiques.
L'importance culturelle et cultuelle de ces haches en jade est sublimée par le fait que plusieurs d'entre elles ont été retrouvées "brisées" dans les tombes, d'une façon semble-t-il cérémonielle. Les haches de moyenne qualité. Les meilleures, elles, semblent avoir été "sacrifiées" aux Dieux et disposées d'une façon rituelle à des endroits naturels de haute valeur symbolique.
Voilà les vraies haches retrouvées au tumulus Saint-Michel dont deux brisées rituellement.
Pour aller plus loin : https://neolithiqueblog.wordpress.com/2 ... es-polies/
https://neolithiqueblog.wordpress.com/2 ... t-de-jade/
https://neolithiqueblog.wordpress.com/2 ... lithiques/
En dernière idée, le besoin de polir les pierres permettait de s'affranchir des silex. Polir une pierre est un processus très long et répétitif, consistant à passer une matière abrasive sur la pierre jusqu'au résultat final. Et je reste encore stupéfait de voir l'intérêt que nous portons aujourd'hui aux civilisations disparues du mésolithique et du néolithique sud-américaines, leurs connaissances astronomiques (calendrier Maya), leur art de la sculpture de la pierre et du jade, leurs armes antiques en pierres polies alors qu'en définitive nous avons eu exactement la même période en Europe, une civilisation très équivalente sur tous les plans à côté de laquelle tout le monde passe sans se retourner et c'est très étonnant. Cela semble arranger tout le monde de croire que l'élan ancestral qui porte les bretons et les irlandais provient des Celtes alors que ceux-ci n'ont fait que se réapproprier les vestiges d'une civilisation possiblement grandiose et oubliée. Si vous avez remarqué, dans le tumulus de Newgrange apparaît déjà le Triskell. Cela symbolisait alors trois soleils dont la taille varie. Et ainsi, arrivons-nous tranquillement jusqu'aux indo-européens qui vont balayer cette civilisation comme Cortès et Pissaro ont balayé les civilisations pré-colombiennes et j'attends avec intérêt de connaître la suite de l'histoire conceptuelle des indo-européens !
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Les Indo-européens, mythe ou réalité? (suite et fin)
1. Le renouveau archéologique de l’hypothèse des steppes
Les années 70 virent la fin des études structuralistes pures, et les travaux de Dumézil et de son école, sans rentrer totalement dans l’ombre, perdirent leur prééminence dans le domaine de la recherche. Le renouveau scientifique devait surgir d’un regain d’intérêt pour le croisement de la linguistique, de l’histoire et de l’archéologie.
C’est ainsi que l’hypothèse de Schrader et Reinach revint au premier plan, grâce aux travaux de plusieurs archéologues qui établirent l’existence, aux VIème et Vème millénaire avant notre ère, d’une culture particulière en Europe Centrale. Les deux plus célèbres sont Marija Gimbutas, une archéologue américaine d’origine lituanienne et son disciple James Mallory. Les travaux de ces deux chercheurs portèrent sur les complexes de tumulus présents dans les steppes ukrainiennes. Ces tumulus recouvraient des tombes dont le contenu témoignait d’une culture à la fois socialement très hiérarchisée, techniquement avancée et portée sur la guerre, notamment grâce à la domestication du cheval qui lui permettait des déplacement rapides et des razzias efficaces. En croisant les résultats de ces fouilles avec ceux de la linguistique comparée, Gimbutas et Mallory postulèrent un peuple qu’ils proposèrent d’appeler Kourgane (d’après le nom tartare des tumulus) et d’identifier aux Indo-européens « primitifs ». Ce peuple aurait envahi l’Europe et le nord de l’Asie au cours d’une série de quatre invasions massives.
Ces recherches prometteuses furent développées dans le Journal of Indo-european Studies, fondé en 1973 par Roger Pearson et dont Gimbutas puis Mallory furent successivement les rédacteurs en chef. Fortement appréciées chez les partisans de courants politiques adeptes d’un peuple européen primitif (Gimbutas fut par exemple très liée au GRECE - Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne- qui diffusa ses thèses en France dans les milieux dits de la Nouvelle Droite), elles échouèrent toutefois à convaincre les milieux savants pour plusieurs raisons, la principale étant la surinterprétation des données archéologiques et linguistiques utilisées : la culture des tumulus par exemple témoigne bien d’une domestication du cheval et de la maîtrise du cuivre, ainsi que de pratiques guerrières : mais il est difficile de prouver qu’elle ait été expansionniste. Elle semble en réalité avoir été très éphémère et s’être effondrée à la fin du Vème millénaire.
2. Les restes de l’hypothèse nordique
Dans les années 80, l’hypothèse nordique connut un bref retour sur la scène médiatique et même scientifique. Je passerai rapidement sur ce qui n’est qu’une instrumentalisation assez vulgaire de la science au profit d’une idéologie délétère, mais j’en profite tout de même pour une mise en garde : le linguiste Jean Haudry, par exemple, rédigea en 1981 le Que-Sais-Je consacré aux Indo-européens. Le livre présente comme prouvée l’« unité raciale » des Indo-Européens et leur origine nordique (qui ne repose, à la différence de la théorie steppique, sur aucune donnée archéologique sérieuse). Appuyé sur la pensée de Hans Günther, qui est mentionné explicitement dans l’ouvrage, raciologue nazi aujourd’hui heureusement oublié, il constitue un bon exemple de la persistance d’une collusion entre la recherche sur les IE et une extrême-droite racialiste et nostalgique des surhommes germaniques.
3. Le berceau originel : qu’en penser ?
La notion de « berceau », comme écrit plus haut, remonte au XIXème siècle et s’appuie à l’origine sur des observations linguistiques simples. Elle fut reprise durant les années quatre-vingts et développée de façon plus approfondie par l’anglais Colin Renfrew, qui inventa une nouvelle science, l’« archéo-génétique » pour remplacer la paléolinguistique devenue définitivement obsolète. La base de la théorie de Renfrew repose sur une observation archéologique majeure, bien attestée pour le coup : entre le VIIème et le Vème siècle, l’Europe a été l’objet de nombreuses vagues migratoires venues du Proche-Orient. Les groupes humains qui constituaient ces vagues pratiquaient l’élevage et l’agriculture, ce qui leur permit de supplanter culturellement les chasseurs-cueilleurs européens. Les populations européennes et orientales se sont assimilées mutuellement, probablement sans violence particulière, du moins d’après l’état actuel des connaissances.
Renflew estima que ces agro-pasteurs procédaient tous d’une origine commune et les identifia aux Indo-Européens. Cette hypothèse se heurtait à des problèmes majeurs : les langues IE ne sont pas ou très peu attestées au Proche-Orient ; de nombreuses langues non indo-européennes ont existé après leur implantation sur le continent (Minoen, Basque, étrusque, etc.).
Peu convaincant, donc. La tentative de réponse donnée à ces arguments ne le fut guère davantage. Elle s’appuya sur ce qu’on appelle la « théorie des deux arbres », qui fut essentiellement développée aux USA. Pour l’essentiel, il s’agit de faire remonter à une origine unique toute la génétique et toute la linguistique humaines, en établissant des arbres généalogiques des langues et des gènes et en montrant que ces deux arbres sont superposables (l’origine d’une telle idée procède de la Genèse). Le groupe IE aurait constitué une branche ancienne de cet arbre double parmi d’autres – le rameau le plus archaïque repérable étant ce qu’on a appelé la culture « nostratique », qui serait connue par une proto-langue parlée par des humains de la sphère boréale.
C’est simple et élégant, c’est politiquement correct, mais comme les premières théories mentionnées plus haut, ça ne fonctionne pas très bien. Les données à traiter sont trop massives et trop complexes pour être correctement articulées, même avec l’aides des Intelligences Artificielles, et le rapport entre linguistique et génétique est très complexe (des populations proches linguistiquement sont éloignées génétiquement, et vice-versa). Il y aurait beaucoup à dire sur les problèmes méthodologiques en cause, ce n’est pas ma spécialité et je préfère donc m’abstenir. Les curieux pourront aller consulter quelques articles sur la question du nostratique : du côté des partisans, on peut lire Grégoire Dunant ici ; du côté des adversaires, Lyle Campbell a très bien synthétisé les arguments opposées à cette hypothèse dans cet article.
4. Et donc, au bout du compte ?
Eh bien, la question n’est pas tranchée. La théorie du berceau unique n’est plus très solide, mais elle a toujours des partisans, et si l’on tient à la conserver, l’hypothèse steppique demeure probablement celle qui résiste le mieux à la réfutation.
Personnellement, je pense que d’autres explications aux ressemblances entre les langues IE (migrations croisées, phénomènes de créolisations, etc.) sont à prendre ne compte, plus convaincantes que celle d’un peuple originel acteur d’une conquête progressive de vastes zones géographiques. On en trouvera une excellente synthèse dans les ouvrages de l’archéologue français Jean-Paul Demoule Mais où sont passés les Indo-Européens (2014) ? ou encore The Indo-Europeans Archaeology, Language, Race, and the Search for the Origins of the West (2023). Demoule est néanmoins à lire avec précautions : archéologue et non linguistique, il commet parfois des erreurs importantes dans son analyse de certains phénomènes linguistiques ; par ailleurs, son opposition à la notion même d’ « Indo-Européen » et à la possibilité d’établir des arbres généalogiques en linguistique va trop loin. Une critique sérieuse du premier de ses deux ouvrages mentionnés, qui part de sa réception critique contrastée et en analyse les faiblesses, peut être lue ici.
Fin de ma digression et retour aux mégalithes. Merci de m'avoir permis d'intervenir!
1. Le renouveau archéologique de l’hypothèse des steppes
Les années 70 virent la fin des études structuralistes pures, et les travaux de Dumézil et de son école, sans rentrer totalement dans l’ombre, perdirent leur prééminence dans le domaine de la recherche. Le renouveau scientifique devait surgir d’un regain d’intérêt pour le croisement de la linguistique, de l’histoire et de l’archéologie.
C’est ainsi que l’hypothèse de Schrader et Reinach revint au premier plan, grâce aux travaux de plusieurs archéologues qui établirent l’existence, aux VIème et Vème millénaire avant notre ère, d’une culture particulière en Europe Centrale. Les deux plus célèbres sont Marija Gimbutas, une archéologue américaine d’origine lituanienne et son disciple James Mallory. Les travaux de ces deux chercheurs portèrent sur les complexes de tumulus présents dans les steppes ukrainiennes. Ces tumulus recouvraient des tombes dont le contenu témoignait d’une culture à la fois socialement très hiérarchisée, techniquement avancée et portée sur la guerre, notamment grâce à la domestication du cheval qui lui permettait des déplacement rapides et des razzias efficaces. En croisant les résultats de ces fouilles avec ceux de la linguistique comparée, Gimbutas et Mallory postulèrent un peuple qu’ils proposèrent d’appeler Kourgane (d’après le nom tartare des tumulus) et d’identifier aux Indo-européens « primitifs ». Ce peuple aurait envahi l’Europe et le nord de l’Asie au cours d’une série de quatre invasions massives.
Ces recherches prometteuses furent développées dans le Journal of Indo-european Studies, fondé en 1973 par Roger Pearson et dont Gimbutas puis Mallory furent successivement les rédacteurs en chef. Fortement appréciées chez les partisans de courants politiques adeptes d’un peuple européen primitif (Gimbutas fut par exemple très liée au GRECE - Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne- qui diffusa ses thèses en France dans les milieux dits de la Nouvelle Droite), elles échouèrent toutefois à convaincre les milieux savants pour plusieurs raisons, la principale étant la surinterprétation des données archéologiques et linguistiques utilisées : la culture des tumulus par exemple témoigne bien d’une domestication du cheval et de la maîtrise du cuivre, ainsi que de pratiques guerrières : mais il est difficile de prouver qu’elle ait été expansionniste. Elle semble en réalité avoir été très éphémère et s’être effondrée à la fin du Vème millénaire.
2. Les restes de l’hypothèse nordique
Dans les années 80, l’hypothèse nordique connut un bref retour sur la scène médiatique et même scientifique. Je passerai rapidement sur ce qui n’est qu’une instrumentalisation assez vulgaire de la science au profit d’une idéologie délétère, mais j’en profite tout de même pour une mise en garde : le linguiste Jean Haudry, par exemple, rédigea en 1981 le Que-Sais-Je consacré aux Indo-européens. Le livre présente comme prouvée l’« unité raciale » des Indo-Européens et leur origine nordique (qui ne repose, à la différence de la théorie steppique, sur aucune donnée archéologique sérieuse). Appuyé sur la pensée de Hans Günther, qui est mentionné explicitement dans l’ouvrage, raciologue nazi aujourd’hui heureusement oublié, il constitue un bon exemple de la persistance d’une collusion entre la recherche sur les IE et une extrême-droite racialiste et nostalgique des surhommes germaniques.
3. Le berceau originel : qu’en penser ?
La notion de « berceau », comme écrit plus haut, remonte au XIXème siècle et s’appuie à l’origine sur des observations linguistiques simples. Elle fut reprise durant les années quatre-vingts et développée de façon plus approfondie par l’anglais Colin Renfrew, qui inventa une nouvelle science, l’« archéo-génétique » pour remplacer la paléolinguistique devenue définitivement obsolète. La base de la théorie de Renfrew repose sur une observation archéologique majeure, bien attestée pour le coup : entre le VIIème et le Vème siècle, l’Europe a été l’objet de nombreuses vagues migratoires venues du Proche-Orient. Les groupes humains qui constituaient ces vagues pratiquaient l’élevage et l’agriculture, ce qui leur permit de supplanter culturellement les chasseurs-cueilleurs européens. Les populations européennes et orientales se sont assimilées mutuellement, probablement sans violence particulière, du moins d’après l’état actuel des connaissances.
Renflew estima que ces agro-pasteurs procédaient tous d’une origine commune et les identifia aux Indo-Européens. Cette hypothèse se heurtait à des problèmes majeurs : les langues IE ne sont pas ou très peu attestées au Proche-Orient ; de nombreuses langues non indo-européennes ont existé après leur implantation sur le continent (Minoen, Basque, étrusque, etc.).
Peu convaincant, donc. La tentative de réponse donnée à ces arguments ne le fut guère davantage. Elle s’appuya sur ce qu’on appelle la « théorie des deux arbres », qui fut essentiellement développée aux USA. Pour l’essentiel, il s’agit de faire remonter à une origine unique toute la génétique et toute la linguistique humaines, en établissant des arbres généalogiques des langues et des gènes et en montrant que ces deux arbres sont superposables (l’origine d’une telle idée procède de la Genèse). Le groupe IE aurait constitué une branche ancienne de cet arbre double parmi d’autres – le rameau le plus archaïque repérable étant ce qu’on a appelé la culture « nostratique », qui serait connue par une proto-langue parlée par des humains de la sphère boréale.
C’est simple et élégant, c’est politiquement correct, mais comme les premières théories mentionnées plus haut, ça ne fonctionne pas très bien. Les données à traiter sont trop massives et trop complexes pour être correctement articulées, même avec l’aides des Intelligences Artificielles, et le rapport entre linguistique et génétique est très complexe (des populations proches linguistiquement sont éloignées génétiquement, et vice-versa). Il y aurait beaucoup à dire sur les problèmes méthodologiques en cause, ce n’est pas ma spécialité et je préfère donc m’abstenir. Les curieux pourront aller consulter quelques articles sur la question du nostratique : du côté des partisans, on peut lire Grégoire Dunant ici ; du côté des adversaires, Lyle Campbell a très bien synthétisé les arguments opposées à cette hypothèse dans cet article.
4. Et donc, au bout du compte ?
Eh bien, la question n’est pas tranchée. La théorie du berceau unique n’est plus très solide, mais elle a toujours des partisans, et si l’on tient à la conserver, l’hypothèse steppique demeure probablement celle qui résiste le mieux à la réfutation.
Personnellement, je pense que d’autres explications aux ressemblances entre les langues IE (migrations croisées, phénomènes de créolisations, etc.) sont à prendre ne compte, plus convaincantes que celle d’un peuple originel acteur d’une conquête progressive de vastes zones géographiques. On en trouvera une excellente synthèse dans les ouvrages de l’archéologue français Jean-Paul Demoule Mais où sont passés les Indo-Européens (2014) ? ou encore The Indo-Europeans Archaeology, Language, Race, and the Search for the Origins of the West (2023). Demoule est néanmoins à lire avec précautions : archéologue et non linguistique, il commet parfois des erreurs importantes dans son analyse de certains phénomènes linguistiques ; par ailleurs, son opposition à la notion même d’ « Indo-Européen » et à la possibilité d’établir des arbres généalogiques en linguistique va trop loin. Une critique sérieuse du premier de ses deux ouvrages mentionnés, qui part de sa réception critique contrastée et en analyse les faiblesses, peut être lue ici.
Fin de ma digression et retour aux mégalithes. Merci de m'avoir permis d'intervenir!
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Re: La civilisation mégalithique, cette grande inconnue
Merci pour cette synthèse, Judith. Si je peux compléter, l'histoire ne s'arrête pas là. Depuis 2015 environ, les progrès de la génétique ont permis de diminuer le prix d'un séquençage ADN d'une façon spectaculaire, de l'ordre de 100 millions de dollars le séquençage d'ADN en 2001 à quelques centaines de dollars aujourd'hui (pour l'étymologie du mot "dollar", cela veut dire : "petit vallon" (thal) et c'est le nom d'une mine d'argent florissante du Saint-Empire Romain Germanique, découverte vers 1500 ap. J.C. qui a donné le nom de thaler à la monnaie locale, dérivée plus tard en dollar cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Thaler).
Et depuis 2015 environ le coût d'un séquençage ADN est suffisamment bas pour être utilisé massivement en archéologie, ce qui ouvre de nouveaux horizons grâce à la phylogénie. Le principe est simple : l'analyse de l'ADN des corps préhistoriques trouvés dans les sépultures ou dans les dépôts naturels préservés permet d'identifier la population génétique à laquelle les Sapiens étudiés appartenaient. Cela est possible grâce aux mutations "aléatoires" qui surviennent sur les chromosomes X et Y et qui se transmettent ensuite à la descendance. Ainsi, l'apparition d'une mutation spécifique est datée historiquement et nous savons avec une bonne certitude que tel ou tel individu qui possède ou ne possède pas cette mutation appartient ou non au lignage du peuple concerné et cela permet de suivre ensuite les mouvements et les croisements. A priori il n'est pas possible d'avoir de coïncidences, la probabilité résultant des mutations est tellement élevée que la même mutation ne peut pas se produire deux fois dans l'Histoire de façon distincte. Si un individu possède une mutation spécifique dans son ADN alors cela veut dire qu'il descend directement du premier Sapiens chez qui cette mutation s'est produite et l'ensemble de la population concernée par la mutation s'appelle un haplogroupe.
Et partant de là, tout un nouveau champ scientifique s'ouvre devant nous. Celui du mouvement génétique des populations durant la proto-histoire. Voici la répartition de l'haplogroupe R1B actuellement inféré aux indo-européens :
Pour les férus de technique, si vous souhaitez connaître l'origine génétique des indo-européens ça se passe ici : http://secher.bernard.free.fr/blog/inde ... p%C3%A9ens
La carte provient du site Eupedia : https://www.eupedia.com/europe/Haplogro ... DN-Y.shtml et c'est à ce site que je vais faire souvent référence dans la suite. Notamment pour ce point sur l'haplogroupe R1B :
La section "origine et histoire" nous donne un aperçu de l'évolution de R1B dans le temps. La trace la plus ancienne de la mutation R* remonte à un jeune garçon ayant vécu vers -24.000 au sud de la Sibérie et qui appartenait à une tribu de chasseurs de mammouths. Puis la mutation se sépare, R1A, R1B et R2. Le groupe R1B semble avoir trouvé un excellent terrain pour l'élevage dans les steppes pontiques, entre le Danube et l'Oural, d'où il est ensuite parti s'étendre en Europe de l'Ouest. Voir ici : https://www.eupedia.com/europe/Haplogro ... l#histoire
Et ici pour une idée de leur avancée géographique et temporelle :
Habituellement, les autres cartes phylogéniques des haplogroupes sont régionales. Ici par exemple vous avez l'haplogroupe I2a1 qui est celui majoritaire issu des chasseurs-cueilleurs européens, les tous premiers habitants de l'Europe :
Et là celui de l'haplogroupe G qui est celui des fermiers anatoliens, ceux qui ont propagé la révolution néolithique en Europe de l'Ouest :
@Judith
Mais l'arrivée des indo-européens R1B se situe vers -2.000 et s'agit-il bien de l'instant où les mégalithes sont abandonnés. Une certitude : en -2.000 la civilisation mégalithique était toujours centrée sur la pierre polie, c'était une civilisation néolithique. Ils ont eu commerce avec des civilisations chalcolithique (l'âge du cuivre) et... et tout cela est tellement fascinant. Si l'on reprend la carte en rouge au message précédent, celle décrivant l'extension des haches en jade de prestige, plusieurs points sont intrigants. Pour l'anecdote, les îles britanniques :
Chaque point correspond soit à un monument funéraire, soit à une hache plantée cérémoniellement dans un lieu naturel d'importance. Cela donne l'impression de distinguer l'endroit où des grands chefs locaux ont vécus et l'endroit où des rites particuliers ont été menés. Mais plus à l'Est se trouve une concentration assez étonnante :
A force de tourner autour du sujet, les points correspondent à la culture de Karanovo : https://fr.wikipedia.org/wiki/Culture_de_Karanovo
Cette culture était fondé autour du site de Solnitsata (actuelle Provodia, en Bulgarie) qui était un haut lieu de la production du sel à l'époque néolithique. Autour de Varna également, sur la Mer Noire, célèbre pour sa nécropole de la même époque révélatrice de deux choses : la culture de Karanovo est la première connue à avoir travaillé l'or, puis à avoir travaillé le cuivre. Dans les deux cas à des fins cérémonielles et d'ornements. Le cuivre et l'or sont des métaux souples, on ne peut rien couper avec. Est-ce que je fais un point rapide sur cela... Oui.
La période chalcolithique est très courte, il s'agit de l'âge du cuivre succédant au néolithique mais le cuivre en soi n'est pas très utile, trop malléable. Il en va de même pour l'or, les deux sont parfaitement adaptés pour des bijoux. Le bronze lui est un alliage, un alliage de cuivre endurci par l'ajout d'étain et parfois d'autres choses, entre 50% et 90% du bronze est constitué de cuivre. Mais sans l'ajout d'un alliage le cuivre est inutile, en tout cas si l'on veut des des armures et des épées. La culture de Karanovo était très indépendante, elle est restée à l'âge du cuivre et apparemment très peu d'éléments venant d'autres civilisations voisines ont été retrouvé dans ses dépôts. Les haches de jade sont la grande exception, leur seule influence extérieure. La nécropole de Varna est d'une grande richesse archéologique : https://visit.varna.bg/fr/varna_oldest_ ... world.html
Je ne suis pas tout à fait à l'aise à l'idée de partager l'image restante d'un squelette enterré cérémonieusement, les vaillants l'ont ici : https://www.arouez.fr/varna-un-site-exc ... olithique/
Avec l'ensemble des parures et bijoux métalliques de l'époque. La civilisation de Karanovo et celle des mégalithes étaient en contact.
Et cela nous renvoie aux indo-européens. Avant l'apparition massive de l'haplogroupe R1B nous avions en Europe des civilisations préexistantes, plutôt pacifiques, scientifiques et commerçantes. Et d'après la phylogénie, l'apparition de la mutation R1B d'une façon aussi significative en Europe de l'Ouest pourrait signifier une chose : ce peuple venu des steppes pontiques aurait pu avoir comme habitude d'utiliser le bronze, les chevaux et les chariots pour conquérir les territoires devant eux en tuant la majorité des hommes. Puis en prenant les femmes pour épouses et éventuellement en adoptant les enfants. La carte plus haut montre le caractère impérialiste des indo-européens, il y'a d'autres sources tout aussi impressionnantes sur la répartition du R1B dans l'espace. Ainsi, la disparition du savoir astronomique a du sens : il aurait été hors de question de partager quelque savoir que ce soit avec eux. Et les indo-européens était très patriarcaux, de nouveau toutes leurs mythologies sont centrées sur cela. Mais après un ou deux millénaires d'adaptation, de nouvelles civilisations sont apparues en Europe. Des Grecs, des Romains, des Celtes, des Germains. Tous sont indo-européens et portent la mutation R1B à différents niveaux. A noter que les Mongols, eux, ne sont pas indo-européens. L'archétype historique n'est pas forcément génétique.
Et parmi toutes les civilisations hyper-patriarcales issues des indo-européens, les Celtes (et dans une moindre mesure les Germains) font figure d'exception : le mélange des indo-européens avec la civilisation mégalithique a donné une nouvelle civilisation où la femme était l'égale de l'homme. Et ça historiquement c'est un outlier, un point hors de la courbe. Nous allons arriver aux mythologies.
Et depuis 2015 environ le coût d'un séquençage ADN est suffisamment bas pour être utilisé massivement en archéologie, ce qui ouvre de nouveaux horizons grâce à la phylogénie. Le principe est simple : l'analyse de l'ADN des corps préhistoriques trouvés dans les sépultures ou dans les dépôts naturels préservés permet d'identifier la population génétique à laquelle les Sapiens étudiés appartenaient. Cela est possible grâce aux mutations "aléatoires" qui surviennent sur les chromosomes X et Y et qui se transmettent ensuite à la descendance. Ainsi, l'apparition d'une mutation spécifique est datée historiquement et nous savons avec une bonne certitude que tel ou tel individu qui possède ou ne possède pas cette mutation appartient ou non au lignage du peuple concerné et cela permet de suivre ensuite les mouvements et les croisements. A priori il n'est pas possible d'avoir de coïncidences, la probabilité résultant des mutations est tellement élevée que la même mutation ne peut pas se produire deux fois dans l'Histoire de façon distincte. Si un individu possède une mutation spécifique dans son ADN alors cela veut dire qu'il descend directement du premier Sapiens chez qui cette mutation s'est produite et l'ensemble de la population concernée par la mutation s'appelle un haplogroupe.
► Afficher le texte
Pour les férus de technique, si vous souhaitez connaître l'origine génétique des indo-européens ça se passe ici : http://secher.bernard.free.fr/blog/inde ... p%C3%A9ens
La carte provient du site Eupedia : https://www.eupedia.com/europe/Haplogro ... DN-Y.shtml et c'est à ce site que je vais faire souvent référence dans la suite. Notamment pour ce point sur l'haplogroupe R1B :
La section "origine et histoire" nous donne un aperçu de l'évolution de R1B dans le temps. La trace la plus ancienne de la mutation R* remonte à un jeune garçon ayant vécu vers -24.000 au sud de la Sibérie et qui appartenait à une tribu de chasseurs de mammouths. Puis la mutation se sépare, R1A, R1B et R2. Le groupe R1B semble avoir trouvé un excellent terrain pour l'élevage dans les steppes pontiques, entre le Danube et l'Oural, d'où il est ensuite parti s'étendre en Europe de l'Ouest. Voir ici : https://www.eupedia.com/europe/Haplogro ... l#histoire
Et ici pour une idée de leur avancée géographique et temporelle :
Habituellement, les autres cartes phylogéniques des haplogroupes sont régionales. Ici par exemple vous avez l'haplogroupe I2a1 qui est celui majoritaire issu des chasseurs-cueilleurs européens, les tous premiers habitants de l'Europe :
Et là celui de l'haplogroupe G qui est celui des fermiers anatoliens, ceux qui ont propagé la révolution néolithique en Europe de l'Ouest :
@Judith
Bien sûr que ce n'était pas convaincant, puisque ce que Renfrew identifie ici est de façon très exacte la naissance de la civilisation mégalithique, explicité plus haut : le mouvement des fermiers anatoliens G vers l'ouest, qui sédentarise les chasseurs-cueilleurs I et de leur fusion naît peu à peu une civilisation. Nous sommes bien ici vers le VIIe et le VIe siècle av. J.C.La base de la théorie de Renfrew repose sur une observation archéologique majeure, bien attestée pour le coup : entre le VIIème et le Vème siècle, l’Europe a été l’objet de nombreuses vagues migratoires venues du Proche-Orient. Les groupes humains qui constituaient ces vagues pratiquaient l’élevage et l’agriculture, ce qui leur permit de supplanter culturellement les chasseurs-cueilleurs européens. Les populations européennes et orientales se sont assimilées mutuellement, probablement sans violence particulière, du moins d’après l’état actuel des connaissances.
Renflew estima que ces agro-pasteurs procédaient tous d’une origine commune et les identifia aux Indo-Européens. Cette hypothèse se heurtait à des problèmes majeurs : les langues IE ne sont pas ou très peu attestées au Proche-Orient ; de nombreuses langues non indo-européennes ont existé après leur implantation sur le continent (Minoen, Basque, étrusque, etc.).
Peu convaincant, donc.
Mais l'arrivée des indo-européens R1B se situe vers -2.000 et s'agit-il bien de l'instant où les mégalithes sont abandonnés. Une certitude : en -2.000 la civilisation mégalithique était toujours centrée sur la pierre polie, c'était une civilisation néolithique. Ils ont eu commerce avec des civilisations chalcolithique (l'âge du cuivre) et... et tout cela est tellement fascinant. Si l'on reprend la carte en rouge au message précédent, celle décrivant l'extension des haches en jade de prestige, plusieurs points sont intrigants. Pour l'anecdote, les îles britanniques :
Chaque point correspond soit à un monument funéraire, soit à une hache plantée cérémoniellement dans un lieu naturel d'importance. Cela donne l'impression de distinguer l'endroit où des grands chefs locaux ont vécus et l'endroit où des rites particuliers ont été menés. Mais plus à l'Est se trouve une concentration assez étonnante :
A force de tourner autour du sujet, les points correspondent à la culture de Karanovo : https://fr.wikipedia.org/wiki/Culture_de_Karanovo
Cette culture était fondé autour du site de Solnitsata (actuelle Provodia, en Bulgarie) qui était un haut lieu de la production du sel à l'époque néolithique. Autour de Varna également, sur la Mer Noire, célèbre pour sa nécropole de la même époque révélatrice de deux choses : la culture de Karanovo est la première connue à avoir travaillé l'or, puis à avoir travaillé le cuivre. Dans les deux cas à des fins cérémonielles et d'ornements. Le cuivre et l'or sont des métaux souples, on ne peut rien couper avec. Est-ce que je fais un point rapide sur cela... Oui.
La période chalcolithique est très courte, il s'agit de l'âge du cuivre succédant au néolithique mais le cuivre en soi n'est pas très utile, trop malléable. Il en va de même pour l'or, les deux sont parfaitement adaptés pour des bijoux. Le bronze lui est un alliage, un alliage de cuivre endurci par l'ajout d'étain et parfois d'autres choses, entre 50% et 90% du bronze est constitué de cuivre. Mais sans l'ajout d'un alliage le cuivre est inutile, en tout cas si l'on veut des des armures et des épées. La culture de Karanovo était très indépendante, elle est restée à l'âge du cuivre et apparemment très peu d'éléments venant d'autres civilisations voisines ont été retrouvé dans ses dépôts. Les haches de jade sont la grande exception, leur seule influence extérieure. La nécropole de Varna est d'une grande richesse archéologique : https://visit.varna.bg/fr/varna_oldest_ ... world.html
Je ne suis pas tout à fait à l'aise à l'idée de partager l'image restante d'un squelette enterré cérémonieusement, les vaillants l'ont ici : https://www.arouez.fr/varna-un-site-exc ... olithique/
Avec l'ensemble des parures et bijoux métalliques de l'époque. La civilisation de Karanovo et celle des mégalithes étaient en contact.
Et cela nous renvoie aux indo-européens. Avant l'apparition massive de l'haplogroupe R1B nous avions en Europe des civilisations préexistantes, plutôt pacifiques, scientifiques et commerçantes. Et d'après la phylogénie, l'apparition de la mutation R1B d'une façon aussi significative en Europe de l'Ouest pourrait signifier une chose : ce peuple venu des steppes pontiques aurait pu avoir comme habitude d'utiliser le bronze, les chevaux et les chariots pour conquérir les territoires devant eux en tuant la majorité des hommes. Puis en prenant les femmes pour épouses et éventuellement en adoptant les enfants. La carte plus haut montre le caractère impérialiste des indo-européens, il y'a d'autres sources tout aussi impressionnantes sur la répartition du R1B dans l'espace. Ainsi, la disparition du savoir astronomique a du sens : il aurait été hors de question de partager quelque savoir que ce soit avec eux. Et les indo-européens était très patriarcaux, de nouveau toutes leurs mythologies sont centrées sur cela. Mais après un ou deux millénaires d'adaptation, de nouvelles civilisations sont apparues en Europe. Des Grecs, des Romains, des Celtes, des Germains. Tous sont indo-européens et portent la mutation R1B à différents niveaux. A noter que les Mongols, eux, ne sont pas indo-européens. L'archétype historique n'est pas forcément génétique.
Et parmi toutes les civilisations hyper-patriarcales issues des indo-européens, les Celtes (et dans une moindre mesure les Germains) font figure d'exception : le mélange des indo-européens avec la civilisation mégalithique a donné une nouvelle civilisation où la femme était l'égale de l'homme. Et ça historiquement c'est un outlier, un point hors de la courbe. Nous allons arriver aux mythologies.