La presse féminine

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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InMedio
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La presse féminine

Message par InMedio »

C'est suite à un début de discussion sur la "genrification" de la presse dite féminine, après une bonne tranche de rigolade née de la lecture d'une interview de Monique de K dans un magazine féminin, que ce sujet est créé.

Il aurait pu porter un titre à rallonge tant le sujet semble vaste :
La presse féminine est-elle un outil d'émancipation des femmes via un media qui ne s'adresse visiblement qu'aux hommes ? Les tentatives historiques d'apporter du féminin et du féministe dans la presse écrite se sont-elles toutes faites bouffer par le marketing des magazines pour dames qui imprime environs 50% de pub sur papier glacé et 50% de tests psycho, d'astro, d'interviews de grandes spécialistes (hum), de conseil pour bien laver la maison et satisfaire son mari (oui une femme vit avec son mari, évidemment) ? Qui lit des magazines féminins, qu'est-ce que ça apporte, quel bien ou quel mal ça fait à la presse écrite ?

Après cette introduction volontairement orientée de ma part, écoutez c'est pour lancer le débat et puis qu'est-ce que j'y connais, je laisse le bâton de parole à qui veut.
Vous ne pouvez pas prouver que quelque chose n'existe pas, mais vous pouvez conclure qu'il n'y aucune raison de penser que ce quelque chose existe.
Richard Monvoisin

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Re: La presse féminine

Message par Napirisha »

Un peu de corpus historique de savoir de quoi on parle ?
Presse féministe : https://gallica.bnf.fr/html/und/presse- ... -feministe
Presse féminine : https://gallica.bnf.fr/html/presse-et-r ... e-feminine
Presse enfantine, avec quelques titres spécifiquement destinés aux fillettes : https://gallica.bnf.fr/html/presse-et-r ... -enfantine

Je ferai une sélection d'extraits sur le fil Gallica à l'occasion.
wonderbra de la recherche Google (c) Miss Souris

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Tamiri
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Re: La presse féminine

Message par Tamiri »

Napirisha a écrit : jeu. 23 févr. 2023 13:36 Presse enfantine
Ah les mécréants, ils n'ont pas intégré "Bernadette".
bernadette-1951-185b36d.jpg

Je remets ici le début de conversation engagé avec @blue hedgehog, intervention de ma part avec de la chronologie très à la louche rédigée au boulot en faisant semblant de travailler pendant la pause réglementaire et qui mérite tous les compléments possibles et imaginables que je pourrais faire moi-même mais que je ne fais pas parce que là, je vais faire une sieste.
le chat a écrit :
blue hedgehog a écrit : mer. 22 févr. 2023 16:33
InMedio a écrit : mer. 22 févr. 2023 15:31 C'est la presse féminine qui s'est genrée toute seule en l'occurrence.
Alors là IM je n'en suis pas sûre. Mais alors pas sûre du tout !
Sans être spécialiste de la question, j'en conviens, j'oserai tout de même avancer que cette presse féminine existe depuis longtemps, ce n'est pas une invention du 20e siècle. Mais d'une manière ou d'une autre, cette "genrification" se fait forcément par comparaison ou opposition. Et ça, il faut le mettre dans le contexte d'une société dirigée par des hommes pour les hommes. Les racines viennent de là.. selon moi.
Sur le plan historique, je confirme. L’apparition de titres ciblant les femmes remonte plutôt au début du dix-huitième siècle en Grande-Bretagne pour n’arriver de manière significative sur le continent que plus tard vers la fin du siècle. Le type de publication qui se met en place au début du dix-neuvième siècle se distingue de la presse généraliste par la place de la mode et du vêtement (centre d’interêt également partagé entre les hommes et les femmes au XVIIe et XVIIIe mais qui se « féminise » à partir de la fin du XVIIIe), et par une place moins importante accordée à la politique et à l’économie ; en revanche la chronique mondaine y est présente au même titre que dans la presse conventionnelle et, surtout, la chronique des arts et des spectacles y est a priori aussi sérieuse que dans les titres généralistes.
Se développent ensuite dans cette période partant de la toute fin du dix-huitième siècle deux mouvements distincts : d’une part les tentatives d’installer une presse clairement féministe, d’autre part la création, malheureusement plus durable (car reposant sur une base financière et une démarche de marketing), de titres « pour les dames » au sein de groupes de presse dirigés par des hommes, en tant que publications isolées ou comme supplément à des titres généralistes - ce qui est à l’évidence le cas de Madame Figaro, à ceci près que ce titre est beaucoup plus récent puisqu’il date seulement des années 1980. C’est cette seconde catégorie qui, globalement, contribue à ancrer (et à encrer, aha aha aha) la notion de presse genrée, soit de manière plus ou moins délibérée au sein d’un monde de la presse sous domination patriarcal, soit involontairement par souci de démarcation.
Il y a un autre point qui n’est pas à négliger non-plus du côté des magazines genrés pour enfants qui martelaient joyeusement l’ordre social dès le plus jeune âge comme la célèbre Semaine de Suzette ou la moins célèbre mais plus folklorique Bernadette, l’hebdomadaire catholique des fillettes. Mais ceci est une autre et vaste question.
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Judith
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Re: La presse féminine

Message par Judith »

C'est intéressant, mais quand je lis une phrase comme celle-ci
Les origines de la presse féminine remontent à la seconde moitié du XVIIIe siècle, avec l’apparition de titres tels le Cabinet des modes ou le Magasin des modes nouvelles, françaises et anglaises.
je tique. Il semble que l'un des premiers journaux féminins, au sens de rédigé par une femme à destination d'un public majoritairement féminin sans spécificité de contenu, ait été Le Nouveau Mercure Galant des Cours de l'Europe de Madame Dunoyer, qui date de 1710, suivi en 1712 par La Quintessence des Nouvelles - un journal de politique. Le premier journal de mode est un peu plus récent : c'est le Cabinet des Nouvellistes qui date de 1728. Certes, il s'agit de journaux qui ont parfois peu duré ou été mal conservés, mais les ignorer me semble une erreur.

Pour une approche plus précise, on pourra lire cet article, La presse féminine de Langue française au XVIIIème siècle, production et diffusion, d'une historienne, Caroline Rimbauld, qui a consacré sa thèse au sujet. Je ne dis pas que l'article est parfait mais il a le mérite de procéder à une présentation du sujet à partir d'un corpus pensé avec une certaine rigueur et qui remet partiellement en cause les idées reçues associant systématiquement presse féminine et mode.
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Brunehilde
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Re: La presse féminine

Message par Brunehilde »

Je viens ajouter mon grain de sel, vu que j'avais lancé le sujet en parlant d'arrêter de genrer la presse.

L'aspect historique est un bon point de départ, et on remarque effectivement que les essais de presse féminine plus axée féminisme ou tout simplement axée politique ont la plupart du temps capoté au profit des versions plus "marketées" qui se fondent dans les représentations sociales du moment pour tout simplement pouvoir se vendre.
Car il ne faut pas se leurrer, les préjugés, une bonne partie de la société s'en accommode plutôt bien. Hélas.

Après si on se penche sur l'actualité du sujet, je trouve que les lignes ont du mal à bouger dans les pages des journaux actuels, en fait ça me fait plutôt penser aux réseaux sociaux qui ont tendance à enfermer leur utilisateurs dans des bulles de filtres toujours plus antagonistes, mais j'exagère probablement.

La question "qui les lit" me semble capitale.
J'ai trouvé peu de sources, mais sur ce lien il semblerait qu'un quart des femmes lisent un des journaux féminins principaux.
Bon perso j'avais peur que ce soit plus, 50% ne m'aurait pas choquée, donc ça me rassure un peu. Moi je n'en ai jamais acheté, même à 13 ans je n'y voyais aucun intérêt, et j'ai vite appris à amener un livre dans les salles d'attentes, question de survie.

Je suppose que le lectorat est évidemment féminin dans l'écrasante majorité, et il me semble que quand bien même tout cela est né dans une société patriarcale, il y a encore du chemin à faire pour celles qui les lisent.

D'ailleurs ont peut remarquer aussi que la presse dite "masculine" (dans le sens expressément adressée aux hommes comme les magasines de charme type playboy, d'automobile, de mode masculine etc...) est apparue plus tard au milieu du XXème siècle, par opposition aux magasines féminins qui ont connu un gros essor après la seconde guerre mondiale. J'espère que là aussi seule une petite proportion de la gente masculine les lit, car ça n'a pas l'air très progressiste non plus :(

Bref, vous l'aurez compris je ne table pas sur ce genre de presse (d'un côté ou de l'autre) pour redresser la barre.

En fait ce qu'il nous faudrait ce serait des magasines qui parlent des relations entre hommes et femmes, au sens de la communication (pas de la séduction évidemment), car je pense qu'on reste encore trop campés sur nos positions des deux côtés.
J'ai personnellement vécu du sexisme au moins autant de la part de femmes que d'hommes, c'est probablement pour ça que j'ai ce point du vue.
La patriarcat a beau avoir été mis en place par une domination masculine, aujourd'hui on est tous dans le même bateau, ça serait quand même bien de tous ramer dans le même sens :?
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Judith
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Re: La presse féminine

Message par Judith »

Brunehilde a écrit : ven. 24 févr. 2023 23:47 on remarque effectivement que les essais de presse féminine plus axée féminisme ou tout simplement axée politique ont la plupart du temps capoté au profit des versions plus "marketées" qui se fondent dans les représentations sociales du moment pour tout simplement pouvoir se vendre.
Car il ne faut pas se leurrer, les préjugés, une bonne partie de la société s'en accommode plutôt bien. Hélas.
Oui, mais je pense que ce serait intéressant de contextualiser un peu plus la réflexion sur les origines, donc en gros le XVIIIème siècle : c'est le siècle où l'on réfléchit publiquement sur la question de l'éducation féminine, voire de l'éducabilité des femmes, ce qui ouvre évidemment la voie à la question périlleuse de leur reconnaître des droits civiques et politiques, et ce n'est évidemment pas un hasard si les premières femmes journalistes apparaissent à cette époque : à vrai dire, même si la distinction est devenue classique, je ne suis pas certaine que l'opposition entre "presse féminine" et "presse féministe" soit totalement pertinente. En tout cas l'échec des publications féminines à teneur politique et culturelle au profit de celles à teneur plus frivole a probablement des causes très diverses. La question financière est importante, mais pas seulement.
J'essaierai d'écrire quelque chose d'un peu plus consistant sur le sujet demain si j'ai le temps, et si personne ne le fait d'ici là.

Le lien est intéressant, mais je me suis demandé pourquoi Psychologie et Ca m'intéresse sont classés dans la "presse féminine" (alors que le second revendique de viser un lectorat mixte). :help:

Pour le reste, je suis d'accord avec ce que tu écris, évidemment.
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Tamiri
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Re: La presse féminine

Message par Tamiri »

Judith a écrit : jeu. 23 févr. 2023 14:28 C'est intéressant, mais quand je lis une phrase comme celle-ci
Les origines de la presse féminine remontent à la seconde moitié du XVIIIe siècle, avec l’apparition de titres tels le Cabinet des modes ou le Magasin des modes nouvelles, françaises et anglaises.
je tique. Il semble que l'un des premiers journaux féminins, au sens de rédigé par une femme à destination d'un public majoritairement féminin sans spécificité de contenu, ait été Le Nouveau Mercure Galant des Cours de l'Europe de Madame Dunoyer, qui date de 1710, suivi en 1712 par La Quintessence des Nouvelles - un journal de politique. Le premier journal de mode est un peu plus récent : c'est le Cabinet des Nouvellistes qui date de 1728. Certes, il s'agit de journaux qui ont parfois peu duré ou été mal conservés, mais les ignorer me semble une erreur.

Pour une approche plus précise, on pourra lire cet article, La presse féminine de Langue française au XVIIIème siècle, production et diffusion, d'une historienne, Caroline Rimbauld, qui a consacré sa thèse au sujet. Je ne dis pas que l'article est parfait mais il a le mérite de procéder à une présentation du sujet à partir d'un corpus pensé avec une certaine rigueur et qui remet partiellement en cause les idées reçues associant systématiquement presse féminine et mode.
Je tique pareillement car, à la louche au moins sur tout le dix-huitième siècle, la mode comme préoccupation forte n’est effectivement pas un sujet dont le lectorat serait féminin dans des proportions écrasantes - et c’est justement la mode elle-même qui le dit, dans la mesure où la « simplification » et l’abandon de l’ornement et de la parure pour la tenue masculine ne témoignent d’une spécificité féminine qu’au siècle suivant - quoiqu’il reste admis que l’évolution de la tenue masculine elle-même démarre vraisemblablement outre-Manche dans le premier archétype du gentleman-farmer. À l’évidence, pour pouvoir assimiler une revue de mode à un lectorat féminin, il faut tout simplement l’ouvrir et avoir constaté qu’elle traite de mode féminine. Et justement je ne trouve pas la distinction très claire dans l’article, mais j’imagine qu’il faut garder en tête que ce n’est qu’un court article et que l’autrice n’aura certainement pas manqué de s’assurer que son corpus tient la route ; néanmoins en première lecture, la proposition « (…) les journaux de mode s’adressent en priorité aux femmes (…) » semble ambiguë. J’imagine donc qu’il faut la traduire par « les journaux de mode [de mon corpus] ».
De la même façon est difficile de « classer » un titre écrit par des femmes dont les sujets n’ont rien de spécialement lié aux activités ou aux droits des femmes, l’article mentionne effectivement cette nécessaire précaution, aussi il me semble qu’il faut peut-être prendre avec prudence le rôle de repère attribué au Nouveau Mercure galant des cours de France dans la mesure où il s’agit d’une démarque du plus durable Mercure galant de Donneau de Visé, publication d’actualité culturelle, littéraire et mondaine sans cible féminine.
Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil Poil

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Re: La presse féminine

Message par Judith »

Tamiri a écrit : mar. 7 mars 2023 16:58 il me semble qu’il faut peut-être prendre avec prudence le rôle de repère attribué au Nouveau Mercure galant des cours de France dans la mesure où il s’agit d’une démarque du plus durable Mercure galant de Donneau de Visé, publication d’actualité culturelle, littéraire et mondaine sans cible féminine.
Oui, je suis d'accord, et je disais plus haut que l'article avait des imperfections. Mais même avec ses limites évidentes et ses défauts méthodologiques, il me semblait constituer une meilleure base de réflexion que les pages de Gallica. Il faudrait reprendre complètement cette question des origines pour y réfléchir correctement. Pour la France, il existe des journaux "féminins" dès la seconde moitié du XVIIème siècle : les premiers remontent à la Fronde, et ne s'occupent évidemment pas de mode. Pas le temps de faire une synthèse maintenant, demain peut-être. Quoique non, en fait, plutôt après-demain.
Ou alors tu t'en charges? Tu le feras mieux que moi. :)
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Rune
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Re: La presse féminine

Message par Rune »

J'avais vu passer ce fil il y a un moment, la thématique m'intéressait pas mal. Je n'ai pas répondu sur le moment, car d'autres que moi ont dégainé plus vite et ont très bien dit ce que je pouvais en penser.

En suivant un des liens proposés, l'explication la plus ''positive'' que j'ai trouvé à l'existence de la presse féminine est le fait d'y trouver une sorte de ''refuge'' face à un monde essentiellement fait par et pour les hommes, et où les occupations laissées aux femmes n'avaient pendant longtemps pas assez de ''valeur'' pour être mises en page.
Il me semble en effet que le fait de mettre la femme ''au centre'' est un des avantages des magazines de presse féminine, quelques qu'ils soient.

Sur le wikipédia au sujet de la presse féminine, je trouvais aussi intéressante l'idée (venant des ''cultural sudies'') qu'on peut aussi considérer que la réceptrice a un rôle actif, et non entièrement passif. En ce sens, ce n'est pas la même chose de lire la presse féminine en étant une adolescente à la recherche de repères qu'une femme ayant plus de distance critique face à ce type de support. (cf ''Je veux être comme ce mannequin anorexique et stéréotypé'' vs ''cette photo a été retouchée, pffff....'' Et encore, je ne suis pas certaine non plus que la majorité des adolescentes manque à ce point de jugeotte. :think: )

Pour finir, ce qui me pose le plus souci dans la presse féminine, je crois que c'est avant tout le manque d'originalité et de style : on en a lu un, on a l'impression de les avoir tous lus, plus ou moins. :yawn:
(Et ce serait un autre débat, mais pour moi, le problème est plus global, dans le sens où il me semble que la presse est de moins en moins indépendante et se concentre dans les mains d'un nombre de plus en plus restreint de personnes. Pour répondre à une des questions de départ, je crois que la presse féminine ne fait pas plus de mal à la presse que le reste : étant critiquée comme ''partisane'' de certains modèles depuis longtemps, il me semble qu'elle avance largement démasquée, contrairement à une certaine presse se réclamant encore de l'information ''objective'' et du décryptage de l'actualité...)

Et donc, réfléchir à tout cela a fait remonter en moi le souvenir d'un amour passé pour un titre de presse féminine, et même ''pire'', de presse adolescente, à savoir le défunt 20 ans : LE magazine qui pariait sur l'intelligence de ses lectrices au lieu d'espérer que ces dernières en soient partiellement dépourvues !

4542


Et aussi un des seuls magazine tout court à avoir une vraie signature, et un style inimitable. (...même si les couvertures ne sont pas la meilleure illustration du style en question :D : je pense que c'était un peu la concession faite à ceux qui finançaient le magazine... Car en réalité, à l'intérieur, le visuel était aussi barré que le contenu, avec des montages photos tirés de films Z ou de séries un peu kitsch)
Contrairement à pas mal de revues, les articles avaient un vrai contenu, ( je me sentais toujours ''enrichie'' après ma lecture de cette revue, alors que je ressens parfois un espèce de vide un peu nauséeux après la lecture de certains titres de la presse féminine...) des références très littéraires, souvent assez pointues (d'ailleurs un des principaux rédacteurs était Simon Liberati, mais Houellebecq collaborait régulièrement aussi...), et l'ensemble était rédigé sur un mode humoristique. Avec un humour très caustique, très ironique aussi, la quasi totalité du journal était à prendre au second degré. Je me souviens de pleurer de rire, littéralement, en lisant certains sujets, et cela ne m'est jamais arrivé depuis en lisant une revue.

Mais derrière cette impression un peu ''je m'en foutiste'' parfois à la limite du nihilisme, il y avait un vrai ton, une vraie originalité, et une ligne éditoriale très ''engagée''. (Sans s'en cacher, ce qui permettait éventuellement de s'en distancier...) Les rédacteurs expliquent bien qu'on les avaient laissé proposer ce contenu au final assez subversif car à l'époque la presse pour jeunes filles était considérée comme sans intérêt et ''inoffensive'' ...et parce que le succès rencontré par leur ligne éditoriale rapportait pas mal d'argent !

Je n'ai jamais retrouvé un tel plaisir à la lecture d'un autre magazine, et d'ailleurs je ne suis pas certaine que 20 ans pourrait exister aujourd'hui. Après, il faut avoir en tête que cette ligne rédactionnelle complètement unique a été la signature du magazine de 1990 à 2003, les années durant lesquelles Isabelle Chazot a été rédactrice en cheffe du magazine (à sa création dans les années 60 c'était une revue qui essayait déjà de se démarquer par un ton un peu plus décalé, mais rien à voir, et après 2003, le magazine s'est mis à ressembler aux autres titres de la presse adolescente, et a perdu tout ce qui faisait son intérêt.)

J'avais donc envie de vous faire partager quelques petits extraits, sachant que dans un de mes anciens numéros (le N°123 de décembre 1996. Oui oui, cela fait plus de 20 ans que je les garde religieusement :angel: ) j'ai retrouvé un article qui m'a fait penser au forum. :clin:
Globalement, le magazine suivait en apparence les codes du genre (psycho-test, horoscope, infos sur les stars...), mais en les détournant de façon systématique :

-Du genre pour l'horoscope : ''Février-balance : vous avez osé être heureuse en janvier alors que ce n'était pas ce que votre horoscope avait prévu pour vous. Résultat, les astres vous en veulent. Évitez de mettre le pied hors de votre lit avant le 29.''

-Les tests avaient un titre vaguement ''sérieux'' (=semblable à ce qu'on pouvait trouver dans d'autres titres de la presse ado), mais les questions / réponses étaient un savant mélange de n'importe nawak et de haute pertinence. Je prends pour exemple un article datant de décembre 1996 intitulé ''Testez le QI de vos parents'' : un dimanche en fin d'après midi, alors qu'ils s'assoupissent devant Delarue, demandez leur l'air de rien : ''Hum, comment ça s'écrit, déjà, la capitale de l'Australie ? Sydney ou Sidney ? S'ils répondent Sidney -1 / Sydney : 0 point / Camberra : 1 point). (cf le reste en pièce jointe, pas pu faire autrement, souci de scanner)
On sent que ça ne se prend pas au sérieux, tout en s'inspirant assez sérieusement des tests de QI (sachant que cela remonte à bien avant l'intérêt du grand public pour les tests de ce genre...).

-les articles, sous une apparence souvent assez provocatrice, invitaient en filigrane à une vraie réflexion : ainsi, dans le dossier ''dur dur d'être un boudin !'', il y avait tout un historique de la beauté à travers les âges, l'explication du fait que la laideur est subjective, affective, voire sociale... (sur ce dernier point : comparaison des deux garçons accusés dans l'affaire qui a inspiré le film l'Appât, appelés par la presse ''l'enfant gâté et le paumé'', mise en évidence qu'en fait ils sont presque identiques, mais que le premier vient d'un milieu aisé et le deuxième d'un milieu populaire...)
(Avec aussi un petit guide de l'embellissement à l'attention des vilains épisodiques : Conseil aux moches en riant : cachez-vous derrière vos mains quand vous riez comme madame Verdurin, ou devenez pince sans rire comme Buster Keaton. Conseil aux moches de dos : recueillez un homme inactif (par exemple un artiste ou un centriste de gauche non aligné comme Michel Crépeau) et dressez-le à marcher quelques centimètres derrière vous, ainsi il pourra vous prévenir de toute dégradation inopportune. )

-il y avait aussi quelques (rares) articles très sérieux : ainsi un article au sujet des ''familles incestueuses'' avec l'énumération cette fois très sérieuse de tous les signes qui doivent alerter sur des comportements déviants. (Normal : Quand un membre de la famille téléphone et tombe sur vous, il papote un peu : ''Et les études, ça va ?' La rentrée s'est bien passée ? Bon, passe moi ton père.'' // Pas normal : Il appelle toujours quand vos parents ne sont pas là et en profite pour tenir la jambe trois plombe, en vous parlant de façon directe, comme à une femme.)

-les interviews de célébrités étaient truffées de commentaires / didascalies entre parenthèses qui rendaient les propos tenus toujours un peu ridicules (impossible d'imaginer que les ''peoples'' acceptent ça aujourd'hui, j'ai l'impression...) (par exemple : interview de Dupontel lors de son film Bernie :
'' Ça vous arrive souvent de taper les gens avec une pelle comme dans votre film ?
-(explicatif) Tout cela est fictif, naturellement. Moi, je suis un bourgeois qui fait des cauchemars, et le cinéma me permet de les extérioriser. (Intello) Le coup des pelles, c'est le côté ''Orange mécanique'' du XXIe siècle, voyez.
-Avez-vous déjà songé à devenir homo ?
-Si j'en avais eu envie, je ne me serais pas gêné. (vantard) J'ai eu plein de propositions, à une époque....''
)

-la vente de produits de beauté (dont le journal n'était pas exempt), était intégrée à un thème ''Fin de soirée'' dont l'intitulé était : ''Les gens qui souffrent sont distingués, disait L.F. Céline, ceux qui s'amusent sont vulgaires'' Cette remarque désagréable mais pleine de réalisme doit nous donner à réfléchir : ce n'est parce qu'il est minuit que nous devons nous transformer en grosse citrouille luisante et nous laisser aller physiquement. ''


-Des listes de conseils wtf : 50 conseils pour énerver un jeune : Se moquer de la mode des baskets. Dire ''Va mettre tes souliers pour faire les commissions.'' Dire du bien du pape, du mal de préservatif, que le bouddhisme c'est pareil que la scientologie. Trouver Nicolas Sarkozy intelligent. (''Un jeune comme toi qui a réussi à être maire de Neuilly à 28 ans !'') Affirmer que les rappeurs font la promo des multinationales (boissons, baskets, fringues de sport...) Prévoir ses mutations physiques (''Tu seras chauve comme ton père !'') etc.


J'ajoute quand même en spoiler quelques éléments que je trouve un peu problématiques avec le recul :
► Afficher le texte

S'il y en a que ça intéresse, pour aller plus loin :

-Un article où la rédactrice en cheffe historique, Isabelle Chazot, explique très bien en quoi consistait le 20 ans des grandes années. En la lisant, je me rends compte que je ne suis pas d'accord à 100% avec tout ce qu'elle raconte (outch, la défense des rapports de séduction ''à la française''... On n'est pas loin de la liberté d'importuner...), mais tout comme la revue, la provocation me semble au service de la réflexion. Elle a une analyse intéressante de l'évolution de la presse féminine en générale, par exemple... (« ...à l'époque on vendait encore des journaux à des lecteurs, désormais on vend des lecteurs à des annonceurs ! »)

https://davidlepee.files.wordpress.com/ ... chazot.pdf

-Une vidéo où Simon Liberati raconte comment fonctionnait la rédaction du journal :
https://www.youtube.com/watch?v=EY8uJHABpeg

Bref, vous l'avez compris, je suis intensément nostalgique (...et j'espère avoir réussi au moins un peu à vous faire comprendre pourquoi :clin: ).
Et je finis donc en lançant un appel  :grin: : s'il y en a parmi vous qui, aussi fans que moi, ont gardé les numéros allant de 1990 à 1996 (date à laquelle j'ai découvert le magazine pour ma part, à savoir 6 ans trop tard...), je suis prête à beaucoup pour les récupérer (même une copie). Preuve d'ailleurs que ses anciennes lectrices (et lecteurs, car il y en avait !) lui restent fidèles, les numéros sont presque introuvables sur internet !
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.

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