Loupdessteppes a écrit : ↑ven. 17 mai 2019 03:13Par ailleurs, comme tu l'as fait remarquer, étant ici sur le lieu d'un pugilat verbal et non d'un dialogue, comme parfois dans certains café philo où on se jette des mots comme on se jette des pierres, pourquoi argumenter plus ? Ceux que ça intéresse trouveront du grain à moudre. Les autres... Disons en moins provocateur que, puisqu'il s'agit d'un échange d'opinions, j'ai donné la mienne, accompagnée de mon expérience, sans chercher à convaincre plus que ça. On ne peut convaincre personne lors d'un débat, alors que servirait de s'y essayer ?
Surtout : comme à mon habitude, sur les forums en général donc pas seulement ici, dans les cafés philo aussi, qui ne varie pas : parce qu'à cause de la forme, il est impossible d'y participer en y rédigeant un essai ni même une dissertation. Que chacun, comme tu l'as fait, répond sur le ou les points qui abondent en son sens, en oubliant de mentionner le reste, ou attaque sur la forme plutôt que sur le fond,...
Il y a inversion. Ce n’est pas ici le but et la condition ordinaire que de se livrer au pugilat : c’est le résultat d’un mode de participation consistant à empiler des affirmations. Personne n’a dit qu’il était souhaitable de reproduire le café philo dysfonctionnel que tu décris.
Si cela se réduit à un tour de table, juxtaposition d’
avis sans autre forme de procès, convergents ou contradictoires, je me demande quel est l’intérêt de tenter de tenir convenablement un forum, nous aurions plus vite fait d’aller au bar du coin : chacun va dire « moi je dis que... (que Socrate a raison, que Trump a tort, que les surdoués sont sensibles...), et sauf à susciter le pugilat redouté, cela va donc se réduire à une série de constats : « je suis d’accord », « j’affirme le contraire... » ou, pour le dire en termes encore moins choisis : « ah c’est ben vrai ça » ou « cause toujours ». Seul bénéfice envisageable : faire le tour d’horizon permettant de prendre conscience de la diversité des points de vue sur une question donnée... ce dont j’ose espérer que chacun a conscience sans qu’il soit besoin d’en répéter sans fin la démonstration !
Inventaire à peu près aussi stérile que le pugilat, quoique plus reposant, qui ne justifierait en rien que nous passions notre temps ici. On peut baisser le rideau, merci bien et au revoir.
Le scrupule de ne pas prendre le risque d’être schématique en tentant d’argumenter alors que ceci n’est pas un support comparable à une dissertation et encore moins à un travail universitaire est absolument louable. J’ai l’impression que ton échappatoire serait de dire : évitons d’être involontairement schématiques par manque de temps, de place et de méthode : soyons-le sciemment, contentons-nous de déclarer : « j’affirme que... ». Retour à l’effet catalogue.
Or donc, ici, depuis les quelques années que le forum fonctionne et sauf incompréhension majeure de ma part : nous faisons certes un compromis, tentant d’échapper à la juxtaposition de déclarations (ou au pugilat) en introduisant du mieux que nous pouvons les méthodes les plus élémentaires de la discussion - l’argumentation honnêtement menée, le doute, les grandes lignes de la démarche scientifique. Compromis qui j’en conviens peut déplaire à certains, leur sembler vain et fade - ils sont libres d’aller voir ailleurs.
De mon point de vue et avec toute les réserves qui s’imposent : sauf énorme malentendu donc, le but des présentes rubriques est un usage de loisirs. Ce n’est ni un labo universitaire, ni un mouvement politique ou social, ni une entreprise, ce que nous y faisons n’a pas de but opérationnel, personne ici ne prétend que le forum va faire avancer la science, la société, une cause... Nous nous y réunissons pour discuter de différents sujets en amateurs, et quand au contraire cela touche nos activités (professions, passions, engagements... nous conférant une « expertise » dans une certaine mesure), y partager des informations sans que cela ne soit un prolongement ni un substitut à notre vie extérieure.
S’il faut renoncer totalement à l’argumentation sous toutes ses formes et n’empiler que les affirmations, constater qu’elles convergent ou divergent et que nous n’avons pas tous les mêmes conclusions, retour au catalogue qui est ennuyeux ou au pugilat qui est désagréable, et donc tout le monde s’en va.
Précision sur la manière dont j’entends le terme principal. Dans l’acception que j’ai retenue ici, argumenter n’est pas (chercher à) convaincre. Cela exclut de fait l’utilisation consciente et délibérée de l’argument d’autorité, de la joute rhétorique, de la lecture partielle d’un fait, et cela implique au contraire de s’appuyer sur les éléments apportés par ses interlocutrices et interlocuteurs pour écarter son propre raisonnement de ces écueils.
Je dis donc ce que je pense, j'aimerais même que ce soit sous la forme d'aphorismes si j'en avais le talent. (J'aurais d'illustres prédécesseurs !) À chacun de se faire une opinion ensuite, et/ou de mener ses propres recherches.
Et donc, à quoi cela sert-il et qu’en ferons-nous ? Le suivant dira soit « je pense la même chose », confirmera avec un exemple (inutile, de fait, puisqu’on exclurait son usage à titre d’argument ou de réfutation), ou s’abstiendra pour éviter de parler pour ne rien dire) ; soit il ne sera pas d’accord et alignera une autre affirmation ou un autre aphorisme ? Ne restera qu’à admirer la qualité littéraire desdits aphorismes...
Et quand chacun aura fait ses propres recherches, aura peaufiné sa propre conclusion, devra-t-il donc s’abstenir, comme tu le fais, de toute forme d’explication, pour ne revenir que pour poser sa maxime ou son aphorisme ?
Mais pour te faire plaisir je vais fournir deux références. La première, de la part d'une féministe, que j'ai lue il y a environ trente cinq ans, et dont je suis le premier étonné (euphémisme !) qu'elle ait été rééditée.
Dans une bonne hygiène de pensée et de raisonnement, donc, citer une source n’est pas une politesse servant à faire plaisir. Ce n’est pas non-plus une justification nécessaire et suffisante (ça revient à dire : « j’ai pris l’information à cet endroit », « d’autres que moi le pensent aussi ») mais ça ne constitue pas un argument en soi à la notable exception des observations en sciences exactes. Ah mais j’oubliais : ici l’on n’argumente pas.
Et donc, démonstration par l’absurde. À ceci :
La guerre des sexes arrange bien le grand capital, elle détourne le regard de lui...
Mais je dis ça, je dis rien, hein !
Il m’est loisible de répondre :
L’anticapitalisme arrange bien les machistes, il détourne le regard d’eux...
Mais je dis ça, je dis rien, hein !
Passionnant... Et sinon, beau temps pour la saison, mais le fond de l’air est frais.
[mention]TourneLune[/mention] et [mention]Swinn[/mention] :
J’ai eu un prof, très vieille école, très attaché à l’étiquette, qui (ayant devant lui des élèves futur•e•s urbanistes et/ou architectes) estimait que nous aurions forcément à savoir nous tenir en société devant des « huiles ». Il n’avait pas totalement tort mais nous étions
jeunes et con(ne)s et donc ça nous semblait à la fois lointain, prétentieux, désuet...
Bref, ceci pour dire qu’il avait tenu à nous dire comment l’on s’adresse : à des ecclésiastiques, à des dirigeants politiques, à des chefs d’entreprise, à des présidents d’associations, à des nobles, à des magistrats, à des universitaires... et à des officiers.
Il nous avait précisé qu’à l’époque il n’y avait pas encore de féminisation officielle (et donc généralement pas de féminisation du tout puisque dans l’armée il n’est pas beaucoup de place pour ce qui n’est pas réglementé) pour les noms de grades, et qu’en dehors de l’invariable
capitaine, l’usage en était resté au terme masculin pour une personne de sexe féminin (sur la base théorique de l’usage du masculin à défaut du neutre).
En revanche, il était également précisé que « mon » dans « mon général » (quand on s’adresse à la personne) est l’abréviation de « monsieur » et non un article possessif. Donc l’armée avait institué (à l’époque et j’ignore si cela a changé depuis) que l’on disait « mon général » à un homme et « général » à une femme.
Maintenant que j’y pense, j’aurais du lui demander un truc qui m’intrigue : il y a des noms de fonctions (ordonnance, estafette) qui sont des mots féminins, je me demande comment on accorde les adjectifs quand on parle d’hommes et non de femmes : dit-on que « l’estafette Jules Martin est portée manquante » ou « porté manquant » ?
Reste également que, dans l’ancien usage, certaines féminisations (colonelle, générale, maréchale...) désignaient des épouses de militaires. J’ignore si cet usage a subsisté dans les milieux concernés (mon prof s’est trompé, je ne fréquente pas spécialement les grands de ce monde
) mais, le cas échéant, si une féminisation est réellement mise en place dans la pratique sinon dans les textes, il y aura une ambiguïté - et je peux imaginer l’agacement d’une femme titulaire d’un de ces grades prestigieux qui se présenterait comme
la générale Trucmuche au lieu de
le général et qui devrait se justifier de n’être pas l’épouse d’un autre militaire...
[mention]Grabote[/mention] moi aussi je veux bien un exposé plus complet et plus construit ; je pense que Tournelune réagissait sur le point suivant, à savoir que rien ne dispense de la prudence et de la méthode, j’entends par là que moi-même, si j’ai conscience d’avoir un point de vue spécifiquement engagé ou militant, je vais me sentir beaucoup plus en devoir que d’ordinaire de peser mes propos. Il peut y avoir eu malentendu, mais dans l’absolu je crois qu’il faut user des chiffres avec la même mesure que des citations : s’en servir pour illustrer et clarifier, en expliquer sa propre interprétation, en gardant conscience du fait que par définition, d’autres interprétations sont toujours possibles. La manie, souvent vue en politique par exemple, de considérer que le simple fait d’avoir des chiffres donne raison contre ceux qui n’en ont pas, me semble à exclure ; tout au moins, la prudence élémentaire consiste à garder en tête qu’une synthèse statistique repose sur un échantillon, une méthode de calcul et une définition initiale de la question posée, lesquelles ne sont évidemment pas infaillibles ni universelles.
À ces conditions, les chiffres sont un éclairage qui facilite l’approche critique. Des chiffres que l’on ne questionne pas ne sont que des éléments rhétoriques supplémentaires.
Je n’avais pas ressenti le propos de Chuchumuchu comme une façon d’assommer avec des chiffres excessivement mal mis en perspective, mais il est vrai que ma propre sensibilité peut me conférer une indulgence partiale. Je puis donc comprendre que TourneLune l’ait ressenti de cette manière et, quoiqu’il en soit, il n’y a pas sur ce point précis motif à éviction de qui que ce soit.