Nan, c'était : "Les Vampires". Louis Feuillade, 1915. Un "serial" (i.e. film à épisodes projeté en salle semaine après semaine) à caractère policier. les Vampires en question sont une bande de criminels qui sévissent dans Paris. Les deux têtes pensantes de l'organisation sont le Grand Vampire (le personnage que l'on voit au premier plan) et Irma Vep (anagramme...) rendue célèbre par l'un de ses costumes parfaitement osé par l'époque, une combinaison moulante en latex noir. La scène de la photo que j'avais publiée est une séquence de mise en abyme à plusieurs niveaux. Les méfaits des Vampires ont motivé la création d'un spectacle à leur propos : sur la scène, la victime innocente va être empoisonnée par la danseuse habillée en chauve-souris. Dans le même temps, la comédienne jouant la victime est l'une des cibles des "vrais" Vampires, et le faux poison a été remplacé par du vrai. L'autre artiste va tuer sa collègue sans en avoir conscience. Le Grand Vampire pousse le cynisme jusqu'à venir assister au meurtre dans une loge du théâtre, et se tourne vers la caméra dans un geste typique du cinéma de l'époque, reprenant le "code" gestuel de l'
aparté théâtral.
"Les Vampires" aurait du rester un film sans grande importance, il a pourtant eu un retentissement majeur. D'une part, comme son prédécesseur "Fantômas" (premier du nom, inspiré par les romans éponymes de Souvestre et Allain, très loin de la version parodique de Hunebelle,
ah ah ah ah... ! ), le film présente beaucoup de séquences tournées en décors naturels. Les vues des toits de Paris, du monde interlope de la "Zone" (les quartiers miséreux situés sur l'emplacement actuel du périph), des chais de Bercy au crépuscule, sont une nouveauté majeure, l'entrée d'une certaine réalité urbaine dans un cinéma qui l'ignorait ou la caricaturait. D'autre-part, la peinture d'une organisation criminelle toute-puissante, une pègre rampante infestant toute la ville (toujours comme dans "Fantômas"), est une provocation et un tournant inattendu dans la carrière de Feuillade, un des premiers films où les méchants sont les personnages les plus fascinants et les plus charismatiques de l'histoire sans qu'il n'y ait d'ironie ou d'humour à ce sujet.
Enfin et surtout, le film est tourné avec les moyens du bord en pleine guerre. Le réalisateur doit composer avec le personnel disponible. Il improvise globalement son scénario avec les acteurs réformés, convalescents, en permission... Ce qui confère au film un nombre important de rebondissements jouant clairement avec les limites de la vraisemblance. "Les Vampires" deviendra l'une des références du mouvement surréaliste, Feuillade se retrouvant adulé par un courant artistique auquel il n'appartient pourtant pas directement.
Il y a un film d'Olivier Assayas, intitulé "Irma Vep", qui se déroule sur le tournage d'un remake des Vampires.
Bon j'essaie autre-chose :
![Image](http://image.noelshack.com/minis/2018/08/1/1519073109-20350668-jpg-r-1920-1080-f-jpg-q-x-xxyxx.png)