"Progrès" en procréation

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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Pimprenelle
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Re: "Progrès" en procréation

Message par Pimprenelle »

Oui, on entend très souvent : "Le progrès/l'évolution, est inéluctable." (Je sais bien dani que ces mots ne sont pas de
toi ! J'aurais pu les citer dans les messages précédents)

Ce qui m'interpelle c'est que cette phrase fasse figure de Loi Scientifique au même titre que la gravitation ou encore la poussée d'Archimède.
Ces mots sont lourds de sens et peuvent faire office de propagande, c'est à dire décourager toutes les consciences qui se questionnent.
Inéluctable : contre quoi on ne peut lutter.
Donc messieurs, mesdames, pas besoin d'y réfléchir, de lutter. Cela revient à en faire un fait juste observable, laissant entendre que les humains, les citoyens n'ont aucune prise.
Ce terme "inéluctable", qui semble faire consensus, ne favorise pas vraiment à faire progresser le niveau de conscience des citoyens.
dani a écrit :J'ai toujours été convaincue que la seule chose qui puisse encore sauver le monde, c'est l'éducation
Je te rejoins à 100% mais malheureusement l'école est à 1000 lieues de pouvoir le faire pour de multiples raisons.
L'école a un pouvoir très faible comparé aux pouvoirs des politiques et des médias...
Et les missions et programmes de l'enseignement sont élaborés par un pouvoir politique, qui n'a pas forcément l'envie, l'intérêt de former des citoyens qui le remette en question...

Et il faudrait aussi travailler sur l'acceptation de notre condition et toutes les "frustrations" qui en sont inhérentes. Ce qui rejoint effectivement le sujet d'Obsidian sur le transhumanisme.
ça dépend, ça dépasse... et c'est tant mieux :P !

dani
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Re: "Progrès" en procréation

Message par dani »

Pimprenelle a écrit :Oui, on entend très souvent : "Le progrès/l'évolution, est inéluctable."
Ce qui m'interpelle c'est que cette phrase fasse figure de Loi Scientifique au même titre que la gravitation ou encore la poussée d'Archimède.
Ces mots sont lourds de sens et peuvent faire office de propagande, c'est à dire décourager toutes les consciences qui se questionnent.
Inéluctable : contre quoi on ne peut lutter.
Donc messieurs, mesdames, pas besoin d'y réfléchir, de lutter. Cela revient à en faire un fait juste observable, laissant entendre que les humains, les citoyens n'ont aucune prise.
Ce terme "inéluctable", qui semble faire consensus, ne favorise pas vraiment à faire progresser le niveau de conscience des citoyens.
Très sincèrement, je pense qu'en effet on ne peut pas lutter contre les progrès technologiques et scientifiques (dans un sens large). A moins d'une catastrophe mondiale qui tuerait tout l'humanité (on y va, hein, de toute façons je ne me fais aucune illusion là dessus, reste à savoir quand), on ne va jamais pouvoir interdire à l'humain de réfléchir et inventer. Et tant mieux aussi, car nous ne serions pas sur ce forum à parler de cela.

La lutte ne peut donc pas porter sur le développement des sciences, mais sur limites à leur exploitation en mettant un cadre, des règles, et en développant les consciences aux risques en jeu. Mais ces règles doivent faire l'objet de débats, de réflexions publiques, et c'est là que les principes éthiques permettent de réfléchir pour que les cadres soient posés dans le respect des personnes, de valeurs partagées etc...

Et cette lutte là ne remet pas en question l'inéluctabilité de l'évolution technologique, elle est donc d'autant plus indispensable.
Pimprenelle a écrit :
dani a écrit :J'ai toujours été convaincue que la seule chose qui puisse encore sauver le monde, c'est l'éducation
Je te rejoins à 100% mais malheureusement l'école est à 1000 lieues de pouvoir le faire pour de multiples raisons.
L'école a un pouvoir très faible comparé aux pouvoirs des politiques et des médias...
Et les missions et programmes de l'enseignement sont élaborés par un pouvoir politique, qui n'a pas forcément l'envie, l'intérêt de former des citoyens qui le remette en question...
Je suis d'accord. Les médias et internet faussent la donne, les infos sont biaisées, souvent erronées etc. Mais qui s'intéresse vraiment à discriminer l'info, à chercher plus loin, à être critique ? bien sûr que le changement est difficile, mais il viendra des citoyens, et non pas des politiques. Ou ceux-ci suivront le mouvement pour être réélus. Un peu comme avec les mouvements écologiques qui imprègnent de plus en plus tout un chacun (en tout cas chez nous en Suisse, faire le tri des déchets etc..) . Et je vois de même des changements avec des patients qui sont mieux informés qu'il y a 20 ans, plus curieux de pourquoi tel traitement etc. Là aussi leurs infos trouvées sur le web ne sont pas toujours, même rarement, fiables, mais ils veulent reprendre leur autonomie en main, ils sont motivés, et sur cette base on peut les accompagner pour qu'ils apprennent à trouver de meilleurs sources etc., et je rends mes étudiants attentifs à ce rôle de "guide" qu'ils ont auprès des patients (j'enseigne à des élèves infirmières). Pour les écoles primaires cela va évoluer aussi,école existe, je pense notamment à l'exemple de la Finlande. Et Ssi ça existe quelque part, ça peut exister un jour ailleurs
Pimprenelle a écrit : Et il faudrait aussi travailler sur l'acceptation de notre condition et toutes les "frustrations" qui en sont inhérentes. Ce qui rejoint effectivement le sujet d'Obsidian sur le transhumanisme.
Absolument : accepter de ne pas tout faire, ne pas tout connaître, de ne pas tout avoir, de vieillir, de mourir. Mais cette acceptation doit se faire en parallèle du reste, ce n'est pas un processus à mettre à la place d'un autre. Ma mère accepte de vieillir, d'être de plus en plus ralentie, de souffrir un peu de solitude. En même temps, elle trouve merveilleux de pouvoir communiquer avec ses enfants et petits enfants via les technologies entre les moment où nous passons la voir. D'avoir au bras une montre qu'elle peut activer si elle tombe, un ascenseur qui lui permette de transporter ses commissions, une voiture avec aide au parcage qui la rassure à se déplacer seule etc. Quand je la vois je me dis que vieillir ainsi c'est bien. Ne pas fuir la réalité, mais l'adoucir quand c'est possible.

Mais je travaille aussi avec des patients atteints d'Alzheimer qui souffrent infiniment émotionnellement (certains, pas tous heureusement). La frustration de vieillir et de perdre une part de qualité de vie c'est tout à fait OK pour moi. Tant que je garde une certaine possibilité de mouvement (au moins conduire une chaise roulante) et mes facultés cognitives. Je suis moins sûre d'accepter une maladie qui m'enlève tout cela (à part quelques mois ou semaines de fin de vie). Et aujourd'hui, en Suisse, c'est possible (avec EXIT, qui un suicide assisté). Cela amène chez nous de nombreux débats éthiques justement, quels sont les possibilités et limites de ce "service", cela pourrait il amener des familles à influencer leur vieux parent à se donner la mort car s'en occuper devient pénible etc.. Ce sont ces questions qui doivent être débattues. Mais la possibilité d'utiliser exit va rester possible. Ensuite, est-ce un progrès ou non ? je ne sais pas, mais c'est une évolution inéluctable de l'approche de la mort chez nous, qui existe aussi dans d'autres pays. Et les gens se rendent dans les pays où cela est possible quand c'est interdit chez eux. Idem pour les mères porteuses etc.. C'est inéluctable, vraiment.

(j'espère que tu ne te sens pas agressée Pimprenelle, mais moi j'aime bien ces discussions qui soulèvent des grandes questions :) )

....et je vais m'éclipser quelques jours, j'ai encore une semaine de vacs à prendre, beau WE à tous :ensoleillé: :lunettes9: )
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Re: "Progrès" en procréation

Message par Pimprenelle »

dani a écrit :(j'espère que tu ne te sens pas agressée Pimprenelle, mais moi j'aime bien ces discussions qui soulèvent des grandes questions :) )
absolument pas ! moi aussi j'aime ces discussions !
et je me sens en accord avec tout ce que tu développes dans ton dernier message (comment ne pas l'être !).
dani a écrit :ces règles doivent faire l'objet de débats, de réflexions publiques
c'est certainement ce qui manque encore trop...
le faire, à notre échelle sur ce forum, c'est déjà ça !
ça dépend, ça dépasse... et c'est tant mieux :P !

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Re: "Progrès" en procréation

Message par dani »

Pimprenelle a écrit :
dani a écrit :ces règles doivent faire l'objet de débats, de réflexions publiques
c'est certainement ce qui manque encore trop...
le faire, à notre échelle sur ce forum, c'est déjà ça !
Oui, je pense en fait que c'est vraiment une de mes raisons à aimer rester ici, cela m'oblige à réfléchir, à me confronter à d'autres visions, puis de bousculer un peu celles de mes élèves en les confrontant un peu ;)
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Re: "Progrès" en procréation

Message par Invité »

En somme, d'un point de vue évolutif :
1. Toute l'activité du clade "Sapiens" constitue son évolution dans le temps.
2. La disparition d'un clade survient lorsque son milieu (son environnement, son biotope) change trop radicalement ou trop rapidement pour qu'il ait le temps biologique de s'y adapter, c'est-à-dire de continuer à évoluer.
3. Le temps de l'évolution, ou plutôt l'échelle de ce temps (en tant que mesure ou ordre de grandeur) dépasse de beaucoup nos facultés perceptives ou cognitives (on peut le mesurer, mais cette mesure dépasse notre sens commun).

Aussi, déjà aveugles à notre propre devenir individuel, aveugle à l'avenir de notre société ou de notre groupe social globalisé, n'ayant comme échelle que la mesure infime de nos vies (2 à 3 générations, rarement quatre), comment pourrions-nous juger de notre évolution en tant qu'espèce ?
Et pourtant, telle est la question que nous pose le Progrès. Assez redoutablement, par démographie et environnement interposés (cf. les cavaliers de l'apocalypse).

Alors comment répondre ?
Restent les idées, les opinions que nous fabriquons à propos de nous-mêmes, de notre valeur, de notre devenir — toujours à l'échelle de notre vie (rapellons encore qu'elle est minuscule et dérisoire).
Le progrès, par exemple, une idée dominante, mais parmi d'autres… comme le conservatisme radical, qui à l'inverse du progrès prône le retour aux croyances et aux usages d'avant, d'un autrefois pur et légendaire.

Reste l'éthique, bien sûr. Et bien sûr que l'éthique se discute, selon qu'on la considère venir d'une essence, d'une perfection, d'une théologie, ou qu'on la voie immanente, et qu'elle ne soit pour ainsi dire qu'un bon usage de la vie.

Quoi qu'il en soit, Homo Sapiens, depuis qu'il existe est un taxon colonisateur et envahissant.
Neanderthalensis tout au long de son existence, soit à peu près le double de Sapiens (à aujourd'hui), n'a jamais été envahissant et n'a guère colonisé.
Au contraire, il a survécu et s'est adapté à des bouleversements écologiques et climatiques majeurs sans disparaître, autant qu'il a traversé des périodes fastes sans jamais croître et se multiplier notablement, sans jamais modifier sensiblement son biotope, sans rien abîmer.
C'est sans doute le secret de sa longévité : sa frugalité, sa modestie, son absence d'ambition de domination ou de croissance.

Sapiens, lui, dès les origines, met en scène et en œuvre son audace folle, son désir aveugle de rendre sa vie "meilleure" puisq'elle lui semble si injuste, cruelle et tragique. Alors Sapiens progresse, il amélore, il bricole, invente des outils, il s'invente des légendes, des dieux, des territoires, des identités, des privilèges, des propriétés, des lois, sans se soucier peu ou prou de la vie des autres (surtout pas le la vie animale) ou de la Vie tout court.
Son désir d'adapter, d'améliorer, il l'applique maintenant à la procréation (le mot lui-même est scandaleux) puisqu'il en a désormais les moyens. Donc, à travers la procréation assistée ou programmée (ou je ne sais quoi) voici Sapiens dans ses œuvres contemporaines.
Et bien sûr, cela pose des questions… (rupture de plus en plus consommée d'avec la Nature, d'avec ses lois… et peut-être d'avec notre propre humanité, oh my God! etc.). Tout cela inquiète, interroge…

Il ne me semble pas absurde d'aborder ce topic (négligemment jeté dans les champs des étoiles) du point de vue large des grandes échelles de temps. De voir Sapiens et donc soi-même comme une expérience de la Vie, du temps, une simple expérience à l'échelle immense du temps biologique, de l'évolution.
Sapiens pourra-t-il se sauver de lui-même ?
de ses propres caractéristiques biologiques et génétiques ?

Qu'en dites-vous ?
IMG ? La prémonition d'un destin funeste ?

P.S.
Moi je dis : Qui vivra verra.
(Posté à partir de l'Iphon, quel effort ! Pardon s'il y a des fautes, je n'y vois plus rien…)

dani
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Re: "Progrès" en procréation

Message par dani »

L'éthique, c'est juste surtout pour que ceux qui y croient disparaissent dignement. Je ne pense pas en effet que sapiens en ait encore pour longtemps, et probablement tant mieux pour la planète certainement. Mais je ne veux pas que l'humanité, mes enfants, disparissions sans avoir lutté. Juste parce qu'au fond on en sait rien, et que cela donne du sens à aujourd'hui, et que cela me suffit
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Re: "Progrès" en procréation

Message par Invité »

dani a écrit :Juste parce qu'au fond on en sait rien, et que cela donne du sens à aujourd'hui, et que cela me suffit
Bien sûr, Dani. L'éthique prime, comme la Vie. Elle ne sont pas séparées.
:nod:

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Re: "Progrès" en procréation

Message par Invité »

Une maîtrise sage de la fécondité, un rapport sage à l'environnement, une société juste et non violente fondée sur l'éducation, favoriseraient un futur viable.
Sapiens est-il capable de s'observer lui-même ? De se comprendre lui-même ? En a-t-il le désir ? La possibilité ? La Babel libérale globalisée qu'il a bâtie peut-elle le permettre ?
Vastes et nouveaux topics…

dani
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Re: "Progrès" en procréation

Message par dani »

Tes réflexions sont très sages hosen (de cette sagesse qui émerge des profondeurs de l'Expérience me semble-t-il).

Elles mènent, pour y répondre, à quelque chose de l'ordre du spirituel : quel est le sens de la présence de sapiens sur terre, développer sa propre conscience ? A quelles fins ? sa conscience n'est-elle pas bien plus vaste que lui même ...

(rebond un peu facile je l'admets, sur fond d'apéro prolongé d'un samedi vacancier ....la vie reste bien bonne quand même :) )
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Figoms
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Re: "Progrès" en procréation

Message par Figoms »

Personnellement, je pense que ce progrès est directement lié au fait que notre avenir est incertain et à la nécessité de juger l'enfant dans cet avenir. Le discours environnementalisme est à la fois ignoré et véridique. Mais quand il s'agit de notre enfant, le véridique l'emporte sur l'ignoré, car on veut le meilleur pour notre enfant et le meilleur, parfois, c'est la mort. Dire que le meilleur peut parfois être la mort peut paraître monstrueux, mais je pense que le temps est la seule construction complétée et donc, que la vie ne l'est pas. Et en venir à la vie n'est peut-être pas impertinent, puisque la question est : qu'est-ce que la vie ?

C'est pour cette question que je vous invite à lire le deuxième livre de la méthode d'Edgar Morin. (La vie de la vie) Il dit entre autre "qu'il est impossible d'optimiser la complexité et singulièrement la complexité vivante".

Alors si cette optimisation est impossible, ce meurtre du foetus d'handicapé est peut-être simplement un refus de faire l'autruche face à des problèmes comme le caractère non-renouvelable du pétrole ou à la destruction de la biodiversité ?

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W4x
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Re: "Progrès" en procréation

Message par W4x »

hosen a écrit :Une maîtrise sage de la fécondité, un rapport sage à l'environnement
Figoms a écrit :Personnellement, je pense que ce progrès est directement lié au fait que notre avenir est incertain et à la nécessité de juger l'enfant dans cet avenir. Le discours environnementalisme est à la fois ignoré et véridique.
Dans une perspective environnementaliste, sans doute, encore que les contours d'une fécondité "sage" restent tout à tracer. Mais dans quelle mesure? Si tout doit se chiffrer, cela le serait aussi. Pourquoi dans les décennies à venir l'Afrique et l'Asie du sud se plieraient-elles de bon gré aux supplications des occidentaux qui leur demanderaient de faire moins d'enfants, d'acheter moins d'écrans plats, de voitures, et d'user de moins d'énergies fossiles ? ("Plus d'énergie propre" ça marche pas... on peut très bien augmenter le nombre de ses éoliennes ET le nombre de ses centrales à charbon^^). Aux exceptions près, n'importe quel peuple qui compare ses conditions de vie aux nôtres n'aspire qu'à celles-ci, quel qu'en soit le coût à plus ou moins long terme.

La question des enfants dans tout ça ? Quelque chose d'unique, de viscéral, qui dépasse la projection que l'on peut avoir de ce petit être à venir dans le monde. Et peu importe qu'on soit parmi les sapiens les plus évolués sachant s'exprimer par fibre et 105 touches interposées, il y a encore ce "truc" qui nous détache de nos claviers. Et le fait de "sélectionner" son enfant avant la naissance (puisque c'est bien de cela qu'il s'agit) n'est que l'exacerbation de ce sentiment.
Figoms a écrit :Alors si cette optimisation est impossible, ce meurtre du foetus d'handicapé est peut-être simplement un refus de faire l'autruche face à des problèmes comme le caractère non-renouvelable du pétrole ou à la destruction de la biodiversité ?
Peut-être, j'ai du mal cependant à voir aux gens ce genre d'intentions cachées, ne serait-ce que par la période de "flottaison/transition/m'enfoutage" écologique que nous traversons^^.

Et avant de me faire taper sur les doigts par la modération pour hors-sujet, je souligne les sujets suivants : :P
http://adulte-surdoue.fr/philosophie/le ... t2064.html
http://adulte-surdoue.fr/philosophie/hi ... t2076.html
si ça vous inspire...
Mathematics is a game played according to certain simple rules with meaningless marks on paper. D.Hilbert

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Re: "Progrès" en procréation

Message par Invité »

hosen a écrit :Une maîtrise sage de la fécondité, un rapport sage à l'environnement, une société juste et non violente fondée sur l'éducation, favoriseraient un futur viable.
W4x, la citation est incomplète. L'éducation est la clef de tout. Sans elle, pas de justice, pas de paix. Sans elle, pas de démographie maîtrisée. Pas d'écologie non plus. Et s'il faut chiffrer, je crois que le coût de cette éducation reste bien en deçà des budgets de défense cumulés et des profits amassés par ce 1% des plus fortunés qui accaparent 90% de la richesse mondiale.
W4x a écrit :… [et la] question des enfants dans tout ça ? Quelque chose d'unique, de viscéral, qui dépasse la projection que l'on peut avoir de ce petit être à venir dans le monde.
W4x, tu mets dans le mille du problème Sapiens.
Cette perception viscéralement unique de l'enfant, c'est tout simplement la perception viscéralement unique que Sapiens a de lui-même. C'est ce qui le pousse à reproduire, à se reproduire, à se survivre par la reproduction. À la fois en tant qu'espèce (taxon ou clade), mais aussi en tant qu'individu qui désire l’au-delà de sa mort personnelle dans la continuité de sa descendance, de sa famille, de sa tribu, de sa terre, de sa nation, bref, dans tout ce qu'il associe à soi-même, et qu’il attribue à son identité1.
Cette conscience particulière de soi qu’a Sapiens, de son être individuel et mortel, de sa fragilité de poussière qui retourne à la poussière, a façonné ses mythes, ses religions, mais aussi l’art, le sentiment tragique, la philosophie, l’idéalisme, les idéologies, et l'idée même de progrès.

Je vois, peut-être à tort, Sapiens résumer et incarner cette contradiction de la reproduction. Car, dans le jeu de l'évolution, de l'apparition et de la disparition, il n'y a pas de tragédie en soi. C'est simplement la vie à l'œuvre, telle qu'elle est et telle qu’elle agit dans le temps : des possibilités, des mutations lentes ou plus rapides dans la succession des générations, des adaptations constantes de chaque partie du vivant à la multiplicité des autres parties, dans une totalité dont l'unique dessein est de perpétuer la vie — la vie, dans la complexité et l’abondance de ses formes, dont l’intelligence sensible est le fruit.

Et, de fait, sur une échelle de temps plus vaste que la vie des individus, le vivant produit la vie, mais ne la reproduit pas. Il produit l’évolution, non la reproduction.
Or, me semble-t-il, Sapiens se reproduit ; il produit de la reproduction ; il en est obsédé, autant que l’idée de la mort le fascine et l’obsède. Et c'est, je crois, cette obsession, cette illusion mortifère sur la nature de la vie, cette contrefaçon de l’évolution sous l’aspect du progrès, qui animent, mettent en scène et dirigent le théâtre sombre et inquiétant du monde contemporain.

Voilà donc, pour moi, l’essence et le but de l’éducation : se libérer de ces illusions, éclairer ses illusions, toutes les illusions qui constituent l’héritage dangereux des générations qui nous précèdent, et qui sont aussi notre évolution.
Tel est le paradoxe.
Aussi, la première éducation de Sapiens serait qu’il se relie à la vie plutôt que s’en séparer à cause de la mort inévitable ; qu’il commence à se relier à toutes les vies, à la vie des autres, à commencer par les conditions de vie de l'humanité tout entière. Qu’il comprenne et accepte sa condition d’individu comme condition de tous les individus sans distinction d’être2, et qu’il renonce ainsi à ses préjugés, ses conditionnements, à son égoïsme aveugle, spontané, et quasi naturel d’Homo Sapiens.

Et c’est bien là que se pose la question de l’enfance, question qui s’illustre avec une acuité douloureuse dans la condition cruelle que Sapiens s’impose à lui-même, à travers cette descendance dont il prend, malgré les apparences personnelles, si peu de soin.
Tout enfant est merveilleux. Tout enfant porte la vie, l’avenir. Mais alors, pourquoi préférer cet enfant-là plutôt qu'un autre ? Pourquoi privilégier le sien ? Désirer autant un enfant à soi ou de soi ? Désirer de plus un enfant comme ci ou comme ça ? garçon ou fille ? intelligent ? beau ? que sais-je ?
Pourquoi fantasmer, obtenir, la chair idéale de sa chair ?
Quelle folie ! Quelle insanité !
Et les autres ? Tous les autres ? Pourquoi ignorer ou négliger tous ces autres enfants qui portent tout autant la vie et le devenir ? Comment tolérer leurs souffrances, leur pauvreté, leur indigence, la santé et l’éducation dont ils sont privés ?
L’éducation commencerait donc par là : par questionner le progrès au nom de l’évolution, et non l’évolution au nom du progrès3.

Sinon quoi ?
Sinon, la tragédie individuelle se métamorphosera, s’élargira monstrueusement en tragédie collective.
Mais c’est peut-être la caractéristique génétique de Sapiens ? Peut-être que ce taxon ne survivra pas à son évolution ? Peut-être est-il d’ores et déjà condamné par son évolution dont l’environnement puissamment dégradé de l’Anthropocène est tout bêtement la conséquence ?
Espérons le contraire.
Envers et contre tout.
Agissons sans faiblir et sans cesse par l’éducation et pour l’éducation — à commencer par la sienne, dans cette vie — afin qu’elle puisse servir aux autres, à nos enfants, à tous les autres, à tous les enfants. Il est urgent d’évoluer de Sapiens à Sophus, en agissant en Homo Educatis !

Enfin, si cette lecture vous a désespéré (ce qui n’est pas mon souhait), n’y a-t-il pas quelque réconfort à observer que, pour la vie qui produit sans cesse la vie, il n’y a pas de destin, pas de fatalité, ni aucune tragédie.
Car tout n’est qu’un rêve, dans le grand rêve de l’être et du temps.

1. identité, notion politique contemporaine, trouble et xénophobe, où ressurgissent les racines encore vivaces de l’Imperium Romanum dont la langue usait du mot hostis pour signifier à la fois l’étranger et l’ennemi.
2. d’être sensible, animal, végétal, etc.
3. ce que font les transhumanistes.

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Re: "Progrès" en procréation

Message par Pimprenelle »

hosen a écrit :Enfin, si cette lecture vous a désespéré
absolument pas pour ma part, hosen.
hosen a écrit :Pourquoi privilégier le sien ? Désirer autant un enfant à soi ou de soi ? Désirer de plus un enfant comme ci ou comme ça ? garçon ou fille ? intelligent ? beau ? que sais-je ?
Oui, je pense souvent à toute cette énergie déployée vers les GPA, PMA, comparée à la situation et les conditions laborieuses de l'adoption, ne serait-ce qu'en France...
Hors-sujet
Je ne participe plus trop à ce sujet, que j'ai maladroitement lancé, mais continue de vous lire tous avec grand intérêt. Et les points de vue, éclairages, des uns et des autres, m'ouvrent d'autres fenêtres !
J'attends de digérer tout ça, et de retrouver une connexion internet plus stable.
ça dépend, ça dépasse... et c'est tant mieux :P !

Emeishan
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Re: "Progrès" en procréation

Message par Emeishan »

Bonjour,

J'avais envie de réagir à ce sujet qui m'interpelle, étant de par mon travail tous les jours au contact de couples qui font ce choix d'IMG, que j'essaie d'accompagner au mieux.

Pour bien situer, l'interruption médicale de grossesse (IMG) est accessible dans deux situations distinctes :
- pour raison maternelle (pathologie somatique ou psychiatrique rendant dangereuse la poursuite de la grossesse, par exemple lorsque l'on découvre un cancer qu'il faut traiter rapidement ou que la future mère a des pensées suicidaires liées à la grossesse... mais également parfois pour grossesse à la suite d'un viol ou chez de très jeunes filles) ;
- pour raison foetale, lorsque le foetus est atteint "d'une pathologie d'une particulière gravité incurable au moment du diagnostic" (c'est le texte de la loi).

Personnellement, je ne vois pas du tout la marque du progrès dans la possibilité de réaliser une IMG. Il s'agit plutôt de ne pas faire naitre un enfant qui serait décédé rapidement, ou aurait vécu en étant très handicapé. Pour la plupart, ces enfants n'auraient pas eu de descendance, et n'auraient dont de toute façon pas transmis leurs gènes. La majorité sont atteints de pathologies liées à une anomalie génétique survenue nouvellement chez eux (n'étant pas transmise par les parents). Je trouve donc le terme d'eugénisme plutôt mal approprié. L'Homme ne modifie rien, il détecte juste quelque chose plus précocement, permettant d'accélérer le cours des choses naturelles... (je suis désolée si cette formulation peut choquer).
Pour moi, le "progrès néfaste", celui sur lequel on doit aussi s'interroger lorsque l'on parle d'éthique médicale, c'est la réanimation, notamment néonatale, sans réflexion : car oui, médicalement, il est aujourd'hui possible de garder en vie pendant des années des enfants qui n'ont pas de vie relationnelle, pas de contact, pas de langage, ne respirent pas seuls. Cette intervention est elle meilleure ou moins bonne que l'alternative, l'IMG ? Sur un plan individuel, et sociétal ?

Enfin, je crois qu'il faut avant tout se garder de juger les personnes qui font le choix de l'IMG. Les techniques permettent de faire un certain nombre de diagnostics de plus en plus tôt dans la grossesse ; ensuite, le choix est laissé aux couples de poursuivre, ou non, la grossesse, en fonction des informations qui leur sont données par les professionnels. Ce sont toujours des situations dramatiques, qui obligent à des décisions qui engagent de toute façon sur toute la vie. Les gens qui prétendent qu'avoir un enfant handicapé est une chance et une richesse ne sont que rarement eux-même dans cette situation...

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