Quelques idées en vrac :
Un aspect fondamental de la question est de savoir si la réflexion des surdoués est qualitativement ou quantitativement différente du reste de la population.
Que le QI soit une échelle continue ne change rien. On peut imaginer que les gens "normaux" aient un certain mode de réflexion, que les surdoués au delà de disons 150 aient un autre mode de réflexion, et qu’entre les deux il y ait un biseau progressif de l’un vers l’autre. Ca resterait une différence qualitative.
Une autre possibilité est que la totalité de l’humanité ait plusieurs modes de réflexions communs, mais que les surdoués soient particulièrement doués ou attirés pour l’un de ces modes. On n’est plus dans le qualitatif mais dans le quantitatif.
On sent que derrière cette question il y a des désirs qui n’ont rien de scientifiques. Le souhait qu’a chacun d’être unique poussera naturellement vers une différence qualitative. Mais cela ne prouve rien. Au contraire, on peut se demander si la popularité de cette histoire de pensée arborescente n’est pas seulement due à ce désir d’unicité.
Je suis assez d’accord avec Tournelune sur l’histoire de la métaphore. Le terme arborescent n’est probablement qu’une tentative de vulgariser une idée. Il n’a pas de valeur scientifique et je ne pense pas que c’était l’intention de JSF ou d’autres auteurs qui utilisent ce terme. Mon post précédent ne disait finalement qu’une chose : le choix de ce mot n’est pas très heureux et si on tente d’en déduire une théorie scientifique on risque de tirer des conclusions fausses.
Ca ne serait pas la première fois qu’un terme utilisé dans un livre comme TIPEH est perverti lors de son appropriation par le grand public. Il y a long fil de discussion sur Zebrascrossing, qui commence par une description assez complète des différences entre zèèèbres et surdoués. Et puis à un moment y’a un rabat-joie bassement rationnel qui explique que ces deux termes désignent exactement la même chose et que le choix de JSF ne s‘explique que par un certain tact, notamment vis à vis des enfants.
Avant de revendiquer une différence qualitative des surdoués, c’est une bonne idée de comprendre comment "la majorité" fonctionne. Je vois mal comment on peut chercher une différence par rapport à une référence qu’on ne connaît pas! Sans aller piocher dans des études ultra pointues, il suffit de consulter les ouvrages dédiés aux étudiants en psychologie pour se rendre compte que le commun des mortels possède déjà deux grands modes de réflexions : algorithmique et heuristique.
L'orientation algorithmique ou heuristique dépend essentiellement du problème à résoudre, pas de la personne qui cherche une solution. On ne peut pas dire "vis à vis d'un problème, les surdoués privilégient une solution heuristique alors que les autres partent sur une solution algorithmique" (ce qui resterait une différence qualitative). Dans la plupart des cas, il n'y a pas le choix. Tout le monde adopte la même stratégie, mais certains plus vite ou avec plus de succès que d'autres - c'est bien une différence quantitative.[i]Psychologie cognitive – concepts fondamentaux[/i], par Pierre Benedetto chez Studyrama a écrit :Un algorithme est une suite de règles dont on a, au préalable, démontré la convergence : on a la certitude que les dites règles conduiront à une solution du problème. Les algorithmes types sont ceux du calcul arithmétique comme l’addition, la multiplication […]
Une heuristique est constituée d’un ensemble de règles exploratoires qui permettent de mettre en œuvre une démarche de recherche dont on tient pour plausible, mais non certain, le fait qu’elle conduira à la solution du problème.
Il me semble que les histoires de pensée linéaire vs. arborescente son absentes des manuels traitant de la population générale. Mais la pensée linéaire ressemble beaucoup à la description algorithmique, alors que la pensée arborescente ressemble bien à l’heuristique. Ces modes n’ont rien de spécifiques aux surdoués. En acceptant que les surdoués ont peut-être un mode heuristique plus performant (le "pari" d’arriver à une solution est plus souvent gagné) et plus rapide, on s’oriente vers une différence quantitative et non pas qualitative.
Pour ce qui est de penser consciemment à plusieurs choses simultanément, j’en suis totalement incapable. La phrase de Berthier citée plus haut correspond à 100% à la manière dont je perçois ma réflexion. Je ne pense pas que la spécificité des surdoués se situe sur une capacité à penser simultanément à plusieurs choses. Par contre je veux bien croire que le passage du coq à l’âne soit plus rapide chez un surdoué.
Pour l’anecdote : en informatique, tant que les processeurs sont restés mono-cœurs, cette rotation rapide d’une tâche à l’autre est restée la base de ce qu’on appelle le « multi tâche préemptif ». Le processeur ne peut s’occuper que d’une chose à la fois. Mais en changeant fréquemment de tâche, cela donne l’illusion que plusieurs tâches sont accomplies en parallèle.