Modifier ses schémas

La partie consacrée à la Santé dans sa globalité. Principalement la psychologie, psychologie sociale, la psychiatrie, les troubles de l'humeur, de la personnalité, les handicaps, l'autisme...
diogene

Re: Modifier ses schémas

Message par diogene »

L'éloge de la volonté paraît frappé au coin du bon sens. Mais il est trompeur. On peut prouver que malgré toute sa volonté un cul-de-jatte ne pourra plus jamais se couper les ongles des pieds, mais on ne peut pas prouver qu'il ne deviendra jamais président de la République. Tout échec peut donc être aisément imputé à une volonté insuffisante, et toute réussite au triomphe de la volonté. C'est culotté, mais ce type de raisonnement séduit beaucoup de monde.

Ce raisonnement séduit encore plus quand on l'applique aux schémas cognitifs dont parle cléo. On se dit qu'un problème dans la tête dépend encore plus de nous qu'un problème de pauvreté, d'insécurité ou autre. Ce n'est pas si simple. Nous pouvons tous nous affranchir de telle et telle injonction et agir en conséquence, mais nous n'en payons pas tous le même prix. Comprendre que votre supérieur hiérarchique ne vaut pas mieux que vous ne change rien au fait que s'il vous prend en grippe, vous risquez votre poste. Le sachant, vous agirez différemment selon que vous êtes plus ou moins jeune, diplômé, intégré socialement, etc. Se laisser marcher sur le pieds, vous voyez ça comme une pathologie quand vous pouvez allez voir ailleurs. Mais quand vous êtes socialement vulnérable, vous appelez ça une nécessité.

Il y a souvent plus à craindre que la simple solitude de l'esprit libre qui ne suit pas le troupeau.

La psychologisation des problèmes ("la solution est en vous", "les obstacles sont dans votre tête") est le pendant optimiste de la psychiatrisation des conflits (il fut un temps, pas si reculé, où Monsieur pouvait faire interner Madame pour "hystérie" quand celle-ci avait le malheur de le contredire un peu trop à son goût). Et ça marche. Vous remarquerez que tout aujourd'hui est résumé à une histoire de dialogue. Au mieux, c'est un malentendu. Au pire, vous avez un problème, et vous avez le choix entre une formation et une thérapie (éventuellement un traitement médicamenteux). L'élément le plus flagrant, le plus constant, le plus puissant de l'histoire de l'humanité - je parle du conflit - voit son existence niée par l'utopie (ou devrais-je dire la dystopie) de "l'échange constructif" à l'issue duquel tout le monde est censé tomber d'accord. Reste à savoir avec qui.

On en revient finalement au grand absent de toutes ces conversations sur la volonté de changer : le pouvoir. Quand bien même la volonté suffirait toujours, n'est-il pas compréhensible qu'à un moment donné, certains soient las de payer plus cher que d'autres l'exercice de leur libre-arbitre ? À ceux qui ne veulent plus s'adapter, on répond qu'ils ne sont pas les seuls et qu'ils doivent donc, comme les autres, s'adapter malgré tout. Sauf que le monde tel que nous le connaissons est plus adapté aux uns qu'autres. Cela revient à faire passer pour le fruit d'un effort commun ("chacun prend un peu sur soi pour que ça fonctionne") ce qui n'est en vérité qu'une mise en pratique de la loi du nombre ("certains n'ont le choix qu'entre se suicider et contribuer à la survie d'un ordre où ils ne peuvent s'épanouir").

Et l'éloge de la volonté est l'une des plus stupéfiantes expressions de cette domination. Si tu as un problème, tu as le choix entre les options suivantes :
- va te voir dans glace
- va voir un psychiatre (il pourra te droguer quand tu commenceras à piger l'arnaque)
- va voir ailleurs (au lieu de changer quoique ce soit ici)
- va crever

Pour cette raison, je dirais : méfiance. On peut résoudre pas mal de problèmes en "se donnant les moyens". Mais il reste beaucoup de gros problèmes sur lesquels on n'a que très peu de prise, ou bien qu'on ne peut résoudre comme on le voudrait sans y laisser sa peau. Il est alors cocasse d'entendre le psychiatre dire qu'on s'est mis soi-même dans cette situation périlleuse. Que ne reconnaissez-vous là, docteur, le fruit de vos bons conseils...

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Za
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Re: Modifier ses schémas

Message par Za »

diogene a écrit : Ce raisonnement séduit encore plus quand on l'applique aux schémas cognitifs dont parle cléo. On se dit qu'un problème dans la tête dépend encore plus de nous qu'un problème de pauvreté, d'insécurité ou autre. Ce n'est pas si simple.
En effet ce n'est pas si simple, il en est un peu question plus haut. Ce n'est pas parce que c'est compliqué qu'on ne peut rien y faire. Pour ma part, en effet, je pense que la volonté n'y suffit souvent pas.

Mais tu remarqueras que les schémas dont il est question ici n'ont rien à voir (en tout cas dans leur majorité) avec les difficultés d'adaptation au "moule". Il ne s'agit pas de libre-arbitre, ni de formatage, ni d'arriver à faire comme les autres pour se sentir mieux. J'irai même jusqu'à dire, au contraire.
On est très loin ici de nier ici les influences sociologiques dont on peut être victime. Simplement, il y a aussi des choses qui se passent dans la tête. La psychologie n'est pas un outil inventé pour contrôler les humains, même si elle a pu être détournée dans ce but.
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Grabote
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Re: Modifier ses schémas

Message par Grabote »

je suis d'accord avec toi diogene, et je me considère comme extrêmement privilégiée d'avoir eu les moyens d'agir sur ma vie et sur moi même. Par moyens j'entends, moyens intellectuels, culturels, edit : sociaux et matériels.
Nous n'avons certainement pas tous les même cartes et certain.e.s ont nettement plus de chance que d'autres.
J'espère que mon témoignage ne se résume pas à quand "on veut on peut".
Ceci dit, j'ai aussi observé des parcours atypiques de personnes issues de milieu très défavorisé comme on dit, faire "un pas de coté " pour s'éloigner définitivement du chemin qui était tracé pour elle et creuser leur propre sentier tout à fait improbable !
Tu me donnes l'impression d'être très en colère diogene, je me trompe ?
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Re: Modifier ses schémas

Message par Invité »

Diogène, je poursuis ta pensée, elle m'évoque un certain nombre de choses.

Ce que je comprends de ton message me fait penser à une dérive de l'individualisme, en entreprise comme à l'école, et qui suggère que si tu vas mal, ce n'est dû qu'à une mauvaise gestion de l'adaptation.



Et que la solution est en toi.
D'ailleurs on te propose de consulter un psy.

C'est une façon pernicieuse de renvoyer à ta responsabilité individuelle un problème qui est de l'ordre du collectif.

Les méthodes de management aujourd'hui te laminent, et plutôt que de remettre en question ces méthodes-là, on te ramène à toi et à ta capacité et à ta volonté de te changer, toi, pour t'ajuster à ce système.

J'y vois un déficit de l'action collective.
Le revers de l'individualisme au travail.

Sous cet aspect, vouloir changer reviendrait à une soumission et à un renoncement de soi. A mon avis.

diogene

Re: Modifier ses schémas

Message par diogene »

Je ne suis pas en colère Grabote, je suis hilare. Parce que oui, c'est hilarant d'entendre un manager, un parent, un élu, un psy invoquer des théories pseudoscientifiques pour justifier leurs mesquineries. Ce qui est triste, en revanche, c'est de voir ces couillonnades gobées par ceux qui ont le plus à y perdre. Enfin, moi je m'en fiche, il me reste des pâtes.

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Armie
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Re: Modifier ses schémas

Message par Armie »

J'abonde!
J'y vois même une dérive politique.
L'idéologie de "tu es responsable de ton bonheur" n'est qu'une déclinaison de "tu es responsable de ta pauvreté" ("la preuve, y a bien des types partis de rien qui ont créé un empire! Tout le monde sait que la richesse est accessible à tous! (espèce de naze...)")
La racine nauséabonde de ces injonctions étant "l'individu est responsable de sa performance à tous niveaux".

C'est une grande violence que de prétendre que tout repose sur la tête d'une personne (le "quand on veut on peut") quand celle-ci, malgré tous les efforts du monde et de toute évidence, "ne peut pas".
Et y a rien qui m'agace autant que la "starification" de quelques gus qui font leur beurre en racontant comment ils ont atteint le bonheur à grand coup de musculation cérébrale all-by-myself alors qu'ils étaient en phase terminale de cancer (guéri, depuis, le cancer) ou qu'ils ont survécu à un crash d'avion au Népal (certes ils ont dû bouffer les cadavres de leurs compagnons de voyage, mais dans l'acceptation et la résilience de l'instant présent!)
C'est pas tellement différent de l'idéologie du self made man en économie...

Les leviers socio-économiques ou systémiques étant niés, comme l'évoque Cléo, le résultat c'est le déficit d'action collective. (à quoi bon si tout dépend de l'individu?)

Par contre, qui serait dommage c'est qu'en plus de nous culpabiliser, ça nous décourage d'agir ce qui nous revient vraiment, parce que ça nous paraîtrait du coup inaccessible... Notre pouvoir d'agir est réel, il n'est pas absolu, mais à l'intérieur de ses limites, il est réel. Et c'est pas la psychomode qui a inventé ça...
Marc-Aurèle, il y a longtemps a écrit : "Si la cause de ton chagrin est dans une de tes dispositions intérieures, qui t'empêche de corriger ta pensée?"
C'est de cela qu'on parle ici, je crois.
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Zéphyr
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Re: Modifier ses schémas

Message par Zéphyr »

Pfiou, ça y est, j'ai fini de tout relire... Ça fait un moment que je zieute ce sujet, que j'ai envie de répondre, mais vous allez trop vite pour moi :lol:. Bon, je m'y mets, je préviens, ça ne va pas être court :P.

Je vais commencer par répondre au message initial de cleo : oui, je me retrouve dans ce que tu décris. Cette envie de changer une façon de fonctionner, et le faire seule. Ça va faire maintenant 2 ans et demi que je travaille ça, et en fait, c'est un chemin que je prends plaisir à parcourir. Attention, je ne dis pas que c'est un parcours de santé, que tout est rose et que c'est facile. Juste, qu'aujourd'hui, quand je me retourne, que je vois le chemin parcouru, je suis contente et ça me donne envie de continuer.

Un passage conflictuel au boulot et mon questionnement sur la douance ont lancés la machine. L'entretien avec mon n+2 et le passage de la WAIS ont été deux virages important concernant ce changement. Donc en fait, pour de vrai, j'ai eu de l'aide deux fois.

Aujourd'hui avec le recul, je discerne trois étapes importantes pour arriver à changer.
  • La première étape, c'est de repérer que je vais mal. Ce n'est pas si facile que ça, mais sans passer par là, pas de changement possible.
    ► Afficher le texte
  • La deuxième étape, c'est de comprendre l'origine du problème. Des fois, c'est évident, et des fois, la raison m’échappe et demande un peu plus de travail. Une fois qu'on a l'origine, la raison du problème, le plus gros du travail est fait !
    ► Afficher le texte
  • La troisième étape : une fois les problèmes identifiés, mettre un plan d'attaque en place ! Et s'y tenir... Ce n'est vraiment pas facile, mais pour cette phase-là, patience et bienveillance envers soi-même sont primordiales !
    ► Afficher le texte
  • Et la quatrième étape (on n'avait pas dit trois ? :^)), c'est la phase d'impatience et de découragement, de j'y arriverais pas, chuis trop nulle. Pas encore réussi à me débarrasser de cette phase-là :devil:. Quand ça arrive, regarder derrière soit, se rendre compte du chemin déjà parcouru. Se rappeler pourquoi on a voulu ça.
Bon, pour tout ça, je suis consciente que j'ai des facilités. La psy qui m'a fait passer le test me l'a bien fait comprendre. Elle m'a dit que pour elle, je n'avais pas besoin de thérapie. Que toute seule, j'arrivais à un niveau d’analyse très poussé et que j'avançais extrêmement rapidement (même si ça ne va pas assez vite à mon goût^^). Pour elle, j'allais plus vite que ses patients avec de l'aide. Elle m'a fait prendre conscience de ça. Bon, elle m'a quand même dit qu'elle était là si besoin, pour des situations transitoires ou gros problèmes ponctuels.

Je pense que pour arriver à se changer soit même, il faut réunir beaucoup de paramètres extérieurs et intérieurs. Que les conditions sont difficiles à réunir, et pas seulement dépendante de nous (maturité, cheminement, expérience, blocages...), mais aussi de l'extérieur (notre entourage, environnement, passé...). Il faut être prêt. Il y a de ça quelques années en arrière, je n'aurais pas pu faire ce cheminement. Je n'aurais pas accepté tout ce que j'ai vécu dernièrement. Et je sais aussi, que certains de ces schémas que j'ai changés, étaient à l'époque mon bouclier, ma carapace, mes défenses. Que sans eux, je n'aurais pas tenu. Ils m'ont permis de tenir, et d'arriver à ce moment-là, où j'étais prête à avancer, à passer à autre chose, à les laisser tomber. Donc ces schémas, je ne m'en "débarrasse" pas comme d'une chose malpropre à honnir. Non, je les laisse partir, avec beaucoup de respects, ils ont rempli leurs rôles et font partie intégrante de mon passé, de ce que j'étais, et donc de ce que je suis.

Pour certains, c'est plus dur que pour d'autre. Ou tout simplement pas possible, les conditions n'arrivent pas se réunir. Mais je pense que ce n'est pas une raison pour ne pas essayer, on sait jamais, ça pourrait marcher ?
Armie a écrit :Par contre, qui serait dommage c'est qu'en plus de nous culpabiliser, ça nous décourage d'agir ce qui nous revient vraiment, parce que ça nous paraîtrait du coup inaccessible... Notre pouvoir d'agir est réel, il n'est pas absolu, mais à l'intérieur de ses limites, il est réel. Et c'est pas la psychomode qui a inventé ça...
+1 (au passage, j'aime beaucoup la boue et le lotus, merci ;))

@ Cacoucas (pour l'un de tes premiers messages qui remonte à loin...) : changer c'est effectivement briser un certain équilibre. Mais on n'est pas obligé de tout casser d'un coup et de tomber de très haut ! On peut y aller petit à petit, changer un petit truc par là, un autre ici. Passer d'un équilibre à un autre. Sans forcément s’attaquer directement à l'ossature de base qui tient l'ensemble. Mais pour se rendre compte, un jour, que l'ossature que tu n'as pas directement touchée n'est plus du tout la même qu'au début ! Je pense qu'il faut être extrêmement patient et bienveillant envers soi-même pour arriver à faire ça en douceur. Ce n'est pas facile, je suis bien d'accord.

À plusieurs reprises, j'ai eu l'impression que certaines personnes pensaient que changer ses schémas, c'était un changement à faire pour les autres, pour rentrer dans le moule. Là, je voudrais citer cléo, qui répond bien à ça, et qui me semble-t'il n'est pas à oublier :
cléo a écrit :ce n'est pas changer pour s'adapter, mais changer pour moins souffrir.

Et ça change tout !
Dans mon cas, si j'ai voulu changer, c'est parce que je m'adapte trop !!!! Je suis doué pour être celle que les autres pensent ou veulent avoir en face d'eux. Donc je change ces schémas de fonctionnement, pour me rapprocher un peu plus de celle que je suis. Quitte à ne plus correspondre à ce que les autres voudraient et justement, sortir du moule !

Dernier petit point :
cléo a écrit :Pensez-vous qu'on puisse complètement tourner le dos à ce qui nous déplaît dans notre façon d'être, sans que cela soit attribuable à une énième construction caméléon ?
Je me suis posé cette question, plusieurs fois. Et si je faisais fausse route ? Et si au lieu d'avancer vers moi, je suis en train de me construire encore un nouveau masque, à rajouter par-dessus les autres et étouffer un peu plus là-dessous ? Comment savoir ? Mais en fait, quand je regarde comme je vais aujourd'hui, je vois une amélioration profonde, tout au fond de moi-même. Et je pense, que ça, ça ne trompe pas. :)

diogene

Re: Modifier ses schémas

Message par diogene »

Zéphyr a écrit :À plusieurs reprises, j'ai eu l'impression que certaines personnes pensaient que changer ses schémas, c'était un changement à faire pour les autres, pour rentrer dans le moule. Là, je voudrais citer cléo, qui répond bien à ça, et qui me semble-t'il n'est pas à oublier :
cléo a écrit :ce n'est pas changer pour s'adapter, mais changer pour moins souffrir.

Et ça change tout !
J'ai quelques grosses réserves sur les étapes que tu décris, mais dans l'ensemble, je suis d'accord. À la distinction - faite au départ par Cléo - entre changer pour s'adapter et changer pour moins souffrir, j'objecterai toutefois que ce n'est pas si limpide.

Premièrement parce que l'adaptation permet parfois de souffrir moins. Dans les faits, cela ne fait donc aucune différence que lors d'un repas de famille vous vous taisiez pour ne pas souffrir des remarques cinglantes de votre entourage ou pour ne pas contrarier la bonne ambiance familiale - fut-elle au prix de nombreux non-dits.

Deuxièmement parce que même quand l'évitement de la souffrance ne se traduit pas par une adaptation au niveau individuel, le résultat est le même au niveau collectif. Par exemple, quand vous quittez un job qui ne vous convient pas pour telle ou telle raison, vous changez pour moins souffrir et non pour vous adapter. Et d'ailleurs vos collègues et votre employeur le diront bien : "ne voulant / pouvant pas s'adapter, il a démissionné". Mais quand on tient également compte de toutes les autres personnes qui font le même choix que vous dans d'autres entreprises, on se rend compte que, dans le cas présent, le refus de s'adapter individuellement n'empêche pas une adaptation "au plan macro", comme disent les économistes. En gros, quand Pierre quitte l'entreprise A pour l'entreprise B tandis que Jean quitte B pour A, aucune des deux entreprises n'est incitée par les circonstances à modifier les circonstances qui ont poussé Pierre et Jean à "changer pour moins souffrir".

Ainsi existe-t-il bel et bien un phénomène d'adaptation (certes involontaire) qui passe sous le radar de l'approche purement psychologique mais interpelle le sociologue et l'économiste.

Quant à savoir ce qu'il convient de faire (en gros : "changer le monde" ou "sauver sa peau"), c'est à chacun d'en décider pour lui-même.

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Re: Modifier ses schémas

Message par Grabote »

:D pour moi c'est vite vu, c'est
diogene a écrit : "sauver sa peau")
parce que
diogene a écrit :"changer le monde"
:whew:
chuis juste une petite personnage de bd moi !
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Re: Modifier ses schémas

Message par Maya »

Zéphyr, je me retrouve beaucoup dans ta démarche mais ce qui me chiffonne c'est le terme "changer" car pour moi chaque être est en continuelle évolution.

Ce qui m'amuse souvent c'est de jouer avec cette évolution. Quand je vais mal, je me dit souvent: que ressentais-tu il y a 6 mois? Et comment seras-tu dans 6 mois? Tout cela est en moi, en évolution mais je ne change pas, je suis moi!

Cette volonté d'évoluer (ou plutôt cette conscience de l'évolution), donc, n'est pas donné à tous le monde, et je m'en suis rendu compte très récemment. Certaines personnes vont vouloir rester telle quelles sont, évoluerons forcément mais n'en ferons pas le choix. Et ne comprendrons même pas la démarche.

D'autres, comme moi par exemple, vont se retrouver devant des évidences qui conduiront à des évolutions et seront confronter aux genres d'étapes que tu dis. Et c'est vrai que c'est dur, qu'il faut apprendre la patience et la bienveillance... Mais qu'est ce que c'est bon!

Avoir conscience de soi, apprendre sur soi, sur ses propres systèmes de pensées, évoluer dans le monde qui nous entoure...

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Re: Modifier ses schémas

Message par Bodji »

@ Diogène : ce que tu dis es très censé !

Pour moi, c'est d'abord sauver sa peau puis, éventuellement, participer un p'tit bout à changer le monde.

Pour certains, sauver sa peau c'est rester dans l'entreprise et se battre, pour d'autres ce sera "partir" : ça dépend tellement des histoires personnelles et de où chacun en est dans son parcours !

Perso, depuis que je vais mieux, je fais partie d'une commission du personnel qui s'est créée il y a deux ans. Pendant 20 mois c'était peanuts, un pas en avant, trois pas en arrière, des discussions à la louche pour des demandes "de base", ça n'avançait pas, nous étions écoeurés, à deux doigts de tout lâcher car cette commission semblait presque instrumentalisée pour faire "joli" face à l'extérieur.

Puis là deux-trois trucs se dénouent depuis jeudi dernier, dont un gros gros morceau qui se négocie depuis 4 ans, avant même la création de la CP : on va pouvoir faire un bilan du niveau de stress de tous les employés mené par un centre externe spécialisé (donc de manière anonyme bien sûr). Avec toutes les conséquences que cela risque d'entraîner (enfin.. on espère, rien n'est moins sûr !).

Une grosse étape, qui a nécessité des heures de discussion "diplomatiques". Je pense que si on n'est pas bien soi-même et que l'on monte trop vite, et surtout trop fort, aux barricades, on ne va pas très loin. Et pour réussir auprès de la direction, notre groupe a déjà dû clarifier ça : quel ton employer (on a plusieurs syndicalistes, mais moi j'en suis pas, c'est pas du tout mon style d'attaque) ? jusqu'où rester poli, croire que l'on nous écoute ? quand devenir plus ferme, mais tout en finesse sans sortir de ses gongs ? comment ne pas lâcher le morceau, le prendre par un autre bout ? bref.. nous avons chacun dû "casser nos schémas persos", ou déjà les mettre en lumière avant de trouver le "ton juste", qui marche avec la direction. Moi j'ai dû apprendre à adopter un ton plus direct et ferme quand on nous menait en bateau. Les syndicalistes ont modifié leur ton "d'attaque". Avant d'y arriver, je ne te raconte pas les conflits internes entre nous, les susceptibilités, les différences de point de vue, les bouffées d'émotion.. .mais on voulait que ça marche vraiment. Alors on a tous bossé pour.

Bref, tout ça pour dire qu'il me semble impossible de changer le monde sans déjà se remettre un peu en question soi-même (soi face à soi), puis soi face aux autres si on est dans un groupe qui une idée commune (et ça.. c'est vraiment difficile !), puis le groupe face à la figure d'autorité (en réussissant à lui faire miroiter qu'elle a, au fond, tout à gagner.....et qu'elle garde le pouvoir, en finalité. Mais que ce pouvoir, exercé avec intelligence, peut être très constructif pour l'institution). Suis pas naïve non plus, je découvre chaque jour les hypocrisies, les doubles discours etc... mais là on a gagné une bataille. Tout changement demande vraiment du temps, de mettre à jour les intérêts de chacun, les peurs qui sont derrière, les enjeux politiques... tenter de les mettre à plat, d'être plus transparent.

Du boulot, quoi. Je pense souvent au film "demain". Faut commencer le job par un bout, et réveiller les individus pour un programme collectif. c'pas gagné ... !!

Et ici, ce fil, vise juste, comme on l'a dit plus haut, déjà à travailler un peu soi sur soi . Mais si tu veux ouvrir un fil pour "comment changer le monde", fais le, nous sommes intéressés à cela aussi tu sais

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Grabote
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Re: Modifier ses schémas

Message par Grabote »

Bodji a écrit : "comment changer le monde", fais le, nous sommes intéressés à cela aussi tu sais
:wait: pas moi
et j'ai d'ailleurs détesté le film demain (que je n'aurai jamais regardé si ma fille ne m'en avait pas fait la demande avec insistance)
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Re: Modifier ses schémas

Message par Bodji »

@ Grabote : et c'est ton droit le plus strict ! (tu remarqueras que je n'ai pas dit "tous" ;-) )

Invité

Re: Modifier ses schémas

Message par Invité »

Grabote a écrit :
Bodji a écrit : "comment changer le monde", fais le, nous sommes intéressés à cela aussi tu sais
:wait: pas moi
et j'ai d'ailleurs détesté le film demain (que je n'aurai jamais regardé si ma fille ne m'en avait pas fait la demande avec insistance)

Grabote, ce film me sort par les trous de nez :@

Sans avoir lu les dernières interventions - je le ferai, promis, dès que j'aurai plus de temps - je voudrais préciser que le post initial parle de modifier ses schémas cognitifs, pour s'extraire d'un fonctionnement interne délétère.

C'est important, à mon avis.

Invité

Re: Modifier ses schémas

Message par Invité »

diogene a écrit :Par exemple, quand vous quittez un job qui ne vous convient pas pour telle ou telle raison, vous changez pour moins souffrir et non pour vous adapter. Et d'ailleurs vos collègues et votre employeur le diront bien : "ne voulant / pouvant pas s'adapter, il a démissionné". Mais quand on tient également compte de toutes les autres personnes qui font le même choix que vous dans d'autres entreprises, on se rend compte que, dans le cas présent, le refus de s'adapter individuellement n'empêche pas une adaptation "au plan macro", comme disent les économistes. En gros, quand Pierre quitte l'entreprise A pour l'entreprise B tandis que Jean quitte B pour A, aucune des deux entreprises n'est incitée par les circonstances à modifier les circonstances qui ont poussé Pierre et Jean à "changer pour moins souffrir".
C'est sur ce passage que je bloque.

Je n'arrive pas à lier cet exemple, et la volonté d'agir sur ses schémas cognitifs pour trouver un confort de fonctionnement en ce monde.

De fait, pour moi, le tout est d'agir pour se sentir bien.

Et en parlant de travail, j'ai dû modifier ma façon d'envisager mon métier et mes missions pour supporter de l'exercer encore. Mais il s'agit de "valeurs" auxquelles j'ai dû renoncer, et mes valeurs, ce n'est pas moi.

En revanche, il a bien fallu que j'intègre que "mes valeurs" ne sont pas "moi" ;)

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Nono
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Re: Modifier ses schémas

Message par Nono »

D’abord, merci pour toutes vos interventions. J’avais suivi ce sujet avec intérêt cet été, mais m’y replonger est particulièrement instructif. Maintenant, il est temps d’y apporter mon propre témoignage.

Durant l’adolescence, j’ai pas mal souffert de solitude : j’avais peu d’amis, je n’allais pas vers les gens, je prenais une simple tentative d’interaction comme une agression…
Dès la quatrième, puis en troisième et surtout en seconde, j’ai compris que je n’y arriverais pas ainsi, qu’il me fallait changer pour m’intégrer au moins un peu socialement.
Cependant, je n’ai pas pour autant voulu changer ce que je considérais comme faisant mon identité. Je me suis concentré sur des détails : prendre conscience que l’autre ne me voulait pas forcément du mal, mesurer certains de mes propos, restreindre mon agressivité.
Lentement, mais sûrement, ça a payé. Je me suis fait un cercle de copains, rassemblés autour des jeux vidéos. Ai-je construit un faux-self ? Peut-être, au début. Cependant, en grandissant, ce sont devenus des amis ; nos cercles d’intérêts se sont élargis, une relation de confiance s’est installée, j’ai pu me dévoiler plus complètement.
Ce premier changement, c’était donc une démarche personnelle comme l’évoquait Kliban, surtout axée autour du self-control. Je le ressentais surtout comme un besoin vital à ma survie en société.

En seconde, j’ai pu vraiment constater du succès de mon approche. Je n’étais pas devenu une bête de popularité, mais j’avais un cercle d’amis avec lesquels je m’entendais vraiment, j’avais réussi. Ça avait un côté grisant ; j’ai décidé de modifier d’autres petites choses en moi. Faire le boulot, comme le dit si bien Armie.

Depuis lors, j’ai bien progressé. La structure est toujours la même : identification d’un mal-être, détection de ses racines, et si elles viennent de moi, travail. Beaucoup d’introspection, donc.
Cependant, je dois souvent parer au plus pressé. Je n’ai guère le temps de voir ces mal-êtres arriver, et je suis obligé de me contenter de travailler pour résoudre des problèmes. ; mais je pars du principe que j'avance tout de même. Et puis, bien souvent, ça me permet aussi de trouver une issue heureuse à ce qui aurait pu me poser de gros problèmes - si je suis convaincu que j'ai changé dans une direction qui me correspond.
Changerais-je pour le système, comme le disait chacoucas ? C’est plus compliqué. Je suis intégré dans plusieurs cercles sociaux, plusieurs systèmes différents, aux attentes différentes : mes amis de Lycée, ceux qui viennent de prépa, mon cercle familial. Je pourrais me construire plusieurs selfs, et en changer selon le système. J’ai plutôt l’impression d’utiliser avantageusement ces divergences pour m’en libérer et ainsi garder un contrôle sur mon changement. Je me construis mon propre système, je me construis ma vie. Pour l’instant, ça marche assez bien.

Pour travailler, comme vous l’avez évoqué, il me faut de la volonté. Ce n’est pas suffisant, bien sûr, mais c’est absolument nécessaire. Ensuite, le processus varie, mais je passe toujours par une analyse rationnelle de la situation (prenant en compte mon ressenti quand même) pour trouver la direction dans laquelle je veux aller, et y adhérer complètement. Pour cette analyse, j’accorde beaucoup d’importance à l’expérience des autres ; je valorise particulièrement les interactions avec les plus âgés que moi (c’est pas difficile) par exemple. De ce point de vue-là, ce forum est une vraie mine d’or (pas parce que les gens sont âgés, hein, parce qu’ils y racontent des vécus très divers et souvent très riches. Ce qui est quand même lié au fait qu’ils sont plus âgés, en fait. Mais pas toujours. En plus ça les angoisse sûrement. Je vais arrêter de m’enfoncer.)
Pour la suite, j’utilise beaucoup quelques exercices basiques de sophrologie, sur la respiration ou la détente. C’est leur pratique qui m’a permis de répondre à mon problème initial de contrôle de soi, mais je leur ai trouvé de nombreuses autres applications. Moi aussi, j’en reviens donc au corps.
(Bon, des fois, cette analyse rationnelle aboutit à : « de toute façon, je n’ai pas le choix », mais bon, dans ce cas… Ben je n’ai pas le choix, justement).
Je suis assez fier de ce que j’ai accomplis, et je ne pense pas finir ce travail un jour, mais je commence à y voir des limites. Ce contrôle de soi qui m’avait lancé sur cette piste m’a joué quelques tours. Me relâcher un peu n’est pas un problème, il me suffit de travailler un peu dessus, mais j’espère ne pas devenir un patchwork de raccommodage qui se déchirerait si on tire sur le mauvais fil…

Pour finir, si j’aime bien l’image de la dune, ce n’est pas forcément celle que j’utiliserais. En reprenant la classique métaphore de la vie par le chemin, j’ai plutôt l’impression ici de me créer un équipement : des chaussures, un chapeau. Des lunettes.

Invité

Re: Modifier ses schémas

Message par Invité »

Il y a un an, forte d'une nouvelle assurance, j'ai voulu m'accorder à ce en quoi je crois profondément et à mon aspiration à être sur le modèle qui me correspondait le mieux.

Travail en cours.
Des choses ont bougé, je grandis doucement.

Et là je m'attaque à des valeurs, politiques et religieuses.
C'est tout le formatage familial à faire exploser, c'est un acte de haute trahison, avec cette sensation que je peux tout perdre en trois coups de cuillères à pot.


En fait, l'existence se résume à une adhésion à des rôles qui changent, évoluent, selon les situations et les périodes.
"Moi", ça n'existe pas vraiment.
Ou alors c'est tout petit-petit.

Je n'ai pas l'impression de me perdre comme ç'a pu être le cas pendant mes années noires, mais au contraire d'être de plus en plus proche de ce que je veux, de ce qui me ressemble.

Mais c'est peut-être un leurre.
Comment savoir ?

Je pense que l'enfance larguée engage à cette quête de toute une vie.
C'est fou, avoir été mangée d'amour mais laissée à l'état de noyau, aucune possibilité de grandir, de choisir, de se connaîrte, tant l'emprise maternelle fut violente.

J'ai grandi sans histoire, je veux dire que je n'étais pas rattachée à mon arbre généalogique, j'étais hors-sol.
Conséquemment, j'ai eu des inhibitions quant à l'appréhension de l'espace et du temps, je ne savais pas m'approprier l'Histoire ni la géographie, ni le calcul.
Ces liens sont extraordinaires, la WAIS ouvre des horizons insoupçonnés.

Maintenant je commence à comprendre l'Histoire, à m'y intéresser. Ça commence à avoir un sens pour moi qui suis inscrite dans ma propre histoire, désormais.

Et je peux devenir qui je suis.

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