Les dangers et ruses du Langage

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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Dok
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Re: Les dangers et ruses du Langage

Message par Dok »

Mart49 a écrit :Communiquer politiquement, c'est donc, non pas utiliser des mots clairement définis au sens univoque, mais jouer des approximations du langage et des connotations inconscientes : cela relève plus du jazz (bon ou mauvais) que de l'article scientifique, avec définition préalable des concepts clefs.
Je partage ton opinion si ce n'est que je l'étendrais à la communication dans sa globalité.

Pour aller plus loin, s'il s'agit de communication orale, il faut y inclure la gestuelle et les intonations qui, articulées avec les mots, permettent d'assurer la congruence nécessaire à la bonne transmission du message. Le ratio d'Albert Mehrabian indique que le sens des mots, communément appelé le "verbal", ne compte que pour 7% contre 38% pour le paralangage (en ce compris les silences, le volume, le ton, le rythme) et 55% pour le langage corporel. J'avoue que la part du verbal dans ses études me paraît bien mince mais bon, je n'ai pas pratiqué d'études de cas ou comparatives pour fixer un autre seuil. ^-^
Ainsi, les dangers et ruses peuvent trouver leur origine aussi bien dans le fond du discours que dans le charisme, la tonicité, la posture...de celui qui l'exprime et/ou encore dans la "mélodie" qui s'en dégage.

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Za
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Re: Les dangers et ruses du Langage

Message par Za »

sanders a écrit :Parce qu'à mon petit niveau j'utilise pas mal de ces expressions, arguments ... Pourtant, je ne pense(ais) pas être une vilaine rusée fourbe qui tente de manipuler mon prochain afin de lui refourguer au choix : de la culpabilité, mes principes, ma morale, mes dettes, mon linge à laver, ... <--- liste non exhaustive ...
(zut, je n'arrive pas à lire ta vidéo :( )
Bien entendu, nous avons forcément tendance à le faire, et souvent inconsciemment. Nous contribuons aussi à véhiculer certains termes, certaines tournures "risquées".

L'approche que nous avons ici se place du côté du récepteur du message : face à ce type de termes, de tournures, il faut garder son esprit critique en éveil et s'interroger.
Après, libre à chacun de chercher à éviter ces écueils dans son propre discours ou au contraire d'en jouer... en tout cas on ne peut pas accuser quelqu'un de manipulation si l'intention n'en est pas là ! ;)
Mart49 a écrit :A mon avis, l'usage de mots valises et le jeu politique sur les connotations n'est pas un phénomène nouveau qui irait en s'accroissant, comme certaines tournures de Zeus&Za le laissent entendre. Il n'y a pas de dégradation ou de dérive, pas de glissement vers une novlangue à la 1984, simplement l'apparition de nouveaux thèmes et donc de nouveaux mots valises en fonction de l'actualité.
Certes, ce n'est pas un phénomène nouveau !
Par contre, je suis intimement persuadée qu'il va en s'accroissant, pour une raison toute simple : l'échange d'informations et le copié-collé direct se sont développés de manière exponentielle depuis le début de l'ère numérique.
Attention, je ne dis pas que c'est une mauvaise chose ; simplement que ça peut avoir des effets secondaires indésirables.

Pour exemple, je pense qu'il est assez flagrant que dans le traitement d'une information précise, d'un journal à l'autre on retrouve globalement les mêmes termes qui viennent caractériser la situation (d'autant que les différents articles ont souvent la même source). Termes qui se retrouvent ensuite machinalement dans la bouche des commentateurs, et ainsi de suite. Sachant que l'info se doit d'être efficace, presque instantanée, bien plus que nuancée et réfléchie. On arrive ainsi parfois à des glissements sémantiques assez rapides.
Mart49 a écrit :Si on est un peu radical, on peut généraliser le problème : quand deux personnes parlent entre elles, il est sûr et certain que tous les mots utilisés n'ont pas exactement le même sens pour l'un et pour l'autre.
Autrement dit, le langage commun n'est pas un ensemble d'outils scientifiquement définis, c'est une collection d'approximations.
Strict sensu, on n'est sûr de parfaitement communiquer qu'avec soi-même (et encore, ce n'est même pas vrai).
Communiquer politiquement, c'est donc, non pas utiliser des mots clairement définis au sens univoque, mais jouer des approximations du langage et des connotations inconscientes : cela relève plus du jazz (bon ou mauvais) que de l'article scientifique, avec définition préalable des concepts clefs.
Oui, mais pour moi cela justifie d'autant plus de viser à l'exactitude des termes choisis, pour aller au plus près de ce qu'on veut convoquer dans l'esprit de l'autre. Cela ne peut que m'évoquer les travaux de Bentolila :inlove: , on peut y revenir si ça vous dit...
On ne peut pas pour autant parler d'une "collection d'approximations", parce que les mots sont collectivement et culturellement définis. On ne peut pas "parfaitement" communiquer (il faudrait pour cela transmettre directement des pensées), mais ça ne fait pas pour autant du discours un exercice totalement déstructuré.
Car si on part de ce principe, peut importe finalement ce que mon interlocuteur saisira de mon message, l'important est de causer... il me semble qu'on doit, lorsqu'on s'adresse à quelqu'un, prendre en compte le peu de choses que l'on sait de lui, afin d'adapter notre message à cet interlocuteur en particulier. On est quand même donc dans une démarche qui se doit d'être construite si elle veut parvenir à ses fins.
Quant à jouer des approximations et des connotations inconscientes, tout dépend du but dans lequel on le fait... ça peut-être très bénéfique, ça peut être une démarche artistique ; mais ça peut servir à tromper volontairement les récepteurs du message...
Dok a écrit : Pour aller plus loin, s'il s'agit de communication orale, il faut y inclure la gestuelle et les intonations qui, articulées avec les mots, permettent d'assurer la congruence nécessaire à la bonne transmission du message. Le ratio d'Albert Mehrabian indique que le sens des mots, communément appelé le "verbal", ne compte que pour 7% contre 38% pour le paralangage (en ce compris les silences, le volume, le ton, le rythme) et 55% pour le langage corporel. J'avoue que la part du verbal dans ses études me paraît bien mince mais bon, je n'ai pas pratiqué d'études de cas ou comparatives pour fixer un autre seuil. ^-^
Ainsi, les dangers et ruses peuvent trouver leur origine aussi bien dans le fond du discours que dans le charisme, la tonicité, la posture...de celui qui l'exprime et/ou encore dans la "mélodie" qui s'en dégage.
Oui, oui, et oui. C'est ce qu'on appelle la pragmatique du langage. Les ratios qui m'ont été donnés en cours étaient un peut plus haut pour la part du verbal il me semble, mais malheureusement je n'y ai pas accès. En réalité, le ratio est variable d'une situation à l'autre, et d'une personne à l'autre.
Ça me rappelle un extrait de l'"Homme qui prenait sa femme pour un chapeau" où O. Sacks décrit un groupe de patients aphasiques, ayant perdu leurs capacités communicationnelles verbales mais pas non-verbales, qui étaient hilares devant une émission politique... et ce parce qu'il saisissaient tout le côté "faux" du langage non-verbal des hommes politiques dont ils ne comprenaient plus du tout le discours... C'est sans doute très romancé, mais l'idée est là : on trompe aussi par tous les aspects pragmatiques du langage.
Ceci dit, le topic partait plutôt sur les aspects verbaux, notamment ceux qu'on retrouvaient dans les textes !
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bôkenka
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Re: Les dangers et ruses du Langage

Message par bôkenka »

*Za* a écrit : Ça me rappelle un extrait de l'"Homme qui prenait sa femme pour un chapeau" où O. Sacks ...
Ça me rappelle :
Hors-sujet
En novembre, l'opéra de Lyon propose cette œuvre.
Site opéra de Lyon

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madeleine
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Re: Les dangers et ruses du Langage

Message par madeleine »

Offtopic: je vais y aller, merci Bô :)

Et ça pourrait faire une chouette irl, non ?
le chemin est long et la pente est rude, oui, mais le mieux, c'est le chemin, parce que l'arrivée, c'est la même pour tout le monde... Aooouuuh yeaah...
avec l'aimable autorisation de P.Kirool

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Re: Les dangers et ruses du Langage

Message par bôkenka »

Hors-sujet
madeleine a écrit :Offtopic: je vais y aller, merci Bô :)

Et ça pourrait faire une chouette irl, non ?
Ceci m'avait bien traversé l'esprit mais, par égard avec ma lâcheté légendaire, j'ai préféré laisser qq1 d'autre prendre l'initiative d'une telle rencontre, avec sa conséquence, l'organisation :P

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Re: Les dangers et ruses du Langage

Message par Zeus »

Un biais cognitif que je découvre: l'apophénie.
Plus répandu qu'il n'y parait de prime abord.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Apoph%C3%A9nie

Plus complet et nuancé en anglais :
https://en.wikipedia.org/wiki/Apophenia

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Chacoucas
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Re: Les dangers et ruses du Langage

Message par Chacoucas »

Si je comprends ce que tu dis Mat49, il est temps de désacraliser la politique alors: qui par définition aussi a la malséance et la malhonnêteté d'utiliser des recherches et concepts supposés scientifiques et factuels pour communiquer des idéologies toute subjectives...

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Silène
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Re: Les dangers et ruses du Langage

Message par Silène »

Merci Zeus, je ne connaissais pas le nom pour l'apophénie, je connaissais le biais par contre :) .

Juste deux trois petits compléments dans le débat.

Sur la rhétorique
Elle a été dans l'ensemble grandement théorisée aux alentours de 1830 par Schopenhauer, et le livre étant libre de droits, je vous y renvois :
L'art d'avoir toujours raison

Mais bien avant lui, cela dit, on retrouve déjà la rhétorique comme étant un mal endémique au système politique du temps de Socrate.
Dans le système démocratique athénien, on retrouve un défaut fondamental de tout système démocratique, à savoir une adhésion sympathique plutôt que rationnelle (que l'on peut rapprocher du biais cognitif appelé "effet de Halo"). A ce titre, pour maintenir le pouvoir familial, les grandes familles font appel à des sophistes, des professeurs qui apprennent à mener le débat public, pas dans l'objectif d'obtenir un compromis rationnel, mais dans l'objectif d'un résultat garanti.

C'est à ces sophistes que Socrate s'en prend régulièrement, et si officiellement il a bu de la cigue parce qu'il servait la Science et pas les Dieux (glissement du sens des mots dans l'histoire), c'est surtout parce qu'il agaçait les autorités.

Sur le "parler vrai"
Je suis étonné que Zeus n'aie pas introduit Wittgenstein
Au temps pour moi, il est bien là :lol:

Il me semble que c'est *Za* qui m'a ouvert les yeux sur le rapport signifiant/signifié. Je ne vais pas en dire beaucoup plus qu'elle sur le sujet.

Wittgenstein a poussé le vice d'essayer de concevoir une "langue vraie" comme évoqué quelques fois dans ce fil. Mais dans son approche, on sent la souffrance permanente de l'insatisfaction, autant pour les mots ("ce qui peut être montré ne peut pas être dit") que pour son propre essai. Au final, son tractatus n'est lisible que dans sa langue natale (et a failli ne pas être publié à cause d'une traduction approximative), et pas facilement (je me demande si Zeus ne m'a pas conseillé de commencer par l'explication de texte).

Plus simple me semble l'approche de commencer par être fondamentalement en accord avec soi même, en se connaissant soi même le plus honnêtement possible. A partir de ce moment là, il est plus simple de parler avec "sa vérité", et c'est confortable, parce que le mensonge demande trop de travail et de créativité.

Et au final, si la "novlangue" dérange, là encore il faut renvoyer à la responsabilité personnelle de chacun à concevoir rationnellement son environnement : il faut se tenir au courant avec un maximum de sources différentes et contradictoires, s'en tenir aux faits et pas aux opinions, lire les programmes, dans l'ensemble de leur communication (oui, le visuel importe) et les confronter à la réalité plutôt qu'écouter ce qui se dit.

Bref, citation de poête pour terminer
Et comme elles sont toutes entre elles ressemblantes
Quand il les voit venir avec leur gros drapeau
Le sage en hésitant, tourne autour du tombeau

Mourrons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
Il est vrai qu'ici vous ne trouverez guère de perfection, sauf si on se met à rire
Profil : En questionnement (permanent). Intelligence hautement questionnable.

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