Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Mathématiques, sciences humaines, anthropologie, écologie, biologie, génétique, médecine, ou encore philologie, linguistique, grammaire et autres. La vaste partie consacrée aux sciences dans leur ensemble, et dans leur unicité.
Le Renard
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Le Renard »

Bon, l'inachèvement de cette saga commence à me filer mauvaise conscience.

"Bientôt" la partie 5...

Rusch
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Rusch »

Vivement son arrivée! C'est très intéressant et bien vulgarisé comme d'autres l'ont déjà dit. Je serais curieux aussi de voir la partie sur les gaz de schiste. C'est clairement un problème avec les techniques actuelles mais j'ai lu quelque part que de nouvelles étaient en cours de développement réduisant nettement le recours aux produits chimiques et les quantités d'eau? Un avis sur la possiblité d'obtenir une technique "propre" à terme?

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Sofifonfec
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Sofifonfec »

La-suite-la-suite-la-suite-la-suite :protester:
Steuplé !

Camcam
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Camcam »

Ma fille de 5 ans s'est réveillée hier en me posant la question "maman, c'est quoi les gaz de schiste?". Son père et moi nous nous sommes regardés en souriant (dès le lever, ça donne mal à la tête de telles interrogations!) et j'ai dit que j'allais me documenter....
Bon alors ça vient la suite, je lui raconte quoi moi à ma fille ???

ps: merci c'est cool d'apprendre des trucs comme ça, en plus on a l'impression d'être intelligent !!!
On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin. Goethe

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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Le Renard »

Camcam a écrit :Ma fille de 5 ans s'est réveillée hier en me posant la question "maman, c'est quoi les gaz de schiste?". Son père et moi nous nous sommes regardés en souriant (dès le lever, ça donne mal à la tête de telles interrogations!) et j'ai dit que j'allais me documenter....
Bon alors ça vient la suite, je lui raconte quoi moi à ma fille ???
Tu peux lui raconter que la vie ça fait mal et qu'à la fin on meurt, seul. Que peu importe qu'elle sache ou non ce que sont les gaz de schiste, la démocratie n'existe pas, qu'elle n'aura pas vraiment son mot à dire, et qu'elle n'a donc pas besoin d'être éduquée. Qu'elle a qu'à plutôt faire son lit, ranger sa chambre, cirer tes pantoufles et lazurer la niche du chien. Et que si elle continue à souler, papa lui donnera du ceinturon.

Tu verras, ça marche.


Sinon, comme brièvement touché dans la partie 1 du sujet, les schistes sont souvent associés aux roches réservoir en grès, et sont imperméables. Ce que je n'ai pas dit, c'est qu'ils contiennent souvent eux-même des hydrocarbures. Mais comme la roche est imperméable, l'hydrocarbure ne peut pas y circuler, et c'est donc la grosse merde pour l'extraire. Et ça, ça rend rend très tristes les gens riches qui voudraient bien devenir encore plus riches.

Alors ils ont trouvé une solution. Ils envoient sous terre des quantités MASSIVES de produits chimiques aux compositions obscures qui dissolvent agressivement la roche, suffisamment pour en interconnecter les pores, et sont, les gens riches le garantissent, parfaitement inoffensifs pour la santé humaine. Histoire de faire vraiment bien, ces produits sont envoyés sous très haute pression pour fracturer les roches en même temps qu'ils les dissolvent et améliorer encore la mobilité des fluides ; d'où l'expression "fracturation" souvent entendue quand on parle de gaz de schiste. Mais les gens riches disent "frac job", c'est plus trendy.

Tout cela est beau et juste, mais a deux effets secondaires néfastes.

Le premier, c'est les produits chimiques eux-mêmes. Une partie remonte dans les nappes phréatiques après avoir circulé dans les schistes. Une autre partie est rejetée au niveau de la tête de forage. Et ces quantités MASSIVES se promènent alors dans la nature, de ces trucs inconnus au sujet desquels la seule certitude est qu'ils sont assez caustiques pour dissoudre des dizaines de tonnes de roche.

Le second, c'est que l'absence de contrôle sur les flux d'hydrocarbures une fois le schiste dissout. On espère bien-sûr en récupérer un maximum dans le puits. Mais puisqu'on a dissout la roche qui les tenait en place, une partie va se promener de manière incontrôlée. Du gaz va se dissoudre, lui aussi, dans l'eau des nappes phréatiques. Du pétrole peut remonter à des endroits inattendus et polluer on ne sait quoi. Bref c'est la merde.

Les gaz de schiste sont une ressource qu'on connaît depuis au moins un siècle, mais dont l'exploitation est tellement sale et mal maîtrisée qu'on n'a jamais osé y toucher jusque là.

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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Le Renard »

Rusch a écrit : Un avis sur la possiblité d'obtenir une technique "propre" à terme?
Non Rusch, pas d'avis. Mon métier était l'exploration, et je ne suis plus dans le milieu. Ca fait deux raisons de ne pas être au courant des détails croustillants. Je ne peux partager un peu de culture générale. :-)

Rusch
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Rusch »

Culture générale bien partagée et appréciée merci!

Tu as très bien résumé la situation des gaz de schiste et les risques associés. Je me permettrais de rajouter 2 commentaires.
Sur le fait que les gens riches supportent le développement de cette technique, je dirais que „riche“ ici est un terme relatif et que ça implique tous ceux qui deviennent plus riche grâce aux gaz de schiste. Clairement, les propriétaires de companies pétrolières et les compagnies elles-mêmes mais aussi l’ouvrier au chômage qui touche 100 000$ de salaire annuel en bossant sur ces champs et espère rentrer chez lui et se payer une maison avec ses économies au bout de quelques années ou certains agriculteurs qui touchent des somme ahurissantes en royalties pour l’exploitation de leur sous-sol (dont d’ailleurs la propriété peut être séparée de celle de la surface aux Etats-Unis). Cela permet aussi de relancer la production industrielle de toute l’industrie pétrochimique aux US (création d’usines et d’emplois) et d’accroître la compétitivité du pays grâce à une électricité produite à partir du gaz naturel moins cher. Gaz naturel moins cher car la hausse de la production a fait baisser les cours (ce qui rend par ricochet le charbon américain moins cher et le rend encore plus compétitif à l’export. Il se retrouve alors en Allemagne pour alimenter les centrales thermiques relancées après la décision de fermeture des centrales nucléaires. Je trouve intéressant de voir toutes les conséquence en ricochet mais je digresse excusez moi...). Quand tu mets toute les parties prenantes qui en tirent profit (y compris le gouvernement US par la création d’emplois induites dans un contexte de crise économique et la réduction de la dépendance aux importations pétrolières), c’est clairement difficile du lutter contre cette lame de fond même si les risques sont clairs et connus de tous. Le problème est qu’ils se manifesteront à moyen terme (ou à court terme déjà mais peu de gens se sentent concernés) tandis que la richesse induite est immédiate et touche beaucoup de monde. Mais bon, cette problèmatique peut s’appliquer à beaucoup d’autres sujets.

Sinon, un autre effet négatif de l’extraction sur les ressources en eau est le fait que beaucoup d’eau est nécessaire pour alimenter les puits. Cette eau est donc acheminée par une noria de camions mais surtout elle est achetée par les compagnies pétrolières qui peuvent payer beaucoup plus cher que les agriculteurs qui l’utilisaient traditionnellement pour l’irrigation. Cela change donc l’équilibre économique et social dans les régions près des Rocheuses aux US (aux US, certains quotas d’eau sont mis aux enchères entre les différents utilisateurs). Et au-delà de la concurrence avec les agriculteurs, c’est une énorme consommation d’eau qui de plus est elle même polluée (même si je crois que théoriquement elle doit être traitée à la sortie des puits).

PS: j’aime beaucoup tes conseils d’éducation, je te recontacterai quand j’aurais des enfants. Ca m’a l‘air direct et efficace :-)

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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Camcam »

Merci rusé renard.
C'est à peu près ce que j'ai répondu à la gamine (sur les gaz de schiste). Elle avait bien rangé sa chambre et fait son lit. Elle hésite à faire de la politique (pour être maître du monde) ou chercheur d'or "le pétrole c'est trop sale et pour le sortir il faut détruire la planète!"... Mais je crois qu'elle a le temps.
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Le Renard »

Yep Rusch, merci pour la dévulgarisation du contexte économique. Et comme tu dis, le même raisonnement vaut malheureusement pour d'autres activités ou d'autres comportement, superficiellement bénéfiques à court terme et destructeurs à long terme. C'est une des hydres qu'affrontent chaque jour les responsables de gestion du risque, à l'échelle d'une personne ou d'une civilisation ; et vlà une belle perche pour plein de nouveaux sujets !
Camcam a écrit : ou chercheur d'or "le pétrole c'est trop sale et pour le sortir il faut détruire la planète!"...
L'exploitation de l'or comme celle du pétrole peuvent être très propres, ou très sales...
Quoi qu'il en soit on sent la graine d'aventurière ! :cheers:

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Thalweg
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Thalweg »

Le Renard a écrit :Les géologues sont des rêveurs...


J'approuve. Et va falloir que je lise l'entièreté du truc pour apporter un petit caillou à l'édifice.

Début de partie 6: Piper Alpha, quelqu'un connaît ? C'est ce qu'il se passe quand un manager de plate forme fait mal son boulot.

Et les portes de l'enfer (Gates to Hell) en Ouzbékistan (je crois), c'est ce qu'il se passe quand les russes trouvent un gisement de gaz et se plantent dans leur estimation des réserves.
¬ ʻʻ … ʼʼ . ʻ … …ʻ … ; ʼʼ , ʻ

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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par litia »

Dire que mes équipes râlent quand je les envois forer 10 m dans le calcaire.... :^)

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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Le Renard »

Thalg a écrit : Début de partie 6: Piper Alpha, quelqu'un connaît ? C'est ce qu'il se passe quand un manager de plate forme fait mal son boulot.
C'est marrant, dire que c'est la faute du manager me parait opposé à la culture de responsabilisation partagée qui, justement, a vraiment commencé après cet accident, et qui pour moi contribuait à rendre ce milieu si agréablement particulier. :)

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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Thalweg »

Bon, ok, c'est la faute à un dysfonctionnement du système des permis de travail, couplé à une mauvaise conversion de la plate-forme point de vue sécurité anti explosion, ainsi qu'à des manquements aux procédures d'évacuation d'urgence.

J'ai peut-être parlé trop vite pour le manager, mes excuses.
¬ ʻʻ … ʼʼ . ʻ … …ʻ … ; ʼʼ , ʻ

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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Le Renard »

Bon... ça fait longtemps que je n'ai pas avancé ce truc. Avec toutes ces années passées loin des blagues de roughnecks, des problèmes de vélocité acoustique des cailloux et des gâteaux à volonté dans la cantine de bord, franchement j'ai tellement perdu en compétence que je ne me sens plus tellement légitime pour écrire la suite. Mais si personne ne s'y colle, je ferai un peu de recherche documentaire pour essayer de rafraîchir les idées, et écrirai la partie 5 sur l'exploitation, histoire de pas laisser dire que les surdoués ne vont pas au bout de ce qu'ils entament.

En attendant, pour les entremets, je me dis que l'article ne sera pas pire s'il comporte quelques...

...ANECDOTES...

...en vrac.

Donc voilà des anecdotes personnelles en vrac. Trois pour commencer. J'en ai plein d'autres. M'en servirai pour faire du remplissage en attendant de ne plus être fainéant.




Arme atomique

Un collègue fraîchement arrivé d'une mutation en Nouvelle-Zélande m'a raconté un jour que, sur leur base là-bas, ils avaient un problème de rats. Les rongeurs allaient et venaient dans la cour, dans l'atelier et dans les bureaux. Ils bouffaient les câbles électriques, les tuyaux en caoutchouc, éventraient les poubelles et les fauteuils, étiraient et déchiraient les précieux "logs" (les loooooongues bandes de papier avec, dessus, les mesures traduisant des coupes géologiques), et leurs excréments étaient partout.

Rien n'y avait fait. Pas les pièges, pas le poison, pas les dératiseurs professionnels.

Puis un jour quelqu'un a eu une idée. Ceux qui ont suivi se souviendront qu'on faisait des mesures géologiques avec des neutrons. Les sources en métal radioactif étaient sévèrement protégées, rangées dans des fosses en béton avec un accès nécessitant plusieurs étapes successives d'authentification. Mais il existait un générateur électrique de neutrons qu'on appelait le "Minitron", qui ne contenait aucun matériau sujet à des régimes de protection antiterroriste. L'idée, c'était d'utiliser le Minitron pour dératiser.

L'idée paraît folle, mais il fallait être un peu fou pour bosser là de toutes façons.
Alors un soir, tout le monde est parti tôt. Les derniers ont installé un Minitron dans le couloir. Ils l'ont mis en marche et sont partis en vitesse. Le lendemain le premier à revenir a éteint le Minitron. Ils ont fait ça quelques nuits d'affilée.

On n'a plus jamais vu un rat vivant sur cette base.





Déménagement

On était tous mutés très souvent, parfois avec quelques jours de préavis. L'entreprise mettait à notre disposition des logements de fonction près des bases, partagés par plusieurs employés, avec de la vaisselle, un canapé, une chambre privative avec un lit, ce qu'il fallait pour notre confort quotidien quoi. On appelait ça le "staff house". Pour le reste, la plupart d'entre nous n'avaient pas plus d'affaires personnelles que ce qui pouvait tenir dans un seul sac de voyage. Le sac, on pouvait prendre en soute dans l'avion qui nous menait vers notre tranche de vie suivante.

Un midi je tchatchais avec le patron de ma base du moment. On parlait de la mobilité. Le mec avait la quarantaine. A un moment, son regard est devenu un genre d'oxymore visuel entre l'amusement et un vide existentiel profond, quand il m'a dit :
"- Moi, avant, j'étais comme tout le monde. J'avais juste un sac à dos. J'ai été muté en Angola, en Sibérie, en Hollande, et j'avais jamais besoin de plus. Puis un jour j'ai été muté aux Etats-Unis. J'y ai rencontré ma femme, et on s'est mariés. A ma mutation suivante, j'ai dû faire affrêter un conteneur de quarante mètres cube sur un cargo."






Vertige

Ce petit rig avait deux grues. A mon arrivée, il y en a une qui pointait horizontalement en direction de la mer. En général quand elles font ça, on voit un bateau en dessous. Pas là. Je n'y ai pas fait plus attention que ça, ai salué mes correspondants à bord puis suis parti préparer mon travail sur la quinzaine de mètres carrés autour de l'unité wireline. C'était petit, mais c'était mon empire personnel en pleine mer, avec mon soleil, mon vent, mon horizon rien qu'à moi.

Le soir j'ai rejoint la cabine qu'on m'avait assignée. Il y avait un mec assis sur une des deux couchettes, la quarantaine, le visage sec et buriné comme beaucoup ici, et, chose beaucoup plus rare, un regard fuyant et stressé.
- Salut :) Le Renard, wireliner.
- Tommy. Je suis venu vérifier les grues.

C'était un irlandais. Il m'a expliqué son métier. Il devait vérifier les soudures des flèches de grues. Il se balladait sur les poutrelles avec, dans une main, un électroaimant qui pesait 16kg. A la ceinture il avait un gros sac très lourd de limaille de fer. Il posait l'électroaimant près d'une soudure, le mettait en marche, puis balançait de la limaille de fer tout autour de la soudure. La limaille s'alignait sur le champ magnétique et selon les motifs qu'elle dessinait il pouvait dire si la soudure était encore saine, ou si l'air de la mer et le travail avaient fatigué le métal et qu'il fallait meuler la soudure et en refaire une propre à la place.

Il faisait son numéro de porteur-équilibriste à trente mètres au dessus des vagues sur notre petit rig, soixante-dix mètres sur les grosses plateformes construites à demeure. Il ne voulait pas porter son harnais, parce que ça rendait trop difficile son déplacement sur les poutrelles. Il avait fait ça longtemps et n'avait jamais eu peur. Puis un jour il était devenu papa. Quand il avait quitté son enfant pour la première fois pour retourner au boulot, il avait découvert que tout à coup il était tétanisé par le vertige. Il avait attendu que ça passe, et ça n'était jamais passé, alors il avait fini par arrêter les grues, arrêter les pieds de plateformes, arrêter les derricks.
Il continuait à vérifier des soudures, mais dans des endroits sans danger. Mais pour ce jour là, pour cette plateforme là, il n'y avait vraiment, vraiment personne d'autre qui pouvait s'y coller, alors il avait accepté à contre-coeur de filer un coup de main. Mais il était terrorisé.

Il est venu dîner avec mon équipe. C'étaient des sympas, on a bien rigolé, il a pu penser un peu à autre chose. Le lendemain il a vérifié la deuxième grue, puis avant de repartir par un hélicoptère qui passait ce soir là, il est venu me dire au revoir en me prenant dans les bras. :) On s'est jamais revus.

Le Renard
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Le Renard »

Tadam. Voici donc la partie 5, tant attendue par ceux qui ont mis en oeuvre dans leur jardin les parties 1 à 4. Je vous propose de vous recueillir solenellement pendant 15 minutes pour aborder sa lecture dans un état d'esprit grandiose.

J'espère que la musique vous a plu, parce que sincèrement, un peu comme la partie 2, cette partie là est un peu pourrie en ce que je bouche les trous de mon ignorance avec ce que je peux (en l'occurence du Wagner). Mais comme personne ne s'y est collé à ma place, je vous présente le minimum syndical que la grand-mère de n'importe quel roughneck a appris à l'école maternelle.


And here comes fukken' part 5 : sortir le pétrole

Complétion

On a creusé. On a tubé. On a cémenté. Si ces mots ont une sonorité étrange, c'est que la partie 3 a cessé de faire effet, et une deuxième prise peut être utile.

On se retrouve donc avec un tube en métal vide qu'on appelle le casing. Le casing est entouré de ciment, lui-même entouré à certains endroits de cailloux poreux pleins d'hydrocarbures. A d'autres endroits le ciment autour du casing est entouré de saumure et de cailloux imperméables.

Maintenant on veut faire rentrer le pétrole dans le tube. Là on aborde le domaine des "complétions", le domaine qui s'intéresse à la manière d'habiller le casing cru pour en faire une machine à recevoir les fluides en provenance de la géologie unique qui l'entoure.
Il y a tout un ratelier de procédés qui s'offrent. Du plus simple, où l'on laisse simplement le pétrole rentrer par le pied ouvert du casing, aux plus complexes dans lesquels ont aura plusieurs tubes à l'intérieur du casing pour prélever ou injecter des fluides à différentes profondeurs, avec des pompes, des valves pilotées, des capteurs de toutes sortes, des trucs pour filtrer le sable, et d'autres gadgets.

Dans beaucoup de types de complétions on va vouloir faire des trous dans le casing, et aussi dans le ciment autour, pour créer un endroit où les fluides pourront rentrer. Tant qu'on y est on va perforer un peu aussi la roche autour du ciment, pour faciliter la circulation des fluides tout près du puits. La méthode de perforation la plus courante aujourd'hui utilise des charges creuses (je vois Galou qui suit...).
Une charge creuse est un assemblage explosif qui produit un jet de métal en fusion. Le jet étroit porte assez d'énergie pour traverser les matériaux qu'on veut percer.
Ces dispositifs ont été inventés à l'origine dans un contexte militaire pour percer les blindages des chars ou le béton des casemates.

Image
(image publicitaire)

L'élément libellé "conical liner" est un morceau de cuivre assez fin en forme de cône. Autour, "high explosive" est un explosif choisi en fonction des conditions qui règnent dans le puits (en général RDX, HMX, PETN ou HNS pour les amateurs de grands crus). "Outer case" est un bloc en acier qui résiste à l'explosif mieux que le cuivre en face, et encourage l'énergie à aller déformer le morceau de cuivre. Quand on fait péter la charge, le morceau de cuivre est concentré en un jet étroit en fusion éjecté vers la droite de l'image. Le jet va faire un trou dans le tube en métal du puits, continuer à travers le ciment, et produire un canal dans la roche. Selon la nature de la roche et l'effet qu'on cherche à obtenir, on choisira des charges qui font des gros trous ou des petits trous, des trous profonds ou pas... Un trou typique fait quelques centimètres de diamètre et un ou deux mètres de long.

Mais un trou c'est pas beaucoup. En fait on prend plein de charges creuses, on les arrange le long d'un cylindre, en général selon un motif en spirale.

Image
(image publicitaire)

L'assemblage est ensuite recouvert d'une coquille de protection en métal pour ne pas abîmer les charges lors de leur trajet dans le puits. Le résultat fini, nous on appelait ça un "gun". J'ai pas de meilleur mot alors je vais dire gun, comme dans les chansons populaires.

Le gun est transporté préassemblé jusqu'au forage. Ce n'est qu'au tout dernier moment qu'on y monte un détonateur et qu'on l'envoie faire son boulot à une profondeur prédéterminée. Le résultat est une perforation en hérisson à un endroit précis du puits, créant des canaux propres à amener le gaz ou le pétrole à l'intérieur du tube, par lequel il pourra remonter à la surface.

Image
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Récupération passive

La récupération, c'est le processus par lequel les fluides vont quitter les roches et se diriger vers la surface.

La récupération la plus simple, c'est celle qui exploite la pression naturelle des fluides pour les faire bouger. Il y en a plusieurs sortes. La plus facile à visualiser, peut-être, est celle où on utilise la couche de saumure qui dort sous la charge d'hydrocarbures. Si on donne au pétrole une échappatoire vers l'intérieur de notre tube, si la pression dans le réservoir est suffisante il s'y engouffrera et remontera jusqu'à la surface, poussé par l'eau qui prendra sa place par en dessous. Ce mécanisme très simple à visualiser est appelé "water driven reservoir". Ca a cette tronche là :

Image


Si le réservoir contient une couche de gaz au dessus de la couche de pétrole, c'est encore mieux. On peut dans un premier temps perforer au niveau du pétrole et laisser le gaz pousser par le dessus. Quand on est content, au bout de quelques années, on reperfore pour aller taper dans le gaz aussi, et on laisse l'eau finir le boulot par en dessous. Quand la nappe d'eau sera bien montée, les perforation qui laisseront rentrer de l'eau dans le casing pourront être rebouchées avec un bouchon appelé packer.

Image

Il y a plusieurs autres mécanismes encore, mais après c'est fastidieux et pas nécessaire à la culture générale. L'important c'est de piger qu'il y a des fluides qui se poussent les uns les autres et qu'on exploite ces poussées pour que l'un d'eux soit canalisé vers la surface à travers un tuyau.
Bon bien sûr, en vrai, on ne décide pas vraiment lequel on utilise. On ne dit pas "bin tiens on va faire un water driven parce que c'est simple et tout le monde comprendra comment marche ce puit". On s'adapte à ce que la nature propose à cet endroit.

Un puits dans lequel les fluides remontent par leur pression naturelle laisse une toute petite empreinte à la surface. Dans les cas simples et classiques à son sommet on met simplement ce truc qu'on appelle un arbre de noël.

Image
(image publicitaire)

L'arbre de noël comporte des robinets pour réguler la sortie des fluides, une provision pour injecter un fluide lourd pour tuer le puits (endiguer un risque d'éruption), et un moyen d'accès pour insérer des outils wireline. Le wireline dont on a parlé dans la partie précédente, celui qui s'intéresse aux roches, s'appelle open hole wireline, parce qu'on y bosse dans un forage cru. La spécialité qui consiste à s'introduire dans des puits existants pour y faire de l'entretien ou les modifier s'appelle cased hole wireline.



Pompage

Quand la pression naturelle du réservoir ne suffit pas à produire le débit qu'on attend, voir quand elle ne suffit pas à produire de débit du tout, on ne baisse pas les bras. Dans l'arsenal de solutions dont on dispose, la plus ancienne est le pompage.

Tout le monde a vu Tom Cruise descendre de sa moto et mirer une jolie blonde dans ses lunettes de soleil devant un truc de ce genre qui impulse à l'arrière-plan de la scène un va-et-vient délicatement suggestif.

Image
(image publicitaire)

Près de chez nous y'a qu'à aller en Roumanie pour en voir, la région de Ploiesti en est richement plantée. Un monument de ce genre, en français on appelle ça un chevalet de pompage. Le puits est discernable en bas à droite, là où plongent les fines tiges accrochées à la tête du chevalet.

Le principe, c'est d'installer une pompe mécanique très simple et très fiable tout au fond du puits. C'est simplement un genre de pompe à vélo avec un piston et deux clapets. La pompe est mise en place par une équipe de wireline cased hole une bonne fois pour toute, et ensuite elle peut rester dans le puits et travailler pendant plusieurs décennies sans devoir être changée. Mais cette pompe de fond de puits n'a pas de moteur. Son énergie lui vient de la surface. Elle est est transmise par le va-et-vient de la tige qui plonge dans le puits jusqu'à la pompe. Finalement, la partie visible ne sert qu'à produire ce mouvement alternatif nécessaire au pompage. A gauche dans la cage il y a le moteur et la bielle avec les contrepoids qui vont bien pour compenser le poids des centaines (voir milliers) de mètres de tige qui pendent de sa tête. La partie la plus emblématique du chevalet est juste un genre d'énorme culbuteur.

Quand on travaille en mer, au lieu d'essayer de mettre des chevalets sous l'eau ou à bord des plateformes qui, même grosses, restent dans l'absolu des espaces encombrés, on part plutôt sur une solution avec des pompes électriques directement au fond du puits. C'est plus cher, mécaniquement beaucoup plus difficile parce qu'il faut faire un assemblage en forme de boudin étroit qui puisse s'insérer entièrement dans le puits, et le tout est beaucoup plus difficile à entretenir, mais finalement toujours plus pratique en environnement marin.




Injection de gaz ou d'eau

L'idée de la pompe, c'est que si la pression du réservoir est trop faible, on booste la pression au pied du tube pour faire remonter les fluides.

Et si, au lieu de ça, on boostait la pression dans tout le réservoir ? "Méyapapoblèmonséfairaussi !"
Je reprends mon dessin de tout à l'heure, et j'inverse le flux de gaz. J'ai toujours deux tubes à l'intérieur du casing, mais cette fois j'en utilise un pour injecter du gaz dans la formation. Une partie de ce gaz va se dissoudre dans le pétrole. Le premier effet kiss-cool est un allègement du liquide, qui pourra remonter un peu plus facilement. Mais la majorité du gaz va former une poche pressurisante au sommet de la formation. Pris entre le gaz qui pousse d'un côté et l'eau qui bloque de l'autre, le pétrole va finir par remonter comme dans un scénario de récupération simple.


Image

Le gaz qu'on envoie peut être de différentes natures selon les conditions économiques et logistiques de l'endroit où on travaille. Mais près des régions industrielles on commence à faire un truc sympa qui s'appelle le carbon capture and storage : on prend des gaz à effets de serre émis par des usines, on les pompe dans un gazoduc et on les envoie vers les champs de pétrole. Là ils sont injectés et stockés dans la croûte terrestre, dans un piège géologique dont on sait qu'il est étanche puisqu'il a contenu un fluide pendant des dizaines de millions d'années sans problème.


Là j'ai illustré avec du gaz. Il est facile d'imaginer sur le même dessin qu'au lieu d'injecter du gaz par en haut, on injecte de l'eau par en bas. Ca se fait aussi.


Amélioration de la mobilité

Quand tout l'arsenal ci-dessus ne suffit pas, on s'attaque à la mobilité. Elle dépend de l'interconnexion des pores de la roche d'une part, et de la viscosité des fluides d'autre part.
Des techniques assez récentes consistent ainsi à injecter dans le réservoir des produits qui tantôt rendent le pétrole moins visqueux, tantôt attaquent la roche pour en agrandir les pores et mieux les interconnecter. Dans les techniques dites "de fracturation", les produits en question sont injectés sous une pression telle que les roches se fracturent sous la contrainte mécanique, et les hydrocarbures peuvent circuler dans les fractures au lieu de devoir chercher laborieusement leur passage dans l'interconnexion des pores.

Néanmoins ces techniques posent des difficultés de deux ordres. D'abord la pollution des fluides extraits. Et surtout, la pollution de l'environnement géologique autour du réservoir, avec la potentielle création de fuites qui peuvent remonter jusqu'à la surface et polluer les nappes phréatiques.

La vérité est que ces techniques ont souvent des conséquences environnementales désastreuses là où elles sont utilisées, et ce d'autant plus quand on fracture des roches qui étaient imperméables à l'origine (fracturation du schiste par exemple).

Il y a des endroits aux Etats-Unis où les gens peuvent, à demeure, enflammer l'eau de leur robinet de cuisine d'un simple coup de briquet, tant les nappes desquelles cette eau provient s'est chargée de gaz arrivés par des chemins créés accidentellement lors de fracturations hydrauliques.


L'instant BDI : ingénieur réservoir

Dans certaines régions du monde (Texas, Arabie Saoudite,...) la conception d'un puit est relativement simple. Mais dans d'autres régions avec les jeux de pressions, de fluides dissous, la configuration des roches, ça peut vite devenir atrocement compliqué de comprendre ce que les fluides vont vraiment faire à l'intérieur de la roche.

Alors on prend un bonhomme et on lui donne un métier : ingénieur réservoir. C'est un métier d'une complexité ahurissante où se rencontrent la géophysique, la mécanique des fluides, l'ingénierie et l'économie, le tout autour de problèmes qui sont toujours connus de manière très parcellaire. De la forme complexe d'un réservoir qui peut s'étaler sur des dizaines de kilomètres on n'a qu'une vague idée grâce à la prospection sismique, et de sa géophysique et des fluides qu'il porte on ne sait que ce qui se trouve immédiatement autour des forages réalisés.

Le boulot de l'ingénieur réservoir est de prendre des décisions difficiles, avec des conséquences économiques radicales, dans un environnement sur lequel il a trop peu d'information.

Pour moi les ingénieurs réservoir sont des trois quarts de dieux. Si quelqu'un veut se prouver qu'il est vraiment surdoué et gagner une fortune en passant, il peut aller s'essayer à ce métier là.


Image
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Et ensuite ?

Ensuite, les hydrocarbures subissent en général un premier traitement près des puits, pour les débarrasser de l'eau et parfois d'un excès de soufre ou de sulfure d'hydrogène par exemple. Puis le plus souvent ils sont pompés dans un long tuyau, gazoduc ou oléoduc, et on ne veut plus en entendre parler.

Evidemment après le pétrole subit encore de nombreuses transformations avant de devenir tout ce qu'on sait lui faire devenir : carburants, plastiques, goudrons, solvants aromatiques etc. Mais à partir de là on est dans le monde de l'industrie pétrolière aval, et en particulier des raffineries.



Voilà voilà. J'espère que cette partie là aura apporté un truc utile ou deux à la culture générale de quelqu'un, même si tout ça se joue nettement plus loin de ce qui a été mon coeur de compétence.

Maintenant j'attends vos photos de pétrole sorti du jardin.
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Thalweg »

Oh, le Renard a continué sa série sur le pétrole.

J'adore ton bédouin qui a l'air de danser tellement il est heureux de trouver de l'huile. M'a bien fait rire.

Par contre, j'avais entendu dire que le coup d'enflammer le robinet (tiens, pourrait être pas mal pour la censure, ça une variante d'enflammé du robinet, mais je m'égare...), si ça venait effectivement du Dakota du Nord, n'était pas dû au fracking. M'aurait-on menti ? C'est bien possible.
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Le Renard »

Thalg a écrit : M'aurait-on menti ? C'est bien possible.
Ca vaut pour moi aussi.
Là si on n'a pas la donnée de première main on est baisés par la propagande. :)

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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Thalweg »

Hors-sujet
Biaisés marche aussi :P
Je me souviens qu'à l'époque j'avais considéré ma source comme étant sérieuse, sinon j'aurais été plus sceptique que ça... Mais, ouais, si on a pas la donnée à la source d'origine...
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par De Re Metallica »

J'ai beaucoup apprécié de lire ces explications issues de l'expérience de terrain. Merci Le Renard.
Le Renard a écrit :Les forage d'exploration sont en général verticaux ou faiblement déviés, le but étant de traverser des couches rocheuses variées pour voir ce qu'on y trouve. Les forages qui auront, en cas de découverte, vocation à faire des puits actifs en production peuvent avoir, eux, des trajectoires biscornues qui suivent la forme des gisements.
Y a-t-il des contraintes techniques qui limitent le caractère biscornu des trajectoires ? En particulier, sait-on faire des forages horizontaux depuis longtemps ?

À propos de la partie 6 : Matthieu Auzanneau a sorti en 2015 un livre sur l'histoire du pétrole.

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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Thalweg »

Contrainte technique n°1: les matériaux. A priori, tes tiges de forage doivent pouvoir résister aux pression colossalissimmement dantesques qui sévissent à ces profondeurs infernales. Sans compter les températures et la pression des hydrocarbures. Donc, en acier, parce que pour le moment on a pas grand chose de mieux. Imagine un tube de 15 cm de rayon, 3 d'épaisseur qui doit pouvoir "plier" et se courber. C'est possible, mais les rayons de courbures sont très élevés (et la courbure très faible, donc). Et moi je te parle des tiges qu'on utilise en forage peu profond (je bosse dans ce secteur là, pas dans le pétrole), rarement plus de 100m sous le sol marin, pas des forages épiques jusqu'à plusieurs kilomètres sous le fond marin.
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Le Renard »

Salut. :)

De Re Metallica, merci pour ton intérêt. Je ne peux faire que des réponses assez générales. Je ne sais pas quand a été réalisé le premier forage horizontal, mais il semble que la technologie soit devenue significative dans les années 80. Une partie importante du forage directionnel est la capacité à mesurer la trajectoire du puits pendant qu'on le fore. Cette capacité est notamment offerte par des capteurs placés derrière le trépan, qui transmettent leurs informations vers la surface sous formes d'impulsions de pression dans la boue de forage à moins d'un bit par seconde. J'imagine qu'une maîtrise suffisantes des technologies digitales, de leur miniaturisation et de leur embarquement dans un environnement à 150°C et 1300 bar aura été un des facteurs permettant le contrôle directionnel.

En revanche, Thalweg, la pression et la température ne sont pas vraiment un problème pour les outils de forage proprement dits. Une tige de forage est creuse. Le différentiel de pression entre son intérieur et son extérieur est uniquement dû à la circulation de la boue. Elle subit donc la pression de formation quasiment de la même manière qu'un bloc d'acier plein qu'on balancerait au fond. Dans les puits "haute pression haute température" les plus extrêmes, on peut arriver à 2000 bar. C'est la limite élastique de n'importe quel acier bas de gamme. Les aciers les plus renforcés peuvent tenir cinq fois plus que ça. Quant à la température, généralement inférieure à 200°C, si elle réduit effectivement ladite limite élastique, pour un acier ça reste "tiède". Enfin, oui le rayon de courbure d'un puit dévié est généralement grand, notamment parce que les tiges décident un peu si elles sont d'accord pour se tordre et qu'il faut tourner à leur rythme. Mais souvent les puits profonds utilisent des tiges très fines, surtout sur les longueurs finales, parfois aussi fines que 6 cm de diamètre ! :)

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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Thalweg »

Ah, tiens, je les voyais beaucoup plus larges en diamètre les tiges pour le coup. Nous on fore en plus de 100mm de diamètre extérieur. Mais on doit pouvoir ramener des échantillons avec des outils qu'on descend dans les tiges.
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Le Renard »

Comme montré dans un message précédent, on fore avec des diamètres dégressifs. Plus on va profond, plus on réduit les diamètres. Ca veut dire que si on voulait un gros diamètre au fond, il faudrait un diamètre carrément immense près de la surface : ce ne serait pas pratique. On enlèverait un paquet de roche qu'on n'a pas besoin d'enlever, et tout coûterait beaucoup plus cher.
On peut faire des carottages avec des tiges fines aussi. Mais souvent, dès que les profondeurs deviennent importantes, plutôt que de carotter avec la tige de forage on carotte avec des outils wireline. En une seule passe on peut récupérer plusieurs dizaines d'échantillons, chacun à une profondeur parfaitement choisie. Si on carottait avec la tige il faudrait autant d'aller-retours complets.
Les plus simples (et les moins chers) de ces outils de prélèvement d'échantillon consistent en un ensemble de gobelets en acier. Chacun d'eux, indépendamment, peut être projeté latéralement dans la roche grâce à une charge explosive. Il s'y ancre. Quand on le retire, la roche vient avec. Ces outils sont assez brutaux et la force de l'impact dénature un peu la roche. On perd certaines informations, comme la porosité. Alors quand on veut être précis on utilise des outils beaucoup plus évolués, des trucs robotisés où une petite foreuse électrique se déplie sur le côté, récupère un échantillon tout en douceur, puis le ramène à l'intérieur de l'outil et le dépose à l'abri dans un magasin d'échantillons.

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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Esca »

Hello,

je me permets de déterrer ce topic juste pour un merci : c'est vraiment passionnant sur le fond et super bien expliqué sur la forme. Chapeau et merci d'avoir pris le temps de le partager !

Le Renard
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Re: Comment on cherche (et trouve) du pétrole

Message par Le Renard »

J'ai encore glandé hyper longtemps comme un gros sagouin, et je me dis qu'il sera temps un de ces jours d'écrire la partie 6 : les catastrophes.

En attendant, comme apéritif, une petite vidéo (en anglais) qui montre l'exemple d'une catastrophe célèbre survenue en 1980. Un forage dans un lac perce une mine de sel. Le lac s'y infiltre à grand glouglous, dissout les piliers en sel de la mine, et tout le sous-sol s'effondre. Un maelstrom apparaît dans le lac en aspirant 11 barges et un remorqueur qui flottaient là. Les collines glissent tout autour. 26 hectares de terrain partent dans le trou. Une rivière change de sens et, tout en coulant contre son sens naturel, forme une cascade de 50 mètres de haut. L'air chassé du sous-sol forme un geyser de 130 mètres de haut. Le tout pendant deux jours.

"That's the only time the Gulf of Mexico flowed north, basically. And that's a lot of water."

Incroyablement, personne n'est mort.

https://www.youtube.com/watch?v=ddlrGkeOzsI

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