Ecologiser l'homme-Edgar Morin
Ce livre questionne la politique écologiste de l'Homme. On oscille entre la désespérance et l'espérance après sa lecture. Mais il apporte un éclairage pour nous inviter à transformer nos vies. J'ai essayé de partager certaines de ses idées (en espérant ne pas avoir trop simplifié sa pensée qui nous appelle plutôt à la complexité).
L’autonomie du vivant est inséparable de sa dépendance
Nous dépendons de tout ce qui nous nourrit et nous développe. Notre autonomie matérielle et spirituelle dépend des nourritures culturelles, d’un langage, de savoirs de techniques et connaissances sociales acquises. Nous construisons notre autonomie à partir de la consommation d’une grande variété de produits, d’une très grande quantité d’énergie (tirés de l’écosystème) et d’un très long apprentissage (au contact ou en lien avec de nombreux autres individus).
« plus un système est évolué, cad complexe et riche, plus il est ouvert. L’homme est le système le plus ouvert de tous, le plus dépendant dans l’indépendance. Jamais la civilisation n’avait dépendu d’un si grand nombre de facteurs écosystémiques, et j’entends ici par écosystème non seulement la nature, mais l’écosystème technosocial, qui se superpose au premier et le rend encore plus complexe. »
L’homme, le copilote de la nature
Edgar Morin développe l’idée d’un double pilotage homme-nature requis par la conscience écologique: il s’agit d’aménager une coopération entre sources régulatrices « inconscientes » de la nature et aptitudes organisatrices conscientes (intelligence consciente) de l’homme.
La fermeture de la spécialisation
Selon Edgar Morin, à l’école et à l’université, nous apprenons à séparer les choses les unes des autres, de sorte que nous perdons la capacité à relier et de là l’aptitude à penser les problèmes fondamentaux et globaux.
La pensée écologique est complexe parce qu’elle va à l’encontre des principes enracinés depuis l’école primaire, où on nous apprend à faire des coupures à isoler des domaines du savoir, sans apprendre par la suite à les relier. Pourtant, il existe une connaissance organisationnelle globale, capable d’articuler les compétences spécialisées pour comprendre les réalités complexes.
« C’est la notion de science qui doit passer à un niveau de complexité, de richesse, de lucidité plus élevé. A mon sens, l’écologie généralisée, science des interdépendances, des interactions, des interférences entre systèmes hétérogènes, science au-delà des disciplines isolées, science véritablement transdisciplinaire, doit contribuer à ce dépassement. »
Le mot développement doit être entièrement repensé et complexifié.
Nous sommes dominés par la logique purement économique et quantitative, qui ne voit comme perspective que la croissance et le développement et qui réduit les problèmes politiques aux problèmes quantitatifs.
Selon Edgar Morin notre conception du développement est sous-développée.
L’idée selon laquelle le taux de croissance industrielle indiquait le développement économique et ce dernier signifiait développement humain, moral, mental, culturel est dépassée. Toutes les cultures ont leurs vertus, leurs expériences, leurs sagesses (en même temps que leurs carences et leurs ignorances).
Le développement industriel apporte une hausse des niveaux de vie, mais aussi des diminutions de qualité de vie (pollutions…). Ce développement qui semblait par le passé salutaire comporte désormais deux menaces : l’une extérieure (dégradation écologique des milieux de vie) ; l’autre intérieure (dégradation des qualités de vie/de la convivialité).
Dans nos civilisations dites développées, on peut ainsi envisager un sous-développement culturel, humain, mental.
Il s’agit maintenant de repenser et reformuler le développement humain (en intégrant l’apport des cultures autres que la culture occidentale).
La tempérance consommatrice
L’idée de croissance indéfinie est à abandonner absolument. Selon Edgar Morin, elle relève d’une folie collective qui n’a pas encore été diagnostiquée. Les besoins humains ne sont pas seulement économiques et techniques. Ils sont aussi affectifs et mythologiques.
Il s’agit de réorienter une culture quantitativiste (consumériste) vers une culture de qualités (au premier chef la qualité de vie) et de donner un sens politique à la qualité (éducation à la consommation de qualité plutôt que de quantité).
La « société monde »
Elle n’existe pas (car il n’y a ni pensée politique, ni institutions, ni politique à ce sujet).
Nous sommes dans la globalisation, la mondialisation. Mais l’idée mondiale de développement/croissance (dans sa composante essentiellement quantitative) doit être dépassée dans une politique de l’humanité et une politique de civilisation. Elle doit être complexifiée pour y distinguer les aspects positifs de ceux qui y sont négatifs.
Une politique de l’humanité à l’échelle planétaire serait nécessaire, mais il n’y a aucun instrument capable de pouvoir proposer et mettre en œuvre une telle politique).
Il est extrêmement difficile pour les Etats nationaux d’arriver à un stade nouveau où ils renonceraient à certains de leur pouvoirs pour une autorité qui traiterait les problèmes communs. (C’est d’ailleurs les difficultés que nous rencontrons en Europe).
Il y a globalement une immaturité des états et des populations qui rend aujourd’hui très difficile la compréhension de l’autre (l’autre religion, l’autre culture). On est dans une période instable, où le monde oscille entre solidarité et barbarie.
Ce qui est assez étrange, c’est de constater que la cruauté de la nature (tsunami…) réveille les élans de compassion et de solidarité alors que le déferlement de la barbarie humaine n’arrive pas à susciter un sursaut commun de l’humanité.
Or, une société ne peut évoluer en complexité (cad à la fois en autonomie, liberté et en communauté), que si elle progresse en solidarité. Il s’agit d’épanouir l’individualité, en la complétant par la régénération des solidarités.
« Tout ceci montre que l’espérance n’est pas une certitude, que l’espérance doit croitre, paradoxalement avec la désespérance et que l’idée de métamorphose est devenue salutaire, peut-être la plus importante désormais ».