Philosophie mon amour

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hyvain
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Philosophie mon amour

Message par hyvain »

Voilà, j'ai un terrible avoeu à vous faire... j'aime la philosophie :whew:

Pendant longtemps je n'ai pas assumé, j'avais peur de passer pour prétentieux, je m'en tenais à la littérature. Mais depuis peu, je me suis libéré de ce poids et j'assume d'être différent (c'est à dire aux yeux de ma famille, d'être intellectuel, d'aimer les choses de l'esprit et d'étudier pour l'enrichissement personnel, pas pour avoir un "super boulot").

En ce moment mes copains s'appellent Bachelard, Schopenhauer, Bergson, Louis Lavelle (un philosophe français du XXe siècle, un peu oublié et qui dit des choses merveilleuses...). Je suis à ce point "accroc" que je viens de démissionner de mon job pour faire un Master en Philosophie de l'art et en esthétique l'année prochaine. Je dois rencontrer le responsable du Master mercredi après-midi. J'anticipe tellement que je veux déjà lui parler de mon projet de recherche... pour ma thèse ("on va se détendre")

Si par hasard, il y a des mordus, qu'ils parlent maintenant... ;)

Bonne journée

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Kliban
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Re: Philosophie mon amour

Message par Kliban »

Coucou ! On n'est pas nombreux à être pris dans la philo, en effet :) - au-delà d'un intérêt épisodique, je veux dire.

J'ai été mordu de philo. Le décours en est complexe. Nos trajets certainement différents (art et esthétique ne sont pas du tout mes sujets :) ).

Irritation initiale vers 17 ans de ne pas comprendre certains textes - comme de me retrouver face à un code dont je serais exclu. Réflexions ultérieures, vers 19 ans, autour de points d'éthiques et de morale. L'alimentation de tout ça par un accès direct à certains éléments de pensée orientale. L'étoilement épistémologique de mes études principales (sciences puis sciences de l'ingénieur). Les réflexions passionnées autour de la nature des choses, la forme de la pensée et ce que penser voulait dire - attraction pour le niveau "meta". La relative déception de ne pas trouver autour de moi des gens avec qui parler. La nécessité ressentie, alors, vers 22 ans, de suivre un cursus pour combler mes lacunes. Ce cursus lui-même, qui m'a mené jusqu'au DEA (le Master 2 de l'époque) à un train de sénateur, vers 30 ans. L'enrichissement graduel d'une hyperspeculation, "continentale" et post-heideggerienne, de façons ou thèmes analytiques anglo-américains, tout d'abord découvert pendant mon cursus de sciences cognitives. La modification progressive de mon rapport à "la" philosophie, de discipline maîtresse à constellation d'outils, facteurs d'identités tout autant que de limitations - il y eut une période pénible de fascination-rejet, vers 35 ans.

Il m'a fallu ce temps pour comprendre ce que j'y aimais : la compréhension de la façon dont chaque système ou type d'approche conceptuelle se construit sa propre cohérence - les procédures de stabilisation des énoncés au travers d'engagements individuels et collectifs médiatisés par cet outil très étrange et mobile qu'est le concept et la rationnalité qui l'accompagne - qu'elle soit issue du dialogue, comme c'est le plus souvent le cas, ou non : il y a une consistance logique du concept qui peut n'être pas dialogique. On pourrait parler de "gestes" conceptuels.
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Mes auteurs fétiches, voyons. Il y eut Kant. Puis très vite l'organon singulier de Laruelle. Levinas, Derrida, Deleuze ont compté. Heidegger, qui outrepassa Husserl, Husserl, à revisiter pour deshystériser Heidegger. Spinoza, et l'absolu. Descartes, parce que c'est le roi du lapsus conceptuel (mais je le lis avec des nunettes transcendantales, cey maaaal). J'ai une affinité en général avec les auteurs à la fois combinatoires, panoramiques et synthétiques - cela reflète un peu de mon univers interne, je pense.

Bon, je suis un brin déprimé en ce moment, donc terne et sans doute froid. Ça reflète mal mon investissement intime dans ces matières. Faut dire que j'ai désormais beaucoup de pudeur à me lancer dans une discussion de philo. D'abord parce que je sais peu de choses de façon approfondie, sinon ce qu'il faut à un ensemble de concepts pour tenir debout (faire sens) - et aussi parce que je me rends compte que ceux et celles qui ont réellement envie et patience d'une discussion conceptuellement fouillée sont peu nombreux - une opinion un peu articulée suffit à plein de monde, et peu sont les fous éprouvant le besoin d'aller chercher les conditions limites : c'est un investissement important.

Voilou, voilou !
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hyvain
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Re: Philosophie mon amour

Message par hyvain »

Merci Kliban,

Jusqu'ici je désespérais d'obtenir une réponse ; aujourd'hui je désespère d'être au niveau :)

J'exagère certainement un peu, je ne suis pas si "désespéré"... Par contre je suis fasciné par la précision de ta pensée, ou du moins par la précision de l'expression de ta pensée. Cela me paraît à la fois si dense et si méthodique. A côté j'ai l'impression d'être un barbouilleur. Whatever, je m'égare :)

C'est vrai que nos "trajets" diffèrent comme tu dis, mais c'est d'autant plus intéressant. Quand je lis ta liste d'auteurs fétiches, je me dis, "Oh mon Dieu... Oh non pas Spinoza... Ouille... Pas Descartes, pitié, ne sortez pas Descartes !" Mais c'est une réaction irrationnelle. Je n'ai de Descartes que de vagues souvenirs. Il n'y a que ce bon Kant qui me rassure. Mais là encore, Kant est posé au milieu de la carte. On dit que tous les chemins mènent à Rome, moi j'ai l'impression qu'ils partent tous du géographe kantien :)

Mes idoles en ce moment ce sont plutôt Schopenhauer, Bachelard, Nietzsche et un certain Louis Lavelle. Je sais qu'il faut que j'aille voir Deleuze, qu'il faut que j'aille saluer Derrida ("Bonjour, on m'a beaucoup parlé de vous..."), et tous les autres bien sûr. Mais je me sens déja écrasé avec Le Monde comme volonté et représentation en ce moment. Et je me disperse si vite...

Je crois comprendre ton intérêt pour les systèmes et leur construction, dans le dialogue ou le geste. C'est marrant parce que moi je parle plutôt d'univers. Tu vois, c'est bien moins ciselé. Peut-étre que je suis un peu désemparé par la cohérence. J'aime bien quand ça déborde, quand il y a du trop plein. Et donc l'art. Qu'est-ce qui parle en nous, qu'est-ce qui s'arrête en nous ("le temps suspendu de la contemplation") ? Le désir aussi et sa façon d'enrayer la machine.

Voilà, j'ai fait ce que je ne voulais pas faire : lancer un pseudo post vaguement philo, vaguement perso, qui étale surtout mon inculture.

Bon weekend en tout cas et au plaisir de te lire bientôt j'espère

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hyvain
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Re: Philosophie mon amour

Message par hyvain »

Une minute après avoir envoyé le post ci-desssus, j'ouvre "Gaston Bachelard ou la solitude inspirée" de Jean Libis. 5e ligne : "Sa pensée n'a ni la vocation ni la structure d'un système"

J'adore !

olivier-louis

Re: Philosophie mon amour

Message par olivier-louis »

Bonjour Hyvain !

J'aime bien la façon dont tu décris ta "rencontre" avec la philosophie, et tout particulièrement ta description des scrupules à évoquer cette "relation cachée"...

Pour moi, la rencontre a été simple et évidente : à 17 ans, en classe prépa à sciences po, un cours de philo politique qui m'a tout simplement enthousiasmé. Au point de refuser de rejoindre après les concours l'un des IEP obtenus et de demander un "pantouflage" en khâgne classique pour y suivre les cours d'un excellent thomiste... Ont suivi les belles heures de lecture assidue mais aussi la déception de l'enseignement universitaire : bêtement scolastique, réducteur, uniquement intéressé par l'histoire des idées et non par les idées elles-mêmes... Et ce en dépit de la grande qualité des professeurs que j'ai côtoyés entre Nice et Paris - qualité qui se révélait surtout lors d'entretiens privés !

La philosophie est devenue mon métier pendant quelques années : j'ai aimé enseigner et j'ai eu le bonheur d'avoir quelques élèves réceptifs. Des élèves qui ont surtout compris qu'au delà de la culture commune minimale exigible qu'ils doivent assumer pour réussir leurs examens, le chemin est avant tout un chemin personnel.

Mes repères ? Les néoplatoniciens avant toute chose ! Mais aussi Heidegger - et tous ceux auxquels il fait référence, qu'ils soient philosophes, écrivains et poètes, musiciens, peintres... Pour le reste, je butine et fais mon miel des lectures que j'entreprends au gré de mes besoins... Un esprit de système au-delà des systèmes. Un métasystème qui rejoint l'intuition de Plotin : par le retour en soi, la contemplation de cet "ἀόριστος" en mouvement perpétuel et qui semble un chaos donne une vue sur le "κόσμος"...

Bonnes lectures !

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Kliban
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Re: Philosophie mon amour

Message par Kliban »

J'adore le trop plein aussi, mais je ne l'aime que d'autant qu'il sait conserver le cadre de son expression - cela déborde plus souvent qu'à son tour chez les so-called "post-modernes"- quant à Spinoza... seule sa forme est d'apparence rigide : cela ne cesse ailleurs de se déployer depuis un ancrage dans l'infini.

Mais bon, la culture philosophique n'a d'intérêt que pour libérer les possibilités de l'usage, de l'invention, et de la construction - il en va d'ailleurs de même en mathématique des théorèmes et des méthodes. _Surtout_ ne jamais s'en sentir inférioriser. Ce qui compte, c'est ce qu'on fait - sauf à se concevoir comme un prestataire de culture - je rejoins parfaitement olivier-louis sur ce point.

Quelles directions donnes-tu, ou voudrais-tu donner, à ton ancrage dans l'esthétique, tu as déjà des pistes ?

P.-S. : Ach les néoplatoniciens :) J'ai un faible pour Damaskios, j'avoue - le peu que j'en ai lu. Un rapport, olivier-louis, entre leur pratique et le fragment parménidien de ta signature ?
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