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par Hanuman » jeu. 11 juil. 2019 14:46
Bonjour Hortense,
Je te remercie pour la remarque et j'entends bien ton point de vue. Je vais cependant maintenir le mien dans son intégralité. Peut-être parce qu'en vieil autiste je manque de souplesse mais plus probablement parce j'ai un point de vue personnel, très arrêté sur ce qui est bon pour la communauté Autiste et plus généralement sur la santé mentale.
D'une part et au risque de me répéter je le redis, les questionnaires de Quotients Autistiques ne se retrouvent pas dans l'ADOS-2. Il serait intéressant de vérifier mais de mémoire même dans la version 1 ils n'y étaient pas. Je ne dévoilerai pas ce que sont les modules de l'ADOS cependant la détection adulte se base sur autre chose qu'un questionnaire et l'élimination des biais est prévue. Non pas parce qu'un adulte aurait pu passer des auto-tests avant et fausser le passage du module et donc que l'on va en tenir compte, mais plus simplement parce que si l'autisme n'est pas dans une forme manifeste et que l'individu à détecter en consultation est adulte il est fort probable qu'il ait eu le loisir de mettre en oeuvre des stratégies d'adaptation masquant ses troubles dans la vie courante. Plus l'individu sera âgé, plus les mécanismes mis en place seront ancrés et ardus à dévérouiller lors du test. Le cas est prévu.
Quant au reste je ne partage pas ton avis. Postuler qu'il existe une seule bonne manière d'appréhender les troubles (lire tel ou tel livre, assister à une conférence, etc.) je trouve que c'est limite criminel. Etre atteint d'un ou de plusieurs troubles cela a en général pour conséquence de mener à une vie difficile, voire carrément de souffrance. Le questionnement, quand il existe, est tout aussi difficile que la vie elle-même ("Je suis fou ? J'ai quoi ? Pourquoi ?", etc.). C'est cette souffrance qui est à traiter en en discernant les causes pour ensuite pouvoir y répondre par une stratégie adaptée et la mise en place d'outils efficients.
Alors en la matière et par analogie avec le droit je considère que "la présomption est libre" et que la plus efficace prime. Peu importe que la personne percute sur un livre, une conférence ou un test en accès libre. L'important c'est qu'elle entre dans un parcours de soins qui va répondre à sa souffrance et à son problème.
Peu importe même que la personne en question percute sur une pathologie qui n'est pas la sienne. Imaginer qu'un psychiatre ou psychologue va apposer une estampille sur la base d'un questionnaire auto-administré par le patient c'est faire montre de peu de considération pour la profession ainsi que pour l'intelligence et les compétences de la personne sous la blouse. En toute logique le professionnel de santé mentale va prendre en compte le signal émis par le patient "Doc, je pense que j'ai un problème, voici pourquoi je le pense/ressens". Il va retenir "la personne a un problème". La nature du problème c'est le professionnel qui va la déterminer. Au besoin en désarmant l'auto-diagnostic du patient ou a minima en le tempérant : "j'entends votre signal, sachez cependant que cela peut effectivement être ce que vous avancez tout autant que telle ou telle autre chose et pour en avoir la certitude je vous propose de...(entretiens/tests/examens/etc.)". Lorsque quelqu'un souffre c'est le protocole d'émettre un tel signal de réception du message (et c'est tout simplement humain) et ensuite de faire atterrir la personne en souffrance, de la stabiliser pour reprendre les éléments caractéristiques et former le diagnostic. Selon les convictions étayées du praticien, non sur la base du ressenti ou des idées du patient.
Dit autrement on n'est pas en train de parler de tests de QI passés dans une officine qui ne vit que de cela et dont il faudrait taire le savoir-faire et les algorithmes sous peine de fausser une stérile mesure de l'ego, on parle de maladies, de troubles voire de handicaps qui nécessitent une action thérapeutique.
Donc peu importe ce qui amène le patient à pousser la porte du cabinet, l'important c'est que dans sa souffrance il trouve la force et le courage de la pousser. Après chacun son rôle : au patient de travailler, au professionnel de traiter.
En pratique le patient arrive avec un auto-diagnostic et ne sait pas discerner ou nommer sa problématique correctement ? Heu... fous-toi de ça ! C'est pas son job. On l'oublie trop fréquemment mais psy c'est un métier qui requiert des études, l'acquisition de savoirs et de compétences, leur mise en oeuvre aussi. Et que je sache HPI n'est pas une équivalence ni ne fait pas partie des UV pour l'obtention du titre. Donnez une chance aux professionnels ! Parfois la surprise sera bonne.
Enfin concernant la problématique propre à l'autisme... au risque de me montrer cynique je tends à penser qu'au delà de la révolution de l'imagerie numérique ces dernières décennies, ce qui a fait bouger les lignes c'est le financement industriel de la recherche sur le sujet. Un peu comme le méthylphénidate ("la ritaline") pour le TDAH, c'est la perspective de vendre de l'ocitocyne ou tout autre composé restant à trouver à un pourcentage non négligeable de la population qui permet d'injecter le cash nécessaire (mais encore insuffisant) dans la recherche sur le sujet. Vendre n'importe quoi n'importe comment à n'importe qui serait contre-productif en matière d'empilement de marge à moyen et long terme. Donc mécaniquement plus le marché va se montrer mature en terme de solutions, plus les techniques de détection proposées vont évoluer pour capter finement et intégralement la part de population concernée. Moralité tous ces tests de quotients déjà obsolètes quand nous avons abordé le sujet sont voués à l'être plus encore au fur et à mesure des avancées de la recherche.
Donc "maintenir le secret" sur une batterie de mesures antédiluviennes mais toujours utilisées par manque dissémination de savoirs plus actuels, cela sert quoi, cela sert qui ? Les autistes qui se savent déjà l'être ? Parce que ceux-ci mettraient une certaine fierté à défendre l'appartenance à la communauté et préfèreraient en restreindre l'entrée ? Sérieusement... être autiste même dans une forme mitigée c'est délicat à porter pour user d'un euphémisme. L'autisme n'est pas une société secrète avec des initiés et des non-initiés. C'est plus un monde malheureusement parallèle, un réseau d'entraide constitué des autistes, de leur entourage et d'insuffisantes ressources en support. Quand tu repères un Frère ou une Soeur autiste tu es plutôt enclin à la compréhension et à ladite entraide. Quand tu repères un Frère ou une Soeur qui ne savent pas encore qu'ils le sont et qui ont une bonne chance de considérer qu'autiste c'est probablement une insulte, qui ne liront peut-être jamais un livre sur le sujet et qui s'intéresseront encore moins à une conférence absconse sur l'autisme...
... personnellement cela ne me dérange pas qu'un vieux test puisse les interroger au point de passer à l'acte et de consulter ensuite un professionnel. Car je le réaffirme ce qui à mes yeux prime c'est l'accès au diagnostic puis à la thérapie et pour le diag je fais confiance au professionnel de santé pour discerner la nature autistique (ou non autistique) du trouble.
Une meilleure connaissance, une meilleure prise en compte et en charge des troubles, pour le plus grand nombre des personnes concernées, une meilleure qualité de vie et d'intégration de la population autiste ou neuroatypique dans le cadre général me semble le seul objectif souhaitable. Ce qui en creux signifie aujourd'hui que nous n'y sommes pas. Si pour avancer vers cet objectif il faut sacrifier de vieux tests, je vote Oui.
Sans l'ombre d'une gêne.
Pour le reste Hortense, bravo de l'avoir fait et armée de l'un de ces pré-tests d'avoir eu le courage de le brandir au nez de ta psy en disant "je veux savoir !". Que tu sois diagnostiquée autiste ou autre chose la démarche entamée te mènera à une meilleure connaissance de toi-même et t'ouvrira le cas échéant la porte à d'autres grilles de lecture et je te le souhaite à une vie très heureuse de HPI + autre chose. A une vie heureuse tout court.
Take care.
Edition: correction orthographique
Comme on dit entre autistes : "On se marre bien. Mais c'est très intérieur."
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