Dompter sa pensée ?

[Amy Dunne]

Bonjour. Me revoilà sur ce forum après presque un an d'absence. Je me suis concentrée sur ma dernière année de licence de droit, que j'ai eue.
Durant cette année, j'ai eu une enseignante assez spéciale qui n'a pas hésité à me remonter les bretelles quand cela a été nécessaire. Et au fil de plusieurs discussions avec cette prof, j'ai remarqué que mes notes moyennes étaient liées à ma pensée: je pense trop vite. Dans ma tête, quand j'ai un sujet, tout s'organise très vite, tout est très clair dans ma tête. Et quand je commence à rédiger, de nouvelles idées apparaissent très vite, chassant les autres, et du coup je me retrouve avec une dissertation brouillonne, déconstruite, désorganisée. Bien évidemment je construisais des plans, mais pas assez détaillés pour que ma pensée suive le fil. Après cette "découverte" donc, j'ai appris à noter mes idées dès qu'elles me viennent en tête, que ce soit par des symboles, des mots .. Pour que, une fois mon plan terminé, le mot me ramène à cette idée.
Toutefois c'est dur. La j'ai réussi à valider ma licence à 11.7, mais je sais désormais que je pourrais exceller. Ce n'est pas la logique ni le raisonnement juridique qui me font défaut, mais plutôt l'organisation. Je n'arrive pas à dompter ma pensée, je n'arrive pas à saisir mes idées assez vite....
Je suppose que je ne suis pas la seule dans ce cas ... Certains d'entre vous ont-ils réussi à dompter, à gérer ce flux de pensée incessant ? Parce que lors des situations d'examen c'est assez stressant et j'ai vraiment tendance à perdre mes moyens ...

[Chacoucas]

Ce qui m'a un peu aidé, c'est ce que j'appelle la "cartographie de la pensée". Ca peut être très complexe, mais pour résumer et en rester à comment utiliser ça dans un devoir scolaire, il s'agit de "connaître" l'espace de raisonnement dans lequel tu te déplaces. Moi je viens de Lettres, donc c'est plutôt des analyses littéraires, imaginaire, symbolisme, psychanalyse, mythocritique, philo, esthétique, style... Mais j'imagine qu'en droit ça ne doit pas être extrêmement différent.
Chaque concept est relié à plein d'autres, par des "types de relations": ça sera l'équivalent de ton raisonnement, ton "déplacement" entre les concepts et les objets. Comme le défrichage est fait à l'avance en général (sujet un peu réfléchi déjà) ou que tu as l'habitude d'explorer ces "lieux", il y a déjà une sorte de protocole pré enregistré au fond de toi, tu as une vague idée des liens à faire, d'où ça va: disons des axes communiquant d'un concept à l'autre. Et parfois d'un sujet à l'autre les axes sont vaguement familiers: du boulot en moins.

La prise de notes, ça revient en quelque sorte à noter ces axes, et y attribuer des exemples. Chaque exemple amènera des relations supplémentaires, autant la manière dont tu les abordes que la nature de l'exemple ou objet utilisé dans ton raisonnement vont "changer" le déroulement de ta démonstration: c'est là que c'est compliqué en général et que ça "va plus vite que toi".

L'organisation (le plan) devient donc une sorte de prévision de ces liens "pas vus au départ et qui font que ça va plus vite que ta plume".

Il reste toujours un peu de hasard, mais si tu as bien pensé ta construction au départ ça se fait correctement (et tout seul: suffit d'écrire).

Sinon ça reste la méthodo classique: 20 minutes de brainstorming avec notation des idées (comme tu fais apparemment), organisation d'un plan (bien veiller à garder une sous partie qui permettra de mentionner et lier "toutes" tes idées: ne pas en laisser une de côté), et puis tracer les chemins à emprunter (la pensée c'est multiple, "arborescent" si je me permets, et l'écriture comme la démonstration c'est linéaire... un peu comme un "labyrinthe": il faut relier par un fil (le plus court) facile à suivre "toutes" les idées que tu as laissé surgir en intuition. Par "stations", "gares" (tes parties/sous parties).
A peu près 20mn de plan donc (et le brainstorming continue).

Et puis quand tu penses avoir fait le tour: ben rédaction. Si le boulot précédent est correct normalement les "idées nouvelles" et "liens nouveaux" pas prévus deviennent assez anecdotiques pour les réserver à une tournure de phrase, les zapper, ou éventuellement remplacer une articulation prévue qui parait moins efficace. Disons que ça reste un peu hasardeux, du funambulisme, mais tu n'es pas "trop" en retard sur ta pensée.

Enfin, je sais pas si ça t'aide

PS: bah l'idée aussi c'est que la perfection on s'en fout: c'est du scolaire, ça prend pas trop sur la créativité ni ta valeur personnelle. Tu ne peux pas "tout mettre" et il ne faut pas chercher non plus à trop "se mettre entièrement dedans": pas de place pour toi ou ton imagination/ créativité/idées, au fond. On demande un truc formel et type... C'est forcément dénué de profondeur. On reste au service d'une analyse selon ses propres termes, repères, codes. Pas d'une création élaborée et personnelle (où en effet il faudrait créer des codes optimaux etc... en tenant compte de tout le reste, c'est plus long: mais dans le cas scolaire bien 50 à 70 pour cent de ce type de pensées sont en fait non pertinentes: censure, temps perdu en moins).
La seule profondeur là dedans c'est la qualité des nuances et subtilités abordées (et éventuellement leur articulation, du plan à la tournure de phrase). Et ça ben plus on a défriché les questions et modèles types de relations entre idées, plus ça se fait naturellement et rapidement. (c qui donne les "bons devoirs" avec des idées "originales": en fait pas super original, juste "plus subtil" ou "plus nuancé" que les idées basiques façon "autoroute" en général).

[Amy Dunne]

Justement ! Le problème que j'ai avec le brainstorming c'est que les idées fusent tellement vite que je n'ai pas le temps de toutes les noter, et du coup, souvent, j'en oublie la moitié ...
Venant d'un bac L, c'est vrai que le type d'exercices demandés ne diffère pas trop. Cependant en droit c'est beaucoup plus cadré, et je pense que le fait d'avoir un cadre m'angoisse extrêmement ...
Toutefois je prends note de tes conseils, ta première méthode me semble meilleure dans la mesure ou je ne perdrais pas le lien logique entre les éléments, l'argument qui me permettra d'appuyer ma thèse.

Et pour ce qui est de la perfection ... C'est vrai, c'est du scolaire ... Mais c'est difficile de me détacher de quelque chose que je me suis imposé depuis l'enfance. Merci pour ta réponse en tout cas !

[Za]

Tu aurais peut-être intérêt à aller voir du côté du Mind Mapping ?...
Je ne suis pas formée, mais ce que tu dis m'évoque ça... il y a peut-être un ou deux sujets où il en est question ici, d'ailleurs.

[Chacoucas]

Pour la perfection: "depuis l'enfance" présuppose un déterminisme, quelque chose qui n'a pas été vraiment "pensé", "souhaité", "construit" consciemment. Donc tu peux toujours en parallèle (parce que c'est long) personnaliser ton perfectionnisme en te demandant "pourquoi il est là?" et "à quoi il va TE servir?".

Même principe d'optimisation: les choses qui ne te servent pas dans ta tâche consciente peuvent être gardées au second plan. (la procrastination régulière et appliquée permet de les faire remonter et réorganiser des projets conscients en fonction ^^ )

Après tout: c'est tes capacités, tes outils, ta pensée, et ton existence

[pixelvois]

Tu aurais peut-être intérêt à aller voir du côté du Mind Mapping ?...
Je ne suis pas formée, mais ce que tu dis m'évoque ça... il y a peut-être un ou deux sujets où il en est question ici, d'ailleurs.

Oui, on a 2 ou 3 topics qui en causent :
- directement : http://adulte-surdoue.fr/decouvrir-sur- ... -t653.html
- indirectement complémentairement : http://adulte-surdoue.fr/discussions-de ... t1228.html

( y me semble bien qu'il en reste -- au moins -- un qui en parle directement, mais je ne remet pas la main dessus ^^ )

[jpo7]

j'ai fini mes études depuis longtemps, mais au quotidien, je suis obligé de me dire "stop".
je rationalise, énumère l'ordre des choses à haute voix, et retourne en suivant mon nouveau plan.
Autrement, comme toi, j'ai 50 idées en même temps, en sachant que je ne pourrai probablement pas toutes les faires, que j'en oublierai.

Sans vouloir ramener à moi, c'est plutot dans le sujet, enfin je crois: une fois, j'ai eu tellement de pensées, c'était une idée, suivi d'une analyse et d'une réponse, qui m'amenait sur une autre idée, une analyse etc... ça allait tellement vite, que j'en ai perdu l'équilibre, véritablement.
Ca ne m'est arrivé qu'une seule fois, et ça ma filé les j'tons. Je me suis interdis de recommencer.
Les années ont passées, aujourd'hui je suis curieux de revivre l'expérience.

[Cindy]

Hello,

Je me permets de répondre concernant la méthode en droit, si cela peut aider : je ne suis pas sure d'avoir eu le même problème que toi car je ne dirai pas que mes pensées allaient trop vite mais par contre je les passais "trop rapidement".

Plusieurs choses m'ont aidées, je partage ci-après :
- méthode => il faut effectivement être très structuré => ton introduction doit faire 5 parties, tes plans : 2 parties/2 sous-parties avec des transitions partout. Ta conclusion ne doit pas conclure mais ouvrir.
- manière de faire => personnellement 1) je notais TOUT ce qui me passait par la tête - 2) relecture (souvent j'avais des thèmes + des idées de lien mais en droit comme pour tout travail de dissert, tu dois accompagner le lecteur, tu dois donc "refaire les liens" c'est à ce moment que tu peux identifier si tes idées sont trop complexes/éloignées du sujet - 3) organisation dans mon plan 2/2 (pour moi la méthode qui marche était : une analyse du sujet très méthodique, une problématique claire, un plan qui y réponde en avançant). Inconvénient : cette méthode prend du temps. J'avais la chance de rédiger très vite une fois mes idées claires mais il me fut très utile de m'astreindre à "découper" mon temps.

- ce que j'aurai aimé que l'on me dise : ne réinvente pas la roue. Le sujet a l'air passionnant comme ça mais j'ai attendu mon mémoire de M2 pour comprendre que si je "perds" le lecteur aka si je le sors des réponses qu'il "attend" trop rapidement et/ou sans lien, ben j'aurai une mauvaise note
- renseigne toi sur les attentes et méthodes de correction : parfois le nombre de copies est tel que seul le plan est lu... Ce n'est pas contre toi, c'est comme ça... Tu as beau proposer une idée de génie si personne n'a le temps de le lire et que ton objectif est d'avoir une bonne note => place tes mots clés. Tu dois être claire, directe et aller à l'essentiel. Autant que possible => UNE IDÉE = UN PARAGRAPHE
- la forme compte au moins autant que le fond
- formellement, respectes les règles de 1/3 par partie i.e. 1/3 intro ; 1/3 I et 1/3 II et à l'intérieur de I et II tes grand A et B doivent être équilibrés.
- il y a des mots et notions clés. Tu penses qu'elles sont évidentes? Peut être mais on attendra de toi de les préciser sinon "ça manque" - chercher des annales, lire les bonnes et mauvaises copies des autres peut beaucoup aider
- il y a des plans types. Bien sûr tu ne peux pas les "plaquer" de but en blanc mais il est important de les avoir en tête dans deux situations (1 : quand tu sais quoi écrire, cela t'empêche de partir trop loin et faire trop compliqué et 2: quand tu ne sais pas quoi écrire, ça rassure énormément et te débloque).
- ne pars pas perdante en t'imprégnant que tu ne "pourras pas performer" c'est faux. Suis les cours de méthodologie, entraines toi, ne te compare pas aux autres, fais toi confiance et ça roulera.

Bien entendu ce n'est que mon expérience.
Certains profs liront tout et seront ravis d'échanger avec toi (plus en TD cependant...), certaines matières te demanderont un par coeur plus que de la réflexion, d'autre l'inverse mais cela ne peut pas être de la réflexion pure car la masse doit être évaluée donc il faut des éléments "notables" communs.
J'espère que cela aidera. Pose tes questions si tu veux.