Spécificités de la "dépression" parfois associée au HQI

[Yniel]

Merci Lobo pour ce lien, je comprend tellement mieux pas mal de choses maintenant... Cela éclaire mes problèmes sous un jour totalement nouveau...
Et les commentaires suivants aussi...
Ah ce forum, il y a toujours un sujet qui va ressortir et faire écho, bouleverser mon avancée...

[A.O.Barnabooth]

Sur le dernier point, je trouve ça bien en soi de s'inspirer de grandes destinées, mais aussi dangereux. Tout le monde ne peut pas être Marie Curie, et on risque si on vit toujours dans un rêve d'absolu et de grandeur, de trouver la réalité encore plus fade et absurde. A manier avec précaution ;-)

-

En revanche, je pense qu'il y a un risque énorme à prendre pour exemple des personnes extraordinaires quand il s'agit de quelqu'un qui manque d'assurance, de sécurité affective, d'estime de soi, etc. et qui évolue dans un entourage hostile ne reconnaissant pas ses spécificités ou pas toutes.
Car une personne plaçant la barre trop haut (c'est-à-dire qui pense qu'elle est quasiment obligée de réussir quelque chose d'extraordinaire) risque de s'en vouloir de ne pas égaler ces parcours exceptionnels, surtout quand elle est surdouée sans avoir les clés pour se servir de ses capacités à bon escient et sans connaître les écueils possibles liés à la douance. Si cette configuration est combinée en plus à un fonctionnement en noir et blanc, tout ou rien, ce cocktail devient explosif et ne fait qu'enfoncer le clou.

Je trouve votre lecture de cette proposition assez bizarre. Peut-être avez-vous une vision du "grand homme" trop idéaliste et une appréhension de la biographie comme une "vie de saint".

Pour résumer dans les grandes lignes ce que j'ai compris, Webb explique d'abord que le (jeune) surdoué a une tendance à être idéaliste et une autre tendance à ne pas savoir faire de choix, ce qui peut aboutir à la frustration de ne pas atteindre ses idéaux et, souvent, à la dépression.
Je cite le passage, qui me paraît très clair, de James T. Webb, sur cette question de l'aide que peut apporter la lecture de biographies :

Les enfants surdoués qui se sentent submergés par une myriade de choix d’un monde non structuré peuvent trouver un grand réconfort à étudier et explorer des voies alternatives avec lesquelles d’autres ont structuré leur vie. En lisant les biographies de gens qui ont choisi un chemin spécifique vers la grandeur et l’accomplissement, ces jeunes gens peuvent commencer à utiliser la bibliothérapie comme une méthode de compréhension que les choix sont autant de carrefours sur le chemin de la vie, dont chacun peut les conduire à leur propre sentiment de plénitude et d’accomplissement (Halsted, 1994). Nous avons tous besoin de nous construire notre propre philosophie de croyances et de valeurs qui formeront un cadre plein de sens pour nos vies.

Donc, ce en quoi je suis tout à fait d'accord, les biographies peuvent montrer l'importance de savoir faire des choix et ainsi nous aider à nous accomplir. Qu'y a-t-il de si "dangereux", où est le "risque énorme" d' "enfoncer le clou" ?
Sans forcément lire de biographies, la plupart des jeunes, surdoués ou non, admirent de "grands hommes", ou bien seulement des "stars". N'est-il pas plus dangereux qu'ils ne connaissent pas le parcours de vie de ces êtres supposés "extraordinaires" et de rester dans une totale idéalisation ?
Il me semble au contraire que les biographies - je ne parle pas des hagiographies de têtes de gondoles - montrent que les "grands hommes" ne sont pas si exceptionnels que ça : ils sont comme nous, ils ont des défauts, voire des tares franchement pas enviables, rencontrent des difficultés, même des échecs, etc. Ces personnes ont pu elles-mêmes manquer "d'assurance, de sécurité affective, d'estime de soi" et si elles ont su - pas toujours - dépasser ces problèmes, ce n'est pas grâce à des dons extraordinaires, mais par des moyens accessibles à tous.
J'ai très tôt lu les biographies des écrivains que j'aimais, je continue à le faire, et si c'est d'abord par curiosité, besoin d'approcher plus un écrivain que j'apprécie, c'est aussi parce que j'y trouve des réponses à des questions existentielles, j'y trouve des clés qui m'aident dans mon accomplissement (difficile, notamment parce que je n'ai pas réglé, malgré tout, cette question des choix : cela n'invalide pas du tout, à mon sens, l'apport encourageant et réconfortant des biographies).

[lobo]

Ce que je voulais souligner, A.O. Barnabooth, c'est que cette identification à des personnes illustres est à double tranchant.

Certes, ça paraît logique qu' un jeune (ou moins jeune ) surdoué s'identifie à des gens qui par leur intellect et leur travail ont contribué à de grandes réalisations. Bien sûr, ça constitue un exemple positif. Mais il y a des limites et des dangers dans cette identification. Je vais essayer de donner les raisons qui me poussent à croire ça :

- On ne donne pas les clés pour arriver à ces résultats.
- ça peut devenir un refuge idéalisé pour se protéger d'un monde et d'une vie qui semblent ne pas avoir de sens.
- En général, on a tendance à retenir les succès que ces gens ont obtenus après de longues recherches, parfois des errances, des tâtonnements. Le chemin qu'ils ont parcouru est moins connu que les résultats. Ces personnes sont illustres parce qu'elles ont accompli des choses extraordinaires, mais leur parcours a souvent été semé d'embûches, et ils ont dû trouver leur propre voie. Pas sûr que les solutions qu'ils aient trouvé eux soient reproductibles.
- à trop fixer sur une personnalité spécifique, on peut oublier sa véritable nature, et que sa propre imagination va peut-être s'exprimer d'une autre manière, ou dans un domaine un peu différent.
- De par leurs spécificités, les surdoués peuvent comprendre beaucoup de choses mais ont souvent du mal avec la spécialisation, le fait de creuser laborieusement un même sillon. Hors, pour arriver à être reconnu dans un domaine précis, il faut à priori avoir beaucoup de persévérance.
- Dans un domaine professionnel donné, il n'y a pas que les idées et les compétences qui vont être déterminantes pour que ses travaux soient reconnus. Il y a aussi des jeux de pouvoir. Telle personne saura avoir les crédits pour son labo de recherche, telle autre saura utiliser les travaux de ses collaborateurs, ou saura mieux médiatiser ses inventions ou ses productions artistiques. Ce n'est pas forcément ce qui anime un surdoué qui recherchera avant tout une stimulation intellectuelle et des défis constants à l'imagination.
- Si tous les génies sont probablement surdoués, tous les surdoués ne deviendront pas des génies.
- un but à atteindre n'est pas tout, il faut aussi savoir comment. C'est même le plus important. Du coup, un jeune surdoué aura à mon avis plus intérêt à mieux comprendre comment il fonctionne, comment il peut utiliser sa créativité et la développer, quels écueils spécifiques il risque de rencontrer, que de seulement avoir devant lui des modèles illustres mais aussi intimidants.
- un surdoué a tendance à comprendre beaucoup de choses d'un coup, avec beaucoup d'acuité et de maturité. D' où peut venir du coup l'impression d'avoir saisi l'essence d'une oeuvre, d'en être très proche. Pourtant, dans le domaine artistique par exemple, il lui reste à acquérir tout un savoir-faire. Là où quelqu'un de moins doué, dans la pratique d'un instrument par exemple, va patiemment découvrir le génie des grands musiciens à travers la pratique d'un répertoire, lui aura déjà saisi "trop" de choses et se trouvera très limité lorsqu'il s'agira de le retranscrire sur son instrument. La pratique, le savoir-faire, l'aspect manuel et concret des choses sera toujours plus long à maîtriser que la compréhension intellectuelle ( dissynchronie interne )

Voilà pourquoi il me semble que les enfants ont souvent plus à y gagner à pratiquer leur créativité dans pleins de petites choses que d'être confrontés directement à la grandeur (surtout si elle présentée comme le seul objectif vraiment valable )

[Grabote]

Il me semble que nous sommes toutes et tous différent.e.s, enfants et adultes, "surdoué.e.s "ou pas,
et que ce qui est bon pour moi ne l'est pas forcément pour toi ou pour ma fille .
À chacun.e d' expérimenter et de choisir ce qui lui fait du bien.
À nous parents d'accompagner nos enfants sur leur chemin sans (trop) leurs imposer nos choix ...