[Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

l'Humanité, L'Existence, la Métaphysique, la Guerre, la Religion, le Bien, le Mal, la Morale, le Monde, l'Etre, le Non-Etre... Pourquoi, Comment, Qui, Que, Quoi, Dont, Où...?
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silwilhith
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[Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par silwilhith »

J'ai hésité à le mettre dans la partie douance, ne sachant pas si c'est spécifique ou général :
Le Monde a publié dernièrement une fiche pratique pour rédiger une dissertation niveau lycée.
http://www.lemonde.fr/campus/article/20 ... 01467.html

Comme j'ai passé un Bac E je n'ai pas vraiment appris cet exercice. A la place j'ai appris le dessin industriel.
J'y vois une possible conséquence sur le mode de fonctionnement cognitif, et j'aurais aimé votre avis, si vous le voulez bien.

Ainsi que beaucoup de gens aiment à le faire en buvant un verre ou autour d'un bon repas, j'aime entrer dans des débats philosophiques, refaire le monde. Hormis que tout le monde ne partage pas ce type de distraction, il m'a été reproché quelquefois la manière de m'y prendre.
Cet article du Monde m'a interpellé dans ce sens.

En dessin industriel, mode conception, le processus que j'avais appris était le suivant :
{problème} -> {analyse} -> {idée(s)} -> {dessin} -> {critique} -> {modification éventuelle du dessin}
Si je comprends l'article sur la dissertation, le processus serait le suivant :
{thème} -> {problématique} -> {analyse} -> {idée(s)} -> {plan} -> {intro & conclusion} -> {développement}

Ramené à un débat entre amis, je me rends compte que je m'adonne à la critique une fois entendu l'intro et la conclusion de mes interlocuteurs. Tandis que lorsque j'expose une idée (un dessein ?) ils me donnent juste un avis bon/mauvais après m'avoir laissé parler, en plus de questions comme celles portées sur un essai.

Se pourrait il que nous soyons intellectuellement formattés par ces exercices scolaires ? :^)

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samjna
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par samjna »

Concernant la dissert et son historique et sa géographie:

Dissertation en dehors de la France
"Les universités américaines et britanniques ne pratiquent pas la dissertation (au sens qu'elle a pris en France), elle est plutôt remplacée par des résumés de lecture, des notes critiques, des discussions et autres essais littéraires (généralement appelés papers)."

Histoire institutionnelle de la dissertation en France
"À l'origine de la dissertation se trouve la disputatio médiévale (débat rhétorique oral sur les auteurs). La dissertation en latin n'apparaît qu'au XVIIe siècle. Elle remplace dans les universités l'ancienne disputatio, ou discussion orale des thèses.
La dissertation littéraire française remplace le discours comme exercice scolaire à partir de 1885, où une réforme de l'enseignement supprime l'enseignement de la rhétorique (réforme de Gustave Lanson). La dissertation philosophique est en usage dans les lycées depuis 1864. Elle s'étend à partir de ce moment aux disciplines connexes.
Le genre de la dissertation s'impose dans l'enseignement en France vers 1955 et reste encore aujourd'hui l'exercice de base des khâgnes (classes préparatoires littéraires A/L et B/L), des concours de l'ENS, du CAPES, de l'agrégation, etc"
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dissertation

****************

- Un but de l'enseignement de masse est de formater pour pouvoir comparer et classer les élèves selon les besoins estimés de la société.
- Un certain formatage aide la communication et permet, le goût du public étant formé, de trouver une belle allure à la moindre imbécilité si elle est dite dans ces formes.
- La technique de la dissert que présente Le Monde me semble en moyenne une forme aussi bonne qu'une autre pour mobiliser des idées. Je ne suis pas certain qu'il y ait eu sur le fond beaucoup de progrès depuis Quintilien.

Accessoirement, le formatage qui me semble le plus important et de loin, n'est pas la forme dans laquelle on va devoir présenter des idées, mais le répertoire d'idées auxquelles on a accès - ou qui sont imposées - et les façons de les relier: le cas limite étant la juxtaposition au hasard de trucs n'ayant rien à voir avec on ne sait quoi.
La forme d'une dissert me semble aussi bien pouvoir s'opposer à un formatage ( qu'il vienne d'un cours ou de la télé ) par le fait de devoir justifier ce qu'on raconte, que de le renforcer en donnant de l'allure à un fatras de lieux communs.

Ceci dit, mon expérience de la dissertation est minimale. Je ne me rappelle pas avoir jamais su exactement ce qu'était une dissert et je ne me suis illustré au lycée ni par ma présence, ni par le rendu de devoirs.
Je suppose que j'en ai fait quelques unes pendant le bac et que ce furent mes premières, ou du moins que quelques devoirs auraient dû prendre cette forme. Je savais quand même qu'il fallait faire une intro pour expliquer ce qu'on allait dire, et une conclusion pour dire en quoi on avait fini de le dire. Les profs qui m'ont corrigé n'ont pas dû attacher une grande importance à la rigueur formelle de l'exposition.
Pas sûr que c'était un WISC !

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Euthyphron
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Euthyphron »

Ne dites pas de mal de la dissertation, c'est grâce à elle que je peux manger mon pain quotidien :D !
Dans les faits, la dissertation de philosophie (la seule dont je peux parler correctement) reçoit fréquemment deux reproches contradictoires : selon les uns, elle est trop scolaire et bride la créativité, selon les autres elle est trop peu définie et les élèves ne savent pas trop comment faire.
J'avoue pour ma part être attaché à cet exercice, justement parce que ce n'est pas du formatage, et que ce n'est plus si courant dans les systèmes éducatifs d'aujourd'hui.
Pourquoi n'est-ce pas du formatage? samjna l'a bien expliqué en quelques mots.
samjna a écrit :
La forme d'une dissert me semble aussi bien pouvoir s'opposer à un formatage ( qu'il vienne d'un cours ou de la télé ) par le fait de devoir justifier ce qu'on raconte, que de le renforcer en donnant de l'allure à un fatras de lieux communs.
Il suffit d'ajouter que la première aptitude (justifier son propre discours) est valorisée alors que la seconde (que je traduirais par "baratiner") est sanctionnée négativement (dans les limites de la bienveillance due à tout candidat, cela va de soi).
D'une manière plus générale, la question est subsidiaire de celle-ci : "peut-on apprendre à réfléchir?"
Si l'on répond non, la dissertation ne peut alors qu'être formatage. Si l'on répond oui, alors la dissertation, dans la mesure où elle est un exercice de liberté (dont l'auteur endosse la totale responsabilité) a toutes les chances d'être bien adaptée à cette finalité.
Mais peut-on répondre non? D'où tirerait-on alors sa capacité de réflexion?

etirem
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par etirem »

Je viens de trouver cette citation par hasard, et j'ai pensé à ce sujet :
Onfray a écrit :
Dès votre plus jeune âge, l'école vous prend en charge pour vous socialiser, autant dire pour vous faire renoncer à votre liberté sauvage et vous faire préférer la liberté définie par la loi. Le corps et l'âme sont façonnés, fabriqués. On inculque une façons de voir le monde, d'envisager le réel, de penser les choses. On norme. L'écolier du primaire, le collégien, le lycéen, l'étudiant des classes préparatoires subissent l'impératif de rentabilité scolaire : les points à accumuler, les notes à obtenir, au-dessus de la moyenne de préférence, les coefficients qui décident de ce qui est important ou non pour bien vous intégrer, les livrets qui constituent autant de fiches de police associées à vos mouvements administratifs, les copies à rédiger selon un code très précis, la discipline à respecter dans le moindre détail, l'objectif du passage dans la classe supérieure, le théâtre du conseil de classe qui examine l'étendue de votre docilité, la distinction des sections en fonction des besoins du système, l'obtention des diplômes comme autant de sésames, même si, en soi, ils ne servent à rien : tout vise moins pour vous une compétence (sinon pourquoi n'être pas bilingue après sept années d'apprentissage d'une langue étrangère ?) qu'une mesure de votre aptitude à l'obéissance, à la docilité, à la soumission aux demandes du corps enseignant, des équipes pédagogiques et de direction.
Petit commentaire : On n'est pas que formaté par rapport aux dissertations.
Sir concision

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waldezign
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par waldezign »

La dissertation en soi n'est pas un problème, le problème vient du fait qu'elle est la seule forme d'expression enseignée (peu ou prou). Le fameux triptyque thèse antithèse synthèse est quand-même, je trouve, "un peu" dépassé (complètement largué, même). On devrait aussi/surtout noter les élèves sur leur capacité à inventer des formats d'expression.
Quant à la Philo, c'est dans son format un cours bien inutile, notamment pour les sections scientifiques ("ouais, sympa ton cours, mais je passe mon bac S cette année..."). J'en garde le souvenir d'une formidable perte de temps, probablement car cette matière arrive bien trop tard dans le cursus (genre: on ne peut pas parler d'idées et de concepts de pensée à des 6eme? n'importe quoi!)
S'il s'agit d'évaluer les capacités d'un élève à se plier à une méthodologie, c'est encore pire. Il faudrait plutôt juger les gens (enfants ou adultes) à leur capacité à inventer puis réinventer, puis adapter, améliorer des méthodologies propres, à communiquer sur ces méthodos, à les expliquer et les confronter. OK, je m'emballe.
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Euthyphron »

Juste un point factuel: il n'est absolument pas obligatoire de construire un plan thèse-antithèse-synthèse, et il n'est absolument pas question d'évaluer les candidats d'après des exigences méthodologiques.
En théorie, les véritables exigences relèvent uniquement de la rationalité. Une démonstration est rigoureuse ou ne l'est pas. Elle prend en compte les objections qu'on peut lui faire, ou pas. Elle analyse les hypothèses qu'elle critique ou pas. Elle dissipe les confusions conceptuelles possibles ou pas. Et caetera.
Dans les faits (est-ce un bien ou un mal, je ne me prononce pas) le sérieux (ou son apparence) est un critère très important dans l'optique du bac, en vue du maximum de réussite.
Quant à l'utilité de l'enseignement de la philosophie, il est utile quant il réussit, c'est-à-dire quand il apprend à penser par soi-même, mais il est inutile quant il échoue, tout simplement. Ce qui veut dire que chacun a sa propre expérience et qu'il serait dangereux d'en tirer des conclusions hâtives.

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Chacoucas
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Chacoucas »

Quand on vit quelques heures dans la gravité, on prend l'habitude de la gravité, on "est formaté" par la gravité. Monter sur un engin à roulettes ou glissant demande aussi une "prise d'habitude", un "formatage". Apprendre une langue, et un vocabulaire (par exemple: formatage: ça contient plusieurs sèmes (unités de sens) simultanés: - changement de forme -péjoratif (méthodes violentes ou "contre son gré", "en dépit de soi") - limitation etc. qu'on "associe" malgré soi: c'est le mot) "donne une forme" à la pensée et donc par essence la "limite" (une forme: c'est autant "la forme" qu'un choix de "ce qui n'est pas dans la forme": c'est une limite...).

"Faire", à l'échelle d'un être humain, ne serait-ce que "faire l'amour" ou "passer le balai" c'est "apprendre". Apprendre c'est se formater. Mais suggérer qu'"apprendre" est nécessairement mauvais et limitant n'est qu'une partie de la vérité. Pour peu que "vérité" désigne quelque chose.
C'est plutôt par la multiplication des apprentissages qu'on a des résultat positifs: le cerveau réagit bien au formatage, mais de multiples manières simultanément si on veut vraiment l'enrichir.

Apprendre à "tordre" ses idées en extrayant une problématique (unique... ça a ses défaut comme ses avantages) et organiser ses idées thématiquement pour répondre à cette problématique c'est une "méthode", ça sert un "but", comme ça en dessert d'autres. Savoir le faire par contre c'est quand même mieux... A soi d'être capable de savoir faire plusieurs choses, avoir plusieurs méthodes et savoir faire un choix "optimum" pour son but (j'illustre: problématique: formulation du but, choix de la méthode: chacune des thématiques...).

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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par waldezign »

Que dit wikipedia?:
"La dissertation telle que systématiquement et strictement appliquée dans le système scolaire est peu employée par les philosophes eux-mêmes. C'est en effet un exercice qui s'oppose spontanément au cours régulier de la pensée, en la "tordant" au service d'une problématique.

En dépit de cet artifice « intellectuel », l'avantage de la dissertation est de forcer son « attention » à ne rien oublier du sujet proposé. Tous ses aspects doivent être couverts dans l'introduction et poser un problème. En effet, toute dissertation repose sur une problématique, qui est issue d'une réflexion méthodique préalable sur le sens du sujet.

Les critiques à l'encontre de la dissertation touchent soit à son formalisme soit à l'organisation et à la visée de l'enseignement (purement philosophique, ou bien parfois général) qui prévaut en France.

Il est toutefois rare de lire des critiques publiques contre cet exercice, tant il s'est imposé dans les esprits et dans les faits comme un standard - parfois mythifié - du système scolaire français et du recrutement de ses élites."

ça vaut ce que ça vaut, mais je suis assez en phase.
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Chacoucas
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Chacoucas »

Il faudrait recadrer ce qu'on entend par "dissertation": en fac de Lettres on se retrouve avec 3 exercices aussi familiers que différents, mais globalement "problématique", "plan en parties thématiques", "conclusion" est un commun aux trois, la différence, c'est que la dissertation part d'une question générale (à soi de la nourrir de références), le commentaire composé part d'un extrait de texte (philo, poésie, théâtre etc.), on n'étudie donc "que" ce qu'on a sous les yeux. Et puis une autre version à partir d'une oeuvre précisée (un livre qu'on a eu le temps de lire). A ça on peut ajouter la "synthèse" des BTS, globalement familier, mais on part d'un "recueil" de documents de natures différents (article du monde, dessin de presse, tableau statistique, article philo, édito etc...), le travail étant de les lier par une problématique et d'organiser les informations par thèmes... pour répondre à cette problématique.
On peut probablement rajouter à ça "analyse filmique" et "étude comparée"...

Pour avoir passé un an au québec (avec des options de cours variées, plus encore qu'en France, et légèrement plus poussées/mais sur une durée plus courte... ça a avantages comme inconvénients: il y a une liste d'options à faire en 3 ans, première année ou 3ème année ont droit au même cours dans la même salle: mais si on fait linguistique sur 6 mois, on n'en parle plus pendant 2 ans et demi... en france c'est plus étalé sur la longueur... "par niveau"), les exercices demandés sont en effet différents, globalement souvent des "devoir maison" tapuscrits qui demandent un peu plus de temps que 4h... plus creusés donc mais pas fondamentalement différents. En réappliquant ma bonne vieille méthode apprise en france, je m'en suis très bien sorti pour les "devoirs" de type commentaire, compte rendu etc.

Suivant les matières en revanche on a des exercices plus variés (linguistique: outre des qcm, une enquête expérimentale à organiser... par exemple).

Le truc étant qu'en France on a tendance à "lier" les outils acquis (matières): dans un commentaire composé on utilise autant de la stylistique que de la sémiotique que de la mythocritique ou de la psychanalyse littéraire, on utilise ce qui sert pour "montrer" quelque chose, et on "mélange" ça dans une thématique. Au Québec on aurait tendance à plus "dissocier" encore les matière parfois. Prendre conscience du danger de cette approche est peut être plus long au québec; il faut 3 ans quand en france pour faire un commentaire on peut s'y confronter dès la première année. On a "plus de temps" pour s'y faire éventuellement. (et je défends rarement le système français... j'essaie juste d'être équitable dans le jugement de ce qui est ici appelé "dissertation").

Toujours pareil: une forme n'est jamais parfaite, elles servent un but, rien de plus. A soi de savoir faire plusieurs choses.

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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Euthyphron »

Pour ma part je comprends très bien qu'on déteste les dissertations. Il y a deux raisons à cela :
- cela rappelle l'école, et je comprends qu'on déteste l'école.
- c'est très humiliant, dans la mesure où on rencontre l'évidence de ses limites intellectuelles, fût-on un surdoué authentique, et d'autant plus qu'on est libre de ses méthodes.
Mais la dissertation accomplit une fonction, qui est sa seule justification : celle d'apprendre à organiser une réflexion autonome.
La supprimer ne laisse que deux possibilités : soit renoncer à cet apprentissage, ce qui va du côté du formatage, soit trouver un autre exercice qui puisse remplir la même fonction (dans l'enseignement philosophique français, c'est le cas de l'explication de texte, et c'est tout). J'avoue ne pas avoir très bien compris si ce que l'on faisait au Québec avait cette finalité ou pas. Il est sûr que varier les exercices ne peut être que positif sur un plan pédagogique, toujours dans l'optique de distinguer apprentissage et formatage.

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Chacoucas
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Chacoucas »

soit renoncer à cet apprentissage, ce qui va du côté du formatage, soit trouver un autre exercice qui puisse remplir la même fonction(...) J'avoue ne pas avoir très bien compris si ce que l'on faisait au Québec avait cette finalité ou pas.
Je ne me prononce pas, ça serait comme dire "en France les décisions ministérielles ramènent à fabriquer une nation de moutons sans aucune capacité critique"... avant d'affirmer ça il faut une réflexion et une étude sérieuse pour comparer l'historique de plusieurs systèmes éducatifs, mettre en rapport avec des données d'économie, politique etc... Je n'ai pas fait cette étude et je n'ai pas les informations pour la faire (et il me semble éminemment peu probable de pouvoir affirmer quelque chose d'aussi "carré" à la suite d'une étude complète). Simplement, donnée empirique: le système est différent (on a d'ailleurs beaucoup de matière "création littéraire" qui comptent avec un coefficient équivalent aux matières plus "critiques" et "théoriques", et 2 types de master: création (il faut écrire par exemple un roman/recueil de nouvelles accompagné d'une étude et justificatif critique de la démarche...) et l'autre que l'on connait en France: "recherche").

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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Euthyphron »

Ce poids de la création littéraire me semble très intéressant. Ce n'est pas du tout le cas en France, et c'est bien dommage (toujours dans l'idée de ne pas confondre enseignement et formatage).

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Chacoucas
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Chacoucas »

En effet... on ne peut pas vraiment "dire" de ce système de master création/recherche qu'on ne favorise pas la créativité (d'ailleurs de ce que j'ai vu, il y a beaucoup plus d'aides et ouvertures aux jeunes "pour le spectacle", scénario, humour, musique etc...).

En revanche (j'ai grapillé le max de cours de création que je pouvais: de scénario par une nana qui a gagné un simple concours d'écriture de scénario pour la radio... à un vieux prof plutôt pédant pour des truc plus académiques) on peut peut être reprocher le vieux "la créativité ça s'apprend pas"... Mais c'est un débat qui a le mérite d'être ouvert au moins, au sein même du système du savoir.

Par exemple: sans formation, en écrivant par goût, on finit par donner des cours à la fac dans son domaine de prédilection, quand la division des masters en France n'a donné que "recherche" et "professionnel"... dans le domaine des lettres: fonctionnaire de l'éducation nationale. L'approche est vraiment différente.

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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Mei Run »

Euthyphron a écrit : Mais la dissertation accomplit une fonction, qui est sa seule justification : celle d'apprendre à organiser une réflexion autonome.
Et ça me fait penser que la dissertation/commentaire/synthèse ou autre exercice d'analyse critique nécessitant de mettre en place une réflexion autonome et critique n'existe pas en Chine (ou peut-être, mais dans ce cas seulement dans certaines filières de fac et à partir d'un certain niveau).
L'école de la primaire au lycée est telle qu'un professeur dispense son cours non-stop, les élèves n'ont pas le droit de poser de questions, ils doivent copier et apprendre, appliquer en refaisant les exercices tels quel et apprendre. Basta. Et s'ils ne comprennent pas, cours supplémentaires à l'école du soir.
Il ne faudrait surtout pas que la population puisse développer un esprit critique trop poussé... ˆˆ
"Twenty years from now you will be more disappointed by the things that you didn't do than by the ones you did do. So throw off the bowlines. Sail away from the safe harbor. Catch the trade winds in your sails. Explore. Dream. Discover."

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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Euthyphron »

Merci pour ce témoignage.
En effet, même si cela fera peut-être rire certains, je crois fermement que la question de la dissertation est une question politique. :x

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Traum
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Traum »

Pour ma part, ce qui m'a toujours le plus interpellé avec la dissertation, telle que je l'ai rencontrée dans mes cursus (et dans les cours que j'ai dispensés auprès de mes ex-élèves), c'est son format : idéalement trois parties, trois sous-parties, une introduction, une conclusion, des transitions… avec parfois la minutie (ou la maniaquerie, c'est selon) de l'enseignant poussée jusqu'à nous décrire comment « remplir » un paragraphe…
Ce qui m'a le plus gênée avec la dissertation, ce n'est pas ce qu'elle proposait : à savoir de réfléchir, mais comment elle le proposait… D'autant que, malheureusement, c'est bien souvent dans son format que les élèves se perdent et ils oublient que l'essentiel est ailleurs… Aussi l'idée qui vient est bien plus : comment faire pour produire une belle dissertation dans la forme… (Bon, de ce que j'ai pu constater, les mauvaises dissertations pêchaient tant par leur forme que par le contenu…)

Un de mes enseignants de philosophie avait (enfin !) eu une manière intéressante de présenter la dissertation : qu'importe le nombre de parties, de paragraphes… si tout avait un sens, que tout était à sa place, que cela suivait le fil de notre réflexion… En soi, il se moquait bien que nos dissertations aient trois parties, quatre, ou même cinq. Il ne nous demandait rien de rigide. Il nous demandait (vraiment) de réfléchir.
Certes, certes, j'étais en classe préparatoire, j'étais déjà passée sous les fourches caudines de la dissertation enseignée au lycée. J'étais déjà en soi un peu formatée à cet… exercice.
Et puis, au fond, ça ne correspondait pas aux canons de la dissertation tels qu'enseignée au lycée. (Je ne sais pas si cela passait au concours, vu que j'ai refusé de faire ma khâgne par peur.)

On parle dissertation mais je pense aussi à un autre exercice que je connais certainement encore mieux et dont je crois savoir qu'il est pratiqué autrement aux États-Unis : la dissertation française. Un autre grand morceau de style et dont le format est fort similaire à celui de la dissertation, même si son but est tout autre en soi. On a des critères fort précis : il faut que ce soit le texte, le texte, tout à partir du texte… là où aux États-Unis, par exemple, on part de soi et de ce que le texte provoque en soi (du moins, on peut). (Faites cela en France directement dans votre copie et ça ne passera pas. On vous demande de vous servir de cela pour trouver dans le texte ce qui justifie ce qui vous émeut et vous parle et de travailler ensuite là-dessus.)

Oui, ça formate. L'exercice d'écrire une dissertation formate. Je ne sais pas si ça force à ne rien oublier. J'ai le souvenir douloureux d'avoir à trier, organiser, réorganiser… d'avoir l'impression que mes idées devaient passer dans le lit de Procuste de la dissertation… et puis bien sûr, il fallait réfléchir de manière académique…

Au-delà de la forme de la dissertation, qu'est-ce qui formate ? Un peu tout… Toute formation formate. Certaines plus que d'autres sans doute. Le tout étant le plus souvent d'en être conscient et de pouvoir déconstruire si on le souhaite.
En soi, il n'y a rien de pire que les gens qui nient le formatage que peuvent leur imposer leurs parcours, leurs études… Je pense notamment aux études que je suis à l'heure actuelle, qui sont un mélange de rigueur, de sérieux, de remise en question, d'ignorance, de tradition (tel truc, ça se fait comme ça parce que… c'est comme ça et puis point barre…) et de formatage (« il faut que ça devienne sous-cortical »). Et moi, avant, j'ai été formatée à tout sauf à ça…

Oui, la dissertation formate parce qu'elle impose un cadre que (pour ma part) j'ai toujours trouvé trop strict et que le format trois parties-trois sous-parties parfois justifiés par certains enseignants par des arguments à mes yeux discutables, ce format, donc, me paraît réducteur… et impropre parfois à servir la pensée.
« Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. » Mark Twain

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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Euthyphron »

Je te remercie pour ce message constructif, mais je voudrais faire deux remarques.
1) Tu parles au fond de deux professeurs de philosophie, le second ayant contredit le premier. Je peux te garantir que c'est le second qui est dans la norme. J'entends par "la norme" ce qui est imposé comme critère d'évaluation à l'examen, et aussi ce qui est indiqué dans les textes officiels.
Il faut cependant distinguer ce qui relève de la règle du jeu et ce qui relève de la stratégie. Ton premier professeur a pu estimer, à tort ou à raison (à mon avis à tort mais peu importe mon avis), qu'il fallait imposer une tactique aux élèves, le 3-3-3 si j'ai bien compris :D , sans doute pour les rassurer, peut-être pour les formater oui, mais c'est son choix, cela ne fait pas partie de la nature de l'exercice.
2) Tu confonds (volontairement ou non, je n'en sais rien) formatage et apprentissage. Evidemment, la dissertation requiert un apprentissage, cela me semble aller de soi. Mais le formatage c'est autre chose. Un formatage vise à formater (vive La Palisse!), c'est-à-dire à dispenser de réfléchir.
Le formaté applique la règle par automatisme. L'apprentissage vise à ce que l'apprenti puisse choisir lui-même les bonnes règles, adaptées à la finalité de son art.
Eduquer exclusivement par formatage m'apparaît donc, pour cette simple raison, un crime contre l'éducation.
Je comprends néanmoins qu'il y a deux raisons pour un professeur de préférer le formatage à l'apprentissage. La première est que c'est plus facile pour lui. Au pire, cela peut être le seul moyen de masquer son incompétence, et de se rendre utile quand même. La seconde est que les élèves sont demandeurs, sauf peut-être en série littéraire.
Mais ceci ne fait que me fortifier dans la résolution de défendre la dissertation.

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pairlapinpin
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par pairlapinpin »

La question est-elle : la dissertation telle qu'enseignée à l'école a-t-elle un d'effet à long terme sur notre façon de penser ?
Si oui, je dirais non et oui. Mais je n'en sais rien, et comment en rendre compte objectivement ?

Si la question est plutôt de savoir si certains ici se sentent à l'aise avec l'exercice et d'autres non, alors je peux témoigner de mon ennui à suivre cet exercice, pour deux raisons. La première, à cause des sujets "cousus de fil blanc", qui n'incitent pas à la réflexion, mais à produire une prose qui indique que, oui, j'ai bien compris le problème posé. Je comprends l'intérêt de cet exercice de communication, ennuyeux, donc. La seconde est que, tel que je l'avais compris, il nécessitait une prise de position. Or il me semble beaucoup plus intéressant de faire vibrer des familles de théories, pour en sentir, à un moment, les invariants, puis de focaliser sur ces points et tenter de les déployer pour voir ce qu'ils ont à nous dire, sur nous, sur le monde, etc. Pour ma part, je ne sais pas adopter cette attitude d'exploration, et, dans le même temps, séquencer ma pensée pour la rendre rationnelle et transcriptible. Par ailleurs, la prise de position n'est pas toujours évidente. Et lorsque cette position à prendre n'apparaît pas clairement, viser le compromis du consensus n'est pas plus attirant.
À l'inverse, je trouve que l'idée de la transmission d'une thèse est intéressante, pourvu qu'on en ai une à transmettre. Exiger de quelqu'un qu'il en produise une dans un délai réduit me paraît périlleux et idiot. L'expression "prendre le temps de réfléchir" illustre ce point. En enlevant la contrainte temporelle, on permet, peut-être, en respectant une convention de structuration, de maximiser la chance de voir son message compris, et d'éviter que des pans démonstration soient oubliés, en s'assurant de l'argumentation de ses hypothèses.
Il semble que, finalement, la dissertation soit à la fois un outil utile à l'expression d'une pensée compréhensible, qui peut être utilisée de manière itérative pour construire une compréhension plus vaste d'un sujet, tout en limitant la bêtise dans sa rigueur structurelle, et dans le même temps un cadre qui par principe coupe l'élan de l'intelligence dans sa partie intuitive et émotionnelle, brisant alors l'analyse non verbale et non séquencée en une queue-leu-leu de mots irritants.
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Traum
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Traum »

Je ne parle que d'un professeur de philosophie : de mon enseignant d'hypokhâgne B/L (ça date de dix ans maintenant…). J'ai dû faire des dissertations en philosophie mais, comme il n'y a pas qu'elle dans la vie, aussi en lettres, en histoire, en géographie… Et la forme que j'évoquais reste un canon dans la plupart de ces disciplines.

Je ne pensais pas au seul apprentissage de la dissertation… mais à ce que cela peut éventuellement induire…
Un apprentissage, ça donne une forme, ça peut aussi (un peu) déformé, pré-former… induire quelques automatismes… c'est un peu là-dedans que je comprends le formatage.
Et si on en croit le Petit Robert 2006, « formater » est juste un terme d'informatique signifiant « donner un format à un support de données ». Cela n'implique pas nécessairement une dispense de penser. Du moins ce n'est pas qu'une dispense de penser. C'est un cadre.
Mais je suis sûre que l'on pourrait faire une dissertation de philosophie sur ce qu'est que formater…

Ceci dit, j'avais, au moins quant à la philosophie, totalement adhéré à la proposition de mon enseignant d'hypokhâgne : je la trouvais juste par rapport à la discipline et juste dans la manière de construire et de faire cheminer le procès de penser. C'est son modèle à lui que j'ai suivi dans le supérieur lors de mes rares dissertations de philosophie (quelques unes quand même, en lettres et en psychologie) et puis je trouvais ça juste… juste et juste « naturel ».
La gangue en trois parties-trois sous-parties me paraissait à cet égard fort réductrice… (Et l'est. Quelle que soit la discipline, à mon sens.)

Mon enseignante de terminale de philosophie n'était pas une bonne enseignante… et malheureusement j'ai un assez mauvais souvenir du programme (j'ai un bac ES).

(N.B. Même si on pouvait s'en douter fort à la lecture de tes posts, j'ai été quand même vérifier dans ta présentation que tu étais bien enseignant de philosophie. ;)
Tous mes respects. C'est une discipline souvent mal aimée, souvent mal enseignée — en tout cas mal comprise — mais j'ai eu la chance de rencontrer quelques brillants enseignants dans le supérieur, et pour ma part pas le courage à une époque et plus tellement le temps maintenant de me pencher dessus…)
« Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. » Mark Twain

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Euthyphron
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Euthyphron »

Je te remercie Traum, pour ton amabilité, et je vois que nous sommes d'accord, je crois.
pairlapinpin a écrit :La question est-elle : la dissertation telle qu'enseignée à l'école a-t-elle un d'effet à long terme sur notre façon de penser ?
Je ne pense pas que ce soit la question. Sinon, la réponse est forcément oui, mais demande une question subsidiaire : lequel? dont une version est l'alternative suivante : formatage ou formation de l'esprit? ce qui est cette fois la question telle que je la comprends.
pairlapinpin a écrit :Il semble que, finalement, la dissertation soit à la fois un outil utile à l'expression d'une pensée compréhensible, qui peut être utilisée de manière itérative pour construire une compréhension plus vaste d'un sujet, tout en limitant la bêtise dans sa rigueur structurelle, et dans le même temps un cadre qui par principe coupe l'élan de l'intelligence dans sa partie intuitive et émotionnelle, brisant alors l'analyse non verbale et non séquencée en une queue-leu-leu de mots irritants.
Je dois accorder quelque chose aux adversaires de la dissertation, ou même à ceux qui sont simplement un peu rétifs. C'est que la dissertation a part à la censure.
Oui il faut se censurer soi-même, et l'équilibre n'est pas toujours facile à trouver, même si un peu de bon sens devrait suffire. Un peu d'humour, soit, mais pas toute une série de grosses blagues lourdingues. Un peu d'anecdotique, mais à condition d'en retirer quelque chose qui le soit moins. Une démarche personnelle, mais pas question de raconter sa vie, etc.
Bref, il faut se montrer sérieux.
L'objectif est évidemment légitime : il faut éviter que la réflexion soit parasitée par tout ce qui ne lui apporte rien.
Mais alors tu poses un vrai problème : qu'advient-il des émotions? que faire de ce que tu appelles la partie intuitive et émotionnelle de l'intelligence?
Il est clair que pousser un coup de gueule ça ne se fait pas.
Mais c'est peut-être qu'il y a mieux à faire de ses émotions ou de ses sentiments que simplement gueuler. Si quelque chose me touche, j'ai envie de le comprendre, et de rendre justice à ce que l'émotion manifeste d'authentique. L'émotion, comme son nom l'indique, est un moteur de la réflexion, et la réflexion n'a strictement aucune raison de considérer comme nul et non avenu le sentiment qu'inspire un sujet. Je crois qu'il est au contraire très précieux d'apprendre à faire le lien, à mettre de la pensée claire dans ses émotions, et à rendre justice à ce qui est vraiment important dans son travail de pensée.
Exemple : soit le sujet "faut-il être connaisseur pour apprécier une oeuvre d'art?"
Si quelqu'un écrit : "Je suis un grand artiste et j'emmerde la société et ses normes à la con. Ma dissert s'arrête là!" j'apprécie vivement l'absence de fautes d'orthographe ainsi que la pertinence du propos par rapport au sujet mais c'est sans remords que je mettrai une note on ne peut plus basse.
En revanche, je serais déçu, et je trouverais même qu'il manque vraiment quelque chose, si l'élève dissertant négligeait totalement ce qu'il y a de choquant à réserver le plaisir esthétique à une minorité "bien élevée". Quand bien même la copie serait impeccable, la non prise en compte d'un sentiment légitime et dont le sujet parle en creux serait une déception pour le lecteur.

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Palinure
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par Palinure »

Bah la dissertation était pour moi un exercice périlleux jadis (du fait de ma pensée multiple je partais hors des sentiers battus souvent) c'est pourquoi au bac de français j'avais opté pour le commentaire composé, un choix positivement récompensé.

Cela dit je pensais ne plus revenir sur cet exercice, or reprenant mes études en M2, je m'y suis remise et en ayant désormais une trentaine à mon actif je m'y amuse bien car je sais ce qui y est attendu dans la forme qui est en effet formatée. Je les rédigeais à l'ancienne c'est-à-dire sans y indiquer les titres, offrant ainsi au lecteur une masse écrite de dix pages. j'ai assez rapidement compris de par les commentaires laissés qu'il fallait faciliter l'accès au texte en identifiant d'emblée les titres et sous titres. Et oui le lectorat fut il universitaire n'aime pas trop se plonger manifestement dans un texte, le temps étant peut être compté. Je m'y suis donc appliquée avec des résultats immédiats (+ 2 points en moyenne dans la notation). Voilà pour la forme (en 2 parties si possible)...

Quant au fond, je ne me limite pas. Je saisis le sujet et m'en empare le tout étant ensuite de démontrer le résultat de cette appréhension et donc je suis le fil de cette démonstration pas à pas. Je reste donc créative et accorde un fameux crédit à la forme qui donne corps à la pensée et connaissances ainsi livrées.

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pairlapinpin
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Re: [Cognition] Est on formatté par les dissertations ?

Message par pairlapinpin »

Euthyphron a écrit :formatage ou formation de l'esprit? ce qui est cette fois la question telle que je la comprends.
J'aime bien ta reformulation, que je ressens comme : "formatage = suppression ; formation = ajout", qui mène à l'idée qu'une boîte à outil de plus, ça ne gêne a priori pas, sauf si on prend tout ce qu'on voit pour un clou. J'adhère au côté formation : ça colle. Toutefois à l'origine, dans la question posée j'ai lu :
silwilhith a écrit :J'y vois une possible conséquence sur le mode de fonctionnement cognitif
Et là, j'y voyais l'idée d'une déformation (ou adaptation, ou évolution, ou changement) du mode de pensée[*]. J'y répondais immédiatement "non" (le "non" de "non et oui"), tout en admettant (le "oui") tout de même qu'on puisse durablement être influencé par la présence de la boîte à outils, au même titre qu'un appartement meublé avec charme est différent du même appartement vide : il reste cependant un appartement (en béton, avec N pièces, l'entrée est là, il est à tel étage donc il faudra raisonnablement y parvenir en montant l'escalier, etc.), il n'est pas modifié dans sa nature d'appartement.
Pour le dire autrement, et utiliser d'autres mots cloisonnants, la dissertation ne fera pas un séquentiel logico-mathématique d'un intuitif baignant dans ses perceptions foisonnantes (je ne trouve pas le bon mot. Entre perception et émotion : ressenti ?). En ce sens, elle n'a pas de conséquence sur le mode de fonctionnement cognitif. Évidemment, elle constitue un cadre, qui, correctement manié, peut aider. Et utiliser des outils pour mettre à plat la pensée, il y en a d'autres, ne serait-ce que dessiner, relier. Mais je t'accorde que ça constitue rarement une démonstration, et qu'il faut bien exprimer la logique. Personnellement, j'ai réglé le problème : en informatique, qui est mon domaine professionnel, je peux utiliser de nombreux mécanismes pour exprimer des idées (objets, relations statiques entre eux, relations dynamiques, etc.) sans avoir à écrire des phrases. Les rares fois où convaincre d'un choix technique est nécessaire, une forme synthétique telle qu'un tableau fait l'affaire. Au final, ce qui comptera, de toute façon, en grande partie, c'est ce que les gens pensent de vous, et non pas de ce que vous dites[**]. Je ne fais peut-être qu'exprimer longuement que l'outil dissertation n'est pas le multifonctions idéal qui répond à toute attente dans un monde qu'on jugerait imparfait.
J'avoue par ailleurs que j'ai tenté l'exercice de la démonstration écrite, plusieurs fois, depuis un an, dans mon coin, et que le résultat m'apparaît assez pitoyable à chaque fois. Je trouve la séquence hiérarchisée assez impitoyable, elle, alors évidemment quant aux idées exprimées, mais aussi sur la manière de les exprimer. Ce qui m'est apparu à la lecture des textes, c'est qu'il allait falloir bosser, et bosser pas mal, pour élever le niveau, et du coup : sclérose, aphasie. Et c'est justement quelque chose contre lequel je me bats, pour m'autoriser à redécouvrir et à prendre le nécessaire plaisir de l'apprentissage en marchant et des essais/erreurs. Le laisser aller pour donner la chance à de l'imprévu de s'écouler, et de faire l'objet de vivisections, éventuellement collectives (disons à deux).
Euthyphron a écrit :Un peu d'humour
Je ne me place pas dans un contexte scolaire, qui, m'a-t-il semblé (gros jugement inside™), ne laissait pas grande place à l'humour, mais plutôt à :
Euthyphron a écrit :Bref, il faut se montrer sérieux.
Ce qui peut se faire également avec humour, même beaucoup. Je me place ici dans le contexte, initialement présenté, d'une discussion sinon d'un
silwilhith a écrit :débat entre amis
. Et d'ailleurs ça m'amène au constat que je ne connais personne qui parle sous forme structurée (séquence, hiérarchie), sinon d'une réflexion que cette personne aurait eue en amont de la discussion, et qu'il devient alors possible de présenter, de confronter, de démonter par bouts, mais j'ai du mal à croire qu'un auditeur s'arrête de penser suffisamment longtemps et avec suffisamment de mémoire pour ingurgiter une dissertation lors d'un repas entre amis. La gueule du repas...

Finalement, de quoi parle-t-on ?
J'ai l'impression que, pour ce qui me concerne, j'ai loupé une marche : est-ce de la dissertation en tant qu'objet formatant la pensée et ne permettant plus, incidemment, l'expression, dans un contexte de discussion, d'une pensée qui ne suivrait plus le cadre de la dissertation, et je réfute cette thèse (l'appartement, oui, bon), ou qui restreindrait les capacités d'analyse d'un interlocuteur, coincé dans son habitude, et ça me paraît douteux également (inapplicable en discussion, à voir). Ou bien est-ce de la dissertation comme cadre d'expression écrite, permettant l'énoncé structuré d'une pensée qu'on peut du coup analyser, en considérer la portée, la cohérence, etc.
Euthyphron a écrit :Je crois qu'il est au contraire très précieux d'apprendre à faire le lien, à mettre de la pensée claire dans ses émotions, et à rendre justice à ce qui est vraiment important dans son travail de pensée.
Ça s'applique à tous ? Donne-moi un message d'espoir, stp !

Euthyphron a écrit :En revanche, je serais déçu, et je trouverais même qu'il manque vraiment quelque chose, si l'élève dissertant négligeait totalement ce qu'il y a de choquant à réserver le plaisir esthétique à une minorité "bien élevée". Quand bien même la copie serait impeccable, la non prise en compte d'un sentiment légitime et dont le sujet parle en creux serait une déception pour le lecteur.
Voici une manière élégante, qui permet la critique constructive, de dire que, cette copie, c'est de la merde.

[*] Je suis probablement influencé par cette définition du formatage. Dans ce contexte, le formatage consiste à faire d'un substrat librement utilisable, un autre objet conservant les propriétés du substrat, mais auquel on accède de manière très dirigée, très limitée, et, peut-être, très efficace. La dissertation est alors un formatage de haut niveau, un moyen d'interfacer ce qui est contenu avec ce qui souhaite obtenir le contenu. La différence entre notre esprit et la disquette est notre chance de pouvoir nous interfacer de manière différente : disserter, sauter de joie, grimacer, dessiner, écrire sous une autre forme que la dissertation, agir, etc.
A posteriori, j'ajoute que le formatage n'exclut pas l'originalité. Exemple : le sonnet. J'ajoute également qu'on peut développer un esprit critique (ou constater son existence, je ne sais pas), sans porter aux nues un format d'écriture. Exemple : le dialogue contradictoire (purée, y'a une théorie là-dessus aussi). Je constate que j'utilise le dialogue (intérieur) pour la contradiction, et que le résultat des itérations ne s'inscrit donc pas dans un 3-3-3, et que parcourir le chemin à l'envers m'est bien difficile (impossible).
[**] c'est une généralisation grossière, rarement mise à mal par une honnêteté intellectuelle rafraîchissante.

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